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jeudi 25 avril 2019

VIOLS ET PSYCHOPATHIE

  droitenfrancais       jeudi 25 avril 2019


VIOLS ET PSYCHOPATHIE




VIOLS ET PSYCHOPATHIE


                            VIOLS ET PSYCHOPATHIE


Le terme de déséquilibré psychique ou de psychopathe recouvre une entité ambiguë mais certaine, difficile à définir et qui, de ce fait, devient une catégorie « fourre tout ».
La psychopathie ne se décrit pas en termes de symptômes, de structure ou de mécanismes de défense mais en termes de comportement.
C’est donc la trajectoire vitale d’un individu qui permettra de parler de psychopathie en sachant que celui-ci est sous la dépendance de certains types de comportement stéréotypés, inévitables et chroniques.

Le déséquilibré, comme l’écrit Sutter « est dans l’impossibilité de suivre un plan d’existence harmonieux conforme à ses intérêts et aux exigences de la vie en société ».

Trois grandes caractéristiques se retrouvent chez le sujet psychopathe :
- l’incapacité de s’adapter aux règles, aux lois et aux contraintes
- l’impulsivité, facilitant le passage à l’acte immédiat et non réfléchi
- l’impossibilité de tirer un enseignement de l’expérience et se prémunir contre les récidives d’un comportement préjudiciable.




Une instabilité professionnelle, sentimentale et sociale sont constantes.
L’impossibilité de supporter les contraintes, l’intolérance à la frustration et le passage à l’acte immédiat rendent compte des inévitables conduites déviantes socialement ou médico-légales.

Les individus psychopathes sont insensibles aux menaces et aux répressions sociales et répètent indéfiniment les mêmes erreurs, sans pouvoir stocker une expérience ni anticiper les conséquences de ses actes.

Tels sont les grands aspects de la psychopathie qui conduisent inévitablement à une existence marginale. On l’appelle encore névrose de caractère car c’est une organisation pathologique, sans symptôme défini, avec un certain archaïsme des investissements affectifs, une pauvreté des échanges avec autrui, une rigidité des conduites fondées sur la répétition. Le fait fondamental est l’égosyntonie, c'est-à-dire que le sujet n’éprouve ni conflit, ni angoisse dans son fonctionnement mental.

  M.D. , âgé de 46 ans , est condamné à 18ans RC pour viols, agressions sexuelles et menace de mort faite sous condition et en récidive.

LES FAITS

Le 10 novembre 1995, Mme C. et l’éducateur de son fils se présentaient à la brigade des mineurs pour dénoncer des faits de viols et agressions sexuelles sur ses enfants.
Le jeune garçon, âgé de 10 ans, expliquait avoir été victime d’une tentative de sodomie par son oncle, hébergé provisoirement dans la famille, et avoir dû pénétrer analement M.D. avec ses doigts, sous la menace.
Sa sœur, âgée 12 ans dénonçait des tentatives de pénétrations vaginales.
Il n’était pas possible de procéder immédiatement à l’audition de l’accusé, celui-ci se trouvant incarcéré pour des faits de viols. Mme C. déclarait craindre de manière très vive les réactions de M.D. à sa sortie de détention.
Dès qu’il fut possible de l’interroger, M.D. dira simplement :
« C’est vrai ce qui s’est passé, c’est l’alcool et les comprimés qui m’ont amené à faire ça sur les enfants, ça me faisait perdre la boule, plus j’étais angoissé et plus je buvais. Je ne sais pas pourquoi c’est venu sur les enfants, la promiscuité peut être, c’est l’occasion qui fait le larron »




 Le 23 juin 1995, à bord d’un véhicule qu’il venait de dérober, M.D. avait accosté deux jeunes filles qui rentraient à pied chez elle et leur avait proposé de les rapprocher de leur domicile. En chemin, il s’était arrêté dans un champ et sous la menace d’un couteau à cran d’arrêt avait violé et sodomisé une d’entre elles avant de les laisser repartir.
Intercepté par la police, il dira : « tout ça c’est du bluff, je n’ai pas de couteau et les connes, elles l’ont cru. Il y en a une qui était consentante, ce n’est pas un viol. »


M.D. a eu de multiples incarcérations de 1973 à 1995, pour attentat à la pudeur, tentatives de viols, proxénétisme.
Les faits de viols et agressions sexuelles s’inscrivaient dans un ensemble comportemental de délinquance commencé très jeune et s’accentuant au fil des ans malgré les peines infligées.
Dès l’âge de 10 ans, M.D. s’était signalé aux autorités judiciaires pour avoir mis volontairement le feu dans la grange d’un voisin.
Il n’avait pas cessé de récidiver par la suite : vols de vélos, de pièces détachées, de fleurs dans les cimetières pour les revendre.
Dans le même temps, scolarité médiocre avec plusieurs changements d’établissements et renvoi à 14 ans pour avoir frappé son directeur.
Placé dans un foyer de l’Aide à l’Enfance, il n’y resta que quelques jours avant de fuguer et sera incarcéré, à 15 ans, pour 4jours dans une Maison d’Arrêt.
A peine sorti de prison, il s’était installé chez une amie de sa mère, âgée de 30 ans, en instance de divorce,  avec laquelle il aura une fille qu’il n’a pas reconnue.
A 16 ans, il est retourné en prison pour une courte peine puis régulièrement pour une série de vols et d’agressions sexuelles à répétition.

PERSONNALITE DE M.D.

Elevé dans un climat de mésentente familiale, de scènes violentes entre les parents, M.D. s’est trouvé en conflits ouverts avec son père alcoolique, brutal et sadique vers l’âge de 10 ans.
« Jusqu’à l’âge de 15 ans, cela a été la catastrophe et à 15 ans, je me suis révolté et je lui ai tapé dessus et j’ai été tranquille. Ma mère était douce et me donnait toujours raison. »

M.D. est un individu déséquilibré mental, ce qu’on appelle un psychopathe. Ses troubles pathologiques sont nombreux, c’est un inadapté social.

Traits de caractère psychopathiques :
- c’est un dysthymique : l’humeur présente des variations anormales, brutales, superficielles, rapides et objectivement peu motivées ;

- les troubles caractériels sont intenses avec irritabilité, susceptibilité, hyperémotivité ;

- Il fait preuve d’immaturité affective qui s’exprime dans des tendances sado-masochistes dans ses paroles et ses actes ; il éprouve le besoin de faire souffrir les autres et réagit violemment et avec colère si on le met en cause ;
 - C’est un mythomane qui arrange la réalité selon ses intérêts. Il sait séduire et manipuler affectivement les autres en vue de bénéfices pratiques.

En résumé, les conduites psychopathiques sont généralement guidées par l’agressivité, l’impulsivité, la violence, l’absence de sens moral, l’instabilité, la tendance au passage à l’acte, l’intolérance à la frustration, l’ancrage dans la marginalité, la délinquance et la toxicomanie.
M.D. revêt ces différents caractères. Son évolution est marquée par une constante répétition d’actes transgressifs et une escalade dans la gravité des faits.

Il n’éprouve aucun sentiment de culpabilité et de remords et garde en toutes circonstances une attitude provocatrice et  insolente, accusant la société d’être la cause de toutes ses difficultés.





AVIS D’EXPERT

A la différence de plusieurs experts ayant noté que M.D. était inamendable et incurable, un expert a pointé des aspects permettant de mieux comprendre le fonctionnement de ce type de personnalité et les leviers éventuels de traitement.
Il a pointé les nombreux tatouages illustrant les bras, le torse, les mains et même le visage de l’individu. Ces tatouages racontent l’histoire et la vie de M.D. comme s’il lui fallait marquer quelque part les ressentis de son existence pour s’en souvenir car, en effet, le psychopathe manque d’imaginaire :
- ses amours (d’abord maman puis le prénom des femmes aimées), 
- ses angoisses (le diable, l’enfer, le feu)
- ses idéaux (l’aigle, le lion, l’ange)
-ses haines (d’abord son père puis la police)

L’expert a noté ensuite « un vécu douloureux de mal aimé, d’écorché vif avec une trop grande sensibilité aux frustrations et un mauvais contrôle émotionnel, peu capable de nuances. Impulsif, violent, s’il se sent rejeté, il ne se laissera pas faire en situation conflictuelle. »
Il a noté un sens moral inéduqué mais aussi une quête intense d’aide mal formulée. Le comportement de M.D. intervient en fonction des autres et il craint par-dessus tout l’isolement et la solitude. «  La primodélinquance a  été réactionnelle au rejet du père car étant mineur, il désirait lui attirer des ennuis et à la tolérance excessive de la mère. Par la suite, comportement abandonnique et délinquance de caractère pouvait s’apparenter à un suicide social. »

Cependant,  M.D. ne peut pas être classé parmi les personnalités antisociales décrites dans le DSM IV ; Ce type de personnalité a des traits communs avec la psychopathie ( mépris et  transgression des droits d’autrui, agressivité, irritabilité, impulsivité ) mais suppose une personnalité suffisamment structurée pour faire le choix de la délinquance volontaire et le refus de se conformer aux normes sociales pour en tirer des profits (braquage de banques par exemple)
Ce n’est pas le cas de l’individu psychopathe, mal structuré et incapable de faire des choix et se laissant mener par les événements et les circonstances.
Certains auteurs ont noté que la réaction antisociale fait partie du développement normal de l’adolescent et se manifeste parfois par des comportements destructeurs, la remise en cause de l’autorité parentale et sociale. Cette réaction s’inscrit dans une démarche positive de l’affirmation de soi dans le développement infantile.
Mais la continuité de ces comportements à l’âge adulte et la répétitivité des passages à l’acte posent la question du déséquilibre mental qui serait un mode de fonctionnement au long cours, visant à la transformation de la réalité en vue de satisfactions immédiates.

APPROCHE PSYCHODYNAMIQUE DE LA PSYCHOPATHIE

Le destin psychopathique se scelle essentiellement dans la première enfance, en particulier les premiers mois de la vie de l’enfant.
Il est fait violence à l’enfant dans un temps très précoce, archaïque de son développement, dans ce temps pré-verbal où il est encore confondu et assujetti imaginairement à sa mère.

Les rapports entre psychopathie et carences maternelle et familiale très souvent mis en avant, pointent en général l’aspect déficient de la famille et des modèles parentaux dans l’éducation.

A l’inverse du manque, il est nécessaire de souligner le « trop plein » d’apports de ces familles dans leur mode de fonctionnement :
- trop plein de jouissance apporté au bébé avec la satisfaction anticipée de ses besoins immédiats, ce qui le ferme à l’expérience du manque et par conséquent à l’imaginaire et à l’émergence du désir. Le psychopathe ne sait pas rêver, anticiper la satisfaction attendue car sa psyché est restée au niveau du besoin et non du désir.
Il cherche toujours la satisfaction immédiate de ses besoins et n’a pas appris à les différer, à les exprimer en demandes et encore moins en désirs.

-  trop plein d’agir à la place  de la parole et du langage d’échanges. Toute communication passant par les gestes peut apporter des formes d’excès de mauvais traitements mais aussi  des manipulations  de surstimulation du corps de l’enfant, pouvant aller jusqu’à la manipulation incestueuse.

- trop plein de complaisance, de surprotection, de tolérance de la part de la mère, s’érigeant  en  force toute puissante et illimitée face à un père disqualifié et nié dans sa fonction paternelle.

- trop plein d’autoritarisme, de violence de la part du père qui se disqualifie lui-même en revendiquant par la brutalité sa place de père et peine à se faire reconnaître porteur de la loi.

Dans ces conditions, le sujet  est  maintenu aliéné dans cette double menace de l’emprise incestueuse de la mère et de se soumettre à un ordre fondé sur la violence du père.
Les actes du psychopathe seront autant de tentatives désespérées pour proférer un NON à cette situation intenable.
Dans tous les cas de figure de la psychopathie, on retrouve l’omnipotence d’une mère qui va récuser la fonction d’autorité du père.
La forclusion du père est évitée (sinon le sujet serait psychotique) mais l’accès au symbolique (et  en particulier à la castration symbolique) est compromis.
Le sujet reste donc dans cette position inconfortable, mal structurée, bloquée et fixée dans l’archaïque dont il ne parvient pas à se déprendre.





Les conséquences d’un tel positionnement sont caractérisées par
- le maintien dans un temps archaïque  qui est le temps du besoin, en deçà de celui du désir et s’exprimant par des revendications constantes, des exigences, des réclamations, des  protestations, des plaintes. Le sujet peut très difficilement formuler une demande ou exprimer un éprouvé de satisfaction.

- la dépendance extrême à la mère, insoutenable psychiquement, génératrice de culpabilité inconsciente et qui invalide les autres relations en particulier féminines. Le sujet ne sait pas trouver la bonne distance entre la fusion et l’indifférence, la domination et la dépendance extrême.

- l’accès impossible à des représentations symboliques stables perturbe le déploiement de sa vie fantasmatique. La vie imaginaire est pauvre malgré une intelligence assez riche.

- la défaillance du tiers paternel prive le sujet d’un accès intériorisé à la loi d’où une absence de sentiment de culpabilité. Les contraintes et obligations ne peuvent venir que de l’extérieur et sont vécues comme des agressions.

- la prédominance d’une souffrance tensionnelle et dépressive est redoutée par le sujet psychopathe qui craint l’abandon et la solitude. Il tente de conjurer ce mal être par la consommation d’alcool et de drogues ou le passage à l’acte toujours source de jouissance immédiate.

THEORISATION DE LA PSYCHOPATHIE

En regroupant tous ces éléments, il est possible d’établir un tableau synthétique de la psychopathie

- La répétition du passage à l’acte aurait pour fonction de protéger le sujet de la désorganisation psychotique. Il n’est d’ailleurs pas rare d’observer des épisodes psychotisants ( perte du sens de la réalité)  jalonnant la vie du psychopathe.

- Le passage à l’acte serait dès l’enfance, le moyen pour le moi de faire connaître ses besoins primordiaux (cris, pleurs, refus de s’alimenter, troubles sphinctériens) C’est donc le seul moyen que l’enfant trouve à sa disposition pour entrer en relation avec son  environnement.

- L’angoisse de perte d’objet protecteur serait donc à l’arrière plan des comportements psychopathiques. On peut évoquer les troubles de la séparation-individuation de la petite enfance.

- L’existence d’un sentiment mégalomaniaque chez le psychopathe est souvent observé et montre les difficultés identificatoires du sujet qui passe très vite, non pas à l’intériorisation d’un surmoi interdicteur, mais à l’acquisition d’un idéal du moi de Toute puissance.

- La défaillance du comportement maternel (en carence ou en trop plein) ne l’empêche pas d’apparaître comme le personnage central de la constellation familiale avec très souvent confusion des désirs de la mère et ceux de l’enfant.

- Il s’ensuit des difficultés dans la différenciation du soi et du non-soi d’où l’agir pour se sentir exister. Quant au père, sa violence même, montre sa faiblesse pour s’affirmer face au couple mère-enfant.

- L’étude de la constellation familiale ramène donc à la problématique des imagos parentales : image maternelle toute puissante donc dangereuse, image paternelle violente et disqualifiée par la mère donc inquiétante. Sur ce modèle, tout autre venu de l’extérieur, a priori inquiétant ou dangereux, ne peut qu’être agressé préventivement.

- L’agressivité est une réponse à la grande faille du narcissisme et de la continuité de soi. L’acte agressif inscrit le sujet dans un rôle, une continuité sociale délinquante où sa personnalité prend forme même s’il doit en payer le prix par la condamnation ou l’incarcération.

- Le psychopathe est soumis à des tensions internes intenses ; ses pulsions mortifères créent des poussées permanentes d’angoisse. Le passage à l’acte n’amène pas la satisfaction mais le soulagement des tensions et évite la désorganisation psychique du sujet d’où la nécessité d’une compulsion de répétition.

Les thérapies proposées sont très difficiles à mettre en place car le sujet a une vie imaginaire et fantasmatique pauvre. Il a un accès difficile à la symbolisation. Il vit essentiellement dans le réel et est souvent multirécidiviste avec une escalade dans la gravité des faits. Il est, en général, très peu demandeur de soins et d’aide psychologique.  




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