Objet et difficulté du commentaire d’arrêt
Objet et difficulté du commentaire d’arrêt
Objet
et difficulté du commentaire d’arrêt
Le commentaire d’arrêt est un exercice à la fois théorique
et pratique. Il se place à ce titre entre la dissertation (exercice purement
théorique) et le cas pratique (exercice pratique).
Le commentaire d’arrêt est en fait un commentaire de
décision de justice : arrêt (d’une Cour), jugement (d’un tribunal) ou sentence
(d’un arbitre ou d’un tribunal arbitral). Parfois, il sera demandé de commenter
simultanément plusieurs décisions (on parlera alors de commentaire comparé,
l’objectif étant de comparer les deux décisions). D’autres fois, l’objet du
commentaire ne sera qu’un extrait d’une décision (notamment dans le cas des
longues décisions rendues par les juridictions étrangères et internationales).
Mais le plus souvent, le commentaire portera sur une décision récente de la Cour de cassation, du Conseil
d’État, ou de la Cour
de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Dans tous les cas, l’essence de
l’exercice demeure identique : il s’agit toujours de mettre en relation une
règle générale avec des faits d’espèce. C’est donc un exercice à la fois
théorique et pratique.
Chaque commentaire est différent, parce que chaque décision
est différente. On peut cependant classer les commentaires en plusieurs types
génériques :
les commentaires dans lesquels il s’agit d’expliquer
l’application d’un principe général à des faits d’espèce
les commentaires dans lesquels il s’agit d’expliquer la
création d’une nouvelle solution de droit ou l’abandon d’une solution ancienne
(revirement de jurisprudence)
les commentaires dans lesquels il s’agit d’expliquer un
défaut dans la motivation de la décision
les commentaires dans lesquels il s’agit d’expliquer en quoi
la solution de droit est originale, vu les faits présentés par le juge
etc.
Dans tous les cas, il ne faut pas perdre de vue qu’un
commentaire d’arrêt n’est pas une dissertation. Il ne s’agit pas de manier le
droit dans l’abstrait, mais de le mettre en pratique. Les faits existent, ils
sont exposés, ils donnent lieux à la décision que l’on doit commenter ; il faut
donc les prendre en compte à chaque instant.
Que choisir le jour de l’examen : commentaire ou
dissertation ?
Le commentaire d’arrêt est, objectivement, un exercice plus
difficile que la dissertation. Il est pourtant habituel que les étudiants le
préfèrent à cette dernière. Il n’y a bien souvent qu’une seule raison à cela :
la fausse impression que le manque de connaissances sur le fond passera plus
inaperçu dans un commentaire d’arrêt que dans une dissertation. Ce n’est absolument
pas vrai, ce n’est qu’une apparence. Pour réaliser un bon commentaire, il faut
non seulement connaître parfaitement le fond du droit, mais il en faut en plus
comprendre les motivations –trop souvent laconiques– du juge. Pour s’en
persuader : si l’on ne connaît pas la jurisprudence antérieure, on ne saura pas
si la décision à commenter est un revirement ; si l’on ne connaît pas la
doctrine, on ne saura dire si la solution a été donnée sous l’influence d’un
courant ou d’un autre. Il n’en demeure pas moins vrai que le commentaire donne
un support qui rassure l’étudiant. On peut donc conclure qu’en règle générale,
il est plus difficile de faire un très mauvais commentaire qu’une très mauvaise
dissertation (page blanche), mais il est plus facile de faire une bonne
dissertation qu’un bon commentaire d’arrêt. Bien souvent, le choix du sujet
sera fonction de l’intention de l’étudiant « d’assurer ses arrières » en
obtenant une note moyenne ou, au contraire, de rechercher une bonne note.
Synthèse de la méthode du commentaire
La méthode du commentaire est complexe et souvent difficile
à assimiler. Si c’est en forgeant que l’on devient forgeron, c’est aussi en
écrivant des commentaires que l’on devient un bon commentateur. Lorsqu’un
chargé de TD donne un commentaire à faire chaque semaine, il ne faut pas le
récriminer, il faut au contraire penser que c’est un bon entraînement en vue du
partiel.
Il existe plusieurs méthodes pour réaliser un commentaire,
et plusieurs variantes de chacune de ces méthodes. Il est généralement
conseillé de se former à la méthode complète (et assez pénible) pour pouvoir
juger soi-même, une fois que l’on est suffisamment expérimenté, quelles étapes
l’on peut sauter.
On peut départager 4 grandes étapes dans la rédaction d’un
commentaire d’arrêt :
Les lectures de l’arrêt (≈ 15 min.) (phase cruciale) :
d’abord pour prendre connaissance de sa teneur, ensuite pour approfondir, puis
pour vérifier que l’on n’est pas hors-sujet.
Le travail de préparation (≈ 15 min.) : la fiche d’arrêt
L’élaboration du plan et de l’introduction (≈ 30-60 min.)
(phase cruciale)
La rédaction du corps du commentaire (≈ 1h20-2h) ; pensez à
garder 10 minutes à la fin pour la relecture.
Étape 1 : Lectures de l’arrêt
La première étape dans l’élaboration d’un commentaire
d’arrêt consiste à lire l’arrêt. C’est une étape cruciale : il faut lire
l’arrêt attentivement ; ici, pas de lecture « en diagonale ». Pour bien faire,
il est conseillé de lire l’arrêt deux fois (et une troisième fois, un peu plus
tard, après avoir élaboré le plan ; v. plus bas).
La première lecture, assez rapide, sert à prendre
connaissance de l’arrêt. A l’issue de cette lecture, il faut avoir en tête les
faits d’espèce, le thème de l’arrêt, la question de droit, la solution. Il faut
également avoir identifié les différentes parties de la structure de l’arrêt
(v. plus bas) : le visa, les faits, les motifs du pourvoi, les motifs de la
décision et le dispositif. Il peut être utile de numéroter ces parties en marge
du texte.
Les choses à réaliser pendant cette première lecture peuvent
paraître faciles et rapides. Ce n’est pourtant pas toujours le cas. L’arrêt
peut d’abord avoir des faits très complexes qui masquent l’essentiel : il se
passe tellement de choses, et ces choses sont expliquées de manière tellement
succincte par la Cour ,
que l’on a parfois du mal à différencier l’important de l’accessoire. Il peut
être utile de réaliser un schéma au brouillon, avec des « bulles » et des «
flèches », pour mieux comprendre les interactions entre les parties.
L’arrêt peut ensuite avoir plusieurs questions de droit, ce
n’est pas rare. Il faudra alors déterminer l’importance de chaque question et
se demander : de quoi le correcteur attend-il que je parle ? Il est parfois
nécessaire de traiter chaque question, mais ce n’est pas toujours le cas. Les
étudiants ont souvent tendance à vouloir être exhaustifs, par peur de manquer
une partie du sujet ; mais ce n’est pas forcément ce que l’on attend d’eux : il
faut parfois savoir se focaliser sur la question essentielle et délaisser les
questions accessoires. Par exemple, lorsque l’arrêt traite de deux questions,
qu’il résout respectivement par l’application d’une jurisprudence constante et
par un revirement de jurisprudence, on traitera plutôt de la question qui fait
l’objet du revirement.
La deuxième lecture, plus approfondie que la première, sert
à élaborer la fiche d’arrêt qui conduit à la construction du plan. C’est une
lecture « le crayon à la main » : on sousligne, surligne, annote en marge,
reporte au brouillon, etc. Cette lecture doit permettre d’extraire toutes les
données importantes de l’arrêt et de les reporter de manière schématique au
brouillon.
Rappels sur les arrêts de cassation
La structure d’un arrêt de cassation est la suivante :
Plan : Sur le moyen unique / premier, deuxième, troisième
moyen
Visa : Vu l’article X du Code…
Règle abstraite (facultatif) : Attendu que ce texte énonce
que…
Rappel de la procédure antérieure, des faits et de la
solution donnée par la Cour
d’appel : il est fait grief à l’arrêt attaqué de… ; attendu que la Cour d’appel a retenu que…
La solution en droit de la Cour de cassation : mais attendu que…
Dispositif : En statuant ainsi… casse l’arrêt…
La structure d’un arrêt de rejet est la suivante :
Plan : Sur le moyen unique / premier, deuxième, troisième
moyen
Rappel de la procédure antérieure, des faits et de la
solution donnée par la Cour
d’appel : il est fait grief à l’arrêt attaqué de… ; attendu que la Cour d’appel a retenu que…
Réfutation des arguments des auteurs du pourvoi : mais
attendu que…
Dispositif : rejet du pourvoi
Les motifs possibles de cassation sont les suivants :
Cassation pour violation de la loi
Refus d’application : le juge n’a pas appliqué la règle de
droit applicable aux faits de l’espèce
Fausse application : le juge a retenu un mauvais fondement à
sa décision, il n’a pas appliqué la bonne règle de droit
Fausse interprétation : le juge a mal interprété la loi
Fausse qualification : le juge a mal qualifié les faits de
l’espèce
Cassation pour défaut de base légale : il s’agit de
l’hypothèse dans laquelle le juge n’a pas suffisamment motivé sa décision pour
que la Cour de
cassation puisse effectuer un contrôle efficace. Il incombera alors à la
juridiction de renvoi de faire de nouvelle recherches afin de rendre une
décision mieux motivée. Il est souvent (mais pas toujours) sous-entendu que,
s’il n’y avait pas eu de défaut de base légale, si l’arrêt de la Cour d’appel avait été
suffisamment motivé, la solution eût été différente.
Cassation disciplinaire : il s’agit d’une cassation pour
vice de forme (p. ex. absence de réponse aux conclusions des parties,
dénaturation, défaut de motifs, etc.). Le fond n’est pas affecté : la Cour de renvoi pourra
reprendre la même solution de fond, mais en respectant la procédure afin de ne
pas reproduire le vice.
Les motifs spécifiques entraînant le rejet du pourvoi sont
les suivants :
Motif surabondant : les juges du fond ont invoqué un motif
inutile pour justifier leur décision, qui était déjà justifiée pour d’autres
motifs. La Cour
de cassation peut ignorer le motif surabondant, ou le critiquer. Dans ce
dernier cas, même si l’arrêt attaqué n’est pas cassé et annulé, l’arrêt de
rejet a la même force qu’un arrêt de cassation au regard du motif critiqué.
Substitution de motifs : les juges du fond ont pris la bonne
décision pour de mauvaises raisons. La
Cour de cassation substitue donc les motifs erronés des juges
du fond par ses propres motifs, tout en confortant la décision sur le fond.
Étape 2 : Travail préparatoire (brouillon)
Il est conseillé de commencer par relever ces trois éléments
:
les faits, leur chronologie (p. ex. le testament notarié
écrit le 3 février, le testament olographe le 6 février), les parties
qualifiées (p. ex. M. Martin est débiteur, M. Pierre est son créancier)
la procédure (de manière sommaire, si elle est importante ;
dans la plupart des cas, il s’agira simplement de : première instance, cour
d’appel, cour de cassation)
la règle de droit invoquée (v. le visa), la solution
(application de la règle aux faits), l’intérêt scientifique de la décision (ce
qu’elle apporte de plus en droit positif)
L’élaboration de la fiche d’arrêt est une étape importante,
puisqu’elle permet de structurer l’introduction. Il est conseillé de la rédiger
entièrement lorsqu’on s’entraîne à la méthode du commentaire. Une fois qu’on
est suffisamment familiarisé avec cette méthode, il n’est plus nécessaire de la
rédiger : les questions et les réponses viennent toutes seules, naturellement,
à l’issue de la deuxième lecture.
A l’issue de la deuxième lecture, le brouillon doit être
rempli d’éléments « en vrac ». Les commentateurs déjà expérimentés mettront de
l’ordre dans ces éléments. Au cours de ce travail de mise en ordre, des idées
leur viendront (p. ex. critique de tel ou tel motif) qu’ils inséreront dans
leur brouillon. De là, ils dégageront la problématique générale de l’arrêt de
laquelle découlera le plan du commentaire. Ils pourront alors commencer à
rédiger.
Les commentateurs moins expérimentés préféreront souvent
rédiger la fiche d’arrêt au brouillon. Il s’agit de répondre à certaines
questions (toujours les mêmes), dans un certain ordre (toujours le même), qui
permettront de rédiger ensuite l’introduction du commentaire.
La fiche d’arrêt se compose des questions suivantes :
quels sont les faits d’espèce ? (on peut aussi traiter de la
procédure, qui se résume dans la plupart des cas au triptyque « première
instance – appel – cassation »)
quelle est la procédure ? (facultatif : à traiter
indépendamment des faits seulement dans le cas où la procédure a une incidence
particulière)
quelle est la question de droit ?
quels sont les arguments des parties ?
quelle est la réponse de la Cour ?
Question de droit ou de fait ?
Pour certains, la question de droit doit être abstraite ; p.
ex. « le contrat de vente est-il valable lorsque … ? ». Pour d’autres, la
question de droit doit prendre en compte des éléments de fait : « le contrat de
vente entre M. Martin et M. Dupont est-il valable ? ». Les étudiants peuvent se
perdre entre des directives contradictoires de leurs chargés de TD et ne plus
savoir que faire ou, pire, penser qu’il faut faire d’une certaine manière pour
telle matière et d’une autre manière pour une autre matière. En réalité, les
deux exemples données ci-dessus sont aussi mauvais l’un que l’autre. Le premier
est trop théorique : le commentaire tournera probablement à la dissertation. Le
second est trop proche des faits : le commentaire doit faire ressortir une
règle de droit applicable de manière générale, ce que ne permet pas une
question de droit aussi proche des faits de l’espèce (elle ne généralise pas
suffisamment).
La question de droit, dans un commentaire, doit être un
va-et-vient entre les faits et le droit. Elle peut ainsi être schématisée en
trois parties : 1) dégager le droit applicable des faits d’espèce ; 2) formuler
une règle de droit générale, qui pourrait être appliquée dans une autre espèce
présentant des faits similaires ; 3) appliquer cette règle aux faits. On part
donc des faits pour déterminer le droit applicable (étape de qualification),
puis l’on revient aux faits (étape d’application du droit). La question de
droit sera donc généralement formulée de manière abstraite, mais pas trop
générale : « le contrat de vente entre une partie qui … et une partie qui …
est-il valable, alors que… ? ».
Après avoir répondu à ces questions, il est possible de
suivre deux voies :
Première voie (déconseillée) : rédiger le début de l’introduction
pour bien se mettre les faits et les arguments de droit en tête ; construire
ensuite le plan du commentaire, et revenir à l’introduction pour la terminer.
Deuxième voie (conseillée) : construire le plan du
commentaire au brouillon et, une fois cette étape terminée, passer à la
rédaction de l’introduction.
La première méthode est déconseillée. Elle présente en effet
deux énormes défauts :
d’une part, elle oblige à rédiger l’introduction en deux
temps, avant et après avoir élaboré le plan du commentaire ;
d’autre part, elle peut entraîner de graves incohérences :
l’introduction, comme son nom l’indique, doit introduire ce que l’on va dire
dans le corps ; or, si l’on rédige l’introduction avant d’avoir fait le plan,
on ne sait pas encore ce que l’on dira dans le corps du commentaire…
Dans tous les cas, l’introduction doit répondre aux
questions de la fiche d’arrêt, dans l’ordre exposé ci-dessus.
Étape 3 : Elaboration du plan (brouillon) et de
l’introduction
Structure générale du commentaire
Une fois la fiche d’arrêt rédigée, il faut passer à
l’élaboration du plan du commentaire. Il existe certains impératifs quant à la
structure du plan et de l’introduction.
La structure générale du commentaire d’arrêt est la suivante
:
Introduction (approximativement 1/3 du commentaire)
Corps (approximativement 2/3 du commentaire)
On ne fait pas de conclusion dans un commentaire d’arrêt. Ce
n’est de toute manière pas nécessaire car, bien que cela puisse paraître
étrange, l’introduction fait office de conclusion. Il ne faut en effet pas
faire de « cachoterie » dans l’introduction ; il ne faut pas « faire durer le
suspens ». L’introduction doit énoncer la solution, mais sans donner les
éléments du raisonnement qui permettent de l’atteindre. Ces éléments feront
l’objet du corps du commentaire.
Structure de l’introduction
La structure de l’introduction est la suivante :
Paragraphe d’accroche
Fiche d’arrêt (v. ci-dessus) : résumé des faits et de la
procédure
Enoncé de la problématique du commentaire, en insistant sur
l’intérêt de l’arrêt et en expliquant brièvement la solution apportée par la Cour
Enoncé du plan
Le paragraphe d’accroche doit être court. Bien souvent, une
seule phrase suffit (surtout lorsqu’on n’a que 3 heures pour rédiger le
commentaire). Il n’est pas nécessaire d’aller chercher une citation de
jurisconsulte romain ou de citer Emmanuel Kant sur le principe d’autonomie de
la volonté : tenez-vous en à des choses simples. Par exemple, pour pouvez
commencer par « L’arrêt commenté revient sur une jurisprudence qui paraissait
bien établie… ».
problématique→solution ou solution→problématique ?
Doit-on énoncer la solution de la Cour pour en tirer la
problématique du commentaire ou, au contraire, énoncer la problématique et
l’illustrer avec la solution ?
En principe, il faut d’abord formuler la question de droit
de l’arrêt qui constitue la problématique du commentaire, et répondre ensuite
en donnant la solution de la
Cour. La solution donnée par la Cour débouche en effet
directement sur le plan : « »La question
se posait de savoir si …. La Cour
a répondu que … (§I) et que … (§II) » ». Le commentaire de l’arrêt est alors
une explication structurée et logique de la solution de la Cour. Il est conseillé de
s’en tenir à cette structure (problématique/solution), sauf dans certains cas
précis si l’on est vraiment à l’aise avec la méthode du commentaire.
La structure inverse (solution/problématique) peut également
se justifier dans certains cas. Par exemple, la Cour a donné une solution nette dans un motif de
principe laconique, opérant ainsi un revirement de jurisprudence. L’objet du
commentaire sera la critique (positive comme négative) de cette solution : la
problématique pourra être de présenter les raisons (§I) et les implications
(§II) d’un tel revirement de jurisprudence. Dans ce cas, l’objet du commentaire
n’est plus la présentation de la solution de la Cour d’une manière organisée, mais une discussion
organisée autour de cette solution. Il est donc logique que l’on donne d’abord
la solution pour, ensuite, en tirer une problématique générale. Cette structure
est généralement déconseillée, car elle conduit très facilement à faire un «
commentaire-dissertation », trop théorique et éloigné des faits d’espèce.
Autrement dit, la choix de la structure dépend de la
problématique du commentaire. Si la problématique du commentaire fusionne avec
la question de droit de l’arrêt, c’est la première structure qui doit être
retenue. En revanche, si la problématique du commentaire n’est pas la question
de droit de l’arrêt mais la solution apportée à cette question par la Cour , c’est la seconde
structure qui doit être retenue.
Le plan du commentaire
Adoptez une approche socratique : il ne s’agit pas tant de
trouver des réponses que de poser les bonnes questions. Il est en effet très
important de poser la bonne question, d’organiser son commentaire autour de la
bonne problématique. Lorsqu’une bonne problématique est trouvée, le plan du
commentaire en découle assez naturellement. S’il vous paraît trop difficile de
trouver un plan cohérent ou si vous n’arrivez pas à assembler vos parties d’une
manière logique, c’est probablement que votre problématique est mauvaise.
De la problématique posée découle donc le plan du
commentaire. Il est habituel, en droit français, de faire des plans en 2 parties
et 2 sous-parties, de cette manière :
I. Partie 1
A. Première
sous-partie
B. Seconde
sous-partie
II. Partie 2
A. Première
sous-partie
Ce n’est pourtant pas une obligation. Les plan en 3 parties
sont tout-à-fait acceptables, lorsqu’ils permettent de présenter les choses de
manière cohérente. Il ne faut pas les exclure a priori. Cependant, ils ne sont
pas la norme. Il faut prendre conscience que le correcteur a l’habitude de voir
et de faire des plans en deux parties. Il aura d’ailleurs certainement en tête
un plan en deux parties pour le commentaire qu’il corrige. Il aura donc
inconsciemment tendance à trouver qu’un plan en trois parties est moins clair,
moins cohérent, car tout ce qui est dit dans le commentaire aurait pu être
organisé en deux parties. Il est par conséquent conseillé aux étudiants de s’en
tenir au plan classique en deux parties tant que leurs commentaires ont
vocation à être évalués par un tiers ; ils pourront faire des commentaires en
trois parties, en prenant des distances avec la méthode stricte du commentaire,
en dehors du cadre des examens.
Les différentes parties du commentaire doivent être
coordonnées et non pas simplement juxtaposées. Il doit y avoir une logique d’ensemble,
un fil conducteur déterminé par la problématique générale. Les meilleurs plans
sont souvent ceux dans lesquels la division entre les parties apparaît
évidente. Le meilleur conseil que l’on puisse donner est le suivant : ne
cherchez pas à faire un plan à tout prix complexe, car les plans les plus
simples sont souvent les meilleurs.
Une fois que vous avez formulé la problématique générale et
trouvé les différentes parties de votre commentaire, procédez à une troisième
lecture de la décision à commenter. Cette lecture vous permettra de vérifier
que vous n’êtes pas hors-sujet, que votre problématique n’est pas trop
théorique, que vous ne faites pas une fausse interprétation des motifs, etc.
Il est alors temps de « remplir » le plan ou de réaliser un
plan « détaillé ». Il s’agit, peu ou prou, d’écrire au brouillon, de manière
schématique, ce que l’on va dire dans chaque partie du commentaire. Ici, il n’y
a pas de « recette » que l’on pourrait donner à l’avance : le contenu des
parties dépend de l’arrêt, de la problématique et du plan choisi.
Néanmoins, 3 éléments devront systématiquement être
présents, dans chaque (sous-)partie du commentaire :
un élément théorique : chaque (sous-)partie étant consacrée
à une idée précise, il s’agit d’expliquer cette idée. Par exemple : telle
solution est-elle adaptée ? est-elle souhaitable ? est-elle meilleure ou plus
mauvaise que l’ancienne solution ? l’application pratique de cette solution
a-t-elle des conséquences dans d’autres branches de la matière ou du droit ? cette
solution est-elle une bonne chose ou un « accident de parcours » ? a-t-elle
vocation à devenir une solution de principe ? etc… la liste est longue, presque
infinie.
un élément pratique : il s’agit d’illustrer le raisonnement
abstrait développé dans l’élément théorique par l’arrêt. On utilisera la
célèbre formule « en l’espèce…». Il est extrêmement important de ne pas oublier
que cet élément pratique (cette formule, en l’espèce…) devra être présent dans
chaque (sous-)partie du commentaire. Si elle est absente d’une (sous-)partie,
c’est que cette partie est trop théorique, trop orientée vers la dissertation.
un élément logique : cet élément constitue le lien logique
entre la partie précédente et la partie suivante qui structure le plan. Les
différentes parties du plan d’un commentaire d’arrêt ne doivent pas être
juxtaposées, elles doivent être coordonnées : les idées doivent découler
naturellement, et le lecteur doit être guidé dans un raisonnement logique et
progressif. L’élément logique prend la forme, le plus souvent, d’un court
paragraphe de transition.
À retenir
Faire un plan, c’est comme faire un jeu de Tetris : il faut
déterminer si les différentes pièces (idées) rentrent ou non
dans la structure générale (problématique) ;
si oui, déterminer où elles se placent ;
et quelle forme elles doivent prendre.
Plans à éviter
Évitez les plans-type pourvoi/solution, solution/exception,
principe/portée, thèse/antithèse, etc.
Évitez de placer chaque question de droit dans une partie
distincte : il doit y avoir un lien logique apparent entre vos parties
Évitez les parties historiques, théoriques ou descriptives
Évitez le hors-sujet
Évitez de consacrer une partie ou sous-partie à votre
opinion (elle doit s’insérer dans les développements, mais pas dans le plan)
Sur la forme
Lorsque vous annoncerez votre plan, à la fin de
l’introduction, évitez à tout prix les formules génériques du genre « Nous
allons voir dans une première partie… et dans une seconde partie…». Bannissez
le « nous » et le mot « partie ». La meilleure solution est de reprendre les
titres des parties du commentaire dans l’annonce de plan.
Exemple
Le plan :
I – L’annulation « en tant que ne pas »
II – La modulation de la portée de la décision
Bonne annonce de plan : « Après avoir annulé l’acte administratif
“en tant que ne pas” (I), le Conseil d’Etat module la portée de sa décision en
précisant à l’administration les mesures qui devront être prises pour combler
le vide juridique résultant de l’annulation (II). »
Mauvaise annonce de plan : « Nous verrons dans une première
partie l’annulation “en tant que ne pas” (I) et, dans une seconde partie, la
modulation de la portée de la décision (II) »
Les titres des parties et des sous parties doivent être
écrits en toutes lettres dans le corps du commentaire. C’est la règle et elle
n’admet pas de dérogation. C’est assez dérangeant pour les étudiants français
qui ont appris au lycée, en français et en philosophie, que le plan d’un bon
devoir devait être implicite. En droit c’est différent : le plan est toujours énoncé
explicitement, écrit noir sur blanc.
Les titres des parties doivent être courts (de préférence
moins de 10 mots) et incisifs, tout en étant formulés de manière suffisamment
générale pour englober tout le contenu de la partie (sinon, c’est du hors-sujet).
Astuce
Vous devez éviter à tout prix :
Les verbes conjugués :
Mauvais : « La
Cour accueille l’exception d’ordre public invoquée par
l’épouse et évince la loi étrangère »
Bon : « L’éviction de la loi étrangère par l’exception
d’ordre public »
Les formes interrogatives :
Mauvais : « La loi étrangère désignée par la règle de
conflit doit-elle être évincée par l’exception d’ordre public ? »
Bon : « La contrariété de la loi étrangère à l’ordre public
du for »
Les phrases réparties sur plusieurs titres :
Mauvais : « I. L’éviction de la loi étrangère par
l’exception d’ordre public… // II. … entraîne l’application de la loi du for à
titre résiduel »
Bon : « I. L’éviction de la loi étrangère par l’exception
d’ordre public. // II. L’application à titre résiduel de la loi du for. »
De manière générale, sur la forme, retenez les deux idées
suivantes :
mieux vaut être incisif qu’exhaustif
soyez sobre
Étape 4 : Rédaction du corps
Une fois que vous avez trouvé votre plan et rédigé votre
introduction, vous devez rédiger le corps du commentaire.
Le corps du commentaire représente généralement les deux
tiers de son contenu (le tiers restant étant l’introduction). Si le plan est en
deux parties, chaque partie occupera un tiers du devoir. Les parties doivent
être équilibrées ; on admet habituellement un écart de 30% au maximum.
Le plus important, dans la rédaction du corps, réside dans
les transitions et les annonces de plan intermédiaires (que l’on appelle des
chapeaux ou chapôs). Vous devez ainsi annoncer les sous-parties (A et B) comme
vous avez annoncé, à la fin de l’introduction, le plan général (I et II). Vous
devez également terminer chaque partie et sous-partie par une transition. La
transition n’est ni une conclusion ni une introduction. Elle doit simultanément
conclure la partie qui se termine et annoncer la partie à venir. En d’autres
termes, la transition doit énoncer le lien logique qui unit les deux parties.
La structure du corps est donc la suivante :
Partie 1
Annonce du plan
Sous-partie 1
Développements
Transition
Sous-partie 2
Développements
Transition
Partie 2
Annonce du plan
Sous-partie 1
Développements
Transition
Sous-partie 2
Développements
On constate qu’il n’y a en principe pas de conclusion après
la sous-partie B. Vous pouvez cependant écrire une conclusion rapide en
quelques lignes, mais elle devra concerner la sous-partie B. Faites attention
de ne pas écrire de conclusion trop générale qui reprendrait des éléments des
autres sous-parties. Gardez à l’esprit que les conclusion sont dangereuses : les
étudiants ont souvent tendance à reprendre dans leurs conclusions des éléments
de la question posée dans l’introduction… c’est une erreur fatale à ne surtout
pas commettre : le commentaire est censé avoir répondu à cette question, il se
suffit donc à lui-même.
Les citations
Comme dans tout devoir juridique, il est nécessaire, dans un
commentaire d’arrêt, d’appuyer chacune de ses affirmations par un élément de
fait ou de droit. Il faut considérer que toute affirmation qui n’est pas
appuyée par un élément de fait ou de droit est sans aucune valeur : c’est comme
si elle n’existait pas, puisqu’il est impossible d’en vérifier la véracité.
Il existe différents éléments sur lesquels appuyer ses
affirmations :
les faits de l’arrêt : p. ex. « Lorsque le débiteur est de
mauvaise foi (c’est le cas en l’espèce, la Cour d’appel l’avait constaté ; v. §3) alors… »
les motifs de l’arrêt : on peut citer l’arrêt, en veillant à
ne pas recopier des paragraphes entiers ou à le paraphraser…
la jurisprudence antérieure : p. ex. « Lorsqu’un dommage a
été causé par une chose, la personne qui en a l’usage, la contrôle et la
direction (Cass., Franck, 1941) … »
les lois ou règlements : p. ex. « Lorsqu’un dommage a été
causé par une chose, la personne qui en a l’usage, le contrôle et la direction
engage sa responsabilité civile délictuelle (art. 1384 al 1 CC) … »
la doctrine : p. ex. « Lorsqu’un contrat est annulé pour ce
motif (v. M. Martin, D. 1998), alors… »
Évitez en revanche de citer votre expérience personnelle
(sauf si elle est déterminante, mais c’est assez rare en année de licence…).
Lorsque vous citez un document externe, vous devez vous
plier à certaines normes. On n’insistera jamais assez sur l’importance de citer
les références correctes de la source à laquelle on fait référence. Une erreur
dans une citation, cela peut arriver. Plusieurs erreurs, cela dénote un manque
de rigueur scientifique et de sérieux : c’est rédhibitoire (et cela entraînera
presque systématiquement la perte de points dans la note du commentaire).
Cela ne veut pas dire que le correcteur attend des étudiants
qu’ils apprennent par coeur des séries de références. Ainsi :
un commentaire réalisé à la maison devra contenir toutes les
références nécessaires, citées de manière complète, en note en bas de page ;
un commentaire réalisé en examen pourra ne contenir que des
références partielles (mais elles devront toujours être exactes).
Par exemple, pour un arrêt, vous pourrez vous contenter de
mentionner la juridiction, le nom des parties et l’année (v. ci-dessus). Pour
un article de doctrine, contentez vous du nom de l’auteur et de l’année ou de
la revue : le numéro de la page n’est pas nécessaire ; il serait de toute
manière idiot d’exiger des étudiants qu’ils retiennent des numéros de pages.
Il est aussi utile de connaître les abréviations usuelles
qui feront gagner beaucoup de temps (un ibid. au lieu de réécrire la référence
complète une seconde fois, par exemple).
Les pièges à éviter
La dissertation
On ne le répétera jamais assez : un commentaire d’arrêt
n’est pas une dissertation. Ce n’est pas un exercice aussi théorique, parce
qu’on ne doit pas ignorer que l’objet de l’étude est une décision de justice,
donc un acte d’application du droit. Ce n’est pas un exercice aussi large que
la dissertation : il n’y a pas de sujet qui puisse se comprendre de diverses
manières, il n’y a qu’une décision de justice à laquelle il faut se tenir.
Il faut donc éviter de prendre un commentaire d’arrêt pour
un prétexte pour réaliser une dissertation. L’arrêt commenté doit être présent
dans chacune des parties de commentaire : si ce n’est pas le cas, c’est que le
commentaire est trop orienté dissertation.
Le danger est particulièrement présent face à des arrêts de
principe qui opèrent un revirement de jurisprudence. On est alors tenté de
retracer la jurisprudence antérieure dans une longue partie historique. Cela
sera généralement hors-sujet. Les rappels historiques ne doivent être faits que
lorsqu’ils sont nécessaires pour comprendre l’arrêt commenté. C’est bien
évidemment le cas lorsqu’il y a revirement de jurisprudence ; pourtant, dans la
plupart des cas, un simple rappel de la jurisprudence antérieure dans
l’introduction sera suffisant.
En présence d’un arrêt opérant un revirement de
jurisprudence, il est courant de voir des plans de type I. La jurisprudence
antérieure ; II. Le revirement opéré par l’arrêt commenté. La partie I. est
hors-sujet. On pourrait dire pratiquement la même chose dans un plan qui
conviendrait beaucoup mieux, et qui ne serait pas hors-sujet : I. Les motifs du
revirement ; II. Les conséquences du revirement.
Les romans-fleuve ou « gros pavés » et la gestion du temps
Il est fréquent de voir des étudiants ne pas terminer un
commentaire d’arrêt. Ce n’est pas que les 3 heures allouées sont insuffisantes,
c’est que ces étudiants ne savent pas gérer leur temps et qu’ils maîtrisent mal
la technique du commentaire. Il peut arriver qu’il ne reste pas assez de temps
pour opérer une relecture approfondie de l’arrêt, ou que la rédaction du
commentaire soit terminée un quart d’heure avant la fin du temps imparti : ce
n’est pas grave, c’est une certaine marge de manoeuvre naturelle. Cependant, il
faut commencer à se remettre en question lorsqu’on termine à peine de rédiger
la première partie du commentaire à cinq minutes de la fin du temps d’examen !
Mieux vaut être incisif qu’exhaustif. Retenez que rien ne
sert d’écrire beaucoup, il vaut mieux écrire moins mais écrire des choses
pertinentes. Sachez que plus on écrit, plus on court de risques d’écrire des
bêtises. Mieux vaut écrire peu, mais uniquement des choses dont on est sûr, qui
sont pertinentes et intelligentes. Pas la peine non plus de réinventer la roue
: si l’arrêt porte, par exemple, sur la nullité d’un contrat, il n’est pas
nécessaire d’énumérer les cas de nullité, et encore moins de revenir sur la
définition d’un contrat. Tout cela serait hors-sujet, et inutile puisque vous
n’apprendrez rien au correcteur.
Pensez également à faire des phrases courtes. Gardez les
phrases longues, à la construction grammaticale complexe, pour les commentaires
faits à la maison en guise d’entraînement. En faisant une phrase longue et
complexe en examen, dites vous que vous avez une chance sur deux qu’elle soit
au final grammaticalement incorrecte ou inintelligible.
Si vous avez du mal à gérer votre temps en examen, essayez
de vous entraîner à la maison à réaliser des commentaires en situation d’examen
: 3 heures (et pas 6…), manuscrit et non pas sur un traitement de texte (on
peut taper plus vite que l’on écrit à la main sans pour autant s’en rendre
compte), en recherchant les sources dans le Code et non pas sur Legifrance (là
encore, l’informatique fait gagner beaucoup de temps).
Argument des parties ou argument de la Cour ?
Il peut arriver de penser, les premières fois que l’on est
confronté à un arrêt de la Cour
de cassation, que la Cour
se contredit. Il n’en est rien (en principe…), et ce n’est qu’une impression
due à une mauvaise connaissance de la structure d’un arrêt.
Cette structure est généralement la suivante :
Visa (= «Vu l’article XX … »)
Faits
Motifs du pourvoi (arguments des parties)
Motifs de la
Cour
Dispositif (= la décision)
Ainsi, la structure générale est toujours la même :
Arguments des parties → Réponse de la Cour
« Attendu que… » → (saut de ligne) → « Mais attendu que… »
« Attendu que… » → (saut de ligne) → « Attendu que… »
Juges du fond, juges du droit
C’est l’erreur de fond (et non de méthode) la plus courante
et la plus grave : confondre le juge du fond et le juge du droit. La Cour de cassation et le
Conseil d’État ne jugent pas les faits, ils jugent exclusivement le droit.
Par conséquent, vous ne pouvez pas reprocher à la Cour de cassation ou au
Conseil d’État de ne pas suffisamment prendre en compte les spécificités
factuelles de l’espèce. Vous ne pouvez pas non plus juger que la solution est
injuste au cas d’espèce.
Vous devez également faire attention au vocabulaire que vous
employez. Les commentateurs inexpérimentés ont tendance à parler de «
constatations » de la Cour
de cassation, souvent parce que ce mot ou le verbe « constater » sont employés
dans l’arrêt. Les constatations relèvent des faits et la Cour de cassation, qui ne
peut pas juger les faits, ne fait en réalité que reprendre les constatations
des juges du fond (Cour d’appel ou juge de première instance). Si l’emploi du
verbe « constater » (ou d’un synonyme) vous tient à coeur, écrivez plutôt : La Cour de cassation relève que
les juges du fond ont constaté que…
Par ailleurs, le pouvoir souverain d’appréciation des juges
du fond n’est pas un pouvoir discrétionnaire ou arbitraire : il ne dispense pas
le juge de motiver sa décision, c’est-à-dire d’expliquer comment la règle de
droit s’applique aux faits de l’espèce. La Cour de cassation n’opère pas de contrôle sur les
éléments relevant du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Il
s’agit, par exemple, des manifestations de l’autonomie de la volonté (les
contrats, les vices du consentement, la bonne foi…), de la valeur des éléments
de preuve (ont-ils une force probante suffisante ? la Cour de cassation ne se
prononce pas), ou exceptionnellement de certaines qualifications. Le pouvoir
souverain d’appréciation des juges du fond s’exerce cependant sous réserve de
dénaturation : le juge ne peut pas dénaturer un écrit clair, car celui-ci n’a
pas besoin d’interprétation ; la
Cour de cassation censurera ainsi la décision dénaturant un
écrit clair.
« Attendu », « Considérant » et « motif »
Beaucoup de commentateurs, y compris des membres éminents de
la doctrine, parlent « d’attendu » de la Cour de cassation ou de « considérant » du
Conseil d’État. C’est un abus de langage provenant du fait que les paragraphes
des décisions de la Cour
de cassation et du Conseil d’État débutent toujours, respectivement, des
formules « Attendu que… » ou « Mais attendu que… » et « Considérant ». »’L’appellation exacte est « motif » »’.
Ainsi, on ne dira pas « Dans le troisième attendu, la Cour affirme que… » mais «
Dans le troisième motif, la Cour
affirme que… ».
Arrêt de principe ou d’espèce ?
On parle d’arrêt de principe lorsque celui-ci concerne une
jurisprudence générale, qui formera un précédent et pourra être appliquée
postérieurement aux litiges présentant des faits similaires. On parle au
contraire d’arrêt d’espèce lorsque la solution de la Cour ne peut pas être
généralisée en dehors du présent litige, lorsqu’elle ne s’explique que par les
faits du litige.
Il est souvent très difficile d’évaluer l’importance d’un
arrêt sans connaître le contexte dans lequel il a été rendu. Il est par exemple
difficile de connaître la portée d’un arrêt du Conseil d’État aux motifs
laconiques sans avoir lu les conclusions du commissaire du gouvernement, sans
connaître la jurisprudence antérieure ou la doctrine portant sur la question de
droit de l’arrêt.
Les arrêts de principe présentent souvent (mais pas toujours
!) des caractéristiques particulières : motif formulé en des termes généraux,
souvent repris deux fois dans l’arrêt : immédiatement après le visa et,
ensuite, dans les motifs de la
Cour. En d’autres termes, l’arrêt de principe opère
généralement un syllogisme complet (mineure, majeure, conclusion), alors que
l’arrêt d’espèce omet la règle générale et abstraite (majeure, conclusion).
Plus concrètement, l’arrêt de principe aura la structure suivante : Principe
général abstrait / Faits / Application du principe aux faits / Décision ; alors
que l’arrêt d’espèce aura une structure plus simple : Faits / Application du
droit aux faits / Décision.
Cependant, une erreur beaucoup trop fréquente chez les
étudiants consiste à déterminer la nature d’un arrêt (de principe ou d’espèce)
en fonction de la forme exclusivement. En d’autres termes, l’arrêt sera
qualifié d’arrêt de principe lorsqu’il contient un motif (on dit, improprement,
un »attendu » ou un »considérant ») formulé de manière générale
et abstraite, qui semble poser une règle de droit. Et bien qu’on se le dise,
une fois pour toutes : il est très fréquent que les mêmes motifs soient repris
à l’identique dans des arrêts successifs. Ainsi, l’arrêt à commenter n’est
peut-être pas le premier à présenter ce motif général et abstrait… dans ce cas,
il n’est qu’un arrêt d’espèce, l’arrêt de principe étant celui qui, le premier,
contenait ce motif.
A l’inverse, il peut sembler qu’un arrêt est un pur arrêt
d’espèce, parce qu’il contient de banalités sur trois pages ; ce n’est pas pour
autant qu’une formule d’une ligne, en bas de la troisième page, qui passe
inaperçu, ne fera pas de lui un important arrêt de principe. En d’autres
termes, la forme est un indice, mais celui-ci n’est ni déterminant ni même
suffisant pour affirmer qu’un arrêt est de principe.
Tout cela confirme ce qui a été dit plus haut : on ne peut
pas faire un bon commentaire d’arrêt sans connaître le contexte de l’arrêt à
commenter. »’Il faut éviter de qualifier
l’arrêt commenté d’arrêt »d’espèce » ou »de principe » »’, sauf lorsqu’on est sûr et
certain de sa qualification. Il faut perdre à tout prix cette habitude
stylistique de parler »d’important arrêt
de principe » dans l’introduction. En pratique, cela ne sert à rien : vous
n’aurez généralement pas de point supplémentaire parce que vous aurez dit qu’il
s’agit d’un arrêt de principe. En revanche, s’il s’agit d’un arrêt d’espèce
tout à fait banal, il apparaîtra comme évident au correcteur que vous ne
connaissez pas votre cours.
Une autre erreur fréquente porte sur la question de droit
qui donne son importance à l’arrêt. Il peut en effet arriver que, dans un même
motif, la Cour
énonce plusieurs solutions qui paraissent originales et inédites. Certaines
seront de véritables solutions de principe alors que les autres ne seront que
des reprises de solutions consacrées par des arrêts antérieurs. En d’autres
termes, ce n’est pas parce qu’il est bien connu que tel ou tel arrêt est un
arrêt de principe que tous ses motifs sont des motifs de principe.