Méthodologie commentaire d’arrêt droit civil
Méthodologie commentaire d’arrêt droit civil
Méthodologie commentaire d’arrêt droit civil.
I. Fiche d’arrêt.
C’est 5/6 étapes (selon que l’on compte l’accroche ou non) :
Etape 1 : L’accroche.
Dans un commentaire d’arrêt l’accroche est beaucoup moins ‘’métaphysique’’ que pour une dissertation.
Donc l’accroche va essentiellement consister en une présentation de 3 choses :
- Le thème de l’arrêt (mettons qu’on soit en responsabilité civile : ex : la responsabilité du gardien de la chose dans le cadre d’un accident dans un centre commercial par exemple) ;
- S’il s’agit d’un arrêt de cassation ou de rejet ;
- Enfin, les références de l’arrêt (formation de la chambre, date).
N.B. Ca peut sembler long, mais ça ne prend pas plus de 3 lignes (voire 4 si on écrit gros) !
Etape 2 : Le résumé des faits.
Pour le résumé des faits, c’est toujours un peu délicat en fonction de l’arrêt dont il est demandé de faire un commentaire : il peut ne pas y avoir de faits dans l’arrêt (dans ce cas : next ! On passe à l’étape d’après), mais il peut aussi y avoir des faits dont on comprend une situation, alors que l’arrêt ne les présente pas de manière explicite.
Ex : on a compris qu’il s’agissait d’un divorce avec un contentieux autour de la validité de la reconnaissance volontaire de paternité, mais l’arrêt ne mentionne pas les faits de manière explicites.
La Règle d’or en la matière : pas d’éléments extérieurs à l’arrêt !!! Ou du moins pas dans la fiche d’arrêt. Si les faits sont vagues, mieux vaut rester vague, et mettre la gomme la construction d’une bonne question de droit.
D’autre part, en matière de résumé des faits, s’il y a beaucoup de faits (ce qui peut aussi arriver), il vaut mieux synthétiser et ne retenir que les éléments importants : le correcteur se fiche de savoir si une voiture a été vendue 5 000€ si ça n’a pas de réelle conséquence juridique.
En revanche, si les 5 000€ ont été considérés comme dérisoires par les juridictions du fond (et qu’en fait le motif de la cassation ou de rejet se trouve être ce prix) il faut le mentionner, quitte à l’éluder dans la suite du commentaire.
Etape 3 : La procédure
Souvent, on veut mélanger procédure et faits parce qu’en vrai, l’un est la conséquence de l’autre. Mais que nenni !!! Il convient de bien garder en tête qu’une fiche d’arrêt, si elle lue par le correcteur aura de grande chance de placer le décor et de montrer qu’en démêlant les différentes étapes, l’arrêt a été, au moins dans sa globalité, compris.
Donc, la procédure…Parfois il n’y en a pas, et dans ce cas, il est HORS DE QUESTION d’inventer que machin a interjeté appel avant de se pourvoir en cassation si ce n’est pas dit !!
Ainsi, si l’arrêt ne mentionne que les prétentions du pourvoi sans précisions (aucune) sur la procédure antérieure, on ne blablate pas et on se contente d’un : « par la suite, X s’est pourvu en cassation au motif que… »
N.B : La tournure de cette dernière phrase peut donner l’impression que je m’apprête à mélanger procédure et moyens au pourvoi. Nope. Ici on introduit, de manière GENERALE, les prétentions de la partie, ou bien les motifs du rejet des juridictions du fond.
Etape 4 : Les moyens/Les motifs.
HAHA ! Double partie que je vais donc subdiviser !
a) Les moyens
S’il s’agit d’un arrêt de rejet, il n’y aura pas de motifs de rejet des demandes par la juridiction du fond : ils seront mentionnés dans le moyen.
En ce qui concerne donc le moyen, il en existe 2 sortes :
- Les courts : on ne tergiverse pas, on prend ce qu’il y a et on le reformule avec (parfois) des termes techniques dans la fiche d’arrêt.
- Les longs : ceux-là nécessitent un tri en fonction du thème qu’on le demande de traiter. Si le thème est la dation en paiement et qu’il est aussi fait mention d’une hypothèque, choisissez ce qui vous intéresse.
Pour les longs pourvois, de manière générale, on prend l’essentiel, et on évoque simplement ce qui n’est pas nécessaire.
De la même manière, s’il y a un pourvoi principal et un pourvoi incident, on les distingue en précisant qui est qui.
b) Les motifs
On est là en présence d’un arrêt de cassation (sauf cas très rare que je n’ai rencontré qu’une fois en près de 5 ans de droit !). Dans ce cas, il convient de rappeler les raisons du rejet des juridictions du fond en soulevant le point juridique dudit refus.
Ex : la Cour d’Appel a rejeté la demande de qualifier la mutation de l’obligation de paiement en un transfert de propriété, de dation en paiement au motif qu’il manquait à l’opération le mutuusdissensus.
A l’instar de l’exposé des moyens, s’il y a des motifs qui ne sont pas nécessaires à la compréhension de l’arrêt, il vaut mieux les passer sous silence (autrement on tombe dans le risque que la fiche d’arrêt fasse 3 pages au lieu d’une voire une et demi).
Etape 5 : La question de droit
Oui, c’est l’étape qui nous fait tous trembler parce qu’on joue un peu notre note là-dessus. Si on se tape un 6/20 ce n’est pas à cause de la forme de la rédaction. Une note en-dessous de 8 équivaut à un hors-sujet, et ce dernier n’est rien de plus qu’une mauvaise compréhension de l’arrêt.
DONC !!! Petit point sur la construction d’une BONNE question de droit !
Construction de la question de droit :
On ne le redira jamais assez, c’est l’essence de l’arrêt ; si vous posez cette question, vous devez être sûr que l’arrêt y répond, à celle-ci, et pas à une autre.
On procède step by step, no panic.
On cherche le fil rouge de l’arrêt : pas de panique ! Ce n’est pas un truc que seuls les génies trouvent !! Il s’agit de repérer dans l’arrêt les mots clés.
S’il s’agit d’un arrêt sur la cause ou l’objet, il faut repérer certains mots clés comme ordre public, nullité, défaut, élément caractéristique de l’obligation, mobile de l’obligation, champ contractuel, etc. Autant d’éléments qui permettent de HIERARCHISER les idées et l’importance des concepts en cause.
Une fois que le travail de repérage et de hiérarchisation est fait, il ne reste plus qu’à en faire un puzzle et à assembler le tout de manière cohérente, et surtout de manière à ce que la solution de la Cour de cassation réponde à la question que vous avez posé.
N.B. Pour le coup cette étape prend trèèèès longtemps ! Donc c’est normal d’y passer du temps et de peaufiner sa question de droit.
Etape 6 : Solution de la Haute juridiction.
Là, deux écoles de pensée s’affrontent :
- Ceux qui pensent qu’il vaut mieux donner la solution après avoir donné la question de droit,
- Ceux qui pensent que la solution de la Haute juridiction doit être donnée (de manière succincte) après les motifs de rejets ou après l’exposé des moyens, avant d’être développé plus avant à l’étape 6.
Perso, je préfère la première manière de faire, mais ça dépend du professeur ; ça ne coûte rien de demander pour s’assurer quelques points en plus.
Dans cette étape de la solution il faut faire apparaitre certains éléments :
- Si l’arrêt est un arrêt de principe avec visa, la formulation sera la suivante : les Hauts magistrats cassent l’arrêt d’appel au visa de l’article ‘blabla’ relatif à ‘blabla’ en énonçant l’attendu de principe suivant : ‘blabla’. »
o Il y a encore deux choses à retenir de cette sous étape :
S’il y a un visa mais pas d’attendu de principe, il faut mentionner le visa et l’article et donner la solution de la Haute juridiction SANS dire qu’il s’agit d’un attendu de principe (ce n’est pas parce qu’un arrêt est formulé de manière générale que c’est un arrêt de prince, et cette question fera l’objet d’un développement dans le commentaire, anyway)
S’il n’y a pas de visa mais que la Haute juridiction cite un article dans la solution, on le donne en disant : « la Haute juridiction casse sur le fondement de l’article ‘blabla’. »
- Si l’arrêt est un arrêt de rejet, il convient simplement d’en donner la substance sans chercher à dire s’il s’agit d’un arrêt de principe à grande portée, ou je ne sais quoi.
Ceci étant fait, il ne reste plus qu’à annoncer le plan du commentaire avant de s’atteler à sa rédaction !
II. Le commentaire
Avant de véritablement attaquer la rédaction, des précisions s’imposent :
- Ne pas écrire de ‘nous’ ou de ‘on’ : les profs trouvent que ça fait lycée et un peu trop personnelle comme tournure. On préférera donc les formules impersonnelles comme ‘’il convient de souligner/ mettre en exergue/ mettre en lumière/ relever, etc. ‘’
- Ne pas écrire de question autre que le problème de droit : ça signifie que vous vous poser encore des questions au stade de la rédaction ; or ces questions auraient dû faire l’objet d’une réflexion au brouillon.
- Ne pas faire de critiques trop vives de la Hautes juridictions ou même des juridictions du fond : ce sont généralement des personnes qui ont au moins 20 ans de plus d’expérience du droit dans les pattes par rapportaux rédacteurs que nous sommes, donc mollo sur la critique. Toujours faire preuve d’humilité même face à un arrêt, même s’il est de provocation !
- STOP ! Pas de « la Cour aurait dû » !! La Cour « aurait dû » rien du tout ! Elle aurait pu ! Je mets ici un accent particulier sur la tournure d’une phrase ; il est tout à fait possible de ne pas être d’accord avec la solution de la Haute juridiction (fait rare, mais possible !), mais il est hors de question de formuler des injonctions même de manière indirecte, alors qu’on n’est pas encore vraiment diplômé de droit !!! Donc la Haute juridiction « aurait pu préférer telle qualification à celle qu’elle a retenu. En l’espèce, l’application de sa solution aurait été substantiellement différente sur tel ou tel point, etc. »
- SURTOUT toujours justifier un avis, ou une simple énonciation ! Qu’on soit d’accord ou non ne change pas le fait qu’il faille justifier sa position avec des arguments juridiques et pas des arguments d’opportunité tels que : « c’est pas très juste… » Non. On s’en fiche que ce soit juste, on veut que ce soit juridique. La partie ‘’justicier de l’ombre’’ c’est pour plus tard !
Construction du plan
Oui, tremblez comme des feuilles mais en vrai rien de bien terrible quand on retient la chose suivante :
I.A = Plaçage de décor.
Dans la première sous-partie on rappelle les évolutions jurisprudentielles qui ont amené à cet arrêt. Il est également important de faire un rappel de concepts, à savoir, définir les concepts en cause et aussi présenter leurs principaux mécanismes et caractéristiques.
Mais comme cette sous-partie ne doit sortir ex nihilo, elle doit aussi être rattachée à l’arrêt ; quand les mécanismes ont été présenté on fait une pirouette : « en l’espèce, le mécanisme de la délégation posait problème par rapport à la légitimité du paiement reçu par le créancier/ délégataire en ce qui concernait la subrogation de celui-ci dans les droits de X »
N.B. Ceci est une phrase hypothétique.
Les phrases de rattachements des concepts à l’arrêt vont permettre de faire la transition avec le I.B, donc il ne faut pas les négliger en pensant que la première partie c’est un peu que du blabla.
I.B. = Cœur de l’arrêt.
Cette sous-partie est le cœur de l’arrêt avec le II.A. C’est la partie essentielle du commentaire, tant dans sa portée explicative que dans l’intérêt que le prof avait de mettre cet arrêt.
Kézako signifie ? Ca veut dire que le pro s’attend à voir l’étudiant réfléchir sur l’arrêt en concept, mots clés, et en implication juridique.
L’implication juridique est un élément très important car il permet de voir si l’étudiant à percuté l’enjeu de l’arrêt.
Un prof nous avait donné un exercice en L2 : trouver la pointe de l’arrêt. Quid ? La pointe de l’arrêt était pour M. le Professeur Aynès un mot où une petite expression qui faisait toute la substance de l’arrêt et qui faisait que l’arrêt n’aurait pas été ce qu’il est sans ce mot.
Ex : le paiement, fusse-t-il de bonne foi, blabla…
En introduisant ce mot, la Cour de cassation avait introduit une forme de degré zéro, et c’est très important à commenter. Les degrés, les qualités, les critères, etc. dans la solution de la Haute juridiction sont cruciaux et il est impératif de les mettre en avant pour montrer que l’arrêt et ses enjeux ont été assimilés et maîtrisés autour d’une argumentation juridique (pas éthique ou morale, on s’en fiche ; ca ne viendra pas avant le II.B.).
II.A. = Cœur de l’arrêt bis et petit plus.
Ici, on demande de traiter la deuxième grande idée, l’idée phare de l’arrêt avec les mêmes enjeux à ceci près que dans cette sous-partie, il est possible de plus balancer les arguments, et non pas d’en faire un catalogue Ikea.
N.B. Attention ! Il n’est pas encore question de véritablement donner son avis dans cette partie ! Il s’agit de justifier sa position intellectuelle. Quid ? Il s’agit de dire que si vous considérez par exemple, que la qualification de la Cour de cassation en tel concept était fondée parce que blablabla…
Grosso modo, c’est le même exercice que pour le I.B. à ceci près : les arguments des deux sous-parties doivent se répondre et être cohérents.
II.B. = Portée critique
Ne pas négliger cette partie, sous aucun prétexte ! Et ce n’est pas non plus la partie fourre-tout !
C’est la sous-partie qui permet de nuancer la position de la Cour de cassation (avec moult pincettes !!) mais toujours arguments juridiques à l’appui. Il n’est pas question de dire que la Haute juridiction avait tort parce que sa solution aboutit à une solution injuste.
Si c’est le cas, prenons l’arrêt Perruche, dans ce cas, il y aura de la doctrine à l’appui pour appuyer votre propos ; ça ne sortira pas du chapeau de la morale.
D’autre part, cette partie a aussi pour but de montrer la portée que peut avoir l’arrêt : s’il s’agit d’un arrêt que la Haute juridiction a voulu très publié, ça veut dire que la Cour entend qu’il ait une forte résonnance, et que ce ne soit pas qu’un arrêt d’espèce.
A contrario, s’il s’agit d’un arrêt d’espèce ou d’illustration, il faut montrer dans cette partie en quoi l’implication de l’arrêt se limite au cas qui lui a été soumis.
Et ça ! Ça se prouve avec les termes de la Haute juridiction : s’ils sont généraux, la solution aura vocation à être générale ; s’ils sont très spécifiques (et je dis bien spécifique et non technique, parce que les termes d’un arrêt peuvent être techniques sans être spécifiques), alors l’arrêt aura vocation à illustrer une doctrine déjà approuvée antérieurement, ou simplement régler un litige de droit qui n’avait pas encore été résolu mais sans que la solution ait vocation à bouleverser la matière à laquelle il appartient.
Voilà ! Après, pour la rédaction, c’est une question d’entrainement, mais il ne faut pas oublier de lire pas mal de doctrine pour bien s’imprégner d’une bonne qualité rédactionnelle juridique ! SURTOUT si le devoir est un devoir maison : dans ce cas, on ne vous pardonnera pas de ne pas vous être renseigné et de ne pas avoir étayé vos propos à base de doctrine !
Autres recommandations :
- Ne pas oublier de se relire.
- La citation de jurisprudence c’est cool, si ça sert vraiment le propos. Autrement, mieux vaut s’abstenir.
- Si citation de doctrine il y a, il vaut mieux qu’elle soit ultra précise (pour un DM) et/ou exacte (pour un DST). Les références se trouvent assez facilement, aussi, l’imprécision a tendance à exaspérer les profs.
- Souligner les titres de ses parties, TOUS les titres.
- Si vous faites un retour à la ligne, assurez-vous qu’il s’agit d’une nouvelle idée, autrement ça n’a aucun intérêt et ça peut parfois induire votre prof en erreur.
- En ce qui concerne les titres des parties, il faut choisir un parti (type : cause/conséquence, principe/exception) et essayer d’introduire un adjectif par partie afin que le titre ne soit pas plat.
- JAMAIS de verbe conjugué dans les titres. En ce qui concerne les participes passés, certains les acceptent d’autres pas, dans le doute, le jour-J n’en mettez pas !
- Les transitions ne doivent jamais être apparentes.
- Jamais de conclusion séparée du II.B.
- TOUJOURS introduire un chapeau introductif des sous parties que vous allez traiter entre le I. et le A et le II. Et son A.
Pour le reste : good luck !