Les contrats
Classification et conditions de validité
Chapitre 3 : Les
contrats - Classification et conditions de validité.
I --
Généralités.
A -- Définition.
L'article
1101 du Code civil nous donne la définition du contrat : « le contrat est une
convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent vers une ou
plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».
Un
contrat est donc un accord de deux ou plusieurs volontés en vue de créer un
rapport obligatoire entre deux ou plusieurs personnes ou de modifier ou
éteindre un rapport préexistant. Les exemples sont nombreux : -- contrat de
vente -- contrat de travail -- contrat de location -- contrat de gage -- etc..
Un
contrat, quel qu'il soit, est donc un acte juridique qui est l’œuvre de
volontés libres (nous verrons un peu plus loin l'importance de la notion de
liberté du consentement en matière contractuelle) et qui, en principe, n'a pas
d'effet à l'égard des tiers.
De
ce point de vue, il est à peine besoin de souligner que tout contrat comporte
des effets juridiques -- notamment et principalement l'obligation pour chacune
des parties au contrat de respecter ces engagements. C'est ce qui distingue le
contrat d'autres types d'accords non obligatoires ne comportant aucun effet
juridique (par exemple, un acte de courtoisie tel qu'une invitation lancée et
acceptée ne constitue pas un contrat -- ou encore, un engagement sur l'honneur
n'entraîne aucune obligation juridique).
B. -- La théorie
de l'autonomie de la volonté en matière contractuelle.
La
théorie de l'autonomie de la volonté représente le fondement de la force
obligatoire du contrat dans la mesure où,
à partir du moment où l'on considère que l'homme est libre, l'obligation
qu'il assume à la suite d'un contrat ne peut venir que de lui-même. La loi ne
fait donc que garantir l'exécution de l'obligation contractuelle et en assure
la sanction.
Quand
on dit que la volonté est autonome, cela signifie que l'on considère que la
volonté humaine tire d'elle-même toute sa force créatrice d'obligations.
Par
conséquent, « qui dit contractuel dit juste » -- tel est tout au moins le
principe. Par exemple, aucun débiteur ne peut se plaindre d'être injustement
obligé puisqu'il l'a voulu. Au contraire, lorsqu'une obligation n'a pas été
consentie, il ne peut s'agir que d'une contrainte injuste. Ajoutons également
que lorsque le consentement est entaché de vices (erreur, dol, violence ou
lésion) le contrat peut être annulé.
En
bref, la théorie de l'autonomie de la volonté implique d'une part la liberté de
contracter ou de s'abstenir et d'autre part la force obligatoire du contrat. En
effet, les parties sont liées par le contrat et il faut le consentement des
deux parties pour le modifier ou pour y mettre fin. La force obligatoire
s'impose non seulement aux parties mais aussi au juge -- le juge n'a qu'une
mission : dégager clairement le sens du contrat pour mieux en assurer
l'exécution -- d'ailleurs, on dit souvent qu'en matière contractuelle le juge
n'est que « le ministre de la volonté des particuliers ».
Certains
auteurs prétendent toutefois que la volonté individuelle ne joue pas en fait le
rôle aussi prépondérant qu'on veut lui prêter dans la mesure où les atteintes
portées au principe de la liberté de contracter sont très nombreuses. Il existe
en effet de nombreux contrats nécessaires et imposés (par exemple, il est
obligatoire de s'assurer dès lors que l'on possède un véhicule) et, parfois, la
loi limite elle-même la liberté de choisir son contractant (obligation
d'employer des personnes handicapées par exemple) dans un souci de protection
des intérêts collectifs.
De
plus, la liberté de négociation en matière contractuelle est souvent totalement
illusoire en raison du déséquilibre des rapports de force entre les parties --
il en est ainsi, par exemple, du contrat de travail qui, dans la plupart des
cas, ne laisse aux salariés que la possibilité d'adhérer aux conditions de
travail imposées par l'employeur ou de les refuser. La doctrine moderne
qualifie d'ailleurs ce type de contrat de « contrat d'adhésion ».
En
conclusion sur ce point, nous pouvons donc dire que le contrat se transforme
dans la mesure ou la liberté contractuelle décline pour s'adapter aux réalités
économiques et sociales.
II -
Classification des contrats.
-- Contrats synallagmatiques et contrats
unilatéraux.
On
dit qu'un contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsqu'il comporte des
obligations réciproques. Il y a donc réciprocité des engagements de la part des
parties et si une des parties n'exécute pas ses obligations, l'autre est
dispensé d'exécuter les siennes.
Dans
un contrat de vente, par exemple, le vendeur est obligé de livrer la chose et
l'acheteur est obligé de payer. Il est bien évident que si le vendeur ne
respecte pas son obligation, l'acheteur sera dispensé de payer. Il en va ainsi
de tous les contrats dits « synallagmatiques ».
Inversement,
un contrat est qualifié d'« unilatéral » quand il n'entraîne d'obligations qu'à
la charge d'une des parties sans réciprocité. Par exemple, un contrat de
cautionnement est unilatéral -- il en est de même pour une donation ou encore
pour une promesse unilatérale de vente.
-- Contrats à titre onéreux.
Les
contrats à titre onéreux s'opposent aux contrats de bienfaisance.
Un
contrat est dit « à titre onéreux » lorsque chacune des parties reçoit un
avantage qui est la contrepartie de celui qu'elle procure à l'autre. Les
contrats de travail, de vente, de location sont, par exemple des contrats à
titre onéreux.
Au
contraire, dans un contrat de bienfaisance, une des parties procure à l'autre
un avantage sans rien recevoir en échange. Il en est ainsi, par exemple du prêt
d'argent sans intérêt.
La
loi est généralement plus indulgente pour celui qui rend un service gratuit.
-- Les contrats commutatifs et les
contrats aléatoires.
Un
contrat est qualifié de "commutatif" quand les prestations sont
connues à l'avance et sont parfaitement déterminées. Par exemple, un contrat de
vente portant sur une chose identifiée est un contrat commutatif (c'est aussi
un contrat à titre onéreux, bien entendu !)
Un
contrat est qualifié "d'aléatoire" lorsque les prestations sont
incertaines donc lorsque les avantages où les pertes qui en résulteront
dépendent d'un événement incertain -- par exemple le contrat d'assurance est un
contrat qui n'implique d'obligations pour l'assureur que dans le cas de
survenance d'un sinistre.
-- Contrats consensuels, solennels et
réels.
Alors
qu'un contrat consensuel se forme uniquement par l'accord des parties (achat
courant de la vie quotidienne, par exemple), le contrat solennel suppose que le
consentement soit donné en certaine formes (achat immobilier nécessitant un
acte notarié, par exemple).
Un
contrat est dit « réel » ( du latin « res » qui veut dire « chose ») lorsqu'il
exige non seulement l'accord des parties mais la remise d'une chose au
débiteur.
-- Contrats à exécution successive et
contrat à exécution instantanée.
Un
contrat est successif lorsque l'exécution des obligations qu'il implique
s'échelonne dans le temps. Dans ce cas, les parties sont liées pour une durée
déterminée ou indéterminée. Il en est ainsi, par exemple, du contrat de
location ou encore du contrat de travail.
Inversement,
le contrat à exécution instantanée donne naissance à des obligations
susceptibles d'être exécutées par une seule prestation (vente d'un objet par
exemple).
-- Contrats de libre discussion (ou de
gré à gré), contrats d'adhésion et contrats types.
Comme
nous l'avons souligné plus haut, la pratique moderne montre que l'accord de
volonté est souvent l’œuvre exclusive de l'une des parties plus puissante
économiquement que l'autre. Cette dernière adhère ou n'adhère pas aux clauses
qui lui sont proposées. Par exemple, un contrat de transport avec la SNCF est
un contrat dit « d'adhésion ».
Il
se peut également que le contrat ne soit l’œuvre d'aucune des deux parties --
Il s'agit ici d'un contrat type qui peut être rédigé, par exemple, par des
agents de l'état des organismes professionnels.
Inversement,
le contrat de libre discussion (également qualifié de contrat « de gré à gré »
implique une certaine égalité dans le processus de négociation donc dans
l'expression du consentement (contrat de vente de véhicule d'occasion, par ex).
III - Conditions
de validité des contrats.
Un
contrat ne peut être considéré comme valablement formé que lorsque sont réunies
les conditions essentielles pour sa validité après concordance entre l'offre et
l'acceptation.
Les
conditions de validité des contrats sont au nombre de 4 :
--
la capacité.
--
le consentement libre des parties.
--
l'objet.
--
la cause.
D'une
manière générale, les parties doivent être capables de contracter (il s'agit de
capacité juridique, cela va sans dire !) et le consentement doit avoir été
exprimé de manière libre c'est-à-dire être exempt de vices (erreur, dol,
violence et lésion.
--
ces points seront examinés ci-après). La cause du contrat correspond à la
raison pour laquelle chacune des parties a accepté de conclure le contrat
--
elle doit être licite et conforme aux bonnes mœurs (pourquoi les parties se
sont-elles engagées ?).
L'objet
correspond à la prestation que chacune des parties s'engage à fournir (qu'ont voulue
les parties ?)
--
selon toute évidence, l'objet doit également être licite est conforme aux
bonnes mœurs.
A -- la
capacité.
«
Toute personne peut contracter si elle n'est pas déclarée incapable par la loi
»
Le
principe est donc la capacité et l'incapacité est l'exception.
En
effet, la loi ne reconnaît pas à l'incapable la faculté de passer valablement
un contrat.
Selon
les cas, on parlera d’incapacité générale, d’incapacité spéciale, d'incapacité
de jouissance et d'incapacité d'exercice.
--
une incapacité est dite générale lorsque tout contrat passé par la personne
visée peut être annulé. Tel est le cas, par exemple des mineurs, des majeurs en
tutelle, et des groupements non dotés de la personnalité morale.
--
une incapacité est dite spéciale lorsque la loi interdit à certaines personnes
de passer certains contrats avec telles ou telles autres personnes déterminées.
Par exemple, la vente entre époux est interdite.
--
concernant l'incapacité de jouissance, tout individu frappé de ce type
d'incapacité sera privé du droit de passer des contrats. Les donations sont,
par exemple, interdites au mineur non émancipé.
--
l'individu frappé d'incapacité d'exercice ne peut contracter seul sans
l'assistance de son représentant légal.
B. -- le
consentement.
En
matière contractuelle, le consentement est souvent la condition nécessaire et
suffisante à la formation du contrat. Bon nombre de contrats sont en effet
passés sans aucune formalité de quelque nature qu'elle soit.
Au
sens étymologique, le consentement correspond à l'accord des volontés des
parties sur le contrat projeté
--
au sens restrictif, c'est l'acquiescement donné par les parties aux conditions
du contrat projeté.
1 --
Forme et expression du consentement.
Le
principe est celui du caractère consensuel du contrat donc le consentement
suffit. Mais, peu à peu, le principe du consensualisme décline et on assiste à
une renaissance du formalisme pour un certain nombre de contrats.
Dans
certains cas, en effet, le formalisme est exigé par la loi comme condition de
validité. Par exemple, lorsqu'un contrat est solennel (actes de vente
immobilière, de donation, ou encore contrat de mariage), la volonté des parties
ne suffit pas à le conclure et la loi exige la constatation du consentement
dans un acte notarié.
Le
but est d'assurer le sérieux du consentement pour protéger les intérêts de
celui qui s'oblige par un contrat complexe où les intérêts de la famille mis en
jeu par le contrat en question.
Dans
d'autres cas, un écrit est obligatoire sans pour autant qu'il s'agisse d'un
acte notarié
--
tel est le cas, par exemple en matière de cession de brevets d'invention ou
encore pour toute promesse unilatérale de vente d'un immeuble ou d'un fonds de
commerce.
De
plus il arrive fréquemment que les parties conviennent elles-mêmes de passer un
écrit pour leur convention.
Sur
la question de savoir si le silence peut être équivalent à une manifestation de
volonté, le vieux proverbe « qui ne dit mot consent » ne s'applique pas de
façon générale en la matière. Donc, en principe le silence ne vaut pas
consentement car le juge estime que la manifestation de volonté n'est pas
suffisamment précise pour être dénuée d'équivoque. Il y a toutefois des cas
dans lequel le silence est considéré comme une acceptation donc suffit comme
manifestation de la volonté (reconduction automatique d'un contrat de location
par exemple). Il en sera également ainsi lorsqu'il existe entre les parties des
relations d'affaires antérieures (ex : contrat de fournitures entre
entreprises).
2 --
les vices du consentement.
Le
consentement doit avoir été exprimé de manière intègre c'est-à-dire être exempt
de vices.
Il
existe quatre vices du consentement en matière contractuelle :
-- l'erreur.
-- le dol.
-- la violence.
-- la lésion.
-- L'ERREUR.
En
matière contractuelle, l'erreur se définit comme une idée fausse et inexacte
que se fait le contractant d'un des éléments du contrat. L'erreur peut donc
concerner la valeur des prestations, la personne avec laquelle on contracte ou
encore l'objet de l'obligation. L'article 1110 du Code civil parle de deux
sortes d'erreur : l'erreur sur la substance et l'erreur sur la personne. Mais
il y a bien d'autres types d'erreurs comme l'erreur sur la cause, ou sur
l'objet du contrat.
**Dans
certaines situations l'erreur détruit le consentement. Il s'agit de ce que l'on
appelle « l'erreur obstacle». Il en est ainsi lorsque l'erreur porte soit sur
la nature du contrat soit sur son objet soit sur sa cause. À titre d'exemple,
un engagement pris par une personne de subvenir aux besoins d'un enfant est nul
lorsqu'elle a cru, à tort, être l'auteur de l'enfant.
**Dans
d'autres cas l'erreur vicie le consentement :
L'erreur
sur la substance de la chose dite « erreur sur les qualités substantielles de
la chose » correspond à une erreur sur certaines qualités de l'objet jugées
essentielles par les contractants -- ex : une personne achète un tableau de maître
et il s'avère que c'est un faux -dans un tel cas, le contrat pourra, bien
entendu, être annulé.. Il en va de même en cas d'achat d'un objet en or et qui
ne seraient que du "plaqué".
Pour
entraîner l'annulation du contrat, l'erreur doit vraiment porter sur les
qualités substantielles de la chose c'est-à-dire être de nature que sans elle
la partie n'aurait pas contracté. Le demandeur devra donc apporter la preuve de
sa prétendue erreur. En matière d'antiquités, la tâche du demandeur sera
parfois rendue facile par la profession même du défendeur avec lequel le
demandeur à traiter.
**L'erreur
sur la personne doit également être prise en considération en matière
contractuelle. Pour qu'elle soit une cause de nullité il suffit qu'il y ait
erreur sur une qualité de la personne et que cette qualité ait été le motif de
la convention.
En
résumé, si l'erreur porte sur une qualité non substantielle de la prestation
ou, en cas d'erreur sur la personne, si la considération de la personne n'est
pas la cause principale qui a déterminé la conclusion du contrat, le contrat ne
pourra être annulé.
Par
ailleurs, l'erreur doit être excusable et non grossière -- les tribunaux
écartent en effet l'erreur que ne commettrait pas un contractant normal.
-- LE DOL.
L'article
1116 du Code civil nous dit que le dol est une cause de nullité du contrat
lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est
évident que sans cette manœuvre l'autre partie n'aurait pas contracté.
Le
dol correspond donc à une manœuvre dont une personne use pour tromper une autre
au cours d'un contrat.
En
matière de dol, ce qui est vice du consentement c'est l'erreur provoquée par le
dol. Il ne faut donc pas confondre dol et erreur car le dol entraîne la nullité
dans des cas où il a engendré une erreur qui par elle-même ne permettrait pas
l'annulation (par exemple l'erreur sur la valeur d'une chose).
Le
dol s'apparente donc parfois à l'escroquerie.
Les
éléments constitutifs du dol sont les suivants :
--
Elément matériel : il faut un fait de tromperie. Le dol suppose donc l'emploi
de manœuvres frauduleuses. Par exemple, un commerçant qui simule des bénéfices
exagérés pour vendre plus cher son fonds de commerce. Notons que pour qu'il y
ait dol, l'emploi de ces manœuvres n'est pas nécessaire - le mensonge peut-être
constitutif de dol.
Sur
la question de savoir si le silence peut-être constitutif de dol, la loi est
muette sur la question -- le juge dispose donc d'un pouvoir d'appréciation
souverain en la matière -- tout dépendra donc de la situation dans laquelle se
sont trouvées les parties au moment de l'expression du consentement. D'une
manière générale on estime que le dol sera sanctionné par réticence lorsque,
par son silence volontaire, un contractant a manqué à la bonne foi sur laquelle
l'autre comptait.
--
Elément psychologique : il s'agit de l'intention de tromper -- donc, si
l'intention d'induire une personne en erreur n'est pas prouvée, le contrat ne
pourra être annulé.
--
Le dol doit avoir été déterminant.
Il
faut que les manœuvres soient telles que sans elles, la victime n'aurait pas
contracté.
--
le dol doit émaner de l'un des contractants.
Si
le dol est l’œuvre d'une tierce personne, le contrat ne pourra être annulé.
--
le dol doit être prouvé, il ne se présume pas.
Dans
bien des cas, le dol civil sera en même temps un dol pénal. Autrement dit, nous
nous trouvons en présence de ce que l'on appelle tout simplement une «
escroquerie » ou encore de la tromperie sur les qualités de la marchandise.
Mais
il n'en va pas ainsi dans tous les cas. Les manœuvres déployées par un
contractant ne constituent pas nécessairement une escroquerie au sens où on
l'entend en droit pénal.
-- LA VIOLENCE.
En
cas de violence, le consentement est vicié puisqu'il n'a pas été libre.
Mais
que faut-il entendre exactement par « violence » ? Selon l'article 1112 du Code civil, lorsque
le fait est de nature à faire, d'une façon déterminante, impression sur une
personne raisonnable et qu'il peut lui inspirer la crainte d'exposer sa
personne ou sa fortune un mal considérable est présent, la violence peut
entraîner l'annulation d'un contrat.
Cet
article nous montre bien que la violence pratiquée par l'un des contractants
peut concerner non seulement la personne, mais aussi les biens de l'autre
contractant.
Il y
a deux sortes de violence : la violence physique et la violence morale qui,
quant à elle, s'exerce par des menaces dirigées sur une personne pour la
contraindre à s'obliger.
**Conditions
de l'annulation d'un contrat pour violence.
--
la violence doit être d'une certaine gravité.
--
la violence doit être déterminante c'est-à-dire être de nature à faire
impression sur une personne raisonnable. Le juge considère en la matière l'âge,
le sexe, et la condition des personnes. Il est donc nécessaire de rechercher
si, effectivement, la personne qui demande la nullité était sous l'emprise de
la crainte. L'objet de la crainte est également important -- le mal redouté
peut menacer non seulement la personne des contractants mais encore ses biens
ou sa famille comme le précise la loi.
--
la violence doit être injuste. Il en est ainsi notamment lorsque l'auteur de la
violence a recours à des voies de fait. Il en résulte que l'emploi de voies de
droit ne peut être constitutif du vice de violence (par exemple, un débiteur
qui accepte de vendre ses biens pour éviter les poursuites de son créancier).
Toutefois, l'emploi des voies de droit ne doit pas être abusif et un créancier
ne doit pas menacer son débiteur de saisie et de procès pour lui extorquer des
engagements excessifs.
À la
différence du dol, pour que la violence emporte la nullité du contrat, il n'est
pas nécessaire que les menaces soient le fait d'un des contractants. Par
exemple, la violence peut résulter des événements -- le capitaine d'un navire
en détresse peut-être amené à signer une convention d'assistance qui lui est
totalement défavorable.
La
violence est un fait juridique et peut donc être prouvée par tous les moyens.
C'est, bien entendu, sur la victime de la violence que pèse la charge de la
preuve et l'auteur de la violence pourra être condamné à des dommages intérêts,
qu'il s'agisse de violence physique ou de violence morale.
-- LA LESION.
La lésion est un préjudice subi par un contractant en raison
du défaut d'équivalence des prestations menées du contrat (ex. : en cas de
vente d'un bien en dessous de sa valeur, le vendeur est lésé).
A
priori, le principe de la liberté contractuelle et le rôle passif du juge en la
matière imposerait de ne pas intervenir sur la question de l'équivalence ou de
l'égalité des prestations. Par conséquent, en cas de lésion, tant pis pour
celui qui a consenti dès lors que son consentement n'est affecté d'aucun autre
vice.
Toutefois,
il serait inéquitable de ne pas protéger celui qui, par faiblesse ou par
ignorance a consenti de ne recevoir que des avantages disproportionnés avec la
prestation qu'il a promis. C'est la raison pour laquelle, dans un certain
nombre de cas, la lésion est admise dans notre droit comme pouvant entraîner
l'annulation d'un contrat.
Le
Code civil sanctionne donc la lésion mais les cas sont toutefois très rares.
Par exemple, en cas de partage lors d'une succession, si l'un des héritiers est
lésé de plus du 1/4, le partage pourrait être annulé. En matière de vente
d'immeubles, si un immeuble est vendu moyennant un prix inférieur à plus de
7/12 de sa valeur réelle, le vendeur pourra demander l'annulation du contrat
pour lésion. Le Code civil refuse à l'acheteur le droit d'agir en justice pour
lésion.
Les
actes des mineurs non émancipés pourront éventuellement être annulés pour
lésion.
Retenons
toutefois qu'en principe, le juge retient très rarement la lésion comme cause
d'annulation des contrats. La lésion apparaît donc être un vice du consentement
un peu à part dans la mesure où le Code Civil refuse de l'intégrer dans le
système des vices du consentement. C'est donc la jurisprudence qui, dans d'une
certaine mesure, comble les lacunes du Code Civil à ce niveau
C --
L'objet.
Selon
l'article 1126 du Code civil, « tout contrat a pour objet une chose qu'une
partie s'oblige à donner, à faire ou à ne pas faire ».
L'objet
du contrat correspond à l'opération juridique envisagée par les parties (il
peut s'agir d'une vente, d'une création de société, d'un contrat d'assurances,
etc..) et ne doit pas être confondu avec l'objet de l'obligation.
--
l'objet du contrat correspond, comme nous venons de le dire, à la détermination
de l'opération qui est envisagée par les contractants. Certaines conventions
sont interdites en raison du caractère illicite de leur objet. Par exemple, le
contrat par lequel une femme s'engage à concevoir et porter un enfant pour
l'abandonner ensuite doit être considéré comme nul (arrêt de la Cour de
Cassation des 31 mais 1991).
--
l'objet de l'obligation correspond à la prestation que chacune des parties
s'engage à fournir. L'article 1126 du Code civil parle d'obligation de donner,
faire ou ne pas faire quelque chose.
Par
exemple, l'objet du contrat de vente est de faire naître des obligations à la
charge du vendeur et de l'acheteur -- l'objet du contrat de travail de faire
naître des obligations à la charge de l'employeur et du salarié. Donc, l'objet
de l'obligation du vendeur est la chose dont la propriété est transférée et
l'objet de l'obligation de l'acheteur le prix qu'il doit payer. En matière de
contrat de travail, l'objet de l'obligation de l'employeur est le salaire qu'il
doit verser et l'objet de l'obligation du salarié est le travail qu'il doit
fournir.
Quoi
qu'il en soit, et quels que soient les multiples aspects que peut prendre
l'objet, celui-ci doit répondre à certaines conditions pour assurer la validité
d'un contrat :
--
la chose doit tout d'abord exister. En effet, il est impossible de s'engager
sur une chose qui n'existe pas. Notons toutefois qu'une vente peut tout à fait
porter sur une chose future (vente d'une maison à construire, contrat de
fournitures se déroulant dans le temps, etc..).
--
la chose doit ensuite être déterminée ou déterminable. Par exemple, en matière
de vente de véhicules d'occasion la chose est déterminée mais s'il s'agit de
l'achat d'une récolte, la quantité ne sera déterminée avec précision qu'après
la récolte -- dans ce dernier cas la chose n'est que déterminable.
--
la chose doit être dans le commerce -- il est à peine besoin de souligner que
les biens du domaine public ou même le corps humain sont hors du commerce.
--
l'objet doit également être licite et conforme aux bonnes mœurs (sachant que la
notion même de « bonnes mœurs » évolue avec le temps).
D --
la cause.
L'article
1131 du Code civil exige que l'obligation ait une cause et que cette cause soit
licite.
La
notion de cause est assez difficile à cerner -- elle doit notamment être
distinguée des notions de consentement et d'objet.
En
matière contractuelle, la cause correspond aux motifs déterminants et immédiats
qui justifient la décision prise.
Par
exemple, lorsqu'il s'agit d'un contrat synallagmatique, la cause de
l'obligation de chacune des parties réside dans l'obligation de l'autre. Il en
est ainsi pour tous les contrats les plus courants (vente, location, travail,
etc...).
À
l'inverse, dans les contrats à titre gratuit (donation) la cause de
l'obligation qu'assume le donateur réside dans son intention libérale, dans son
désir de gratifier certaines personnes.
Les
traits caractéristiques de la cause sont donc les suivants :
--
le juge doit s'attacher au dernier état psychologique qui précède l'accord pour
analyser le consentement des parties et éventuellement décider de l'absence de
cause ou de son caractère illicite.
--
la cause faite partie intégrante du contrat car elle en est l'un des éléments
constitutifs.
--
la cause est nécessairement connue des deux parties puisqu'elle dépend de la
nature même du contrat.
--
un contrat dont une obligation serait sans cause serait dépourvu de toute
efficacité.
En
bref, pour qu'une obligation soit fournie valablement donc pour qu'un contrat
soit valable il faut que la cause existe et soit licite. L'article 1133 du Code
civil précise que « la cause est illicite quand elle est
prohibée par la loi ou quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre
public). C'est donc au juge qu'il appartient de vérifier le caractère licite de
la cause.
Soulignons
qu'il ne faut pas confondre la cause et l'objet. Par exemple si on promet une
somme d'argent à une personne pour lui faire commettre un acte illicite,
l'obligation du débiteur sera nulle pour objet illicite et l'obligation du
créancier sera nulle pour cause illicite.
III : la
sanction des conditions de validité des contrats : la nullité.
Si
l'une des conditions nécessaires à la formation du contrat n'est pas remplie,
le contrat est nul. On distingue deux types de nullité : la nullité absolue et
la nullité relative.
La
nullité absolue peut être invoquée par tout intéressé alors que la nullité
relative ne peut être invoquée que par certaines personnes auxquelles la loi
reconnaît cette faculté. Donc, la nullité absolue est une nullité d'ordre
public que tout intéressé peut demander tandis que la nullité relative est une
nullité de protection et qui ne peut être demandée que par la personne que la
loi veut protéger (victime) ou son représentant. Le délai de prescription et de
30 ans pour la nullité absolue et de 5 ans (à partir du jour où le vice a été
découvert) pour la nullité relative.
--
Personnes pouvant invoquer une nullité relative.
Une
nullité relative ne peut, en effet, être intentée que par les personnes que la
loi a voulu protéger. Par exemple, en cas de vice du consentement, le
contractant dont le consentement a été vicié peu intenter une action en
nullité.
--
Personnes pouvant invoquer une nullité absolue.
Toute
personne qui a un intérêt peut invoquer la nullité absolue d'un contrat.
Certes,
si les contrats ne produisent pas d'effets vis-à-vis des tiers (en principe),
ils peuvent toutefois avoir des effets indirects à leur encontre. Mais la
jurisprudence se montre très exigeante quant à l'intérêt qui permet à un tiers
d'agir -- ex. un commerçant ne peut pas demandé la nullité d'une société même
si celle-ci est constituée contrairement à l'ordre public en invoquant d'autres
intérêts que celui de voir disparaître un concurrent. Le rapport doit donc être
très étroit avec la cause de la nullité et les nullités absolues ne sont
envisageables que dans les cas particulièrement graves, par exemple lorsque le
contrat n'a pas de cause ou encore lorsque l'acte est immoral.
--
L'effet rétroactif de la nullité.
En
annulant un contrat, le juge fait disparaître, en principe, tout ce que les
parties ou l'une d'entre elles pouvait accomplir. La nullité à un effet dit «
rétroactif », ce qui signifie que tout doit être normalement rétabli dans
l'état où les contractants se trouvaient avant passation du contrat.
La
question se pose toutefois des cas où l'effacement complet du passé contractuel
ne peut être réalisé -- le principe de la rétroactivité supporte donc de
nombreux exceptions :
--
Exceptions au principe de la rétroactivité de la nullité.
**
Si un contrat successif a été annulé alors que certaines prestations ont déjà
été faites, on ne peut revenir complètement en arrière. Ex. Lorsqu'un contrat
de bail commercial de 9 ans est annulé alors que le locataire a déjà occupé les
lieux pendant 2 ans le principe de la rétroactivité impliquerait que le
locataire ne soit pas tenu au paiement de ses loyers. Toutefois on estime qu'il
devra quand même verser une indemnité d'occupation.
**
Le principe de rétroactivité est également écarté au profit des incapables
notamment lorsqu'un mineur ou un majeur en tutelle invoque la nullité d'un
contrat qu'il avait passé.
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Enfin, une dernière exception au principe de la rétroactivité doit être
soulignée -- il s'agit de la règle «Nemoauditurpropriamturpitudinemallegans ».
Cet adage issu du droit romain signifie que « nul ne peut invoquer en justice
sa propre turpitude (bêtise ou malhonnêteté si vous préférez !). En effet,
cette règle aboutit à empêcher au contractant qui se prévaut de son immoralité,
de sa turpitude, d'obtenir la restitution de la prestation qu'il a fournie. Les
solutions jurisprudentielles sont assez floues quant aux critères retenus en la
matière. (ex. en cas d'achat d'un fonds de commerce fermé pour cause
d'activités illicites, l'acheteur ne pourrait pas, après l'annulation de la
vente du fonds de commerce exiger la restitution de la fraction du prix qu'il
avait versée -- de même que le vendeur ne pourrait obtenir restitution du fonds
par application de l'adage Nemoauditur".