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mercredi 14 novembre 2018

Cours de droit L1 Histoire des Institutions.

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Cours de droit L1
Histoire des Institutions





Introduction
En 476, un chef barbare (ODOACRE) dépose celui qui est présenté comme le dernier empereur romain d’occident : ROMULUS AUGUSTULE. 476 marque la fin de l’Antiquité et le début du Moyen-Âge. Finalement, cette date c'est aussi le début de l’Ancien Régime qui va aller jusqu’en 1789. Le royaume de France s’est constitué et l’Etat français s’est construit entre 476 et 1789. La période de l’Ancien Régime a souvent été analysée péjorativement sur l’ordre monarchique. Cependant, l’Ancien Régime ne naît qu’à partir de la révolution et sa définition se faire à l’envers. C'est la vision que les gens de 1789 ont et qu’ils projettent.
L’Ancien Régime se définit avant tout comme un ordre politique basé sur cette monarchie de droit divin. Les Français sont avant tout des sujets qui doivent obéissance au roi, le respect des autorités vient de l’attitude commune de la population. L’Ancien Régime est très marqué par la religion chrétienne qui est la religion du roi. Cette religion chrétienne est donc la base de la société d’Ancien Régime à société d’ordre. On observe donc une tripartition : le clergé (ceux qui prient, les ORATORES), la noblesse (ceux qui combattent, les BELLATORES),  et le tiers-état (ceux qui travaillent, les LABORATORES).
Pour la France, la dynastie mérovingienne, à partir du règne de Clovis (481-511), va réutiliser l’héritage politique romain. Ex : la religion chrétienne. Elle va s’appuyer amplement sur l’Eglise, et elle va profiter de la pensée politique et juridique de l’Empire romain.
La dynastie mérovingienne est remplacée à partir de 751 par les carolingiens. Cette dynastie carolingienne a la volonté de restaurer l’Empire romain tel qu’il était dans l’Antiquité. Mais à partir des années 850, cette dynastie s’essouffle et doit faire face à des pouvoirs concurrents.
C'est dans cette réalité que va apparaître la dynastie capétienne. Cette royauté va dominer la France jusqu’en 987.





Le redressement du pouvoir royal ne débute qu’à partir du XIIIe siècle, à partir du règne du roi reconstructeur, Philippe Auguste. A partir du XIII siècle, les progrès de la monarchie vont être continus jusqu’au XVe siècle parce qu’on a un coup d’arrêt incarné par la Guerre de Cent Ans (1337-1456). Pourtant, cette Guerre de Cent Ans va permettre le début de l’unification du territoire et la naissance d’un sentiment national. Finalement, à la fin du XVe siècle, l’ordre juridique médiéval (ordre politique subjectif basé sur des liens féodaux) est remplacé peu à peu par un ordre juridique objectif (ordre légal basé sur la loi. Ce passage entre les deux ordres se fait autour de la figure du roi. Avant le XVe siècle, le roi français apparait comme un arbitre (le roi est un juge suprême). A partir du XVe siècle, ce roi revêt la figure d’un roi souverain qui se place au-dessus des groupes et qui a pour mission le bien commun. En conséquence, le roi est législateur et administrateur, et toujours juge.
Dans le cadre de l’absolutisme monarchique, l’intérêt du roi est l’intérêt de l’Etat, et par extension c'est l’intérêt général. L’Etat monarchique apparaît comme le détenteur de la puissance souveraine parce qu’il respecte le droit et parce qu’il est au service de tous les sujets.
Max Weber considère que l’Etat contemporain repose sur la contrainte rationnelle : l’Etat est un ordre objectif qui utilise des serviteurs pour assurer la mission d’intérêt général. L’histoire de la monarchie sert d’illustration aux propos de Weber car finalement, l’histoire de la monarchie est le passage d’un ordre contractuel (régime féodal) à un ordre étatique (régime légal défini par l’Etat) qui aboutit à l’avènement de l’Etat de droit promu par les révolutionnaires de 1789.



Première Partie
L’Etat médiéval (XIe-XIVe siècles)

Titre 1 – Seigneuries et Royauté
L’année 987 c'est la MUTATIO REGNI. En juin 987, Hugues Capet est élu à la royauté des Francs. Il inaugure alors une nouvelle dynastie : les Capétiens. Il est radicalement différent des siècles précédents. Mais, si la situation est différente, la royauté va être extrêmement stable. Cette stabilité se vérifie à travers l’institution royale. La royauté a à sa disposition une multitude de symboles qui lui sont propres, la réflexion des gens d’église, et l’appui de la religion chrétienne. Tous ces éléments vont être mobilisés peu à peu par la royauté pour montrer, pour souligner que si le roi est un seigneur comme les autres il reste un seigneur particulier (notamment au regard de ses missions).





            Chapitre 1 – La réalité seigneuriale
Section 1 – Le contrat vassalique
Ce phénomène vassalique n’est pas réservé au Moyen-Âge ni à la France. La vassalité existe dès le IXe siècle.
La vassalité est une relation qui naît entre deux hommes (le vassal et le seigneur). Cette relation est au départ personnelle. Par ce contrat, le vassal entre dans la dépendance du seigneur et chacune des parties doit remplir des obligations l’une envers l’autre. Cette dépendance déstabilise le pouvoir royal en créant une sorte d’écran entre le roi et ses sujets. Ce phénomène est général donc le roi apparait de moins en moins comme le centre d’impulsion politique. Peu à peu, ce lien va se doubler d’un autre caractère parce qu’à ce lien personnel s’ajoute un lien réel symbolisé par la concession d’un fief. A partir de 1030, ces deux liens sont toujours jumelés. A l’origine, le vassal ne s’engage que pour témoigner de sa fidélité et de bénéficier de la protection du seigneur. Peu à peu, le lien réel va devenir dominant et à partir de ce moment, les vassaux s’engagent uniquement pour obtenir un fief.
Paragraphe 1 : La formation du bien vassalique
Ce bien est un contrat formaliste et oral, les gestes et rites vont entretenir la mémoire. Ce formalisme se fixe assez rapidement (XIe siècle) et ne varie pas selon les régions. Ce rite se déroule en deux étapes : l’hommage vassalique et le serment de fidélité.
L’hommage est un rite de soumission du vassal au seigneur qui lui permet d’obtenir la protection. Cette soumission se réalise par des gestes et des paroles rituelles : le vassal s’agenouille devant son futur seigneur et lui donne ses mains à la Dation des mains. Le vassal prononce alors des paroles rituelles : « je deviens ton homme ». Parfois, cette cérémonie est suivie d’un rite supplémentaire : la cérémonie du baiser du pec (les deux hommes s’embrassent). Ce rite, au départ, n’a aucune connotation religieuse.
A partir du IXe siècle, la cérémonie d’hommage s’enrichie du serment de fidélité qui vient fixer définitivement le déroulement de la cérémonie. Le vassal prête serment sur les évangiles ou sur des reliques et par ce serment le vassal prête foi et fidélité. Ce serment de fidélité est une garantie parce que ce serment religieux empêche le parjure. Ce serment de fidélité ne concerne que le vassal, c'est un acte unilatéral. A l’inverse, l’hommage est un acte bilatéral, c'est un acte synallagmatique.
Paragraphe 2 : Les obligations vassaliques
Obligations réciproques mais le seigneur est dans une position dominante. Les obligations que le seigneur doit remplir sont beaucoup plus légères que celles que doit remplir le vassal.
Ces obligations se résument à protéger et servir. D’une part, le vassal doit se rendre utile à son seigneur. En contrepartie, le seigneur doit protéger son homme, il doit offrir les moyens de vivre à son vassal et les moyens de le servir.A l’origine, le seigneur rempli cette obligation en fournissant des vêtements et de la nourriture.Peu à peu, l’importance que va prendre le fief va transformer les relations entre le seigneur et son vassal. La concession d’un fief comme moyen de subsistance devient prépondérante et le vassal s’engage maintenant par intérêt pour avoir un fief.
La définition des obligations réciproques est donnée par l’évêque de Chartres (FULBERT) en 1020. Cet évêque va expliquer ce qu’est le service du vassal et les obligations du seigneur. Le duc d’Aquitaine est en conflit armé avec un de ses vassaux et interroge donc l’évêque Fulbert. Fulbert va considérer qu’il existe deux types d’obligations.
I – Les obligations négatives du vassal
Sauf, sûr, honnête, utile, facile, possible. Les obligations du vassal ont une connotation morale. Dans le cadre de ce service négatif, le vassal ne doit pas causer de dommages physiques à son seigneur, il ne doit pas attenter aux possessions de son seigneur, il ne doit pas empêcher la justice seigneuriale. Ici, il manque la notion de service. La conception du dévouement du vassal a disparu au début du XIe siècle. Fulbert rappelle que la fonction principale de ce contrat vassalique est la paix et la sécurité.
II - Les obligations positives du vassal
Conseil et aide. Dans le cadre de ce service positif, Fulbert situe la raison, le siège des obligations positives dans la détention d’un chasement (fait d’être chasé). Le mot de chasement a le sens de bénéfice, il signifie bienfait. Le bénéfice c'est la concession d’un bien (généralement un bien foncier) pour rétribuer le service positif, actif du vassal. Fulbert situe l’origine des obligations dans la détention du fief. Dans les années 1020, l’élément central du contrat vassalique devient l’octroi du fief. Le lien réel supplante le lien personnel. Ce service positif se résume au conseil et à l’aide. Ce devoir d’aide se résume à deux missions : une mission militaire et une mission pécuniaire. Cette assistance d’aide va prendre le nom d’Aide aux Quatre Cas : participation pour la rançon du seigneur, participation pour payer l’armement du fils du seigneur, paiement pour la dote de la fille du seigneur, participation pour le départ à la croisade. Le service de conseil peut être politique car les vassaux donnent leur avis sur les décisions prises par le seigneur, et judiciaire parce que les vassaux participent à la Cour de justice du seigneur.
III – Obligations du seigneur
Selon Fulbert, il y a réciprocité des obligations. Cependant, la notion de service est étrangère aux obligations du seigneur, il s’engage simplement à le protéger. Il n’y a pas d’obligations semblables. Par ailleurs, le seigneur a simplement fait une promesse mais il n’a pas juré. Contrairement au vassal, le seigneur ne peut pas encourir le crime de parjure. Conséquence judiciaire, le seigneur se trouve protéger parce que la vassal ne peut pas porter plainte contre son seigneur devant la Cour du suzerain (seigneur du seigneur). Il faut attendre les années 1150 pour voir un seigneur condamné. Il y a une sorte de protection judiciaire autour du seigneur. Parce qu’il a juré, le vassal est passible de peines très lourdes s’il ne respecte pas ses engagements : peine de mort pour parjure, mutilations, fief saisi.






Paragraphe 3 : Les conséquences politiques et sociales
Le lien vassalique est l’élément qui structure la société, c'est ce qui permet d’organiser socialement la société. Mais la multiplication de ce lien vassalique produire une multiplication des relations sociales. Ce lien vassalique constitue une limite au pouvoir politique et à se vérifie à tous les niveaux (entre le roi et ses grands seigneurs, entre un comte et un ses vassaux). Le roi n’apparait alors que comme un seigneur. Ces relations nouées autour du fief donnent naissance à l’ordre féodal et à la féodalité jusqu’aux XIIIe-XIVe siècles.
Le terme de féodalité est inconnu au Moyen-Âge, il a été construit dans le siècle des Lumières om les critiquent se multipliaient contre la monarchie. A l’origine de sa création, la féodalité représente les abus du seigneur. La féodalité est le régime politique et social qui est en vigueur en occident à partir du Xe siècle. La féodalité n’est pas seulement un ensemble de règles juridiques mais aussi un ensemble des règles qui vont avoir un effet sur les relations sociales.
La féodalité peut se comprendre comme une hiérarchie de liens qui unissent les hommes entre eux et elle crée également une hiérarchie de terres selon l’importance de la terre. Roi à Seigneurs à Vassaux à Vavasseurs. Dans le cas de cette pyramide vassalique on a cette hiérarchie très marquée des relations sociales grâce à ce passage du contrat.
La monarchie va essayer de contrôler cet ordre féodal et va essayer d’imposer sa place supérieure, sa primauté, à la tête de la pyramide pour dominer cette hiérarchie. Pour que ce système fonctionne, pour que le roi soit à la tête de la pyramide, il faut une centralisation politique très forte. Cette centralisation politique exige deux conditions : il faut que le seigneur arrive à imposer la prestation d’hommage à tous ses inférieurs et il faut que chaque grand (comte, etc.) prête systématiquement hommage au roi. Cette situation s‘appelle la vassalité unique. En théorie, on ne peut prêter qu’un hommage. En pratique, on voit se multiplier des vassalités multiples où un vassal prête plusieurs serments.
I – Conséquences politiques
A qui le vassal doit assurer en premier le service féodal ? En cas de guerre, à qui se vassal doit fournir son aide militaire ?
àAu Xe siècle, la priorité est donnée à l’hommage dont dépend le fief le plus important.
à Au XIe siècle, la priorité est donnée en utilisant une clause de réserve de fidélité : un vassal prête serment à un second seigneur à la condition de subordonner ses premières obligations aux secondes. Au début du XIIe siècle, le Comte de Flandre s’engage auprès du roi d’Angleterre et du roi de France en réservant sa fidélité au roi de France. En cas de guerre offensive menée par le roi de France, le comte n’aidera le roi de France qu’après avoir tenté de le dissuader de l’attaque et en fournissant le plus petit nombre d’hommes armés.
à Au XIIe siècle, le droit féodal va faire la distinction entre deux types d’hommages : l’hommage plain (hommage ordinaire) et l’homme lige (conditionne un service prioritaire).



II – Conséquences sociales
Grâce à ces liens, le vassal agit de plus en plus pour son seul profit. Cette notion d’intérêt personnel transparaît à travers l’importance de plus en plus accrue du fief. A l’origine, le contrat du fief est strictement personnel et la concession est uniquement viagère. Le vassal a donc tout intérêt à conserver le bien en question et de le transmettre à ses héritiers. Cette tendance à l’hérédité va devenir une réalité à cause de la faiblesse politique du pouvoir central. Ce principe d’hérédité devient une généralité au cours du XIIIe siècle dans toute la France. Le fief, charge publique, rentre dans le patrimoine privé de ses détenteurs. Cette patrimonialité des fiefs permet la création de lignages centrés sur la ligne agnatique de la parenté : les familles princières organisent leur succession autour fils ainé (branche paternelle) et à l’inverse, les cadets sont généralement mariés avec des femmes d’un rang social plus important. Cette familles puissantes se marient entre elles et renchainent leur liens politiques par des liens familiaux.

Section 2 – L’ordre féodal
La domination politique quotidienne se fait grâce à un centre de pouvoir, la seigneurie. Cette seigneurie va devenir de plus en plus importante à partir de l’an 1000. L’apparition de ces seigneuries va bouleverser l’exercice du pouvoir politique. Ces seigneuries ont un symbole, elles s’incarnent dans le château. Cette seigneurie va se fonder en droit sur l’exercice de coutumes : les CONSUETUDINES.
Paragraphe 1 : La naissance de la seigneurie
La seigneurie peut prendre plusieurs formes : elle peut être foncière, banale ou ecclésiastique.
L’apparition d’une seigneurie est presque toujours liée à l’usurpation d’une charge publique. L’ordre d’apparition n’est pas du tout linéaire puisque l’apparition de la seigneurie dépend de la faiblesse de l’autorité politique.
La forme la plus courante qui donne naissance à une seigneurie découle de la garde d’une forteresse publique (château). Celui qui maîtrise le château (le gardien) dispose du pouvoir militaire qu’il exerce au nom d’une autorité supérieure. À ces attributs publics, le gardien ajoute des moyens privés. Ce gardien dispose de biens fonciers très importants autour du château qui lui permettent d’apparaitre comme supérieur. Peu à peu, ce gardien va donc distribuer ses biens pour composer un réseau de fidélité et va utiliser les pouvoirs militaires pour soumettre les paysans.L’apparition de la seigneurie foncière, basée sur la terre : c'est un cadre économique qui permet de contrôler la production des pays. Cette seigneurie est composée de deux éléments : une réserve seigneuriale qui est exploitée par le seigneur à son profit ; des tenures qui sont des lots de terre concédés aux paysans contre le versement d’un loyer. Ce modèle on le trouve au Moyen-Âge en France, et dans les exploitations brésiliennes.Le pouvoir seigneurial se diffuse à partir du château sur le district du château (territoire sur lequel s’étend le pouvoir de contrainte du seigneur). Le seigneur se présente comme Dominus et dispose du pouvoir de ban sur les hommes qui habitent sur sa seigneurie.
Le seigneur va exercer les droits seigneuriaux qui sont de trois types :
àmilitaires : les hommes de la seigneurie doivent rendre le service militaire à leur seigneur. Ex : garde des châteaux, participation à l’armée seigneuriale, construction à la réparation de défense, etc.
àfiscaux : les seigneurs essaient d’imposer ces doits fiscaux en fonction de leur vertu politique. Ex : la taille (impôt annuel qui permet de payer la protection seigneuriale), les banalités (versement d’une redevance pour l’utilisation du matériel du seigneur).
àjudiciaires : la justice est territoriale, elle correspond à la justice royale ou comtale qui était exercée auparavant. Le seigneur juge en son nom propre tous les cas qui lui sont soumis, notamment les causes majeures : incendie, meurtre, vol et rapt (enlèvement + viol). Ces cas sont réservés au seigneur parce qu’elles sont lucratives et dans ces cas la peine capitale peut être prononcée à justice de sang.
Ces droits ont été patrimonialisés, ils sont entrés dans le patrimoine privé des seigneurs. Ils peuvent donc être concédés, vendus, etc.
Paragraphe 2 : Les consuetudines
Ce terme a un double sens. Au singulier, CONSUETUDO (coutume) fait référence à une règle juridique qui est générale, issue d’une pratique ancienne répétée, et qui est reconnue obligatoire. Au pluriel, CONSUETUDINES (coutumes) désigne les droits exercés par les seigneurs. L’apparition de ce terme permet de rendre compte de l’existence de la seigneurie. Ces coutumes, ces droits, constituent le fondement juridique de la seigneurie. Ce mot explose en 987 et se diffuse pendant tout le XIe siècle. Ce terme est souvent rencontré sous l’expression mauvaises coutumes, ce sont des prélèvements seigneuriaux considérés comme injustes, les coutumes exactions. Ces mauvaises coutumes sont jugées mauvaises parce qu’elles sont souvent trop récentes.
L’apparition de ce terme serait le signe du développement de la seigneurie et le signe de la disparition de l’autorité publique. C'est la thèse mutationniste. Certains opposants ont souligné que ce terme de mauvaises coutumes ne signifie pas du tout une transformation politique. Ces opposants ont dit que les actes étaient essentiellement écrits par des moines qui subissaient ces exactions, et au passage de l’an 1000 on voit apparaitre des récits beaucoup plus importants et plus détaillés qui prennent le temps d’insister sur l’apparition de ces coutumes (apparition de la notice).
Ces coutumes seigneuriales sont composées de droits publics (justice, pouvoirs militaires) et de droits fonciers (ex : banalités). La généralité du terme de coutumes est peut-être le signe de la disparition du caractère public de ces droits.
Paragraphe 3 : La géographie de la dislocation politique
A chaque comté correspond une situation politique particulière. Il y a deux tendances.
La première tendance empêche la dislocation du pouvoir de l’autorité publique. La Normandie n’a jamais subit cet émiettement de la puissance publique parce que le duc a toujours été très puissant sur son duché. Ce duc dispose d’une richesse foncière très importante, il confie l’administration locale à des vicomtes qui agissent uniquement en délégation, les droits régaliens restent toujours des droits ducaux. Par conséquent, le dus conserve le maintien de la paix publique et se réserve le jugement de certains crimes, ce qui lui permet de montrer que la justice ducale est supérieure à toutes les justices.
La deuxième tendance est une tendance à la dislocation du pouvoir politique de l’autorité centrale. Le pouvoir central abandonne les périphéries de son territoire aux seigneurs châtelains. Le problème c'est que la chronologie est différente selon les régions et ça donne l’image d’un chaos politique dans ce royaume de France.





Chapitre 2 – La royauté au XIe siècle
àRoyauté capétienne. Les princes territoriaux sont plutôt préoccupés par leur propre pouvoir et ne se sentent pas concerné par le destin de la royauté. Cette situation perdure jusque dans les années 1150 où la royauté est constamment concurrencée par les pouvoirs seigneuriaux. On a donc une royauté très faible. En même temps, les milieux intellectuels vont répéter que le roi a pour mission de s’occuper des affaires du royaume, et vont soutenir que cette mission, pour qu’elle réussisse, doit trouver appui chez les princes qui doivent être fidèles et apporter leur aide.
Section 1 – La royauté féodale
A l’origine, le roi est un seigneur. Cette logique seigneuriale explique la pratique du pouvoir royal. Ce pouvoir politique royal s’impose sur une toute petite zone géographique et laisse les grands très libres. Cette situation influence le rapport entre le roi et les grands, et explique l’état du gouvernement.
Paragraphe 1 : La réalité du pouvoir royal
De manière générale, entre la fin du IXe siècle et le début du XIIe siècle, on voit le rayonnement de l’action royale se réduire Entre le règne d’Hugues Capet (987) et le règne de son petit-fils Henri 1er (1060), le roi n’adresse aucun diplôme, aucun acte au sud de la Loire. Passé la Loire, il n’y a plus de présence royale. L’activité de correspondance royale se concentre essentiellement sur les terres du domaine royal dans une région comprise entre Orléans et Paris.
Au départ, le roi domine directement certaines villes (Orléans, Paris, Compiègne) et des grandes abbayes dont il assure la sécurité (St Denis, St Germain des Prés, Fleury). A partir de ces lieux, le roi exerce son pouvoir de ban comme n’importe quel seigneur. Le roi ne contrôle pas parfaitement cette zone parce qu’il est confronté à l’apparition de seigneuries concurrentes. Ces seigneurs nouent des réseaux de fidélité qui les rendent solidaire entre eux et qui constituent des écrans à l’extension du pouvoir royal.
Le roi possède une seconde sphère d’influence qui permet d’étendre le rayon du pouvoir royal. Cette zone est constituée par lesévêchés royaux. Dans le cadre de ces évêchés royaux, les évêques sont élus sous le contrôle du roi et sont investis par le roi. La puissance politique de ces évêques permet de manifester la présence royale.
Paragraphe 2 : Le roi et les grands
En dehors de sa zone de contrôle, le roi se heurte au pouvoir des grands princes. Ces grands princes constituent un écran entre le roi et l’aristocratie de ces régions, et par ailleurs le roi doit obligatoirement passer par ces princes pour avoir des relations avec les vassaux de ces régions. Durant tout le XIe siècle, certains princes n’ont aucune relation avec le roi et ils ne lui sont pas fidèles. Ces princes considèrent avoir un pouvoir autonome. Cette affirmation de l’autonomie des grands se retrouve également dans les zone d‘influence royale.
Le comte de Blois fait rédiger une lettre de suppliques et de plaintes au roi Robert entre 1019 et 1023. Le roi donne le comté de Troyes à Blois et le confisque peu près, et réunit une assemblée pour juger le litige. Eudes rappelle que le comté de Troyes provient de ses ancêtres. Deux principes. La charge publique est gouvernée par le principe héréditaire, elle annule la liberté d’action du roi. Les obligations vassaliques à l’égard du roi ne se comprennent qu’en rapport avec la situation de paix qui existe entre le roi et le vassal. Par ce biais, Eudes justifie ses actes d’hostilité à l’égard du roi et qu’il rappelle les devoirs de justice et de paix du roi.
Les princes territoriaux sont totalement libres à l’égard du roi.Ces princes, tout en revendiquant leur autonomie, restent très attachés au roi et à la figure royale. La présence du roi permet de légitimer leurs pouvoirs (le Comte d’Anjou s’intitule Comte du roi et Prince de son peuple). Ces princes sont conscients de l’importance de l’influence royale et participent aux grandes cérémonies de la royauté, notamment la cérémonie du sacre. Par ailleurs, ces princes cultivent le modèle royal et on voit apparaître le modèle royal princier qui exalte le pouvoir des grands selon les qualités de la royauté. Ce modèle royal est utilisé dans la pratique du pouvoir de ces grands (ex : la datation des actes se fait en référence à l’année du règne du roi). Il n’empêche que ces grands veulent disposer d’une liberté d’action. Par exemple, ils n’hésitent pas à s’opposer militairement au roi quand celui-ci menace leur intérêt, et à l’inverse ils soutiennent la royauté quand elle sert leur intérêt.
La politique du roi, tout au long du XIe siècle, correspond à un jeu d’alliances avec les différents princes selon les rapports de force. Par exemple, au début du XIe siècle le roi fait une alliance avec la Normandie contre l’Anjou, et à partir de 1150, le roi fait alliance avec l’Anjou contre la Normandie.
Paragraphe 3 : Le gouvernement royal
Tous les grands doivent participer au gouvernement royal. Le roi ne peut pas les contraindre à venir et à participer au gouvernement parce que ce sont des pouvoirs autonomes. Cette situation entraîne deux conséquences :
àLa situation affecte la Cour du roi (Curia Regis) qui est l’organe de conseil où les vassaux doivent venir fournir ce conseil. Peu à peu, on voit cette assemblée être désertée par les grands princes territoriaux. Il y a un resserrement peu à peu autour du roi. Jusque dans les années 1020, on note la présence encore de ces grands princes territoriaux. Puis, passé les années 1030, la chute est beaucoup plus brutale parce que la Cour se compose maintenant quasi uniquement de seigneurs (abaissement social). Passé les années 1080, ceux qui sont présents autour du roi ce sont uniquement les vassaux d’Île de France (vassaux du roi). Ce resserrement du gouvernement a été vu de deux manières : l’abaissement de cet entourage manifeste la perte d’influence de la royauté ; cet abaissement et cette volonté uniquement de s’appuyer uniquement sur ces vassaux traduit l’adaptation politique de la royauté aux conditions du XIe siècle, le roi se préoccupe davantage de son domaine et préfère s’appuyer sur des proches pour gouverner.
àLes seigneurs dominent dans le gouvernement. Ces seigneurs composent la Mesnie royale (la maison du roi). Ces familiers vont peu à peu composer cette Cour royale et vont prendre en charge les fonctions gouvernementales. On trouvepar exemple le Sénéchal, qui est un lieutenant du roi (il est là pour agir à la place du roi quand celui-ci est absent), il remplace notamment le roi dans l’exercice de la justice. Le Chancelier a en charge la charge de la chancellerie, il surveille la rédaction des actes. Le Bouteiller a en charge l’exploitation des vignobles et de l’approvisionnement. Le Chambrier s’occupe de la chambre, il assure la surveillance du roi et surveille aussi le trésor. Le Connétable dirige les écuries royales. Ce sont toutes des offices domestiques. L’ensemble de ces familiers constituent les conseillers ordinaires et permanents du roi. Ces familiers sont dévoués aux capétiens car ils doivent leur carrière au roi. On a peu à peu une stabilité de gouvernement qui va permettre au roi de s’imposer à l’échelle du royaume.



Section 2 – La permanence de l’institution royale
Richer, l’évêque de Reims, rédige une partie des annales royales. Richer rapporte une anecdote sur Hugues Capet : vers 995, le comte de Blois, pour qualifier le pouvoir du roi, aurait dit que « le roi impuissant à régner vit sans gloire ». Jamais le roi n’a été remis en cause. Les grands n’ont jamais voulu se substituer à cette royauté. Ce phénomène s’explique par l’inscription des capétiens dans la tradition d’accession au trône. Les capétiens utilisent le principe électif, le sacre royal et le principe héréditaire.
Paragraphe 1 : Les fondements idéologiques
Ces fondements sont doubles :
à Les capétiens profitent de la tradition franque et del’appui de l’Eglise parce que depuis la fin du Ve siècle, la royauté française est chrétienne (depuis le baptême de Clovis).
à Le capétien s’inscrire dans la tradition carolingienne en utilisant le sacreet le couronnement. A ce sacre, les capétiens ajoute l’utilisation du principe électif qu’ils vont remplacer peu à peu par le principe héréditaire qui leur permet de régner jusqu’au début du XIVe siècle.
I – Une royauté chrétienne et sacrée
Pour que le roi soit légitime, il doit être constitué par le sacre. Cette cérémonie du sacre manifeste la volonté de dieu qui choisit le roi et qui lui confie la mission royale. Par le biais du sacre, le roi devient l’oint du seigneur parce qu’il reçoit l’onction. Ce sacre se déroule en trois moments :
àLa promesse du sacre apparait à la fin du Xe siècle, et par elle le roi s’engage à protéger les églises et à rendre justice à son compte. Cette promesse a été voulue par les évêques français pour définir la fonction royale et pour contrôler le pouvoir du roi en lui donnant un cadre d’exercice.
àL’élection rappelle l’utilisation de l’acclamation par les rois francs. L’archevêque de Reims élit le roi, et les évêques, les princes et le peuple présents acclament le roi.
àL’onction est le moment où le roi est oint par l’huile sainte par l’archevêque de Reims, qui symbolise le choix de Dieu.
Une fois sacré, le roi reçoit les insignes royaux (les Regalia) : l’anneau qui manifeste l’alliance entre le roi et son peuple ; l’épée qui souligne le combat pour la paix et le combat contre les hérésies ; le sceptre et la couronne qui manifestent la puissance et la majesté royale ; la main de justice qui symbolise l’accès à la justice pour tous les sujets.
Parallèlement au sacre, on voit se développer une mystique royale parce que le sacre est marqué par un très fort symbolique et doit frapper les esprits. Pour frapper les esprits, on va exploiter des légendes pour renforce ce statut spécial qu’on accorde à la royauté.
On va exploiter de la légende de la Sainte-Ampoule : au moment du baptême de Clovis, Dieu aurait envoyé à l’évêque Rémi le Saint-Chrême dans une ampoule qui aurait été apportée par une colombe. Cette huile sainte est conservée à Reims. L’exploitation de cette légende sert à montrer que Dieu choisit spécifiquement son représentant. Ce roi sacré est distinct de tous les autres pouvoirs et ces autres pouvoirs ne peuvent s’y opposer.
Dans la seconde moitié du XIe siècle, le roi va être doté d’un pouvoir thaumaturgique, c'est le pouvoir de faire des miracles. Fleury rédige la biographie de Robert le Pieu et le présente comme un saint en le présentant comme l’auteur de deux miracles. Ce pouvoir miraculeux du roi sert dans la guérison des écrouelles : les scrofules.
Ce sacre pose la question du rapport Roi-Eglise parce que la cérémonie du sacre ressemble quasiment à la cérémonie qui permet de consacrer un évêque. Certains considèrent que la royauté est égale à la fonction des évêques. A l’inverse, l’Eglise s’oppose à cette interprétation car elle considère que la royauté est dépendante de l’Eglise, et elle refuse l’idée que le sacre donne au roi un sacerdoce. Les milieux royaux vont toujours considérer que le roi est quasiment un évêque.
Le roi doit être chrétien et ça deviendra quasiment une loi constitutionnelle. Ce caractère chrétien provient du baptême de Clovis qui a fait du roi français le défenseur de l’Eglise, et le Pape dira que le roi est le bras droit de l’Eglise. Le royaume de France a un statut particulier, il prend le titre de fille aînée de l’Eglise. Au XIVe siècle, va naître une expression qui va coller aux rois jusqu’à la fin de l’Ancien Régime : Jean Gerson, roi « très chrétien ».
II – Principe électif et principe héréditaire
Hugues Capet est un roi élu. Il y a un choix politique des princes de l’époque en octroyant la fonction royale à Hugues Capet.
Le dernier roi de France carolingien est Louis V. Lorsqu’il meurt en 985, il a un oncle : Charles de Lorraine. Ce dernier n’accèdera jamais au trône parce qu’il a deux défauts, il n’a pas de réseaux de fidélité très étendus et il est au service de l’Empereur allemand. Dans ces conditions, les grands n’ont pas confiance en Charles de Lorraine. Hugues Capet, depuis 960, porte le titre de Duc des Francs. Il est donc le n°2 dans l’ordre politique. Ce titre lui a été confié par le roi (Louis V) et il est donc dépendant de celui-ci. Il décide donc de se présenter comme roi potentiel car il risque de tout perdre à la mort du roi. Hugues Capet a deux avantages, il a un grand réseau de fidélité (beaucoup de biens fonciers distribués) et il n’a aucun intérêt en Lorraine (ça permet de rassurer les grands et les partisans de l’Empereur comme par exemple l’évêque de Reims).
En 987, le principe électif l’emporte sur le principe héréditaire car Hugues Capet est élu. Pourtant, très rapidement, le principe héréditaire est invoqué par l’entourage du roi. L’avantage du principe héréditaire est de pouvoir créer une nouvelle dynastie et permet d’anticiper le successeur. Hugues Capet, très vite, utilise une pratique carolingienne : la désignation anticipéeà REX DESIGNATUS. 6 mois après son élection, Hugues Capet fait sacrer son fils et l’associe au trône. Cette désignation anticipée va être systématiquement utilisée jusqu’à Philippe Auguste, jusqu’au début du XIIIe siècle. Le choix du successeur dépend uniquement de la volonté du roi et fait passer au second plan le principe électif. Le roi choisit toujours son fils aîné à le principe de primogéniture. L’hérédité et le principe dynastique gouverne la succession au trône.
Paragraphe 2 : Le ministère royal, leministerium regis
La mission royale est réservée au roi et découle du sacre. Selon le ministerium, le roi est au service de l’ordre public, il doit exercer sa mission au bénéfice de la chose publique, pour l’Etat. En conséquence, son pouvoir s’exerce théoriquement sur la totalité du royaume. Ce faisant, seul le pouvoir est légitime et les autres puissances politiques ne peuvent exister. Cette mission royale est définie et est composée de : l’exercice de la justice, le maintien de la paix, et la protection des pauvres, des veuves et des orphelins. Cette mission royale ne peut réussir qu’à une condition, que les grands assument leur devoir de conseil et participent au gouvernement.



Titre 2 – Royauté et Seigneuries

Avant le XIIIe siècle, l’idée d’une autorité supérieure à la féodalité n’est pas naturelle parce que pour toutes les forces politiques, le roi continue un pouvoir direct et personnel qui trouve son fondement dans la prestation de l’hommage. Le roi n’est que suzerain, il n’est pas souverain.

A partir du début du XIIe siècle, la royauté connaît une période de rois reconstructeurs : Louis VI (1108-1136), Louis VII (1137-1180), Philippe Auguste (1180-1223). Ces rois vont réussir à contourner les limites du droit féodal et vont mettre ce droit féodal à leur service. Ce renouveau est dû à des conditions externes à la royauté. A partir du XIIe siècle, le royaume de France est marqué par un nouvel essor économique. Cette reprise économique enrichie le roi et les seigneurs, et elle permet de renforce l’assise du pouvoir politique de ces personnages.Ce XIIe siècle est aussi un siècle de renouveau intellectuel : apparition de littérature courtoise qui illustre les valeurs de la société et de la chevalerie ; redécouverte de la philosophie d’Aristote  via les penseurs arabes qui permet de penser le phénomène politique comme une science à part ; redécouverte du Code de Justinien, du droit romain qui offre un matériau juridique qui va inciter la réflexion politique et constituer un groupe de légistes (groupe qui va repenser et façonner le pouvoir au bénéfice du roi).
Durant le XIIIe siècle, le pouvoir royal change d’aspect. Le roi capétien se transforme en roi souverain et va mettre en place une administration royale de plus en plus performante.
            Chapitre 1 – Un roi suzerain
Il est toujours immergé dans la hiérarchie politique, il est suzerain. Ce roi est censé dominer la hiérarchie vassalique mais il ne contrôle pas tous les acteurs de cette hiérarchie. Cette situation prend la forme d’un adage : Le vassal de mon vassal n’est pas mon vassal. La mission du roi et de ses juristes va être de remodeler cet adage pour affirmer la suzeraineté, le contrôle total du roi sur la pyramide.
Section 1 – La hiérarchie féodale
Cette hiérarchisation des relations politiques affecte tous les niveaux de pouvoir. Le grand bénéficiaire de cette structuration qui débute au XIIe siècle est le roi. Le roi va être soutenu par ses juristes royaux et va utiliser plusieurs moyens pour s’imposer à tous les vassaux puis à l’ensemble des sujets du royaume.
Dès le règne de Louis VI, la royauté fait progresser son autorité au sein de son domaine. A la fin du règne de Louis VI, l’autorité du roi n’est plus contestée en Île de France. Ce processus se poursuit avec Louis VII dans un espace plus large. Pendant ce règne, le roi arrive à procéder à des hommages avec des princes qui avaient perdu cette pratique. Par exemple, le comte de Toulouse prête hommage au roi et, ce faisant, il reconnaît que son fief il le tient du roi. L’essor de l’hommage vassalique, lié avec la concession du fief, permet au roi de s’affirmer à la tête de cette hiérarchie vassalique. A partir de ce moment, ces grands princes prennent le nom de feudataires (bénéficiaires d’un fief octroyé par le roi). Au même moment, le principal conseiller de Louis VI et de Louis VII, l’Abbé de St-Denis(Suger), construit une théorie pour expliquer la distribution des fiefs
à la théorie de la mouvance. Tous les fiefs du royaume proviennent obligatoirement du roi. A partir du XIIe siècle : Le vassal de mon vassal est toujours mon vassal.
Le système ne fonctionne que si le roi ne subit pas l’hommage vassalique. La royauté va résoudre ce cas en affirmant que le roi ne peut tenir fief de quiconque. Aussitôt, on voit fleurir dans les coutumiers (recueils privés de droit) des expressions qui rappellent que le roi est au-dessus de tous les pouvoirs. Ex : Beaumanoir dit : « Le roi est souverain par-dessus tous. »

Il y a deux champs d’intervention du roi en lien avec le lien féodal. Il utilise d’abord le droit féodal pour contrôler les successions des grands fiefs. Le roi le fait de manière indirecte parce qu’il ne peut imposer un héritier à cause du principe héréditaire. Par contre, il peut demander une taxe pour ces successions et, par ailleurs, le roi intervient quand le fief est entre les mains d’une héritière. A parti de Philippe Auguste, le roi autorise ou non le mariage de l’héritière. L’autre utilisation du droit féodal se fait avec l’extension de la compétence judiciaire de la cour du roi. Il y a une clause inscrite dans les prestations d’hommage qui prévoit que le tribunal royal est compétent en cas de litige.
Ex : La confiscation continentaux de Jean Sans Terre (JST). Richard Cœur de Lion (RCL) meurt en 1199 et JST lui succède pour l’espace planta génère (Bretagne, Anjou, Duché d’Aquitaine). Ses biens continentaux sont situés en France et JST prête hommage au roi de France en reconnaissant la compétence du tribunal royal en cas de litige féodal. JST enlève la fiancée d’un de ses vassaux et ce vassal saisi la cour du roi en raison de ce litige. Philippe Auguste saute sur l’occasion et le tribunal royal prononce la Commise, la confiscation des fiefs de JST car il n’a pas respecté ses obligations vassaliques. Le roi de France récupère les territoires qui appartenaient auparavant à JST.

Section 2 – Les missions liées à la suzeraineté
Paragraphe 1 : La mission de justice
Même s’il l’a toujours eu en lui, son action justicière était relativement limitée. A partir du XIIe siècle, cette compétence de justice va peu à peu devenir générale.
Cette compétence générale commence à apparaître lors de l’Assemblée de Soisson le 10 juin 1155. Cette assemblée réunit des évêques et des princes qui appartiennent à l’espace d’influence capétienne. A Soisson, le roi proclame une paix pour dix anspour l’ensemble du royaume qui doit protéger les églises, les marchands, les paysans et les biens. Les princes présents partagent la décision et décident de faire respecter cette paix sur leur territoire. C'est un début parce que cet acte est le premier acte législatif de la royauté car le roi ordonne. En raison de l’autonomie politique des princes, ces princes restent les juges ordinaires mais le roi prévoit la possibilité d’un contrôle effectué par le tribunal royal.
En 1157, une assemblée d’évêques précise que : si un seigneur refuse de juger (le déni de justice), les parties au litige peuvent s’adresser à l’autorité royale. Le roi est désormais concerné de tous les litiges du royaume.
Au final, les juristes royaux vont renforcer cette mission justicière durant le XIIIe siècle. Ils font référence au sacre où le roi s’engage à rendre une bonne justice. On voit apparaître une série d’adages qui permet de souligner que la mission première du roi est la mission justice : Le roi est source de toute justice. Le roi est débiteur de justice à l’égard de ses sujets. Les légistes considèrent que tous les fiefs dépendent du roi et, en conséquence, ils considèrent que les seigneurs, quand ils jugent, doivent être contrôlés par le roi. Peu à peu, l’idée d’un appel hiérarchique apparaît à le roi est juge en dernier ressort.



Paragraphe 2 : La capacité édictale(édicter la loi)
Il faut que le roi dispose de la faculté de produire une règle juridique applicable à l’échelle du royaume. Cette étape est franchie grâce à la réflexion menée par les légistes sur le droit romain. Le droit romain (code de Justinien) présente une nouvelle vision du rôle du roi par rapport au droit parce que jusqu’à maintenant, le roi agit dans l’idée de la conservation du droit (leroi est un conservateur). Le roi ne doit corriger que ce qui est mauvais et doit adapter le droit antérieur aux évolutions de la société. Les juristes estiment que la loi est supérieure à toute autre norme et qu’elle émane de la volonté du roi.Le roi est désormais créateur. Les légistes empruntent un passage à Ulpien et en ont fait un adage : Ce qui plaît au Prince a force de loi.Seul le prince peut faire des lois. Désormais, le prince devient législateur et est l’origine de toute règle à portée générale. Le prince est la loi vivante (lexviva), la loi animée (lexanimata). On considère que tout le droit existant est placé dans la poitrine du prince.
Jusque dans les années 1250, le roi ne peut prendre des mesures générales qu’à l’intérieur de son domaine. Pour pouvoir appliquer sa volonté, le roi doit avoir l’accord des seigneurs.Même si l’application ne fonctionne pas, le roi n’hésite pas à entretenir la fiction de règles à portée générale (Philippe Auguste prend des ordonnances qui sont des échecs). Pour voir le pouvoir normatif s’affirmer, il faut attendre le règne de Louis IX (Saint-Louis). Le roi considère que l’accord d’une majorité des seigneurs suffit à le rendre obligatoire pour tous. L’évolution de ce pouvoir normatif s’achève au début des années 1300 car les textes royaux sont obligatoires et s’appliquent à l’échelle du royaume.


            Chapitre 2 – L’affirmation de la souveraineté royale
Le roi est le pouvoir supérieur qui domine tous les autres pouvoirs du royaume. Cette position de supériorité apparaît dans le vocabulaire car le roi commence à être qualifié de SUPREMUS et de SUPERANUS. Sur ce second terme vont être forgé les termes de Suzerain et de Souverain. Dans les années 1250, le terme de souverain est de plus en plus utilisé dans les textes. A cause de cette supériorité, le roi est seul titulaire de l’Imperium (pouvoir de commandement doublé d’un pouvoir militaire, et d’un pouvoir de juridiction civile et criminelle). Le roi doit donc montrer aux princes qu’il n’est lié par aucune obligation et tous les princes doivent lui obéir.
Par ailleurs, la royauté française va s’affirmer aux autres pays européens. La royauté française affirme son indépendance face à l’empereur germanique et face au Pape qui sont deux pouvoirs revendiquant la domination sur le monde (l’hégémonie universelle).
Section 1 – L’indépendance du roi (roi princeps en son royaume)
Le système royal s’appuie sur l’idée que la plénitude du pouvoir repose intégralement dans les mains du roi. Pour consolider ce système, le roi doit être protégé sur le plan idéologique. L’objectif est de renforcer la royauté et surtout de renforcer l’Etat.
Au début du XIIe siècle, les théologiens (spécialistes de l’Eglise) vont construire la théorie des deux corps du roi. La réflexion des théologiens part du sacre royal où le roi est béni et devient l’élu de Dieu. La conséquence est que sa personne se dédouble. A partir de là, il existe un corps charnel (le roi) et un corps mystique qui le distingue des autres individus (le Roi). Ce corps mystique est immuable, éternel et il passe d’un individu à un autre.
Les légistes reprennent le droit romain et vont essayer de construire un discours nouveau sur l’origine et sur l’exercice du pouvoir politique. Traditionnellement, l’idée qui domine est que l’origine du pouvoir politique (pouvoir temporel) est divine. Le problème est que le pouvoir politique connaît des limites et peut être dominé par le pouvoir pontificale. Les légistes découvrent ensuite un passage de droit romain qui donne au pouvoir politique une autre origine sans mentionner Dieu, ils trouvent la loi royale (lexregia) qui veut que le pouvoir vient du peuple et que le peuple a transféré à l’empereur. Les légistes transfèrent donc cette théorie au roi capétien, ce qui renforce le pouvoir royal par rapport au pouvoir des princes. A partir de là, les légistes développent un discours politique qui exalte la monarchie capétienne. Ils attribuent au roi des prérogatives impériales romaines qui expriment une idée de souveraineté. Ils ajoutent également des adages réservés à l’empereur romain : Le Prince est délié des lois. L’ensemble de ces attributs va être résumé par un juriste français, Jean de Blanot, qui écrit : Le roi de France est empereur en son royaume car il ne reconnaît aucun supérieur au temporel. En conséquence, le roi est souverain par-dessus tous et il exerce une juridiction sur tous les hommes de son royaume quelle que soit leur place en vue du bien public. Par ailleurs, ces hommes doivent lui obéir car s’opposer au souverain revient à commettre un crime de lèse-majesté humaine. Le roi de France est donc l’égal de l’empereur et dispose des même attributs, il est totalement indépendant au sien de son royaume.

Section 2 – L’indépendance du royaume
Le roi va affirmer son indépendance politique face à deux rivaux : l’empereur qui revendique la domination sur le monde (combat idéologique), et la papauté qui veut contrôler le pouvoir politique du roi et diriger le clergé français (combat idéologique et corporel).
Paragraphe 1 : La royauté face à l’Empire
Pour que le roi s’affirme pleinement souverain, il faut que le roi ne soit pas contesté par l’empereur. Le Saint Empire Germanique, à parti du milieu du XIIIe siècle, est en déclin politiquement. Malgré cette faiblesse politique, l’Empire continue d’affirmer ses prétentions hégémoniques sur les différents royaumes d’Europe. Ces prétentions impériales sont soutenues par l’utilisation du droit romain. Le pouvoir impérial apparaît comme absolu, indivisible et souverain. On dit de ce pouvoir impérial qu’il est plein et entier, et qu’il est rond (il se suffit à lui-même).
Les légistes emploient une distinction posée par le droit romain : AUCTORITAS et POTESTAS (autorité et puissance). C'est une division des pouvoirs et un fondement politique extrêmement important qui permet de comprendre l’articulation entre le Saint-Siège et les pouvoirs spirituels. A l’origine, ce sont des attributs impériaux quand l’empire romain est installé.Auctoritas est une autorité juridique etmorale qui permet de renforcer un acte pris par un pouvoir inférieur. C'est une autorité divine qui vient renforcer un acte humain. En 494, le Pape Gélase Ier écrit une lettre et va poser une division politique fondamentale pour les 1500 ans suivants : L’auctoritas sacrée des évêques est supérieure à la potestas des rois. Dans le cadre impérial, les légistes impériaux attribuent à l’empereur l’auctoritas et attribuent au roi cette simple potestas. Dans ce cadre, le roi de France est soumis normalement au pouvoir impérial.
Les légistes français vont trouver des arguments juridiques pour s’opposer à l’empereur. A la fin du XIIe siècle, les légistes assimilent le roi à l’empereur dans le cadre du royaume de France et considèrent que le roi peut faire également des lois. On le dote ainsi de la potestas et de l’auctoritas. Les légistes vont ensuite utiliser la décrétale, rédigée en 1202 par le Pape Innocent III, PERVENERABILEM. Les légistes vont extraire un passage de cette décrétale : Le roi de France ne reconnaît pas de supérieur au temporel. Finalement, comme le roi de France ne doit hommage à personne, l’opinion politique se développe en faveur de l’idée que le roi de France ne tient son royaume que de Dieu et que de lui-même.
Paragraphe 2 : La royauté face à la papauté
Depuis la réformegrégorienne (fin du XIe siècle), la papauté essaie d’imposer sa primauté à tous les niveaux (social, politique). L’idée est que l’Eglise retrouve la pureté de ses origines. Pour cela, il faut supprimer l’influence des pouvoirs laïcs sur l’Eglise, l’Eglise doit devenir autonome. Il faut aussi purger le clergé. Dans cette volonté de soustraire l’Eglise à l’autorité temporelle, il y a des papes plus ou moins durs mais surtout le Pape Grégoire VII qui est très exigeant. Dans les années 1080, Grégoire écrit une série de propositions où il présente l’articulation et le programme de l’Eglise. Il explique que le pouvoir spirituel est supérieur au pouvoir temporel.
Cette volonté de placer le Pape au sommet des pouvoirs c'est la théocratie pontificale : théorie qui considère que la papauté doit diriger le monde et doit dominer les puissances politiques avec pour but de préparer l’avènement du royaume de Dieu. Dès l’origine, Le Christ a séparé les pouvoirs spirituel et temporel. La division n’est pas remise en cause, mais la papauté justifie son contrôle en considérant que les rois peuvent commettre des péchés au même titre que tous les autres hommes à les Papes peuvent donc les juger.
A partir du XIIe siècle, le projet de la papauté se heurte à la souveraineté naissance/renaissance des différents royaumes. Il y a deux conceptions antagonistes qui s’affrontent : conception nationale et conception universelle.
I – Philippe Auguste et Innocent III
Le conflit qui va opposer la papauté et le royaume de France a une origine féodale. Le pape Innocent III reçoit l’hommage de Jean Sans Terre et le pape, devenant seigneur de JST, essaie d’intercéder auprès de Philippe Auguste pour stopper la condamnation de confiscation des fiefs de JST. Le roi refuse l’intervention du pape en considérant que cette intervention est illégitime car le conflit est purement féodal. Aussitôt, Innocent III publie une décrétale où il expose le pouvoir indirect du Pape : tout roi peu commettre un péché dans son action politique et il relève alors de la justice ecclésiastique. Cela permet de limiter la souveraineté des royaumes.
II – Philippe IV et Boniface VIII
Ce conflit est plus long (10ans) et plus violent. C'est une opposition de visions politiques entre le Pape et le roi, et une opposition de générations puisque le Pape a près de 80ans alors le roi de France n’a que 30ans. L’origine du conflit repose sur une question fiscale.
En 1295, Philippe IV veut lever l’impôt sur le clergé français (décime), mais il faut normalement l’autorisation du Pape. Le roi de France n’a obtenu l’autorisation que d’une assemblée d’évêques français. Le pape critique très durement le comportement du roi, rappelle que cette autorisation est une obligation, et rappelle aussi la supériorité du pouvoir pontifical sur le pouvoir français. Aussitôt, les légistes répliquent au Pape en expliquant que : les rois en France existaient avec l’Eglise, et le pouvoir politique est autonome du Pape en raison d’arguments religieux. Ces arguments de défense de la royauté trouvent l’adhésion du clergé français. Face à ça, Boniface VIII recule et accepte que le roi lève des impôts sur le clergé avec l’accord du clergé.
En 1301, Philippe IV (Philippe le Bel) fait arrêter l’évêque de Pamiers (Sud de la France) parce qu’il aurait injurié le roi et aurait préparé un complot. L’évêque invoque le privilège du For qui permet aux ecclésiastiques d’être jugés uniquement par un tribunal ecclésiastique, et appelle le Pape qui rédige aussitôt une bulle où il affirme à nouveau la supériorité du pouvoir spirituel et cite le roi à comparaître devant un concile à Rome en 1302. Juste après cette bulle, le roi convoque une assemblée d’évêques et de seigneurs qui affirme que : le royaume de France ne vient au roi que de la volonté de Dieu. Le clergé décide de ne pas aller à Rome et affirme, à l’encontre du Pape, que le roi est indépendant au temporel et qu’il est le protecteur de l’Eglise. Aussitôt, Boniface VIII répond en 1302 avec une bulle où il affirme que le pouvoir spirituel institue les pouvoirs temporels et qu’en conséquence le Pape peut juger ces pouvoirs et les destituer.
Le conflit dégénère. Après cette publication, le roi de France décide de mener une expédition pour s’emparer du Pape et pour le traduire en justice en France. Cette expédition a lieu en septembre 1303 : l’Attentat d’Anagni. Le Pape a réussi à se libérer mais meurt un mois après. Sa mort met fin au conflit. Les papes successeurs vont éteindre le conflit et vont annuler toutes les décisions de Boniface VIII en considérant que l’attitude du roi était juste.
Paragraphe 3 : Conséquences du conflit religieux
Le XIVe siècle est une période de crisepour l’Eglise. A partir de 1309 jusqu’en 1378, la papauté s’installe à Avignon sous la protection du roi de France. A partir de 1378, la crise s’aggrave pour l’Eglise parce qu’à partir de là, elle compte deux papes en même temps (pape et antipape), voire trois. Cette période est le Grand Schisme d’Occident qui va durer jusqu’en1417 où l’Eglise retrouve un pape unique.
Comme l’Eglise est en crise, le clergé de France va se rendre plus autonome vis-à-vis du pouvoir de la papauté. Ce mouvement c'est le Gallicanisme, il soutient l’indépendance du royaume de France vis-à-vis de la papauté (gallicanisme politique) et l’indépendance de l’Eglise du clergé de France (gallicanisme religieux). La doctrine gallicane s’oppose à l’ultramontanisme.
Le gallicanisme politique se construit tout au long du XIVe siècle et l’aboutissement de cette évolution est marqué par Le songe du vergé (1376-1378) rédigé par Evrard de Trémaugon. Ce livre est un dialogue entre un clerc et un chevalier sous l’arbitrage du roi Charles V. Cet ouvrage distingue le pouvoir spirituel du pouvoir temporel et souligne l’absence de supériorité du pouvoir spirituel qui n’est pas apte à juger le pouvoir temporel. Ce texte considère que l’autorité du pape s’applique au domaine spirituel à l’échelle de la chrétienté.
Cette volonté d’autonomie politique va gagner la sphère religieuse.En 1398, le clergé de France, fatigué du conflit entre les différents papes, décide de ne plus obéir au Pape en matière judiciaire, fiscale et aux nominations aux charges ecclésiastiques. Cette attitude est renforcée en 1406, les évêques décident de se donner leurs propres règles disciplinaires et de demander au roi la confirmation de ses règles.  Avec ceci, l’idée apparaît que le roi peut contrôler la législation de l’Eglise avant qu’elle ne soit appliquée en France. Dans cet esprit, les décisions pontificales deviennent secondaires et il est possible que l’Eglise fasse sa propre législation avec la confirmation du roi. L’ultime conséquence est que le clergé accepte l’intervention du roi dans le domaine spirituel. Cette compétence législative du roi est consacrée en 1438 dans la Pragmatique Sanction de Bourges. Ce texte reprend les décisions antérieures et confirme la supériorité du concile sur le Pape, empêche la fiscalité pontificale sur le clergé, et donne au roi le pouvoir pour organiser et protéger le clergé. Ce texte sera supprimé dès 1467.


            Chapitre 3 – L’administration royale
A partir du XIIIe siècle, l’administration royale se déploie et on dit que les gens du roi se multiplient. Le développement de la souveraineté donne au roi davantage de prérogatives qui est donc obligé de créer de nouvelles structures administratives. Le développement actif de l’administration date du règne de Louis IX (1226-1270). A partir de ce moment, la royauté met en place une machine administrative qui supplante l’action personnelle du roi.
Section 1 – La transformation des offices domestiques
Paragraphe 1 : Le gouvernement capétien
Jusque dans les années 1120-1130, le roi gouverne en s’appuyant sur les officiers de sa maison. Très vite, le roi se rend compte que ces officiers peuvent devenir dangereux pour la monarchie. Par exemple, la famille Garlande, famille de grands officiers, concentre les offices de Sénéchal, de Tabliers et de Bouteillers. En 1127, le roi disgracie cette famille. Le roi veut limiter l’influence de ces familles et l’influence politique de ces offices. Pour limiter cette influence, la royauté va organiser des périodes de vacance où l’office n’est pas attribué. A partir de 1191, Philippe Auguste n’attribue pas la fonction et annonce la suppression de l’office de Chancelier. Les rois videntles offices de leur fonction. Par exemple, la mission de justice réservée au Sénéchal est concurrencée par des prérogatives judiciaires que le roi attribue à d’autres personnes de son entourage.
Le roi s’appuie de plus en plus sur des familiers de plus en plus inférieurs. L’entourage royal est donc de plus en plus diversifié quant à son origine : chevaliers, domestiques, clercs (qui sortent des écoles parisiennes et qui intègrent la chancellerie). Ces clercs vont participer à l’élaboration de la politique royale et à l’argumentation juridique du roi. A l’intérieur de ce cercle, existe un cercle plus restreint qui est composé des conseillers du roi. Parmi ces conseillers, on trouve des maîtres et certains membres (des JURISPERITI) qui sont des savants en droit. Ces Jurisperiti sont des experts que la royauté consulte. La présence de ces conseillers royaux transforme la notion de conseil. Peu à peu, ce terme va désigner la réunion des grands princes et de ces conseillers.
A partir de 1190 (règne de Philippe Auguste), ce conseil exclue les grands vassaux au profit des conseillers du roi. La royauté veut éloigner les grands princes du gouvernement pour ne pas leur être soumise et pour être plus autonome politiquement. On va retrouver cet aspect tout au long de la monarchie.
Paragraphe 2 : L’hôtel-le-Roi
C'est Hôtel du roi est composé dès l’origine de serviteurs qui forment l’entourage le plus proche du roi. Il est chargé au départ des tâches domestiques puis de tâches politiques. Cette maison royale est composée de familiers (parenté), des domestiques et des légistes.
Les offices domestiques deviennent de plus en plus politiques. Certains offices disparaissent (ex : le Sénéchal ; le Chambrier qui avait la garde du trésor). Le Chambrier disparaît parce que sa fonction est concurrencée par la Chambre des Comptes. A l’inverse, deux charges vont connaître un essor important :
- Le Connétable se renforce parce que le Sénéchal disparaît (il récupère en partie ses attributions), il devient le commandant de l’armée en l’absence du roi, et à partir de la seconde moitié du XIVe siècle il devient véritablement le chef des armées (Charles V renonce à exercer son commandement).
- Le Chancelier voit ses fonctions augmenter, il est considéré comme le « principal ministre », le premier serviteur de la monarchie. Le Chancelier est responsable des écritures (rédaction des actes royaux), et il est le garde du sceau (responsable de l’authentification des actes). L’extension de la souveraineté royale va avec l’essor du pouvoir législatif du roi. En ce sens, le Chancelier apparaît comme l’officier qui permet l’extension pratique de la souveraineté royale. Le Chancelier est également chef de la justice parce qu’il est le premier magistrat du royaume. Par ailleurs, il est chef du gouvernement royal. A partir du XIVe siècle, le Chancelier préside le Conseil du roi quand le roi est absent.

Section 2 – La naissance des organes de gouvernement
La Cour du roi va se transformer et va s’organiser autour de trois fonctions : gérer, juger et conseiller. Cette division se justifie par l’augmentation du nombre d’affaires à traiter et par la complexité de ces affaires. Cette Cour féodale subit une division fonctionnelle et elle s’organise selon trois Cours :
- La CURIA IN COMPOTIS (ancêtre de la Chambre des Comptes) : s’occupe uniquement des affaires financières et organisée depuis 1320.
- La CURIA IN PARLAMENTO (donnera naissance au Parlement) : traite au départ des affaires judiciaires (lieu de débat, lieu où on parle).
- La CURIA IN CONSILIO (le Conseil du roi) : organe de décisions politiques.
Paragraphe 1 : Le Conseil du Roi
A partir du XIIIe siècle, le roi est moins dépendant de la féodalité. Le roi peut donc composer son Conseil. Dans la réalité, le roi n’est pas totalement libre parce que le Conseil s’organise toujours autour de deux noyaux :
- l’entourage féodal/princier : ce sont des conseillers nés. Ce groupe sera toujours présent au sein du Conseil, mais au fil du temps il va voir son influence baisser de plus en plus notamment parce que les affaires deviennent de plus en plus techniques.
- des techniciens du droit, spécialistes de l’administration : origine plus modeste mais ces spécialistes deviennent de plus en plus influents au sein du Conseil et ils professionnalisent de plus en plus le Conseil du roi. Ce sont des conseillers faits.

Le Conseil organise son activité autour de trois missions avec une réserve (il peut intervenir dans toutes les matières grâce à sa légitimité royale) :
- Mission politique : rédaction/création d’ordonnances (pouvoir législatif)
- L’administration et des finances : gestion du domaine et contrôle des agents de la monarchie.
- La justice : le Conseil du roi est le cadre d’exercice de la justice retenue du roi. On dit qu’il y a deux types de justice dans le royaume de France : une justice déléguée (exercée par les tribunaux) et une justice retenue (incarnation de la justice royale). La justice retenue est basée sur la mission à laquelle s’engage le roi lors du sacre. Le roi peut suspendre le cours normal de la justice.
Paragraphe 2 : Le Parlement
Origine :
Les affaires judiciaires se multiplient devant les tribunaux du roi et les tribunaux royaux font remonter ces affaires devant la Cour du roi. Peu à peu, la Cour du roi consacre des séances uniquement aux affaires judiciaires. Au début du XIVe siècle, la Cour organise une session unique qui s’étend de novembre à juillet. Dans le même temps, le Parlement se dote d’un personnel qui devient aussi permanent.
Organisation :
Le Parlement est organisépar une ordonnance 1258 de Saint-Louis (Louis IX). On trouve plusieurs chambres :
- La Grand Chambre: chambre la plus prestigieuse, chambre devant laquelle les affaires sont plaidées et les arrêts prononcés.
- La Chambre des Requêtes : examine les demandes et les déclare recevables ou non.
- La Chambre des Enquêtes : chargée d’instruire l’affaire.
- La Chambre Criminelle ou Tournelle : chargée d’instruire les affaires pénales.
Missions :
- Mission judiciaire : Cour de justice suprême. Le Parlement contrôle toutes les justices inférieures. Juridiction d’appel et juge en dernier ressort. Cour souveraine.
- Fonction normative : il participe à l’élaboration de la norme. Le Parlement enregistre les actes royaux avant leur publication, il exerce une sorte de contrôle normatif. Le Parlement peut prendre des arrêts de règlement qui ont une portée générale et qui s’imposent à tous.

Section 3 – L’évolution de l’administration locale
A l’origine, au début de la monarchie capétienne, l’administration locale royale est représentée par un agent qui est le Prévost. Le Prévost a des prérogatives et des attributions très larges. Il est chargé de percevoir les impôts, doit faire respecter les règlements royaux et exerce la justice au nom du roi avec une compétence très large (son pouvoir judiciaire va de l’amende aux crimes de sang). Ces Prévost commettent beaucoup d’abus et la royauté a beaucoup de mal à les contrôler. La royauté va recomposer son administration territoriale, notamment pour contrôler ces agents locaux.
Paragraphe 1 : Baillis et sénéchaux
A partir du XIIIe siècle, le royaume crée un appareil administratif assez efficace pour contrôler son territoire. Cette efficacité est rendue possible grâce à l’action de deux nouveaux agents royaux : les baillis et les sénéchaux. Ces deux agents ne sont pas des créations capétiennes. Les baillis s’inspirent d’agents utilisés par le Duc de Normandie pour contrôler l’action des vicomtes normands. Le sénéchal est une institution anglaise, c'est un agent permanent chargé de l’administration locale.
Le bailli apparaît dans le nord de la France (sénéchal dans le sud) dans les années 1190 et est chargé au départ de vérifier le travail des Prévost. A l’origine, ils ne sont pas attachés à une circonscription. Peu à peu, le roi va les sédentariser et confie à ces agents l’administration d’une région (le Baillage).
Ces deux agents représentent le roi en province. Ils ont des prérogatives importantes, extrêmement larges :
- disposent d’unpouvoir règlementaire : prennent des mesures administratives pour leur baillage.
- compétences judiciaires et doivent notamment défendre les droits du roi.
-mission financière : ils centralisent les revenus royaux.
- compétence militaire : ils commandent les troupes militaires de leur baillage et les places fortes de leur baillage.
À partir des années 1430, les baillis et les sénéchaux déclinent de plus en plus. Leurs tâches se multiplient et sont obligés de déléguer à des auxiliaires. Aussitôt, la royauté crée des services spécialisés. Par ce biais, la royauté limite l’influence de ces agents qui peuvent devenir dangereux pour la monarchie.
Paragraphe 2 : La spécialisation des agents du roi
Cette spécialisation est liée au développement des tâches administratives. Le plus souvent, cette spécialisation provient des baillis et des sénéchaux avant que la royauté n’intervienne.
à Lelieutenant de baillage : Le bailli doit rendre la justice, mais il très rapidement débordé et il décide au début du XIVe siècle d’utiliser un commis qui doit rendre la justice en son nom. La royauté interdit cette pratique mais les baillis continuent à utiliser des commis. La royauté décide donc de créer une institution indépendante des baillis qu’elle va pouvoir contrôler à les lieutenants de baillage. Peu à peu, la royauté nomme un lieutenant par baillage et enlève la fonction judiciaire aux baillis. L’objectif poursuivi par la royauté est la rationalisation de l’administration. Les chefs lieu de baillage sont repérables : chefs lieu actuels.
Deuxième Partie
Gouverner le royaume

Sous l’Ancien Régime, l’élément le plus important d’un point de vue politique est la notion de royaume, et les notions d’utilité publique et de bien commun. L’acteur le plus important de cette période est le roi parce que c'est le détenteur de l’autorité publique unique qui a la charge de la communauté et donc la charge du bien commun.
Titre 1 – Le statut du royaume
Les XIV et XVe siècles marquent l’apparition d’un nouveau terme en droit public : Etat. Il apparaît pour la première fois en 1513 dans Le Prince rédigé par Machiavel. Le Moyen-Âge utilisait un terme sous une autre forme : STATUS (statut) à STATUS REGNI (statut du royaume) et STATUS REI PUBLICAE (statut de la République). Ce terme d’Etat devient courant à partir des années 1570. C'est un phénomène européen.Le terme Etat vient de STATUS et l’idée qui ressort de cette notion est la continuité, la pérennité, la stabilité, la fermeté.
Tel qu’il est compris, l’Etat est une communauté qui associe gouvernant et gouvernés régies par une même loi dans le cadre d’institutions elles-aussi régies.L’idée d’Etat implique d’autres éléments :
- Le gouvernant ne dispose pas d’un patrimoine, il est seulement dépositaire d’une puissance permanente utilisée pour l’intérêt public.
- Le gouvernant ne peut agir que parce qu’il est une personne publique et dispose d’un statut légal qui organise son accession au pouvoir et ses compétences.
- L’Etat doit disposer du monopole de la puissance publique, ce qui exclue le pluralisme des pouvoirs.
L’Etat, dès son origine, est une personne morale qui est au-delà de son titulaire et qui contient en lui-même l’autorité nécessaire pour remplir sa mission.
            Chapitre 1 – Les lois de dévolution
Depuis les années 1150, le terme de Couronne désigne une entité abstraite supérieure à la personnalité du roi. Cette couronne est une fiction juridique, perpétuelle et immuable. Cette couronne regroupe l’ensemble des terres, des biens qui forment le royaume, et également les droits, les prérogatives, les compétences du roi. On dit que le roi exerce les droits de la couronne. Le roi est seulement dépositaire, titulaire temporaire de cette Couronne. Cette Couronne est régie par des règles spécifiques qui construisent un statut de droit public. Il y a deux grands ordres de règles : la Couronne est soumise à des règles qui organisent sa transmission d’un roi à un autre, et elle est soumise à des règles qui encadrent l’utilisation de son domaine.
Section 1 – Le principe de masculinité
De 947 à 1316, la question de la succession ne s’est jamais posée parce que pendant cette période la royauté capétienne a toujours eu sous la main un enfant mâle. C'est le miracle capétien. La seule règle dégagée pendant cette période est la règle de primogéniture, le fils aîné succède au roi.
En 1316, un problème de succession se pose à la royauté capétienne, problème qui va permettre de faire émerger une règle juridique qui est la règle de la masculinité. Cette règle va se poser par deux fois : en 1316 et en 1328, deux crises qui vont éliminer définitivement les femmes à l’accès de la Couronne.

Philippe IV (†1316)

Louis X (†1316)
   + Clémence

Jean Ier

Jeanne

Philippe V  
  (†1322)

Isabelle + Edouard II
         d’Angleterre

Edouard III d’Angleterre

Charles V (†1328)

Charles de Valois (Philippe VI)
 









Paragraphe 1 : La succession de 1316, l’exclusion des femmes
En 1314, mort dePhilippe IV le Bel. Application du principe de masculinité et du principe de primogéniture, son fils aîné Louis X lui succède. Louis X meurt en 1316 et laisse une fille Jeanne, future Jeanne de Navarre. Fin du miracle capétien. Mais, quand Louis V décède la reine est enceinte. En attendant l’accouchement, le déroulement de la succession est suspendu et le royaume est administré par une régence confiée au profit Philippe de Poitier, futur Philippe V (frère de Louis X). La régence est autorisée par une assemblée de grands qui vont proposer une décision à propos de l’issu de la grossesse de la reine. Si la reine met au monde un fils, Philippe de Poitiers sera régent jusqu’à la majorité de l’enfant. Si la reine met au monde une fille, Philippe de Poitiers se proclame roi. Accouchement et naissance d’un fils, Jean. Mais il meurt au bout de 10 jours. Aussitôt, Philippe de Poitiers se proclame roi et se fait sacré à Reims en 1317. Cette succession pose problème parce que certains grands contestent le fait que Philippe devienne roi et se prononcent en faveur des droits de Jeanne. Pour faire taire ces protestations, Philippe V réunit une nouvelle assemblée qui décide : « Femme ne succède pas à la Couronne de France ». Par la déclaration de l’assemblée, le principe est posé qu’en l’absence de descendant mâle en ligne directe la Couronne va au frère le plus âgé du roi décédé. Philippe V meurt en 1322 et ne laisse que des filles. Aussitôt, son frère Charles IV devient roi de France et confirme le principe d’exclusion des femmes.
La royauté doit justifier cette succession sur le plan juridique et politique. Sur ce terrain de justification théorique, la royauté a plus de difficultés.
D’un point de vue juridique, les arguments sont favorables à la succession de Jeanne parce les différents royaumes (royaume d’Angleterre, royaume de Jérusalem) ont connu des successions féminines qui n’ont pas posé de problème. Par ailleurs, juste avant ces crises en 1309, le Parlement de Paris a attribué le comté d’Artois à la Comtesse Mahaut (d’Artois) en éliminant Robert (le frère de la Comtesse).
La consécration du principe se fait sur le plan politique. Les princes craignent que l’accession de Jeanne (4ans) ne provoque une longue période de régence (périodes de régences sont toujours des périodes de crise) et que le pouvoir royal soit fragilisé. Les princes ont également peur que dans le futur, Jeanne, par son mariage, ne transmette la Couronne de France à un roi étranger. Les légistes vont déployer une double argumentation : les légistes s’appuient sur le droit romain qui refuse les offices publics aux femmes ; les canonistes, à partir des années 1320, comparent la mission royale à la prêtrise. Les femmes, étant exclues de la prêtrise, sont exclues de la royauté.
Charles IV meurt en 1328. A son décès, nouvelle crise successorale qui va permettre l’adoption d’un nouveau mode de succession.
Paragraphe 2 : La succession de 1328 : l’exclusion des parents par les femmes
Charles IV meurt en 1328, et laisse une fille de 2ans et la reine enceinte. La reine accouche d’une fille. En raison du principe de 1316, ces filles sont écartées de la succession. Avec la mort de Charles IV, la lignée masculine des capétiens directes s’éteint. A qui transmettre le royaume de France ? 2 candidats qui peuvent faire valoir des droits à la Couronne :
- Il faut privilégier Isabelle, la sœur de Charles IV. Le problème est qu’en application du principe de 1316, elle ne peut pas succéder. En revanche, elle peut transmettre ses droits successoraux à son fils, Edouard III d’Angleterre (neveu de Charles IV, parent au 3e degré).
- Respect du principe de masculinité en choisissant Philippe de Valois (cousin germain de Charles Iv, parent au 4e degré). Cette solution a l’avantage d’écarter le candidat anglais, mais il faut admettre une transmission en ligne collatérale et accepter d’aller cherche un prétendant plus éloigné au regard des degrés de parenté.
La solution retenue est Philippe de Valois qui est sacré en 1328 sous le Titre de Philippe VI.
Arguments avancés par la royauté :
L’entourage royal commence par contredire le droit féodal. Certaines coutumes admettent que les femmes servent d’intermédiaires pour transmettre des droits à un tiers : Les femmes font pont et planche. Dans cette hypothèse, Edouard III d’Angleterre doit profiter des droits transmis par sa mère et doit succéder au royaume de France. Les juristes français vont contredire cet argument en utilisant un adage romain : Personne ne peut donner ce qu’il n’a pas.
Dès que l’on s’aperçoit de la possibilité de prétentions d’Edouard III d’Angleterre, un réflexe national se met en place qui dit que Philippe de Valois est né du royaume, contrairement à Edouard III d’Angleterre. Aussitôt, Philippe IV convoque une assemblée qui décide qu’une femme ne peut succéder au royaume et ne peut transmettre ses droits. Les juristes vont construire un adage : Le royaume de France ne peut tomber en quenouille.
En 1337, Edouard III revendique de nouveau la Couronne de France en raison de son degré de parenté le plus proche (début de la Guerre de Cent Ans). En 1340, il se déclare roi de France. A partir de ce moment, le débat doctrinal devient de plus en plus important. Les arguments idéologiques vont se développer.
L’argument avancé par les juristes français est l’invocation de la Loi Salique à partir des années 1360. L’intérêt de la Loi Salique est son ancienneté qui prouve sa légitimité. Les juristes vont aller chercher dans cette Loi Salique l’article 59 et vont l’interpoler (ils vont extraire ce qui les intéresse). L’Art 59 exclue les femmes de la succession qui est partagée entre les mâles. La suite de l’article précise qu’en l’absence de fils, les femmes peuvent tout à fait venir à la succession. Cette interprétation forcée va fonder juridiquement la pratique de la masculinité. Cette Loi Salique devient une coutume immémoriale qui contrôle, organise la succession au trône.Au XVe siècle, la conviction de l’importance de cette Loi Salique est telle qu’on ne parle plus de  règle de la masculinité mais de Loi Salique. Ces règles jouent jusqu’en 1389 (tout au long de la monarchie). Par exemple, Henri IV (Henri de Navarre) succède à Henri III alors qu’il est cousin au 21e degré.

Section 2 – Le principe d’instantanéité
Nouvelle règle qui s’ajoute à la règle de masculinité. Mais, quand doit-on considérer le fils du roi comme le Roi véritable ? La royauté va établir le régime de l’instantanéité à partir du règne de Charles V (seconde moitié du XIVe siècle). Ce principe d’instantanéité s’exprime de plusieurs manières qui sont utilisées tout au long de la monarchie :
- Le royaume de France n’est jamais sans roi.
- Le Roi ne meurt jamais en France.
- Le roi est mort, vive le Roi !
Ces différents adages posent comme principe la règle de la continuité de l’Etat. Cette doctrine est spécifiquement française. Ce principe de continuité de l’Etat est construit au début du XVe siècle à travers deux ordonnances de Charles VI.
Charles VI accède à la royauté en 1380. Quand il devient roi, Charles VI est mineur et il est placé sous la régence de ses oncles. Charles VI, depuis 1392, est pris par des accès de folie et son pouvoir est de plus en plus fragile (début du conflit entre les Bourguignons et les Armagnac au XVe siècle). Dans un moment de lucidité, Charles VI décide de préciser les conditions d’accession à la royauté.
Ordonnance de 1403 : Charles VI supprime la régence et proclame qu’en cas de décès du roi, le fils aîné devient immédiatement roi. Le jeune roi peut jouir immédiatement de toutes les prérogatives royales.Le roi de France est toujours majeur.
Ordonnance de 1407 : elle reprend les dispositions de 1403 et va plus loin parce qu’elle légifère pour les fils des rois de France. L’ordonnance donne un caractère de perpétuité à la décision.
Ce caractère instantané de la succession royale permet de supprimer les périodes d’interrègne (périodes de faiblesse pour le pouvoir royal). Grâce à ce principe, le pouvoir du roi en France est toujours parfait. Cette perfection du pouvoir politique entraîne des conséquences :
- La régence : A partir du XVIe siècle, les théoriciens estiment que l’activité du roi ne s’arrête jamais, ce qui permet la continuité de l’Etat. En revanche, la question se pose pour savoir comment l’activité royale s’organise quand le roi ne peut remplir ses fonctions. Jusqu’au début du XIVe siècle, les régents détiennent tous les pouvoirs du roi et gouvernent en leur nom propre. Charles V va essayer de limiter les périodes de régence en abaissant l’âge de la majorité royale : Ordonnance de 1374. L’âge de la majorité royale est 14 ans. Le principe de continuité affirmé dans les deux ordonnances (1403, 1407) vide la régence de son contenu. A partir du XVe siècle, le régent apparaît comme une sorte de tuteur qui permet de renforcer les actes du jeune roi.
   - La valeur du sacre : Le sacre perd peu à peu de sa valeur et il n’est plus l’ace constitutif de la royauté. A partir du XVe siècle, le roi a un pouvoir parfait sans être sacré. En revanche, le sacre conserve sa valeur symbolique.Ex : attitude de Jeanne d’Arc vis-à-vis de Charles VII : elle le rejoint à Orléans en 1429 et l’appelle le Gentil Dauphin car il est roi de France depuis 1422, mais n’est sacré qu’en 1429 à Reims.
   - La validité des actes du roi défunt : Jusqu’au XVe siècle, le nouveau roi doit renouveler les actes de son prédécesseur pour qu’ils soient valides. A partir du XVe siècle, la mort du roi n’entraîne pas la nullité de ses actes et sa législation reste en vigueur après sa mort.


Section 3 – La théorie statutaire (l’indisponibilité de la Couronne)
Le roi régnant peut-il modifier ou empêcher l’application des règles de succession ?
Cette question est en partie résolue en théorie par les légistes qui affirment que la fonction royale est une obligation et non pas un droit, ce qui rend cette fonction royale indisponible. Le principe va émerger pendant le règne de Charles VI et au moment de sa succession.
Le Duché de Bourgogne, en 1419, bascule dans le camp anglais et les bourguignons, appuyés par la reine, persuadent Charles VI de signer un traité avec le roi d’Angleterre. C'est le Traité de Troyes signé le 21 mai 1420. Clauses du traité : Le Dauphin de France (futur Charles VII) est déshérité. Le roi d’Angleterre (Henri V) épouse la fille de Charles VI et est déclaré fils adoptif du roi de France.
Les deux rois meurent en 1422 et, conformément au traité de Troyes, le nouveau roi d’Angleterre est déclaré roi de France.
Ce Traité de Troyes, le Honteux Traité de Troyes, va permettre de faire émerger la théorie de l’indisponibilité de la Couronne qui est la création d’un juriste languedocien (Jean de Terrevermeille). Il rappelle que les règles successorales sont d’origine coutumière, ça veut dire que les règles ont été élaborées par l’ensemble de la communauté politique et sont raisonnables (conformes à la raison, à la ratio) àconformes au bien commun, à l’utilité publique et conformes au droit naturel et au droit divin. L’ensemble de ces règles forme un ordre juridique objectifindépendant de la volonté du roi et cet ordre est supérieur, intangible, permanent.
La succession royale n’est pas donc régie par le droit commun et est différente des successions privées. Le royaume et l’exercice du pouvoir sont des charges publiques. Le roi n’est pas et ne sera jamais (jusqu’à 1789) propriétaire de sa fonction, il est dépositaire viager. En conséquence, il ne peut pas en disposer. La succession au royaume n’est ni héréditaire et ni patrimoniale. La succession obéit à une loi coutumière qui désigne le successeur. Le roi est le successeur légal parce qu’il est désigné par la loi coutumière.
Terrevermeille crée un bloc normatif supérieur et termine la construction de la notion de STATUS REGNI, d’où théorie statutaire. En conséquence, la théorie construite par Terrevermeille vient contredire le Traité de Troyes et entraîne trois conséquences :
- L’abdication est interdite. Ex : François Ier est capturé en 1525 à la Bataille de Pavies et abdique la royauté, mais le Parlement de Paris fait savoir au roi qu’une abdication est impossible parce que le statut de la Couronne l’interdit.
- Impossibilité de renoncer à la succession. Ex : Au XVIIIe siècle, le roi d’Espagne désigne par testament le petit-fils de Louis XIV pour être roi d’Espagne. Louis XIV rappelle aussitôt que son petit-fils conserve ses droits pour le royaume de France. Ce maintien dans le droit de succession déclenche la Guerre de succession d’Espagne (guerre européenne) car les deux royaumes les plus puissants pourraient être réunis. A la fin de la guerre, la France perd, le petit-fils de Louis XIV est obligé de renoncer à la Couronne de France d’un point de vue politique. En droit, ses renonciations sont nulles et cette opinion est retrouvée tout au long du XVIII siècle et dans la Constitution de 1791.
- La légitimation : il s’agit de légitimer un fils naturel ou un fils adultérin. Terrevermeille explique qu’en raison du caractère public de la succession, le roi ne peut légitimer un fils naturel ou un fils adultérin. Ex : Entre 1711 et 1714, Louis XIV perd son fils et deux de ses petits-fils. Son troisième petit-fils est devenu roi d’Espagne sous le titre de Philippe V. Il reste un espoir puisque l’arrière-petit-fils de Louis XIV est vivant et un frère que Louis XIV déteste (Duc d’Orléans). Dans ces conditions, Louis XIV décide de légitimer deux fils adultérins en 1714 : l’Edit de Marly. Les critiquent sont faibles mais dès la mort du roi l’Edit de Marly est cassé en 1717 par le Parlement de Paris, en indiquant que les lois fondamentales interdisent au roi de disposer de la Couronne.
Section 4 – Un roi catholique
Jusqu’au XVIe siècle, personne ne s’est interrogé pour savoir si le roi doit être catholique ou non. La réforme protestante de 1517 (Luther) pose pour l’avenir la question de la religion du roi.
En 1589, Henri III meurt et avec lui la branche des Valois s’éteint. Comme en 1314, on fait une recherche de degré pour trouver le susceptible le plus proche. Il s’agit d’Henri de Navarre qui est parent au 21e degré. Cette information est connue depuis 1584. Le problème est qu’Henri de Navarre est la chef des Protestants de France. Les ultra-catholiques poussent Henri III à prendre des mesures pour éviter qu’un protestant ne devienne roi de France. En juillet 1588, sous l’influence de cette ligue ultra-catholique, Henri III prend un Edit, l’Edit d’Union qui proclame la catholicité du roi.
Après Charles X, le problème de succession se pose. Les candidats sont : le lieutenant général du royaume (le Duc de Mayenne) et l’Infante d’Espagne (Claire-Isabelle, petite-fille d’Henri II). Le Parlement de Paris va trancher en prenant l’Arrêt Lemaistre du 28 juin 1593. Par cet arrêt, le Parlement de Paris empêche le transfert de la Couronne en des mains étrangères sous prétexte de la religion. Cet arrêt refuse de faire primer une loi fondamentale sur une autre. Cette analyse du Parlement contredit cet Edit d’Union qui faisait comme condition essentielle à la succession la religion catholique. En 1593, il faut trouver un roi chrétien, catholique, français sans attenter à l’ensemble des lois fondamentales. A l’égard des conditions politiques de l’époque, la position de Claire-Isabelle est insoutenable car elle est une femme, contrairement à Henri de Navarre à qui il suffit d’abjurer sa religion. Henri de Navarre devient roi de France.
            Chapitre 2 – Le statut du domaine royal
La continuité de l’Etat s’observe à travers la succession royale et à travers le domaine royal. Au même titre que le pouvoir politique, les biens qui dépendent de la Couronne doivent être indisponibles et inaliénables. Il y a une difficulté parce que l’Ancien Régime a du mal à définir ce qu’est le domaine et les règles qu’on peut affecter sur ce domaine.Si on s’en tient à une définition positive, le domaine de l’Etat peut être public ou privé. Tout dépend du régime juridique qu’on affecte sur ces biens.
La réalité est beaucoup plus floue pour l’Ancien régime. Les théoriciens de la monarchie ont essayé de distinguer entre le domaine et le royaume.Le domaine est l’ensemble les terres sur lesquelles le roi exerce ses droits en propre. A l’inverse, le royaume est constitué de terres sur lesquelles le roi utilise des intermédiaires. Les théoriciens ont toujours essayé de faire coïncider les deux termes.L’évolution qui se produit va peu à peu effacer le caractère patrimonial (caractère privé) du domaine. La personne privée du roi s’efface devant la fonction royale. A partir de là, le domaine devient domaine de la Couronne et des règle spécifiques lui sont maintenant applicables.
Section 1 – Les origines du domaine royal
Le domaine n’a pas de limite concernant ses éléments constituants. De manière très générale, ledomaine est l’ensemble des moyens corporels et financiers qui sont mis à la disposition du Roi et qui sert de support matériel à l’exercice de la fonction royale. On peut dégager deux masses de biens qui composent ce domaine :
- Les biens corporels : biens immeubles (terres, châteaux, forêts) que le roi administre directement ; biens meubles (trésor royal, les chemins, cours d’eau, rivages). Tous ces biens sont rattachés au domaine parce que leur critère commun est l’utilité publique.
- Les biens incorporels : les droits perçus au bénéfice du roi et les revenus. Ex : les droits de souveraineté, droit de justice, impôts, droits féodaux, droits seigneuriaux, le droit de Quint (succession), les lods et ventes (valeur foncière).
Section 2 – Inaliénabilité et imprescriptibilité
Dès le début du XIVe siècle, les légistes royaux réfléchissent sur le statut des biens qui dépendent de la Couronne à idée de protéger les biens du royaume. L’objectif de ces légistes est d’une part de protéger le roi contre ceux qui veulent s’accaparer les biens du royaume et d’autre part de protéger le royaume contre le roi qui peut être trop généreux.
Les premières mesures royales sont prises pendant le règne de Philippe V entre 1316 et 1319 pour limiter les aliénations. Philippe V considère que les aliénations qui ont été faites sont abusives et réintègre les terres au domaine. A partir des années 1350-1380, affirmation du principe d’inaliénabilité.D’une part, le serment du sacre intègre la clause d’inaliénabilité du domaine de la Couronne. En 1425, le roi Charles VII confirme les dispositions d’inaliénabilité par une ordonnance qui est qualifiée de constitution générale. Avec ce titre, Charles VII souligne la valeur supérieure de ce principe et les rois postérieurs vont peu à peu percevoir ce principe comme une loi fondamentale.
Dans cette optique, les juristes du XVI siècle considèrent que le roi est seulement usufruitier du domaine. Les biens de la Couronne ne sont donc pas à la libre disposition du roi et il ne peut qu’augmenter le roi.
Ex : François Ier, après la défaite de Pavies en 1525, accepte d’abandonner la Bourgogne de l’Empereur du St Empire germanique. Quand il rentre à Paris, François Ier soumet cette aliénation aux Etats de Bourgogne qui refusent l’aliénation. Le Parlement de Paris, en 1526, déclare cette aliénation de la Bourgogne « contraire au droit public de la monarchie ».
Juridiquement, le statut du domaine royal est définit par deux textes.
L’Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 : consacre le principe d’inaliénabilité et le principe d’imprescriptibilité.La possession, quelle que soit la durée, ne permet pas d’acquérir une part du domaine.
L’Edit de Moulins en 1566 : va permettre de distinguer deux statuts à l’intérieur des biens de la Couronne. L’Edit de Moulins définit le domaine fixe qui est constitué par les biens acquis à la Couronne au moment de l’avènement du Roi, y compris le domaine propre du Roi. L’Edit de Moulins identifie le domaine casuel qui composé de tous les biens acquis par conquête, achats, échange, succession pendant le règne d’un roi. Pendant 10 ans, le roi dispose du domaine casuel comme il le souhaite. Au terme des 10 ans, ces biens sont intégrés au domaine fixe.
Deux exceptions :
- Les apanages : territoires que le roi octroie à ses fils les plus jeunes pour assurer leur subsistance. Ces apanages restent dans la lignée cadette tant qu’un fils peu succéder.
- Les engagements : l’engagement est une sorte d’aliénation parce que l’engagement correspond à une mise en gage d’un bien du domaine au profit d’un prêteur (engagiste) qui va octroyer un prêt. Ces engagements sont toujours assortis d’une clause de rachat perpétuelle. Ces biens engagés restent pendant des générations entre les mains des engagistes qui maintiennent une sorte de pression financière sur la monarchie.
Titre 2
L’Etat absolutiste (XVIe-XVIIIe siècles)
La monarchie absolue de l’Ancien Régime est caractérisée par l’identification du roi avec son peuple. Par conséquent, le roi a la mainmise de l’Etat sur la nation, c'est lui qui dirige. L’Etat absolutiste a pour but le bien commun, l’utilité commune, ce qui légitime la concentration des pouvoirs en la personne du roi. On passe à une conception plus publique de la Couronne. L’Etat royal qui apparait au cours du XVe siècle dispose d’un statut, mais dans le cadre de cet Etat l’exercice du pouvoir n’est pas encore défini précisément et il est encore très limité. A partir du XVIe siècle, l’Etat profite d’une nouvelle réflexion qui permet de le distinguer définitivement de la personne du roi et de la dynastie régnante.
            Chapitre 1 – Les théories absolutistes
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’évêque Bossuet affirme que l’autorité royale est absolue. C'est l’achèvement de la réflexion sur la théorie de la monarchie absolue. Le pouvoir royal s’entend comme un pouvoir supérieur à toutes les autres institutions et un pouvoir spécifique, particulier parce que son principe, repose sur la notion de souveraineté. Cette notion est invoquée à partir du XIIIe siècle, mais à cette époque elle sert surtout à lutter contre les pouvoirs qui viennent concurrencer la royauté. A partir du moment où le pouvoir royal est qualifié de souverain, les prérogatives régaliennes se développent de plus en plus. Les prérogatives régaliennes s’affirment en matière de justice, en matière de paix publique et en matière normative.
Section 1 – La souveraineté selon Bodin
Bodin (1530-1596), juriste natif d’Angers. Bodin est un agent de la monarchie.
Très tôt, Bodin s’intéresse à la question du pouvoir. En 1566, Bodin essaye de faire dériver les prérogatives royales de l’autorité suprême. En 1576, il publie Les six livres de la République où il définit la notion de souveraineté.
Paragraphe 1 : Le principe de la République
Bodin dit que la République est le droit Gouvernement de plusieurs ménages et de ce qu’il leur est commun avec puissance souveraine. Pour Bodin, l’Etat doit avant tout être moral dans son action et il dit respecter le droit divin et le droit naturel. Cette République, cet Etat, est composé de collectivités, de corporations qui traduisent la conception de la société d’Ancien Régime. L’individu n’existe que par ce qu’il appartient à un groupe, il n’existe pas en soi. Ces familles partagent un intérêt commun et Bodin reprend ici la notion de commun profit qui correspond à l’intérêt général. Bodin ajoute cette notion de puissance souveraine mais qui constitue l’élément central de la République. Finalement, cette puissance souveraine permet d’unir les différentes parties de l’Etat et de créer le corps politique.
à Sans souveraine, il n’y a pas d’Etat. Dès qu’il y a souveraineté, il y a obligatoirement Etat.
à La souveraineté est indépendante de la forme que prend le Gouvernement.
Avec Bodin, la souveraineté devient un attribut de l’Etat et uniquement de l’Etat. Jusqu’à Bodin, la souveraineté était pensée par rapport à l’exercice du pouvoir du roi.
Bodin va définir ce qu’est la puissance souveraine. La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République. La puissance souveraine a trois caractères :
- perpétuité de la souveraineté : elle se place dans le prolongement de la continuité de la Couronne. Bodin explique que l’Etat existe tout le temps en dépit de ce qui peut advenir aux dirigeants politique. Louis XIV l’avait dit sur son lit de mort: je m’en vais mais l’Etat demeurera toujours.
- absoluité de la souveraineté : AB SOLUTUS, sans lien. Cette souveraineté est un pouvoir de commandement supérieur à tout autre pouvoir. La puissance de l’Etat à l’extérieur n’a que des égaux et aucun supérieur, et à l’intérieur de l’Etat la puissance souveraine ne peut être conditionnée par une autorité interne.
- indivisibilité de la souveraineté
A la différence des auteurs précédents, le royaume de France à partir de Bodin est indépendant parce qu’il détient la souveraineté.
Paragraphe 2 : La forme de l’Etat
A partir de maintenant, l’Etat concentre l’intégralité du pouvoir sur un territoire et chaque sujet doit obéissance et doit se soumettre à la puissance souveraine.
Bodin opère une classification des différents régimes politiques. Le fait de classer le régime n’est pas une nouveauté, mais Bodin considère que ce qui caractérise l’Etat est l’organe de souveraineté. Il distingue 3 formes d’Etat. Bodin est le premier à distinguer la forme de l’Etat de la forme du Gouvernement. Si la forme de l’Etat est déterminée par le siège de la souveraineté, la forme du Gouvernement se définie par l’exercice de cette souveraineté. Le souverain peut très bien décider de déléguer l’exercice du pouvoir à un roi (monarchie), au peuple (démocratie)  ou à une élite (Gouvernement aristocratique).
Bodin va se prononcer pour la meilleure forme de Gouvernement pour la France. Bodin se prononce en faveur de la monarchie. Il considère que la monarchie est la forme de Gouvernement la plus naturelle pour les hommes. Il montre que de tout an le régime monarchique a été le régime le plus utilisé par les hommes. Pour Bodin, la monarchie est le meilleur support de la souveraineté parce que le régime monarchique garantie le caractère indivisible de la souveraineté. Il rappelle que la monarchie n’est pas une tyrannie. Le régime monarchique légitime pour Bodin est le régime qui arrive à concilier le caractère absolu, le respect des individus, le respect de droit naturel ou divin, et le respect des règles de droit public qui forment le statut de l’Etat.
La monarchie est une monarchie réglée qui doit respecter le droit. On considère que Bodin est le fondateur de la monarchie absolue. Cette théorie bodinienne de l’Etat a un défaut, un élément subversif pour le long terme. Ce que fait Bodin c’est surtout la mise en avant de l’Etat avec l’accent mis sur la souveraineté. Bodin veut protéger l’Etat en lui donnant les moyens de conserver son unité. Finalement, la France pourrait très bien se débarrasser de la monarchie. Bodin réfléchit de cette manière parce qu’il écrit son ouvrage pendant les guerres de religion, quelques années après le massacre de la Saint Barthélémy. L’ouvrage de Bodin est un ouvrage de combat qui répond aux thèses défendues par les protestants qui cherchent à affaiblir le pouvoir royal.
Section 2 – Les contestations doctrinales
La réforme protestante initiée par Luther en 1517 va voir des conséquences politiques importantes. Luther veut renouer avec la pureté de l’Eglise. Il refuse à l’Eglise son rôle d’intermédiaire entre Dieu et le pouvoir politique. En affirmant cela, Luther libère les Etats de la tutelle pontificale. Les Etats renforcent donc et ont pour seule mission d’assurer la paix publique.
De plus, Luther va démystifier le pouvoir royal. A partir de Luther, le pouvoir royal est purement temporel et le roi n’a pas à s’occuper de questions spirituelles. La conséquence est que Luther est favorable à l’obéissance des sujets au roi parce que le roi est le ministre de Dieu. Mais, il est tout à fait possible de s’opposer au roi lorsque celui-ci s’occupe de questions religieuses.
Ainsi, la question de la résistance au tyran arrive dans le débat politique et certains penseurs politiques vont défendre cette idée de résistance au tyran au motif de l’obéissance à Dieu. Les théoriciens favorables à la monarchie absolue vont créer la théorie de droit divin pour s’opposer à la théorie du régicide.
Paragraphe 1 : Les monarchomaques
Ces penseurs apparaissent pendant les guerres de religion. Ils développent des thèses qui s’opposent au pouvoir personnel, au pouvoir unique. Ils proclament le droit de résistance qui peut aller jusqu’au génocide. Ce courant prend le nom de courant monarchomaque, ceux qui combattent le monarque. Barclay est le créateur de ce texte (1620). Ces monarchomaques comprennent deux branches : les protestants (à l’origine du mouvement) et les catholiques (ligue ultra-catholique).
            A. Les monarchomaques protestants
Chronologiquement, les critiques proviennent à l’origine des milieux protestants. Durant le règne de François Ier, les protestants espèrent trouver un appui dans le pouvoir royal. La Saint Barthélémy (1572) fait basculer les protestants dans une critique très violente du pouvoir monarchique français. Deux auteurs cristallisent les arguments développés par ces monarchomaques protestants. François Hotman est l’auteur de la Franco Gallia. Théodore de Bèze est le successeur de Calvin (pasteur protestant de Genève), il est le chef des protestants de France. Les deux auteurs critiquent la pratique absolutiste du pouvoir.
Hotman est favorable au Gouvernement mixte. Il détourne l’histoire de France et la met au profit de sa théorie. Il dit que depuis les origines le roi de France a toujours été élu et, pour gouverner, il s’est entouré de la participation des grands qui l’ont conseillé. Pour Hotman, le roi partage ses compétences avec ces assemblées de grands pour composer un Gouvernement tempéré, un régime mixte. Les états généraux sont les continuateurs de ces anciennes assemblées, et ces états représentent la nation et doivent participer au pouvoir législatif.
Pour De Bèze, le pouvoir royal est limité parce que le roi doit faire des lois, doit gouverner en respectant la volonté de Dieu. Par ailleurs, De Bèze propose d’encadrer le pouvoir royal avec des magistrats inférieurs qui, par leurs conseils, viennent nuancer le pouvoir royal.
Le deuxième argument des monarchomaques protestants concerne l’origine contractuelle du pouvoir. Les deux auteurs considèrent que le roi tient son pouvoir du consentement du peuple. L’origine du pouvoir se situe dans la volonté du peuple qui, par un contrat tacite, a délégué une partie de la souveraineté au roi. Les monarchomaques considèrent que le roi est tuteur de la chose publique, mais que la souveraineté de l’Etat est d’essence populaire et que le peuple ne s’en sépare jamais. Le peuple apparaît comme supérieur au roi et le pouvoir du roi est soumis à un cadre d’exercice très stricte. Finalement, la mission du roi se résume en ce que le roi doit assurer uniquement le bonheur de son peuple, ce qui légitime le pouvoir royal.
            B. Les monarchomaques catholiques
Les monarchomaques catholiques considèrent que si le roi favorise une autre religion que le catholicisme, le roi peut être destitué par la papauté. Ils considèrent que le roi est désigné, élu par le peuple qui est dépositaire de la souveraineté. Dans ces conditions, les penseurs catholiques affirment que le peuple a un droit de vie et de mort sur le roi quand celui-ci ne respecte pas sa mission. Les théories monarchomaques vont peu à peu s’affaiblir. Elles vont être combattues par la théorie de la monarchie absolue.

Paragraphe 2 : La réponse aux contestations : droit divin et absolutisme
Les monarchomaques ont insisté sur l’absence de lien direct entre le roi et Dieu. Le roi gouverne grâce au peuple pour les protestants et certains catholiques. Le roi est soumis à la papauté pour les catholiques. Les contre-arguments vont d’abord se passer sur le plan religieux parce que la controverse politique se passe dans un débat théologique.
Ces royalistes vont réévaluer le statut du roi et vont donner une base religieuse au pouvoir royal. L’objectif poursuivi est de mettre le roi  en dehors des conflits religieux. Cette réflexion commence à la fin du XVIe siècle et est résumée dans un ouvrage anonyme, Les politiques. Cet ouvrage dit que l’Etat n’est pas dans la religion mais la religion dans l’Etat. Par cet argument, la finalité de l’Etat est transformée, l’Etat n’a plus à remplir un objectif religieux, il doit seulement instaurer la paix publique. L’idée est que l’Etat doit simplement assurer le salut terrestre, et l’Eglise le salut céleste.
A partir de maintenant, ces deux missions sont autonomes et sont aussi légitimes l’une que l’autre. La religion n’a rien à apporter à l’Etat qui se trouve libérer de l’influence du pouvoir religieux (ex : l’adjuration d’Henri IV est comprise avant tout comme un acte politique et non comme un acte religieux). A partir de là, le roi devient roi de droit divin. Etonnamment, cette notion de droit divin apparaît dans la seconde moitié du XVIe siècle.
Il y a une littérature politique qui se développe pour soutenir l’idée que la transmission du pouvoir est directe entre Dieu et le roi de France. Le roi est lieutenant de Dieu sur Terre. Finalement, cette idée de droit divin royal permet de protéger le roi. Grâce à cette idée, toute attaque sur le roi est une attaque sur Dieu. Les juristes de cette période créent le crime de lèse-majesté humaine. Le pouvoir monarchique français est de droit divin, gallican et anti-ultramontain. Le fait de considérer que le roi tient son pouvoir de Dieu a des conséquences :
- Le roi doit gouverner selon certains principes : l’autorité royale doit être basée sur des lois qui permettent un exercice raisonnable du pouvoir. Ces lois sont souvent l’expression du droit naturel et de l’équité.
- L’autorité du roi doit être paternelle. Le roi doit être bon et ce trait de caractère doit correspondre à la clémence et à la bonté.
Louis XIV va faire une application concrète de la théorie de droit divin. En 1682, Louis XIV est en conflit avec le Pape à propos de la gestion de biens ecclésiastiques. Il réunit une assemblée d’évêques de France pour montrer la solidarité de l’Egliseet du roi. Cette assemblée vote un texte, la Déclaration des quatre articles, qui permet de consacrer officiellement la doctrine de droit divin. Le premier article affirme que le pouvoir du roi de France est indépendant et qu’il n’est pas soumis à la puissance de l’Eglise et qu’il ne peut être déposé.
La théorie de droit divin a permis de renforcer le pouvoir royal. Cette théorie peut poser problème à la monarchie parce qu’en lien avec cette théorie la légitimité du roi se fonde sur l’intensité de la foi religieuse. Le XVIIIe siècle, avec le développement des Lumières, critique la religion et indirectement affaiblit la légitimité royale.


            Chapitre 2 – L’exercice de l’absolutisme
Grâce à Bodin et au développement de l’ensemble de ces théories, l’exercice du pouvoir se transforme. A partir du XVIe siècle, le roi dispose des différents pouvoirs parce qu’il est souverain. Bodin dit que les marques de souveraineté sont indivisibles.
Section 1 – Les marques de souveraineté
A partir du XIVe siècle, le roi peut frapper monnaie : monopole.
Le roi a le droit d’imposer mais l’impôt reste une mesure exceptionnelle. Le roi doit vivre du sien.
A partir du XVIe siècle, la royauté essaie d’instaurer le principe de contribution des sujets aux charges publiques.
Le roi est grand justicier et exerce la justice déléguée et la justice retenue. Le roi peut également absoudre en utilisant des lettres de justice.L’ensemble de ces différentes prérogatives peut se résumer à la prérogative de faire et de casser la loi. Le pouvoir le plus important est le pouvoir législatif.Ce pouvoir normatif réservé au roi apparaît au XVe siècle, au moment où le roi supplante la législation. La justification se trouve dans le bien commun, le bien de l’Etat.Loisel rédige un recueil d’adages et il résume la supériorité royale par : « Si veut le roi, si veut la loi ».En conséquence, le roi parce qu’il est souverain est normalement le seul apte à légiférer.
En pratique, ce principe se vérifie assez peu parce que de manière générale le roi ne fait que répondre à la demande de ses sujets.La fabrication de la loi, au fur et à mesure que la monarchie progresse, devient de plus en plus l’affaire de techniciens. Pour créer cette loi, il est nécessaire de connaître l’état du droit existant pour créer de nouvelles normes applicables. Telle qu’elle est pensée au cours de la monarchie de l’Ancien Régime, la loi doit être parfaite. Cette idée de perfection de la loi est à mettre en lien avec le caractère absolu de la monarchie. Parce que la monarchie est absolue, le régime ne doit souffrir aucune contestation et donc la loi doit être parfaite.
Ex : Le roi demande à Jacques Savary de rédiger l’ordonnance sur le commerce en 1673.
La législation royale prend différentes formes. Le terme de loi n’apparait qu’au cours du XVIIIe siècle. La royauté promulgue différents actes qu’on peut classer.
- Lettres patentes : lettres ouvertes parce qu’elles ont vocation à être connues de tout le monde.
            - Lettres perpétuelles à portée générale. Ex : les ordonnances
            - Edits : portent sur une matière spécifique, ne concernent qu’une partie du territoire ou seulement un groupe social. Ex : 1685, Edit de Fontainebleau
- Ordonnances sans adresse ni sceau : manifestent de manière très forte la puissance absolue du roi. Ce type d’acte n’est pas soumis à l’enregistrement des parlements. Ces actes se préoccupent de matières qui touchent à la sécurité de l’Etat (l’armée, l’organisation des organes gouvernementaux) et à la haute police.
- Lettres closes : servent soit pour la correspondance avec les royautés étrangères, soit pour donner des ordres aux agents royaux. Ex : les lettres de cachet
- Arrêts du Conseil du roi : arrêt qui consiste en une décision du Conseil qui se prononce sur des questions de gouvernement ou d’administration. Ces arrêts constituent un moyen très pratique de gouvernement pour le roi car leur exécutions est immédiate, absence d’enregistrement par les parlements, leur force est autant obligatoire que les ordonnances.

Section 2 – Les limites à l’absolutisme
Limites religieuses parce que le roi, lors de son accession au trône, prête serment devant Dieu et s’engage à conduire son royaume en vertu de la morale chrétienne.
Limites juridiques parce que la loi du roi est soumise à un ordre supérieur constitué des lois divines (universelles) et des lois naturelles.
La loi du roi est valable non pas en raison de son auteur mais en raison de sa conformité avec le contenu de ces lois divines et naturelles.
La loi du roi est soumise à un certain contrôle. Depuis le Moyen-Âge, le roi soumet de sa propre volonté sa propre loi au Parlement pour que ce dernier vérifie la conformité de la loi avec les lois naturelles et divines. Dans cet esprit, le Parlement vient aider le roi qui peut être surpris par l’erreur.
Le roi, pour procéder à une levée d’impôt, doit avoir l’accord des états généraux : des Edits bursaux. Tout au long de l’Ancien Régime, la puissance politique du roi s’exerce toujours avec le consentement des sujets (ou des institutions intéressées).
Titre 3 – Le gouvernement royal

A partir du XVIe siècle, l’Etat monarchique développe de plus en plus son contrôle sur la société, c'est le seul pouvoir qui apparait capable de gérer la société. Cet essor de la monarchie s’accompagne de la création de nouvelles institutions. Le problème est que la royauté se contente simplement d’ajouter et ne supprime jamais une institution. La conséquence est que l’administration monarchique apparait comme un labyrinthe.
Il y a un principe qui va guider l’action royale tout au long de la monarchie jusqu’en 1789. On dit que les rois gouvernent par Conseil. C'est un régime participatif qui recourt au Conseil pour avoir la meilleure décision.Ce qui va changer ce sont les modalités du Conseil qui vont se traduire par une réorganisation des organes gouvernementaux. On trouve deux phases dans cette évolution du Conseil.Jusqu’au XIIIe siècle, les conseillers sont essentiellement des grands seigneurs et des grands ecclésiastiques. Cette situation découle du caractère féodal de la monarchie. A partir du XIIIe siècle jusqu’au XVIIe siècle, les organes de Conseil se spécialisent et le roi ne les interroge que selon ses besoins. Ce faisant, la monarchie devient de plus en plus administrative car ces conseils spécialisés deviennent permanents.
Dans le même mouvement, la qualité et la fonction du Conseil évoluent également. Normalement, les conseils en théorie ne lient jamais le roi. Avant le XVIe siècle, ces conseils servent pour éclairer le roi. Ce faisant, les organes ne se comportent jamais en contre-pouvoir. A partir du XVIe siècle, cette compréhension du devoir de Conseil se transforme. L’activité administrative, politique,  royale devient de plus en plus technique et le roi est obligé de s’adresser à des corporations de professionnels. Dans un mouvement parallèle, la royauté se méfie de plus en plus de ces assemblées parce que ces corporations de plus en plus veulent approuver ou désapprouver les décisions royales car elles considèrent qu’elles sont les seules détentrices du savoir juridique. Par conséquent, la royauté considère que leurs actions sont des remises en cause de l’autorité et donc de la souveraineté.
Chapitre 1 – Le gouvernement par Conseil
D’un point de vue pratique, le Conseil du roi regroupe différentes formations qui prennent le nom de différents conseils. La règle est l’unicité du Conseil. Ce Conseil fait corps avec le roi et ne dispose d’aucune autorité propre. Une fiction se juridique se crée alors : Le roi est réputé toujours être présent en son Conseil même si dans la réalité il est absent. Les actes du Conseil portent quand le roi est présentLe roi étant en son Conseil. Quand le roi est absent, les actes du Conseil portent Le roi en son Conseil.
Section 1 – L’organisation du Conseil jusqu’en 1661
Ce Conseil est issu de la Cour du roi. Peu à peu, les grands seigneur vont disparaître et vont laisser place aux légistes de la royauté. A part cela, la composition du Conseil n’est pas du tout fixe parce que le roi a la possibilité d’appeler dans son Conseil les personnes qu’il désire.
Il existe au sein de ce Conseil :
- des membres de droit : la haute noblesse, la famille royale, des grands officiers tels que les secrétaires d’Etat ou les présidents des parlements. Ils participent peu au Conseil parce que les questions traitées sont de plus en plus techniques et n’intéressent pas beaucoup ces personnages.
- des conseillers nommés par le roi en raison de compétences techniques. Ces conseillers forment la base du Conseil. C'est sur ce groupe que le roi s’appuie pour gouverner.
Au début du XVIe siècle, le Conseil a encore des attributions très mal définies. Cette sorte d’indistinction de l’activité du Conseil transparaît dans la terminologie parce qu’on ne sait pas quel nom donner à cette institution. Ex : Conseil d’Etat, Conseil privé, Conseil étroit.Pendant tout le XVIe siècle, les rois vont essayer d’organiser, de rationaliser l’activité du Conseil, mais les efforts de la monarchie ne sont que des échecs. Cependant, le Conseil traite trois grands types d’affaires :
- les affaires générales : affaires de politique intérieure et affaires diplomatiques. Ces matières sont traitées par le Conseil des affaires qui est l’organe moteur de la politique monarchique.
- la finance avec la création d’une section spécifique à partir de 1563.
- les affaires judiciaires : En 1557, création du Conseil privé qui connaît le contentieux opposant les particuliers entre eux ou avec l’Etat.
Section 2 – La réforme de Louis XIV
L’objectif est de rendre le Conseil du roi plus efficace. Cette efficacité va de pair avec la volonté de gouverner seul selon Louis XIV. Au jour du décès de Mazarin, Louis XIV convoque ses plus proches collaborateurs et leur dit qu’il va gouverner seul. A partir de 1661, Louis XIV va réorganiser le Conseil du roi dans son ensemble. On trouve désormais à l’intérieur de cette institution globales deux types de conseils : les conseils de gouvernement où le roi est présent physique et où les décisions politiques sont prises, et les Conseil contentieux qui s’occupent exclusivement des litiges.
Paragraphe 1 : Les conseils de gouvernement
Ces Conseils de gouvernement comprennent plusieurs formations : des formations permanentes et des formations ad hoc. En revanche, toutes ces formations se réunissent toujours dans les appartements du roi à Versailles et sont toujours présidées par le roi.
I - Formations permanentes
Le Conseil d’En-Haut : il se réunit au premier étage de Versailles.
Dans ce Conseil, le roi appelle de manière discrétionnaire les membres et il n’existe pas de membres de droit. Le terme de ministre désigne ceux qui ont siégé au moins une fois dans ce Conseil. Louis XIV a toujours écarté les ecclésiastiques et les grands seigneurs. Louis XIV souhaite une composition restreinte parce que les affaires relèvent du secret d’Etat. Pendant tout le règne de Louis XIV, il gouverne la France avec 3 collaborateurs.La compétence du Conseil d’En-Haut est très large parce qu’il traite de toutes les affaires de politique générale, qu’elle soit intérieure ou extérieure.
Le Conseil des dépêches : il sert à l’éducation politique des membres de la famille royale. Ce Conseil s’occupe des affaires du dedans du royaume. Ce Conseil traite la correspondance administrative de la royauté.
Le Conseil royal des finances : Conseil très ancien qui existe depuis le XVe siècle mais il était un peu tombé dans l’oubli et c'est Louis XIV qui renouvelle ce Conseil.
Comme son nom l’indique, il est créé pour éclairer le roi en matière financière. Parce que c'est un Conseil stratégique, ce Conseil est toujours présidé par le roi, et il est composé de quelques conseillers d’Etat et du contrôleur général des finances(Colbert à partir de 1665). Ce Conseil s’occupe du budget, des ordres de paiement, de la perception des impôts et des questions monétaires. Il s’occupe aussi du contentieux fiscal. Normalement, le contentieux fiscal ne relève pas de son attribution mais le roi peut très bien appliquer sa justice retenue pour trancher des litiges financiers au sein de son Conseil.

II – Formations ad hoc
Il existe des Conseils momentanés créés selon les besoins de la monarchie. Ex : un Conseil de guerre créé en 1616 mais qui disparaît quasi aussitôt ; un Conseil royal du commerce en 1664 mais qui rentre en concurrence avec le Conseil des finances.
Paragraphe 2 : Le Conseil contentieux ; le Conseil d’Etat privé, Finances et direction
Conseil d’Etat privé parce qu’il rend une justice civile. Conseil de direction parce qu’il statue en matière politique. Conseil de finances parce qu’il s’occupe du contentieux fiscal.
C'est un Conseil très technique, un Conseil qui regroupe essentiellement des professionnels et dont le personnel est extrêmement stable, ce qui permet d’assurer la cohérence de ses décisions. Ce Conseil contentieux sert de pépinière au roi qui choisira la plupart de ses ministres dans ce Conseil.
Au cours de cette seconde moitié du XVIIe siècle, ce Conseil contentieux a une évolution ambiguë parce que de manière générale il s’occupe du contentieux mais le roi lui enlève toutes les affaires sensibles. Par ailleurs, ce Conseil perd peu à peu ses attributions fiscales parce que le roi estime que ces matières relèvent davantage du domaine politique. Enfin, normalement ce Conseil doit décider des orientations de la politique judiciaire de la monarchie mais dans les faits il n’a pas les moyens pour contraindre les parlements à appliquer ses réformes.Au XVIe siècle, ce Conseil contentieux a un rôle très important parce que la fonction première du roi est de juger. Au XVIIe siècle, ce Conseil perd de son influence parce que la monarchie se transforme et devient de plus en plus administrative. Au XVIIe siècle, le roi préfère commander que juger, ce qui explique le déclin programmé de ce Conseil contentieux.Malgré cette triple compétence, le Conseil contentieux est toujours doté d’une unité. Le Conseil se réunit toujours dans son ensemble et traite de la matière contentieuse qui est inscrite à la séance.
Le Conseil d’Etat privé, aussi appelé Conseil des parties, juge le contentieux entre les particuliers. Attributions judiciaires. Ce Conseil contrôle l’ensemble des cours de justice. Il peut enlever des affaires aux juridictions ordinaires en utilisant la technique de l’évocation. Ce Conseil tranche les conflits de compétence entre les juridictions. Il juge par voie de cassation. A ce titre, il casse les décisions rendues en dernier ressort par les cours souveraines.
Le Conseil d’Etat, finances et direction, aussi appelé le Conseil d’Etat et des finances, vide le contentieux de l’administration quand celle-ci s’oppose soit aux particuliers soit quand les administrations ont des conflits internes. Cette formation contentieuse du Conseil va décliner peu à peu et va disparaître dans les années 1680 parce que Louis XIV préfère confier ce type de contentieux administratif au Conseil des finances. Ce déclin s’accentue tout au long du XVIIIe siècle parce que de manière générale les contentieux administratif et fiscal sont tranchés par le contrôleur général des finances.
En addition de cette rationalisation, Louis XIV tout au long de son règne a écarté la haute noblesse des organes politiques et a préféré s’appuyer sur une bureaucratie savante et fidèle. La mort de Louis XIV en 1715 va remettre en cause l’organisation de ce Conseil. L’aristocratie va essayer de remettre la main sur les décisions politiques.


Section 3 – L’échec de la polysynodie (1715-1718)
L’esprit de la monarchie a changé parce que le roi préfère commander. A partir de Louis XIV, le Gouvernement devient l’affaire de professionnels. Les grands sont peu à peu écartés du pouvoir. L’aristocratie au début du XVIIIe siècle va essayer de revenir à une forme de Gouvernement collégiale : polysynodie.
En 1715, à la mort du roi, l’aristocratie veut retrouver l’influence qu’elle avait perdue. Le parti aristocrate à Versailles est regroupé autour du Duc de Bourgogne et le Duc de Saint-Simon. Ces aristocrates souhaitent chasser la bourgeoise et les Robins (magistrats de robe). Ils veulent limiter l’influence des secrétaires d’Etat et des ministres, et en faire de simples exécutants des volontés de l’aristocratie. Pour remplacer ce personnel, les aristocrates veulent créer plusieurs conseils (polysynodie) composés de la haute noblesse, du haut clergé, pour délibérer sur la politique générale.
Louis XIV a rédigé un testament pour organiser le Conseil de régence et pour limiter l’influence du régent (le Duc d’Orléans). Après la mort du roi, le régent fait valoir son incapacité à gouverner correctement et fait casser par le Parlement de Paris le testament pour créer une nouvelle organisation politique. Le 15 septembre 1715, le régent crée 7 conseils : affaires étrangères, marine, guerre, finances, commerce, affaires du dedans et conscience (religion). Au-dessus de ces conseils, il existe le Conseil de régence qui est la reprise des différents gouvernements du roi.
La composition de l’ensemble de ces conseils est à la discrétion du régent et très rapidement le régent élimine la présence des secrétaires d’Etat, et limite leurs compétences à la signature des actes. Le système de la polysynodie n’est pas viable parce que le régent remplace un personnel qualifié par des aristocrates incompétents qui siègent rarement. En conséquence, les secrétaires d’Etat retrouvent leurs attributions en 1718 et les conseils de gouvernement sont restaurés. En 1722, le Conseil de finances est supprimé et la polysynodie aussi.
L’échec de ce système s’explique par l’importance trop grande accordée à la collégialité et par l’inexpérience de l’aristocratie. Cet échec illustre la transformation de la monarchie du XVIIIe siècle. Au XVIIIe siècle, l’aristocratie croit encore à la fonction judiciaire du roi et croit pouvoir aider le roi. Cette monarchie du XVIIIe siècle s’organise sur le service public et sur l’efficacité des administrations.

            Chapitre 2 – Le gouvernement à grand Conseil
Dans le cadre de l’exercice de la monarchie médiévale, le roi pour être obéi doit trouver un consensus avec ses sujets. Le roi dans ces conditions ne peut pas connaître l’Etat réel du pays et ne peut pas adapter sa politique aux besoins du peuple. A l’inverse, le peuple a la possibilité d’exprimer ses doléances. Dans ce contexte, à la fin du XIVe siècle, on voit apparaître une forme de représentation qui s’illustre par les états généraux et les états provinciaux (assemblées de province dont l’activité principale est la perception de l’impôt). Les états généraux regroupent les représentants du peuple et ont vocation à remplir une mission de Conseil auprès du roi. A partir du XVIe siècle, les états généraux ne correspondent plus à leur missions originelle parce qu’ils constituent une forme d’opposition à l’action monarchique. La royauté va espacer la tenue des états généraux et va utiliser un organe plus souple, plus facile à contrôler : l’Assemblée des notables.


Section 1 – Les Etats Généraux
A l’origine, ces états généraux sont l’élargissement de la Cour du roi par lequel le roi appelait ses vassaux à venir délibérer. En 1484, les états généraux se réunissent à Tours et prennent leur forme moderne. Les états généraux représentent les ordres de la société, ce qui montre que le lien féodal disparaît et souligne la mise en place d’un lien de soumission beaucoup plus direct. Ces états généraux ne se réunissent que sur la convocation du roi. Ils remplissent uniquement un devoir de Conseil parce que le roi impose l’ordre du jour. Les députés ne représentent pas la nation mais uniquement leur ordre. Ces députés sont dotés d’un mandat impératif et ne peuvent pas s’écarter des instructions données par leur ordre. Les députés ne représentent que l’intérêt particulier de leur ordre, l’intérêt général relève de la royauté.
Attributions des états généraux :
Les états généraux détiennent le consentement à l’impôt. Normalement, on dit que « le roi doit vivre du sien » et pendant l’Ancien Régime l’impôt est extraordinaire. A ce titre, les impôts doivent être approuvés par les états généraux. Cependant, les états généraux refusent souvent leur consentement aux nouveaux impôts en raison de la mauvaise gestion de la monarchie. Les impôts extraordinaires deviennent permanents et la royauté considère que le consentement est tacite et se passe peu à peu du consentement des états généraux pour imposer. La royauté crée de plus en plus d’impôts par voie d’autorité.
Les états généraux servent aussi à réformer les abus présents dans la police et dans la justice. Les doléances des états généraux permettent à la royauté de se rendre compte de l’état des justiciables. Ex : Les états généraux participent à la rédaction de l’ordonnance de Blois en 1579 qui réforme les procédures civile et pénale.
Les états généraux se considèrent comme les garants des lois fondamentales du royaume mais entrent en opposition avec les parlements. Cette attribution relève d’un vœu pieu parce qu’elle se retrouve assez peu en pratique. Ex : Les états généraux rappellent régulièrement au roi l’impossibilité d’aliéner le domaine royal.
Les états généraux ont eu un rôle important au moment de la proclamation de la loi sur la catholicité  (fin XVIe siècle). Ce sont les états généraux qui ont obligé le roi Henri III à prendre l’Edit d’Union en 1588 qui pose comme condition première à la royauté la religion catholique. En 1593, les états généraux doivent se prononcer entre les différents prétendants au trône selon l’application des lois fondamentales. En 1593, ces états généraux sont incapables de trancher parmi les prétendants et laissent passer leur chance de peser sur le pouvoir royal. Le roi décide alors de se passer de plus en plus des états généraux et ne les réunit qu’une dernière fois en 1614.
Section 2 – Les Assemblées de notables
Les assemblées de notables sont une sorte de Conseil du roi élargi. La royauté les réunit régulièrement au cours du XVIe siècle et ce jusqu’en 1627. Ensuite, il y a une sorte de silence et ce type d’assemblée réapparaît qu’en 1788.
Ces assemblées de notables ne ressemblent pas aux états généraux parce que les notables sont nommés directement par le roi en fonction de leurs compétences. Le tiers-état n’est jamais appelé à siéger dans ce type d’assemblée. Normalement, dans le cadre du Gouvernement à grand Conseil, le rôle de l’assemblée est de donner des
avis au souverain. Cette assemblée ne peut pas faire de doléances.  Ces assemblées de notables créent des commissions pour s’informer des ordonnances, des coutumes et des débats antérieurs pour formuler leurs avis. Le roi reçoit l’avis et n’est pas obligé de le suivre, mais le plus souvent ces avis servent de base à la création de la législation. En 1629, Louis XIII réforme la procédure de justice en créant le Code Michau (fait sous l’autorité du Chancelier Marillac).
Les compétences des assemblées de notables n’ont pas été fixées parce que ces assemblées doivent s’adapter aux demandes de la monarchie. Leur activité est très variée. Ex : réforme de la justice, avis sur le consentement à l’impôt, sur la liberté de culte. Les assemblées de notables n’ont jamais eu de pouvoir de décision.
En définitive, dans la relation qui s’établie entre les assemblées et le roi, les assemblées sont toujours en position de faiblesse parce qu’elles ne sont pas capables d’imposer leur vue au souverain. Cette faiblesse s’accentue aux XVIIe et XVIIIe siècles parce que les assemblées ne correspondent plus à l’esprit du Gouvernement. Le roi n’entend pas soumettre sa souveraineté à ces notables. Paradoxalement, à la fin du XVIII siècle, le roi cherche le soutien de ces assemblées. En 1788, Louis XVI convoque deux assemblées de notables à propos d’une réforme financière et à propos du doublement du tiers-état aux états-généraux. Dans ces deux cas, les assemblées de notables refusent les réformes. Ces refus soulignent l’incapacité pour les ordres, et surtout pour la noblesse, de s’auto-réformer et le refus des compromis pour moderniser la monarchie.

            Chapitre 3 – Les grands officiers
Les conseillers de la monarchie n’ont pas de compétences spécifiques. La monarchie devient de plus en plus technique au fil du temps et le roi fait appel à des conseillers spécialités, à des professionnels du pouvoir gouvernemental. L’origine de ces conseillers change. A partir du XVIIe siècle, les conseillers sont dominés par des administrateurs, ce qui donne naissance aux grands commis de l’Etat qui vont former à terme des dynasties.
Section 1 – Les ministres
Les ministres sous l’Ancien Régime désignent les conseillers qui ont siégé au Conseil d’En-Haut. Ce poste de ministre a connu une évolution en lien avec le développement de l’activité de l’Etat. Jusqu’au XVIe siècle, la monarchie ne connaît qu’un ministre qui est le Chancelier parce qu’il dirige l’ensemble de l’administration. A partir du XVIe siècle, la monarchie ajoute 5 membres du Gouvernement au poste de ministre : les 4 secrétaires d’Etat et le contrôleur général des finances.
A l’origine, ces ministres sont des simples exécutants des ordres du roi. Ils n’ont aucun pouvoir de décision. Au cours du XVIIIe siècle, le terme de ministre va se rapprocher de celui qu’on connait aujourd’hui. Le terme de ministre désigne l’agent responsable d’un secteur du Gouvernement, le chef d’une administration qui lui sert à remplir ses obligations. On dit qu’ils sont responsables d’un département ministériel parce que le terme de département signifie la distribution des missions administratives. Dans la pratique, à partir du XVIIIe siècle, les ministres sont les relais entre l’autorité centrale et les autorités locales.
Les ministres sous l’Ancien Régime ne forment pas de collège, ils ne sont pas solidaires, ils ne forment pas de Cabinet. Il n’y a donc pas de hiérarchie entre les ministres. En pratique, certains rois se sont appuyés sur un principal ministrequi a une prééminence sur les autres ministres. Le titre de principal ministre dépend de la volonté du roi et de la relation personnelle que le roi entretient avec ses ministres. Sur l’ensemble de la monarchie (800ans), la royauté connaît 65 ans de ministeria (où on trouve un principal ministre). Cette très faible durée s’explique parce que la présence d’un principal ministre s’accommode mal avec la monarchie absolue. Ce principal ministre s’illustre par Cardinal Richelieu et Cardinal Mazarin. Ce principal ministre n’a pas de statut juridique, il ne détient qu’une délégation du pouvoir qui extrêmement importante et qui lui permet de dominer l’administration du royaume.
Section 2 – Le Chancelier
Cet agent de l’Etat est le premier officier royal à partir de 1627. Il est chef de la Justice, mais il est également responsable des écritures. A ce titre, il est responsable de l’authenticité des actes royaux et de leur expédition. Le Chancelier est par conséquent dépositaire des sceaux et prend le nom de Garde des sceaux.
Il détient un office (charge publique) qui n’est pas vénale (il ne l’achète pas) et pas héréditaire (inamovible). Il dispose d’un statut exorbitant parce qu’il incarne la continuité de l’Etat. Le Chancelier est le seul à ne pas prendre le deuil du roi défunt. Il a une position centrale dans le Gouvernement de la monarchie. Au fil du déroulement de la monarchie, cette position dominante va diminuer peu à peu en lien avec la transformation de l’exercice du pouvoir monarchique.
Il remplit deux missions : une mission législative et une mission judiciaire.
Paragraphe 1 : Fonction législative
Le Chancelier apparaît comme l’initiateur de la loi parce qu’il prend des initiatives pour bien administrer la justice. Le Chancelier doit sceller les actes royaux, doit apposer les sceaux. Les actes royaux, les lettres patentes, sont présentés devant une commission présidée par le Chancelier qui entend des rapports sur les décisions royales. Ce n’est qu’après avoir entendu ces rapports que le Chancelier décide ou non de sceller ces actes. Le Chancelier exerce donc un contrôle sur le contenu des décisions royales. Sa mission est de vérifier la conformité des actes à l’intérêt supérieure du royaume, à la Justice, au droit naturel, etc.Ce contrôle provoque des conflits avec le roi parce que le Chancelier vérifie l’authenticité formelle des actes et leur qualité substantielle. Il peut bloquer l’activité politique et administrative de la monarchie. En cas de conflit, le roi peut retirer la garde des sceaux au Chancelier, soit pour sceller lui-même ses actes, soit pour confier les sceaux à un agent plus docile.Entre 1551 et 1790, la royauté nomme 24 gardes des sceaux pour dépasser l’opposition des 17 Chanceliers de cette période.
Le Chancelier préside les Conseils du roi en son absence. On le qualifie de secrétaire général de la monarchie.
Le rôle du chancelier décline à partir du XVII siècle, notamment à partir de 1661. En 1661, Colbert (secrétaire d’Etat) supplante le Chancelier et se fait attribuer des fonctions normalement réservées au Chancelier. La même année, le Chancelier perd la présidence du Conseil d’En-Haut, présidence qui sera assurée par Louis XIV directement. Le Chancelier est maintenu jusqu’à la fin de l’Ancien Régime mais la monarchie vide la fonction de son pouvoir.
Paragraphe 2 : Fonction judiciaire
Le Chancelier est le premier magistrat du royaume et il est le chef de toutes les juridictions. On le qualifie de surintendant de la justice. Son activité judiciaire s’organise selon :
- la justice déléguée : le Chancelier surveille, contrôle, organise toutes les juridictions. Il est chef du Parquet et il sanctionne les abus des juges et arbitre les conflits de compétence entre les juridictions.
- la justice retenue : le Chancelier participe au Conseil d’Etat, finances et direction, et il administre une véritable Cour de cassation.

Section 3 – Les secrétaires d’Etat
Ils apparaissent au cours du XIVe siècle. Ils proviennent d’une mission plus ancienne, celle de notaire du roi. Leur rôle à l’origine consiste à mettre en forme les actes du roi.Ils prennent le nom de clerc du secret, d’où vient le nom de secrétaire. A la fin du Moyen-Âge, ces secrétaires sont environ 100.
Henri II, devant l’influence grandissante de ces secrétaires, réduit le corps des secrétaires à 4 secrétaires en 1559.
A partir de cette date, leur statut se précise. Les secrétaires d’Etat prêtent serment entre les mains du roi et ne sont dépendants que du roi. Ils sont des commissaires révocables à tout moment. En réalité, la charge de secrétaire d’Etat devient patrimoniale et héréditaire. L’hérédité permet de créer des dynasties de serviteurs, des dynasties de commis de l’Etat. Pendant 175 ans, les membres de la famille des Phélypeaux occupent des charges de secrétaire d’Etat.
A l’origine, les secrétaires doivent contresigner les actes du roi pour valider l’acte royal. Peu à peu, ils vont prendre à leur charge la correspondance administrative et vont participer à l’élaboration des décisions. A partir de 1650, le roi leur laisse le suivi des actes qu’ils ont rédigé. Ils doivent surveiller l’application de ces décisions. Par extension, ils obtiennent un pouvoir de direction, ils vont donner des ordres aux agents. Leur activité devient politique.
Leurs attributions n’ont jamais été limitées, mais ils ne s’occupent jamais de la justice, réservée au Chancelier, et des finances, domaine du surintendant des finances.
Au départ, la répartition de leurs compétences est basée sur un critère géographique. Le roi divise la France en 4 zones et affecte une région aux secrétaires d’Etat. Chaque secrétaire d’Etat est polyvalent parce qu’il s’occupe d’administration générale, d’armée, de marine et de diplomatie. Ce système est insatisfaisant parce qu’il suppose des compétences très larges et limite la cohérence de l’action gouvernementale (si un même problème se pose dans deux zones différentes et si les solutions sont différentes, la monarchie n’a pas de vision d’ensemble de son administration).
A partir des années 1570, la royauté décide d’attribuer des affaires aux secrétaires d’Etat sans se préoccuper du critère géographique et spécialise peu à peu ces agents. A terme, la monarchie s’appuie sur 4 ministères dirigés par les secrétaires d’Etat : la Maison du Roi (ministère de l’intérieur), le ministère de la guerre (tout ce qui attrait à l’armée et l’administration des provinces frontières), la marine (marine de guerre, marine marchande et colonies), les affaires étrangères (pour les relations avec l’étranger et avec certaines provinces françaises).
Section 4 – Le contrôle général des Finances
La création d’une véritable administration des finances date du règne de François Ier (début XVIe). En 1515, personne ne dirige l’administration des finances. Jusqu’à 1515, il existe une direction collégiale parce que les finances se divisent entre les finances ordinaires (revenus du domaine royal) et les finances extraordinaires (les impôts). En 1518, François Ier désigne un chef unique des finances mais c'est un échec. En 1562, Charles IX crée un intendant pour présider le Bureau des finances qui va prendre le nom de Superintendant et devenir le Surintendant.
Ce Surintendant contrôle les dépenses publiques et adresses les ordres de paiement. Cet agent dispose d’un pouvoir considérable. Tout au long du XVIe et XVIIe, la royauté va essayer de réduire la fonction de Surintendant, soit en suspendant la fonction, soit en la divisant entre deux titulaires. La fonction est finalement supprimée en 1661 quand Louis XIV fait condamner le Surintendant des finances, Nicolas Fouquet. En 1665, Louis XIV crée le Contrôleur général des finances qu’il confieà Colbert. Même si le titre change, le contrôleur général des finances est toujours extrêmement important parce que c'est avant tout le principal conseiller financier du roi. Puis, ce contrôleur général des finances prépare le budget, contrôle la monnaie, contrôle la fiscalité, l’imposition et la gestion du domaine. Parallèlement, il a une influence politique très importante parce qu’il peut favoriser ou non les projets des secrétaires d’Etat. C'est lui qui autorise les ordres de paiement. Ce contrôleur général des finances peut obtenir également une charge de secrétaire d’Etat, comme Colbert, ce qui lui permet d’agir avec les pleins pouvoirs. Il a également un rôle d’impulsion économique. Ex : Colbert essaie de développer l’activité industrielle et le commerce international (le colbertisme).
            Chapitre 4 – Les oppositions au gouvernement royal
Ces oppositions naissent d’une divergence de visions politiques entre la monarchie et l’aristocratie. A partir du XVIe siècle, la monarchie rejette cette pratique médiévale du pouvoir alors que l’aristocratie reste fidèle à la tradition du Gouvernement. Cette opposition politique est relayée dans les milieux parlementaires, chez les magistrats. Le roi doit se conformer au contrôle que le Parlement peur exercer sur l’activité législative. Le problème est que ce contrôle de l’activité normative est de plus en plus difficilement accepté par un roi proclamant sa souveraineté. La monarchie, pour devenir un Etat moderne, doit obligatoirement faire taire toutes les oppositions. La monarchie va chuter parce qu’elle n’y arrive pas.
Section 1 – L’opposition nobiliaire, l’exemple de la Fronde
La Fronde se dérouleentre 1648 et 1652 pendant la minorité de Louis XIV, pendant la régence d’Anne d’Autriche (sa mère). Entre 1648 et 1649, on trouve une Fronde parlementaire et entre 1650 et 1651 on trouve une Fronde princière, et à partir de 1652, les deux Frondes d’opposition s’unissent et disparaissent la même année.
L’opposition des nobles se base sur des motivations politiques. On retrouve notamment la revendication pour la noblesse de participer au Gouvernement royal. Cette fronde princière s’incarne dans le Prince de Condé, militaire espérant imposer ses exigences à la monarchie. La monarchie ne cède pas et les troupes fidèles à Condé occupent Paris en février 1651. Le jeune roi Louis XIV est obligé de quitter de Paris et se réfugie à Poitiers. Fin de la Fronde en février 1652, le parti royal décide reconquérir Paris. A la fin de l’été, le peuple parisien, le petit peuple, se soulève contre les armées dirigées par Condé (contre les Frondeurs). Finalement, devant le climat de guerre civile, Condé décide de quitter Paris et permet au parti royal de restaurer l’ordre social. Louis XIV entre dans Paris en Octobre 1652 alors qu’il n’a que 14 ans.
Section 2 – Les prétentions parlementaires (XVIe-XVIIIe siècles)
Les parlementaires ont une vision extensible du contrôle.
Paragraphe 1 : Le Parlement, gardien des lois
Le Parlement doit normalement vérifier les lettres patentes à l’invitation du roi. A partir du XIVe siècle, les lettres royales sont enregistrées devant le Parlement pour les faire exécuter et les faire diffuser dans les autres juridictions. Le rôle des parlementaires est de vérifier que les actes royaux sont conformes à l’ordre juridique supérieur. Les parlementaires peuvent utiliser des remontrances pour refuser l’enregistrement. Le roi, s’il décide de ne pas en tenir compte, adresse au Parlement des lettres de Jussion pour ordonner l’enregistrement. Le Parlement peut toujours refuse et adresse alors des itératives remontrances au roi. Pour mettre fin au conflit, le roi convoque un lit de justice et se rend physiquement au Parlement où la délégation du pouvoir cesse. A ce moment-là, le roi enregistre son acte. Cette procédure de l’Ancien Régime est classique parce que les missions du roi et du Parlement sont identiques : le roi doit gouverner justement, droitement en exerçant une bonne justice à laquelle participe le Gouvernement qui vient conseiller le roi.Le conflit est lié à deux visions politiques.
A partir du XVIe siècle, le roi est de moins en moins justicier, il est surtout chef de l’Etat monarchique. Il gouverne donc en fonction de la raison d’Etat qui peut très bien s’opposer à la notion de justice. À l’inverse, le Parlement est de plus en plus un corps judiciaire. Les parlementaires s’intitulent les prêtres de la justice. Le Parlement entend de plus en plus soumettre les actes royaux au critère de la justice.
Dès le XVIe siècle, les rois interdisent au Parlement de remontrer sur des actes politiques. Pour contrer l’activité parlementaire, le roi en 1566 précise que les textes royaux ont force de loi avant leur publication et en dépit de remontrances qui peuvent être formulées. La monarchie tente d’abaisser les prérogatives du Parlement. Ce conflit est réactivité à partir de 1641.
En 1641, le Parlement refuse d’enregistrer un édit de Louis XIII. Aussitôt, Richelieu rédige une ordonnance qui oblige les Parlements à enregistrer sans délibération tous les textes provenant de l’Etat à l’exception des finances. Les Parlements sont réduits au silence tant que Richelieu est présent. Dès la mort de Louis XIII en 1643, les Parlements reprennent leur opposition à la royauté. Pendant la période de Minorité, les Parlements retrouvent leur droit de remontrance. Ils s’engagent dans un conflit politique qui va prendre le nom de Fronde parlementaire.
Dès le début de la Fronde, le 13 mai 1648,  pour protester contre une réforme fiscale, le Parlement convoque dans la Chambre Saint Louis les autres Cours souveraines de la capitale (chambre des comptes, chambre des aides). Ensemble, ces Parlements prennent l’Edit d’Union et proclament leur solidarité. Cette Chambre Saint Louis présente une charte, un programme de réforme de l’Etat. Dans l’esprit de ce texte, les Parlements doivent contrôler et vérifier tous les actes de l’Etat. C'est quasiment l’idée d’un contrôle de constitutionnalité. Devant ce programme, la royauté cède quelque peu. Finalement, cette opposition parlementaire va être cassée par Louis XIV en 1661.
Début juillet 1661, Louis XIV ordonne aux Cours souveraines d’obéir aux ordonnances tout en leur réservant un droit de remontrance très faible. Cette attitude de Louis XIV s’explique par le caractère très affirmé de l’absolutisme monarchique. Le roi est à l’origine d’une loi parfaite et cette loi ne peut souffrir aucune critique. S’il existe des critiques, le pouvoir absolu est remis en question et le Parlement apparaît comme un contre-pouvoir.
En avril 1665, Louis XIV fait irruption au Parlement de Paris. Faisant une partie de chasse, il apprend que les parlementaires refusent d’enregistrer des édits fiscaux qui avaient déjà été enregistrés par lit de justice. Il vient signifier aux parlementaires qu’ils doivent se soumettre au pouvoir royal. Ce faisant, il montre la toute-puissance du pouvoir royal. Cette politique de réduction se poursuit tout au long du règne de Louis XIV. En 1665, Louis XIV supprime le titre de Cours souveraines et le remplace par celui de Cours supérieures.
En 1673, Louis XIV décide que le Parlement est obligé d’enregistrer sans délibérer et peut faire des remontrances après l’enregistrement. Colbert, 1679 : « Les bruits du Parlement ne sont plus de saison. ». Entre 1673 et 1715, les Parlements de toute la France continuent de remontrer. Les magistrats entretiennent le sentiment qu’ils peuvent toujours faire entendre leur avis même si le roi n’en tient pas compte.



Paragraphe 2 : Le loi, un enjeu politique
En 1715, à la mort de Louis XIV, le Régent fait casser le testament de Louis XIV par le Parlement de Paris. Pour avoir l’aval du Parlement, Philippe d’Orléans rétablit le Parlement en novembre 1715 et lui restitue le droit de remontrances avant l’enregistrement. A partir de 1715, l’opposition parlementaire change de ton parce qu’à partir de maintenant les parlementaires ne veulent plus vérifier la loi pour l’administration d’une bonne justice, mais ils souhaitent contrôler de manière politique la création législative. A partir de 1715, les Parlements refusent l’enregistrement des lois du roi pour s’opposer à la politique royale. Quelques fois, ils n’hésitent pas à démissionner.
Le Parlement veut délibérer sur les textes royaux avant leur enregistrement. Pour les parlementaires, la loi n’est exécutoire que si elle a été vérifiée conforme aux coutumes, aux lois fondamentales et au droit existant. Les Parlements ont toujours vérifié les actes de la royauté, notamment pour éviter la « surprise » dont le roi peut être victime. Au XVIIIe siècle, les Parlements appliquent cette notion de surprise à tous les actes de la monarchie en considérant que le roi est entouré de conseillers incompétents. Par cette vision, les parlementaires justifient un contrôle qui s’applique à tous les actes de la monarchie.
Cette opposition va se doubler d’arguments théoriques. Renaissance d’une théorie politique développée par les parlementaires. Ils vont réutiliser un héritage politique. Ils vont s’appuyer sur une théorie construite dans la 2nd moitié du XVIe siècle. Ils soutiennent l’idée que les francs ont toujours participé aux grandes décisions politiques. Les parlementaires affirment que le roi discutait des lois dans le cadre des plaids (grandes assemblées d’hommes libres) et que cette tradition s’est perpétuée dans la Cour du roi. Comme les Parlements sont issus de cette Cour royale, les parlementaires considèrent qu’ils sont aussi anciens que la monarchie et sont Pars Corporis Regis (une part du corps du roi). Le Parlement est consubstantiel à la monarchie, c'est-à-dire que les Parlements ont la même nature que la monarchie. Les parlementaires se considèrent souverains et égaux au pouvoir royal. La théorie est dangereuse pour l’Etat parce que ça veut dire que les compétences parlementaires ne sont pas déléguées de la volonté royale. A partir de cette idée et à partir de 1750, les parlementaires  réactivent la théorie des classes qui avait créé dans les années 1650 pendant la Fronde parlementaire.
Paragraphe 3 : La théorie des classes
Chaque Parlement de France est en fait une section, une classe d’une assemblée beaucoup plus grande qui a été démembrée qui s’appelle le Parlement de France. Chaque Parlement est donc solidaire des autres et toute atteinte à un Parlement est une atteinte à l’ensemble. Comme ces parlementaires considèrent faire partie de ce Parlement de France, ils considèrent être les représentants de la nation. Louis XV décide d’intervenir personnellement dans ce conflit.
Le 3 mars 1766, Louis XV se rend au Parlement de Paris à l’improviste et prononce le discours de la séance de la flagellation. Il condamne la théorie des classes, rappelle que les parlementaires n’agissent qu’en délégation du roi et souligne que la source du pouvoir est le roi qui dispose de la plénitude du pouvoir législatif. Il dit : « C'est en ma seule personne que réside la puissance souveraine ». À partir de 1770, la politique monarchique à l’égard des Parlements va être révisée et va tenter de les supprimer.



Section 3 – Les réponses monarchiques dans la 2e moitié du XVIIIe siècle
Ces réponses sont de deux ordres. La royauté va essayer de réformer la justice. Le roi va entreprendre des réformes fiscales qui vont dépasser le simple domaine de l’imposition et vont déborder sur la pratique administrative du Gouvernement.
Paragraphe 1 : Les réformes judiciaires
Aussitôt la séance de la flagellation passée, le Parlement continue à contester l’autorité royale mais cette fois il place le débat sur le terrain de l’opinion publique. Les parlementaires critiquent de plus en plus ouvertement le « despotisme ministériel », critique générale de la politique de Louis XV.En lien avec cette opinion publique, les débats, les remontrances, les arrêts sont imprimés et diffusés parmi la population.
Louis XV décide de frapper la magistrature et de la réformer. Jusqu’à maintenant, le roi venait dans les Parlements, invoquait un lit de justice et faisait enregistrer de force. Louis XV décide de laisser le champ libre à ses ministres et de leur laisser la possibilité de faire une réforme profonde de la justice. La réforme est l’œuvre du Chancelier (Maupéou). Maupéou commence par exiler le Parlement de Paris en décembre 1770 (il les envoie à Troyes) et confisque les charges des magistrats. Il transforme l’organisation judiciaire avec 3 édits pris en 1771 :
- le Parlement de Paris est maintenu mais le ressort du Parlement est divisé en 5 conseils supérieurs afin de rapprocher les justiciables. Le Parlement de Paris perd automatiquement son influence politique.
- le Parlement conserve son droit d’enregistrement et son droit de remontrance.
- le statut des magistrats est révisé et complètement transformé : les magistrats n’achètent plus leur charge, ils sont en fait nommés par le roi et sont par conséquent inamovibles et touchent des gages versés par le trésor royal. En conséquence, leur charge ne peut plus être transmise ni vendue.
Cette réforme de Maupéon est une révolution judiciaire. Ces 3 édits vont être appelé le « coup de majesté de Maupéou ».Les magistrats perdent leur indépendance et sont transformés en fonctionnaires de l’Etat. La justice devient gratuite. L’objectif est de domestiquer la magistrature. Le symbole de cette soumission est incarné par Bertier de Sauvigny parce qu’il était l’intendant de Paris, un commissaire et avec la réforme de 1771 il est nommé à la tête du Parlement de Paris. Opposition très ouverte contre cette réforme.
Dans ce contexte de crise parlementaire, Louis XVI, qui cherche à asseoir sa popularité, décide d’annuler la réforme. Il renvoie ses ministres en 1774 et rappelle les anciens magistrats.Maupéou dira « j’avais fait gagner au roi un procès qui durait depuis trois siècles, s’il veut le perdre il en est bien le maître ».
A la fin de l’Ancien Régime, l’ultime réforme judiciaire est préparée par le garde des sceaux Lamoignon. En 1788, Louis XVI enregistre par lit de justice plusieurs édits qui viennent réformer la magistrature. Les ressorts de l'ensemble des parlements de France sont divisés en plusieurs circonscriptions. Les attributions politiques des Parlements sont confiées à une nouvelle institution, la Cour plénière. Cette Cour est présidée par le roi et est composée de magistrats, des princes de sang, des membres du haut-clergé et de la haute aristocratie. Louis XVI recrée un Conseil royal comme au Moyen-Âge avec l’idée du Gouvernement par Conseil. Cette Cour suscite une opposition et le Parlement de Paris déclare cette réforme contraire à la Constitution du royaume et accuse le roi de faire un coup d’Etat. On retrouve l’idée de « despotisme ministériel ». En 1788, Louis XVI renvoie son garde des sceaux, supprime la Cour plénière et annonce la tenue de futurs états généraux.
Paragraphe 2 : Les réformes fiscales
La monarchie au début du XVIIIe a des finances à peu près équilibrée. La seconde moitié du siècle est marquée par une crise financière qui est due au soutien apporté à la guerre d’indépendance américaine (1776). En 1783, Louis XVI décide d’appeler un nouveau contrôleur général des finances (Calonne). Calonne va s’inscrire dans la politique de ses prédécesseurs. Il mène une politique d’emprunt et refuse de créer de nouveaux impôts par crainte du refus des Parlements.Il est contraint en 1787 de procéder à une réforme fiscale qui va remettre en cause l’organisation administrative de l’Ancien Régime.
Calonne propose d’abord la création d’un impôt calculé sur les revenus fonciers. Par ailleurs, cette réforme est un début de décentralisation avec la multiplication d’assemblée provinciales où le tiers-état a une représentation égale aux deux autres ordres et où le vote se fait par tête et non par ordre. Pour faire passer cette réforme, il faut casser l’opposition des Parlements.Le roi décide de réunir une assemblée de notables, ce qui lui permet de se passer de l’accord du Parlement. L’objectif de Louis XVI est d’avoir l’appui de l’aristocratie.
L’assemblée des notables refuse la réforme des assemblées provinciales et refuse également de se prononcer sur la réforme fiscale en soutenant que la question de l’impôt relève des Parlements et des états-généraux.Ces notables expriment leurs limitent quant à la modernisation de la monarchie. Ils dénoncent un despotisme financier lié à l’impôt parce que l’impôt est une ressource extraordinaire et donc de manière traditionnelle le roi demande des impôts pour couvrir ses besoins. Ce qui est choquant c'est qu’ici la recette est indéfinie, le montant de l’impôt n’est pas défini. Les critiques fiscales  deviennent de plus en plus politique et sont en train de se radicaliser. Par exemple, La Fayette demande une assemblée vraiment nationale.
Louis XVI renvoie Calonne et nomme à sa place un archevêque (Loménie de Brienne), c'est un opposant à la politique et à la réforme menées par Calonne.Loménie reprend la même politique et essaie de faire enregistrer les impôts par le Parlement. Le Parlement refuse et se met en grève. Devant cette impasse et ce blocage des parlementaires, Louis XVI rappelle une dernière fois les Parlements qui proclament le caractère illégal de l’enregistrement. Louis XVI ordonne l’enregistrement de ces impôts et à partir de cette date les Parlements s’opposent systématiquement à toutes les réformes.
Au printemps1788, les révoltes se multiplient en France et les banquiers ne veulent plus prêter d’argent. Louis XVI, pour discuter de l’impôt et pour sortir la France de la crise, convoque les états-généraux pour le 5 mai 1789.
Troisième Partie
Administrer le royaume

Entre le début du XVIe et la fin du XVIIIe, le royaume de France connaît une croissance importante. Ce royaume est d’un part très étendu et d’autre part très peuplé puisqu’en 1789 la France compte 28 millions d’habitants, soit 20% de la population européenne.
De manière générale, on peut identifier deux types de France : une France du centre qui correspond au ressort du Parlement de Paris et qui est un espace centralisé et uniformisé ; une France de la périphérie qui comprend les provinces réunies au cours du Moyen-Âge et au début de l’époque moderne, cet espace jouit d’une large autonomie.
D’un point de vue administratif, trois circonscriptions administratives peuvent être distinguées en fonction de leur régime administratif :
- les pays d’état : provinces qui ont gardé le droit de voter, de répartir et de lever l’impôt. Dans ces provinces, les trois ordres se réunissent dans des états (états provinciaux) qui adressent les doléances et votent des mesures fiscales. A côté de l’administration royale, il existe une administration provinciale gérée directement par les états.
- les pays d’élection : quasiment tout le royaume de France où il n’existe que l’administration royale qui va notamment répartir et lever l’impôt.
- les pays d’imposition ou pays conquis : ces pays sont administrés par l’administration royale mais certains ont conservés des états représentatifs (pas de réel pouvoir de décision).Ex : la Lorraine et le Barrois.
À ces circonscriptions administratives, l’Ancien Régime a ajouté des termes qui désignent des entités administratives au niveau régional. Ex : le Gouvernement (une circonscription sous l’autorité d’un gouverneur), l’intendance (circonscription administrée par l’intendant)  et la généralité (circonscription financière gérée soit par l’intendant pour les pays d’élection soit par un Bureau des finances pour les pays d’état).

Titre 1 – Le statut des agents du roi
Ces agents du roi sont définis par un statut juridique différent selon que l’agent est un officier ou un commissaire. Ces agents royaux, tout au long de l’Ancien Régime, ne composent pas une fonction publique d’Etat, c'est-à-dire une fonction publique statutaire et unitaire. La monarchie a entretenu une disparité de ces agents tout au long de son existence. De manière générale, ces agents n’agissent qu’en vertu d’une délégation du pouvoir royal et n’ont aucune autorité personnelle. Sous l’Ancien Régime, il existe des fonctions publiques créées au gré des besoins de la monarchie.
A partir du XIIIe siècle, la royauté utilise un système de garde, c'est-à-dire de nomination directe. Ces agents, au départ, agissent dans le cadre de fonctions déterminées. Peu à peu, ces agents vont se sédentariser et leurs attributions deviennent permanentes et ordinaires, et prennent le nom d’offices.Au cours du XVe siècle, ces officiers établissent des droits sur leur office qui devient peu à peu inamovible, patrimonial et vénal
àreconnaissance de l’hérédité des offices. A partir du XVIe siècle, le roi ne contrôle plus le recrutement de ces officiers. En contrepartie, l’action administrative royale gagne en stabilité.
A côté de ce système d’office, le roi pour des missions extraordinaires s’est réservé le droit de nommer de manière discrétionnaire. Ce droit s’illustre par la commission qui permet d’instituer des commissaires.
            Chapitre 1 – Les officiers
Ces officiers, jusqu’à la fin de l’Ancien régime, forment le groupe le plus nombreux d’agents royaux. Le monde des officiers est très fermé. Ces officiers s’opposent avec la noblesse de sang. Le point commun de ces officiers  est la détention d’un office, c'est-à-dire une fonction publique régie à sa création par une loi générale. Les pouvoirs et les droits qui sont attachés à l’office ne sont pas précisés. Les officiers ont une marge de manœuvre, une forme de liberté dans leurs devoirs administratifs. Peu à peu, ce système des offices va se transformer en un système très rigide.
Section 1 – Le système des offices
L’office est une dignité accompagné d’une charge publique définie par la loi. Ce terme d’office, au départ, est un terme générique qui désigne une fonction confiée par une autorité quelconque. Puis, autour du XIVe siècle, le terme d’office désigne une fonction qui impose l’utilisation d’actes publics, on dit que l’officier exerce un pouvoir de juridiction (au sens de dire et faire le droit).La définition est donnée par Loyseau dans Traité des offices en 1610: L’office est une dignité ordinaire avec fonction publique. Pour les contemporains de l’Ancien Régime, la détention d’un office rencontre la conception sociale du service public. C'est l’idée que l’office confère à l’officier un Etat et lui confère donc un titre, des privilèges et un rang social.
Ces offices vont être mises en place par la monarchie et encouragées. Théoriquement, l’office est un don gratuit de la part du roi, l’officier n’achète pas sa charge. Ce principe va perdurer jusqu’au XVIIIe siècle. L’officier doit seulement marquer sa reconnaissance au roi en lui prêtant de l’argent. Les gages que perçoit l’officier sont considérés comme les intérêts du prêt. L’office reste la propriété du roi. L’officier n’est qu’usufruitier de l’office et le roi en reste le propriétaire.
Par ailleurs, ce système de l’office constitue la banque de la monarchie. La monarchie a besoin de plus en plus d’argent et crée de plus en plus d’offices dont l’achat permet de remplir les caisses de l’Etat.Par conséquent, la monarchie crée des offices inutiles pour avoir des apports financiers. Ex : office de contrôleur des perruques, office de contrôleur des foins ou de ramasseur des pommes, office de contrôleur de beurre frais et de beurre salé. Chancelier de Louis XIV, Pontchartrain : « La plus belle prérogative des rois de France est que lorsque le roi crée une charge, Dieu crée à l’instant un sot pour l’acheter. ». La multiplication des offices marche parfaitement parce qu’entre 1600 et 1633, les offices représentent entre 5 et 45% du total des recettes de la monarchie.
Ce système porte en lui ses faiblesses. La monarchie a tendance à reconduire ces officiers dans leur charge. Par conséquent, les officiers essaient de se faire reconnaître une concession viagère et perpétuelle.Louis XI décide en 1467 que les offices ne sont vacants que dans 3 cas : la mort du titulaire, la démission (la résignation volontaire) et la forfaiture (faute grave). Ce faisant, la royauté reconnaît l’inamovibilité des officiers, ce qui conduit à la patrimonialité de l’office.



Section 2 – La patrimonialité des offices
Le développement de la patrimonialité est lié à la consécration du caractère vénal de l’office.
Le point de départ de cette patrimonialité est la vénalité officieuse, la vénalité occulte. Elle est introduite au XIVe siècle par les officiers. A partir de l’inamovibilité de fait, les officiers sollicitent le roi pour avoir l’autorisation de transmettre leur charge contre le versement d’argent. C'est une nouveauté dans le droit des offices. Les officiers invoquent un pratique utilisée en droit canonique : Resignatio in favorem (résignation en faveur de). Elle permettait à un clerc de résigner son bénéfice de son vivant en faveur d’une autre personne. Ce droit de résignation correspond à une sorte de privilège qui permet de présenter son successeur.
Peu à peu, les officiers qui résignent de leur charge présentent leur successeur au roi. Si le roi estime l’individu capable alors il est nommé. Peu à peu, le roi se voit imposer ces officiers et perd sa liberté d’accepter ou de refuser une personne. De plus, peu à peu, cette vénalité occulte devient onéreuse et des transferts d’argent apparaissent. Les états-généraux interdisent les résignations monnayées.
A partir du XVIe siècle, la royauté change d’attitude et décide de faire de l’office un objet de commerce. On voit se développer une vénalité publique parallèlement à l’existence de la vénalité privée. Le développement de la patrimonialité s’achève par la mise en place de l’hérédité des offices. Cette hérédité des offices est mise en place par la royauté qui aménage le système de la vénalité.
- La royauté institue des lettres de survivance : la survivance permet d’associer un fils à la charge de son père et le fils devient co-titulaire de l’office et n’a pas besoin d’une nouvelle investiture à la mort de son père.
- La royauté va déclarer certains offices héréditaires : elle vent l’hérédité (ex : office du maneo).
- La solution définitive est adoptée sous Henri IV. Avant Henri IV (dans le courant du XVIe), la royauté acceptait les résignations contre le versement d’1/3 de la valeur de l’office (tiers denier). Ce tiers denier représente une somme très importante à débourser et peu d’officiers profitent de ce tiers denier. L’argent ne rentre donc pas dans les caisses de la monarchie. Henri IV charge donc un financier (Charles Paulet) de la nouvelle organisation du système. En 1604, le droit de résignation est officiellement reconnu contre le versement d’un droit annuel qui représente 1/60 de la valeur de l’office. Cette taxe prend le nom de Paulette.
- L’office est véritablement un bien de commerce. Il est attaché au patrimoine des officiers, est cessible et transmissible.
Section 3 – Les conséquences de la patrimonialité
Paragraphe 1 : Des conséquences liées aux finances publiques
En raison de la paulette, les offices procurent des revenus de plus en plus réguliers à la monarchie. Ce système des offices représente à peu près entre 5 et 10% des ressources de l’Etat. Le succès provoque une augmentation du prix des offices. Cette augmentation s’explique non par la charge publique mais par le prestige social. Loyseau : « Plus les offices sont chers, plus ils sont recherchés. ». L’achat des offices devient peu à peu réservé à la haute-bourgeoisie qui est capable de réunir des fonds importants.
Durant le XVIIe et XVIIIe siècle, on a une recomposition des fortunes. Jusqu’au moment où la paulette est introduite, les patrimoines sont essentiellement  fondés sur des biens fonciers.A partir du XVIIe siècle, parce que les offices ont des prix élevés, les offices deviennent l’essentiel des biens d’un individu. On voit une chasse à l’office s’organiser et la monarchie multiplie les créations des offices qui sont en fait des mesures fiscales.
Paragraphe 2 : Des conséquences sociales
Les offices constituent un moyen d’ascension sociale pour leur détenteur, notamment pour la bourgeoisie. Les petits bourgeois deviennent d’abord des bourgeois commerçants puis des bourgeois financiers. Ils achètent donc des charges de finances (ex : receveur de l’impôt) puis des offices de judicature (ils deviennent des magistrats) qui leur ouvre les portes de la noblesse. Cette vénalité devient, au XVIe et XVII siècle, le meilleur moyen pour sortir de la roture. On voit des familles connaître des ascensions fulgurantes. Ex : les Le Tellier sont des marchands de Paris en 1535. A la 5e génération, Michel le Tellier est Chancelier de France 1677 après avoir acheté un office de maître des requêtes.
On voit apparaître des dynasties d’officiers. Ex : la famille Nicolay conserve la charge de Premier Président de la Chambre des Comptes de 1518 à 1652.
Le système des offices a permis l’apparition d’une administration efficace. Souvent, le fils succède à son père et est formé très jeune à la gestion administrative, ce sont donc des gens compétents. Cette administration d’officiers est très fidèle au roi car la valeur de l’office dépend de la puissance du roi.
Peu à peu, une sorte de 4e ordre apparaître et qui est placé entre les commerçants et la noblesse d’épée : la noblesse de robe. Elle va devenir un acteur important de la vie politique. Elle va se constituer en corps pour défendre ses intérêts. Ces corps vont former des groupes de pression à l’encontre de la monarchie. La noblesse de robe demande dès la fin du XVIe siècle à être reconnue comme un ordre à part entière des autres. Par ailleurs, cette noblesse de robe s’oppose à la noblesse de naissance. La noblesse de plume (de robe) va reléguer la noblesse d’épée car le roi gouverne de plus en plus avec des bourgeois.
Cet aspect social explique la haine développée par les aristocrates et explique la mise en place de la polysynodie. Le roi est de moins en moins libre dans le choix de ses agents. La royauté va développer un autre système avec plus de liberté : la commission.
            Chapitre 2 – Les commissaires
Le commissaire est chargé d’une mission de service public, d’une commission. Normalement, cet agent est à la disposition du Gouvernement qui peut lui enlever sa mission. En 1467, la royauté reconnaît l’inamovibilité des officiers. En 1493, la royauté exprime son désir de contrôler le recrutement d’un corps spécifique de fonctionnaires. L’ordonnance de 1493 reconnaître la dualité des charges de la fonction publique : les officiers et les commissaires (avec des pouvoirs extraordinaires illimités) chargés de responsabilités financières. La commission est une fonction publique donnée par le roi de manière temporaire à un agent révocable selon la volonté du roi.
La lettre de commission, contrairement à la lettre de provision, est très longue, très détaillée et comporte l’énumération, la description précise, limitative des fonctions assurées par l’agent dans le cadre de sa commission. Le commissaire ne peut donc exercer que les pouvoirs qui lui sont attribués. On dit qu’ils sont commissaires en 7parties. Jusqu’au XVIIe siècle, ces lettres sont personnalisées en fonction de la mission effectuée. Peu à peu dans le courant du XVIIIe siècle, ces lettres dépendent d’un formulaire commun.
La commission est d’interprétation stricte parce qu’elle est limitative. La commission est « une dignité avec fonction publique extraordinaire de l’Etat » (Loyseau).
La commission permet de nuancer le système des offices. Le roi est tout à fait conscient de la trop grande liberté des officiers. Il utilise donc la commission pour nommer aux postes clés. Par exemple, les ministres, les conseillers d’Etat et le contrôleur général des finances sont des commissaires. Les fonctions stratégiques ou les fonctions diplomatiques sont également exercées par des commissaires. Les domaines qui touchent à la sureté de l’Etat sont systématiquement gérés par des commissaires. Par exemple, Semblançay, intendant des finances, est jugé par des commissaires en 1527.
Dans la pratique, les commissaires sont souvent maintenus dans leur charge (le roi utilise des lettres de survivance), mais officiellement ils ne bénéficient ni de l’hérédité ni de la patrimonialité.
            Chapitre 3 – L’esquisse d’une fonction publique
Le terme de fonctionnaire est anachronique pour l’Ancien Régime. En 1770, Turgot est nommé contrôleur général des finances et le terme de fonctionnaire apparaît pour la première fois mais n’entre dans la langue courante qu’en 1778. Le fonctionnaire est plus ancien que ces termes. Il n’est ni un commissaire ni un officier.
A l’origine de ces fonctionnaires, on trouve le personnel employé par les villes pour des missions techniques (fiscal et juridique). Pendant très longtemps, la royauté ignore ce personnel et préfère s’appuyer sur les officiers ou commissaires. À l’inverse, les officiers ou les commissaires emploient pour des tâches subalternes des commis recruté et placés sous la responsabilité des officiers ou commissaires.
Ces commis apparaissent à partir du XVIe siècle et vont proliférer jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Au départ, ce sont des employés aux écritures qui sont présents auprès des secrétaires d’Etat et de manière générale dans la haute administration. Peu à peu, ces commis deviennent omniprésents dans les ministères et dans les intendances. Devant le développement du travail administratif et l’accroissement de la complexité administrative, les ministres et intendants recrutent de plus en plus de personnel et les traitent comme de véritables fonctionnaires relevant d’un statut public. Peu à peu, de manière très usagère, une organisation apparaît qui va fixer les horaires des bureaux, les mesures disciplinaires et la hiérarchie entre les différents commis.A la fin du XVIIIe siècle, la bureaucratie est un Etat de fait. Cette bureaucratie est condamnée. On voit apparaître des personnels spécialisés créés par la royauté et reconnus pour leurs compétences, aptitudes spécifiques. Ex : En 1679, la royauté créé les professeurs royaux de droit français. Ex : Au XVIIIe siècle, la royauté créé l’école des ponts et chaussées en 1747 et l’école des mines en 1768.
Ces différents agents partagent des points communs. Ils sont recrutés par concours et sont soumis à un statut qui détermine leurs obligations (ex : devoir de service, de résidence, etc.) et leur avancement. Ces agents peuvent espérer toucher une pension de retraite, pension qui est réversible à leur veuve ou à leurs enfants.
Ces fonctionnaires sont très bien implantés dans le royaume à la fin de l’Ancien Régime. La révolution française va peu épurer les corps administratifs et ces fonctionnaires vont transmettre au XIXe siècle leurs habitudes de travail.
Titre 2 – L’administration territoriale
La royauté, pour contrôler le royaume, est obligée de créer une unité de direction. Le rôle s’entoure d’agents qui vont représenter le pouvoir royal en province. Peu à peu, la monarchie crée une administration déconcentrée avec des agents dépendant du roi qui sont chargés d’exercer une tutelle sur les provinces et de représenter le roi en toute circonstance.L’augmentation des agents administratifs s’expliquent aussi par la transformation de la conception de la souveraineté. La souveraineté monarchie devient continue et permanente. Par conséquent, la royauté a nécessairement besoin d’agents pour être représentée partout et tout le temps.
Au Moyen-Âge, les baillis et les sénéchaux remplissent ce rôle d’administration générale. A partir du XIVe siècle, le roi nomme des grands personnages chargés de le représenter soit dans un territoire soit dans les villes importantes. Ces grands personnages sont les gouverneurs qui vont avoir des pouvoirs extrêmement importants et le roi va peu à peu les abaisser à partir de1650. A partir de là, le roi s’appuie sur un agent : l’intendant

            Chapitre 1 – Les gouverneurs et les lieutenants généraux
Le gouverneur est un agent royal qui a en charge un gouvernement. Le gouvernement est une entité géographique très malléable qui est créée selon les nécessités politiques.
Au début du XVIe siècle, le royaume de France connaît 11 gouvernements. Ces gouvernements correspondent à peu près aux provinces frontières ou à des régions qui risquent de connaître la guerre. Ces gouvernements constituent une ceinture de sécurité. Les gouvernements qui existent à l’intérieur du royaume se mettent en place beaucoup plus lentement. Habituellement, les terres situées à l’intérieur du royaume sont des terres apanagées, elles sont confiées à un apanagiste (un cadet du roi ou un descendant du roi). Il y a une sorte d’écran qui se crée. Jusqu’en1560, dans ces apanages il n’y a pas de gouverneur parce que la royauté considère que la tradition monarchique est conservée par la présence d’un prince.A partir de 1560, la situation change et on voit apparaître des gouverneurs dans les apanages pour renforcer l’autorité royale.
Entre le milieu du XVIe siècle et le milieu du XVIIe siècle, les gouvernements se multiplient. La création de ces nouveaux gouvernements se fait par le démembrement des gouvernements originaires. L’objectif est double, la création de nouveaux gouvernements permet de satisfaire l’ambition des grands aristocrates en leur confiant des charges importantes et permet aussi de limiter leurs pouvoirs en leur confiant des circonscriptions moins étendues. En 1640, 26 gouvernements.
Le gouverneur est toujours le représentant du roi et est doté d’un statut et de pouvoirs particuliers. Ce statut et ces pouvoirs vont conduire à qualifier les gouverneurs de véritables vice-rois.
Section 1 – Statut et pouvoirs
Le caractère essentiel du gouverneur est d’être le représentant du roi. Cet aspect de la fonction apparaît directement dans leur titulature parce que ces agents sont toujours qualifiés de gouverneur et lieutenant général du roi. Ce terme de lieutenant doit être pris à la lettre, le gouverneur tient à la place du roi et, parce qu’il est général, il assure dans toutes les situations possibles. Le gouverneur est la projection de la personne royale.
Les gouverneurs ont un statut atypique.
Leur fonction n’appartient ni à la catégorie des offices ni à celle des commissions. Normalement, les offices sont enregistrés par le Parlement. Pour les gouverneurs, les lettres de nomination ne sont pas enregistrées par le Parlement, ce sont de simples lettres patentes. Les lettres de nomination des gouverneurs n’utilisent jamais le terme office. Le terme le plus utilisé dans les lettres de nomination des gouverneurs est celui d’Etat. Ces charges de gouverneur ont quelques fois été confiées à des femmes, ce qui n’est pas possible pour les offices.
Le gouverneur ne relève pas non plus du statut de commissaire. La lettre de nomination des gouverneurs ne comporte jamais le verbe commettre. Ces lettres de nomination ont toujours une adresse générale et ne sont pas adressées personnellement.
Ces gouverneurs sont toujours choisis parmi les membres de la très haute noblesse (Bourbon, Mercœur). Ces familles composent une féodalité administrative. Ces grandes familles n’acceptent comme charge administrative que la charge de gouverneur parce que la fonction est honorifique et lucrative. L’exercice de la charge de gouverneur n’oblige pas à résider sur place. Le plus souvent, les gouverneurs cumulent avec une charge de conseil du roi.
Les gouverneurs ont des pouvoirs fluctuants en fonction de la généralité de leur nomination. De manière générale, ils bénéficient d’une délégation générale d’autorité parce qu’ils représentent le roi. Ça ne veut pas dire que le gouverneur peut diriger sa province selon sa volonté. Au contraire, l’attitude de la royauté a toujours essayé de limiter l’attribution des gouverneurs. La royauté rappelle dans ses ordonnances que les gouverneurs ne doivent pas empiéter sur les prérogatives du roi. En pratique, le gouverneur a 3 catégories d’attributions.
Il a d’abord des attributions politiques. Sous ce terme de politique, il faut surtout voir des attributions judiciaires. Par exemple, il peut entrer dans les Cours souveraines et peut suspendre le cours ordinaire de la justice. Par ailleurs, les gouverneurs très souvent dépassent leurs attributions et n’hésitent pas à se substituer au roi notamment pour les cas royaux et pour l’exercice du droit de grâce. Les cas royaux sont des cas réservés aux juridictions royales. L’exercice du droit de grâce est une prérogative régalienne.
Le gouverneur dispose d’un pouvoir financier. Il gère notamment les fonds attribués à l’entretien militaire.





Le gouverneur a des attributions militaires. Il a la garde des places fortes et s’occupe de tout ce qui attrait au maintien de l’ordre.
Jusqu’en 1560, le pouvoir royal contrôle de manière efficace les gouverneurs. Le contexte politique de la seconde moitié du XVIe siècle va faire de ces gouverneurs des opposants à la monarchie.
Section 2 – Le temps des vice-rois
L’apogée de l’institution se situe entre le milieu du XVIe siècle et le milieu du XVIIe siècle.
Dans cette période, les gouverneurs se comportent comme des rois dans leur propre gouvernement. Ces gouverneurs sont obligés de s’entourer d’un Conseil : le Conseil d’Etat. Ce Conseil comprend 1 Etat-major. A partir des années 1560, s’ajoutent des juristes pour traiter des matières judiciaires, fiscales et administratives. Les gouverneurs s’entourent de secrétaires qui vont contresigner les actes du gouverneur comme les secrétaires d’Etat royaux. Les gouverneurs vont essayer de gagner leur indépendance à partir des années 1560. En principe, les gouverneurs sont révocables, mais, avec les guerres de religion, les rois prennent l’habitude de maintenir les gouverneurs dans leur charge. Peu à peu, certaines familles monopolisent les charges de gouverneur. Par exemple, les Montmorency vont exercer la charge de gouverneur du Languedoc entre 1534 et 1632. Parce que le contexte est très troublé, les gouverneurs s’arrangent des pouvoirs qui leurs sont défendus. Ex : ils publient des ordonnances et lèvent des impôts. Le Duc de Mercœur essaie de rendre l’indépendance au Duché de Bretagne.
Henri IV, à partir de 1598, traite les gouverneurs au cas par cas. Henri IV, en 1598, achète l’appui du gouverneur de Bretagne en lui versant une somme correspondant au ¼ des revenus de l’Etat. Soit il les achète soit il les fait décapiter.
Richelieu va réduire définitivement l’influence politique des gouverneurs. Sur les 19 gouverneurs en fonction au moment où Richelieu commence son ministère en 1624, il n’en reste plus que 4 à sa mort en 1648.
Section 3 – Le déclin des gouverneurs
Louis XIV va réduire leur pouvoir pour obtenir leur obéissance.Louis XIV commence par limiter à 3 ans la durée de leur charge et leur interdit de se rendre dans leur gouvernement sans son autorisation. A partir de Louis XIV, les gouverneurs résident à la Cour, à Versailles, et le roi peut les contrôler directement. La contrainte n’est pas vécue comme une disgrâce mais comme une faveur par ces aristocrates. Il évite de confier les charges à des princes et il multiplie les auxiliaires des gouverneurs pour diviser leur autorité. Le gouverneur se voit adjoindre un lieutenant général qui est une sorte de vice-gouverneur et qui sert de contrepoids. Cette mise au pas des gouverneurs est achevée au début du XVIIIe siècle. Tout au long du XVIIIe siècle, le rôle du gouverneur diminue. Cette domestication a été nuancée au cours du XVIIIe siècle.
Au XVIIIe siècle, les gouverneurs et l’administration qui en ressort prennent leur rôle très au sérieux. Louis XV revient sur certaines mesures que Louis XIV avait prises. Louis XV associe de nouveau la haute noblesse à la direction des affaires. A partir de 1720, le Dauphiné est administré par la famille la famille d’Orléans qui sont des princes de sang. Tout au long du XVIIIe siècle, les gouverneurs apparaissent comme des relais efficace de l’autorité centrale. Par exemple, ils assurent le maintien de l’ordre public. Les gouverneurs se rendent dans les Cours souveraines des provinces pour faire enregistrer les réformes judicaires et fiscales. Les gouverneurs contrôlent les villes, ils exercent une tutelle sur les villes et ce sont eux qui nomment aux charges municipales.
À la fin de l’Ancien Régime, la royauté subdivise encore une fois les gouvernements (on passe de 26 à 39) afin de soumettre, de contrôler les gouverneurs, cette féodalité administrative. Cette volonté de la monarchie s’explique à nouveau par l’origine sociale des gouverneurs qui sont toujours un élément d’opposition et une classe sociale entretenant un idéal passéiste de la monarchie. A la fin de l’Ancien Régime, l’action des gouverneurs ne correspond plus à la monarchie administrative qui s’est mise en place. La subdivision des gouvernements annonce peu à peu leur remplacement par les intendants.

            Chapitre 2 – Les intendants
Les intendants incarnent la dernière institution qui est créée par la monarchie au cours du XVIIe siècle. C'est un administrateur permanent fixé, installé dans une circonscription très stable. L’intendant est présenté comme l’ancêtre du préfet napoléonien. L’intendant, pour l’Ancien Régime, est l’agent de la centralisation administrative. L’intendant a un véritable poids au sein de la monarchie, il concentre toutes les qualités de l’Ancien Régime. En effet, l’intendant est toujours désigné au singulier contrairement aux gouverneurs. L’intendant est une institution.


Section 1 – Les origines des intendants
Traditionnellement, l’origine des intendants est présentée comme liée au développement des chevauchées des maîtres des requêtes de l’hôtel du roi. Les maîtres des requêtes sont des commissaires nommés par le roi et envoyés dans les provinces pour contrôler l’administration et surveiller la fiscalité. Ce lien avec les maîtres des requêtes a été revu et amplement corrigé.
L’institution des intendants apparaît dans les années 1550 sous le règne d’Henri II au sein des Conseils des gouverneurs.HenriII, entre 1548 et 1552, est confronté à la révolte de la Gabelle (impôt sur le sel) qui se déroule en Guyenne (sud-ouest de la France).En 1552, Henri II décide de soutenir l’opposition des princes protestants allemands contre l’empereur (Charles Quint). Avant de partir en Allemagne, Henri II prend deux mesures : il crée les présidiaux (degré de juridiction) et décide de nommer des commissaires dans les Conseils des gouverneurs. Ces commissaires sont chargés des questions de justice et des questions de finance et appartiennent tous aux gens de robe (magistrature). Ces commissaires viennent aider les gouverneurs (souvent à la demande des gouverneurs) et permettent de surveiller en continu l’action des gouverneurs. Ces commissaires prennent le nom de superintendants et constituent des sortes de ministres des gouverneurs. Pendant les guerres de religion, la monarchie prend l’habitude de nommer ces commissaires de plus en plus systématiquement, notamment pour assurer l’application des édits de pacification dans les provinces. Ces commissaires prennent alors le nom de superintendants de justice.
A partir du règne d’Henri IV au XVIIe siècle,  la royauté envoie des commissaires indépendants des gouverneurs qui sont chargés spécialement de s’occuper des questions financières. On dit que ce sont des commissaires députés à la direction des finances ou des commissaires à l’intendance et à la direction des finances. Peu à peu, durant le début du XVIIe siècle, les commissaires ne travaillent plus avec les gouverneurs et sont complètement autonome pour les questions financières. Tous ces éléments conduisent à relâcher peu à peu les liens entre les gouverneurs et ces commissaires (futurs intendants).
Sous le règne de Louis XIII, l’évolution va se doter de la double commission. Des commissaires sont envoyés pour des tâches précises et obtiennent en même temps une mission très générale de justice pour l’ensemble de la province. On voit peu à peu se système se généraliser.
A partir de 1621, le titre de ces agents se précise et ces commissaires sont désormais désignés comme intendants de justice et police ou parfois intendants de justice, police et finances.
Section 2 – L’agent du roi
Tournant décisif dans les années 1630. Les 11 et 12 novembre 1630, se produit la journée des dupes. C'est un conflit politique qui va opposer la mère de Louis XIIIau Cardinal de Richelieu. Marie de Médicis supporte de moins en moins l’influence que Richelieu a sur Louis XIII.La mère demande au roi de choisir entre Richelieu et elle.Louis XIII choisit Richelieu et exile Marie de Médicis. Cette période de trouble politique est suivie par une tentative de révolte des grands et par une période d’agitation populaire. Pour contenir cette agitation, la royauté multiplie les intendants. C'est une réussite. Louis XIII, pour souligner le succès de la mise en place des intendants, dans les années 1630 nomme 3 ministres dans le corps des intendants. En 1633, Louis XIII décide de réformer les impôts et s’appuie essentiellement sur les intendants pour faire appliquer cette réforme et généralise les intendants à partir de cette date. A partir de 1635, on voit 35 intendants contrôler le royaume de France. Ce développement de l’institution est stoppé très brusquement à partir de 1648 au moment de la Fronde. Entre 1648 et 1652, les intendants disparaissent quasiment. La royauté continue à envoyer des agents en province mais sans le titre d’intendant (pour ne pas choquer la mentalité des parlementaires). A partir de 1654, on retrouve un intendant par province. Tout au long du règne de Louis XIV leur pouvoir ne fait que croitre. Vers 1690, l’évolution est terminée. Les deux derniers intendants à être nommés sont l’intendant du Béarn en 1682 et l’intendant de Bretagne en 1689. A partir de ces dates, il n’y a plus d’interruption dans la succession des intendants, l’intendant est aussitôt remplacé.
Le gouverneur représente le roi. L’intendant est issu du Conseil du roi. Il est la projection du Conseil du roi en province.





Section 3 – L’intendant, l’administrateur de la monarchie
L’intendant appartient à la catégorie des commissaires. Les intendants constituent un corps au sein de l’Etat. Ces intendants n’ont pas véritablement de statut, leur statut n’est pas fixé par des textes, mais peu à peu la pratique administrative va créer des usages qui vont permettre d’encadrer leur activité.
Paragraphe 1 : Un statut souple
Les usages administratifs vont se fixer à partir du règne de Louis XIV. L’intendant est toujours nommé par le roi sur proposition du ministre. L’intendant étant un commissaire, il est révocable à tout moment. Par conséquent, l’usage veut que la commission n’ait pas de limitation dans le temps. A partir de 1665, quand Colbert domine le Gouvernement, Colbert leur impose des durées de mission entre 2 et 5 ans pour effectuer des rotations. Peu à peu, le temps de la mission s’allonge et certains intendants restent des décennies dans leur province. Au début du XVIIIe siècle, la durée minimum d’exercice de la fonction est de 10 ans et le plus souvent c'est 20 ans.
Le roi peut nommer qui il veut, mais la tradition impose de choisir les intendants parmi les maîtres des requêtes du Conseil du roi. C'est vraiment un monopole.
On voit apparaitre une identité de corps chez les intendants. Cette identité de corps se double d’une identité sociale parce que l’origine sociale des intendants est très homogène. Tous les intendants appartiennent à la noblesse de robe. Cette situation est très importante sous Louis XIV, elle fait naître encore une fois la critique de la haute aristocratie. Ces intendants appartiennent à une élite administrative et composent des « familles ». Le choix des intendants se réduit peu à peu. Au XVIIIe siècle, l’intendant est toujours un magistrat noble issu de familles parlementaires. Ces intendants ont tous une fortune personnelle importante, ce qui permet de couvrir le fonctionnement de l’intendance. Peu à peu, la fonction devient familiale et se transmet par hérédité. Cette fonction de commission prend de plus en plus le caractère d’un office. La fonction d’intendant devient extrêmement stable et l’intendant prend le caractère d’un officier inamovible. La révocation est inconnue et quand un intendant est disgracié, il est simplement nommé dans une intendance plus modeste. La longévité de la fonction permet de renforcer l’étendue des pouvoirs de l’intendant.
Paragraphe 2 : Les missions de l’intendant
Comme c'est un commissaire, l’intendant a des pouvoirs définis et limités par la lettre de commission, la lettre qui le nomme intendant. La définition des pouvoirs permet d’adapter les missions à la réalité des provinces. Dans la pratique, la lettre de commission devient stéréotypée.
A partir de 1650, sous Louis XIV, l’intendant reçoit son titre définitif. Il est intendant de police, justice et finances, commissaire départi pour l’exécution des ordres du roi. A partir de la fixation de son titre, l’intendant déploie une activité polyvalente.
Au XVIIIe siècle, l’intendant est l’agent du pouvoir central, c'est l’homme du Conseil du roi. Il est l’homme de sa province et il n’hésite pas à défendre les intérêts de sa province auprès du Conseil.
I – La justice
C'est l’attribution la plus importante. Cette mission de justice correspond à la mission royale, mais elle répond en même temps à deux logiques propres à l’institution de l’intendant. La justice est la première mission historiquement que les intendants ont eu à remplir. L’intendant est avant tout un magistrat qui appartient à l’origine au Conseil du roi et donc, par extension, l’intendant est agent de la justice retenue. La mission de justice se divise en deux : la justice ordinaire et la justice extraordinaire.
Dans le cadre de la justice ordinaire, l’intendant exerce une tutelle sur les juridictions. Il peut présider les tribunaux inférieurs et contrôle le recrutement du personnel judiciaire. L’intendant peut siéger dans les Cours souveraines et peut quelques fois présider la Cour souveraine. Cette tutelle sur les Cours souveraines est très mal perçue par les parlementaires.
Dans le cadre de la justice extraordinaire, l’intendant peut devenir un juge d’attribution en raison d’un arrêt pris par le Conseil du roi. Par exemple, l’intendant peut juger après cassation du Conseil du roi qui lui renvoie l’affaire pour éviter qu’elle ne soit jugée par la justice ordinaire.
Généralement, l’intendant est titulaire d’une justice permanente octroyée par le Conseil. De manière très régulière, l’intendant juge les crimes qui demandent une répression rapide. Cette justice est très mal perçue par les Parlements qui font systématiquement appel des jugements de l’intendant.De plus, l’intendant, de manière très générale, s’occupe du contentieux administratif. Par exemple, il juge le contentieux lié aux travaux publics dans sa province et juge le contentieux lié à la « législation municipale ».
II –La police
Cette mission de police a un sens très large sous l’Ancien Régime puisqu’elle vise toutes les mesures d’administration générale et toutes les mesures qui visent à assurer le bien public. Par exemple, l’intendant assure la sécurité des biens et la sécurité des personnes. Pour ce faire, il a à sa disposition la maréchaussée et peut également requérir l’utilisation des troupes armées. L’intendant s’occupe des questions de salubrité publique, tout ce qui attrait à la lutte contre les épidémies et pandémies. Il s’occupe également de l’assistance publique dans laquelle on range par exemple les bureaux de charité, des enfants trouvés et du contrôle qui s’exerce sur les mendiants et les vagabonds. L’intendant est également compétent pour la police des cultes, c'est lui qui arbitre les conflits religieux. Les intendants sont responsables de la construction et de l’entretien des voies de communication. Ils développent également les constructions urbaines.
III – Les finances
Attribution la plus importante du rôle de l’intendant. L’intendant est avant tout un agent financier qui doit assurer la rentrée de l’argent dans les caisses de l’Etat. En théorie, sa compétence est universelle, mais en pratique ses attributions sont différentes selon que l’intendant agit soit en pays d’état, soit en pays d’élection.
Dans les pays d’élection, l’intendant contrôle la perception de tous les impôts. L’administration financière de la province revient intégralement entre les mains de l’intendant.
Dans les pays d’état, l’autonomie fiscale de la province est plus grande. L’action de l’intendant est donc plus restreinte. Généralement, l’intendant indique le montant de la contribution que le roi attend de la province. Après le vote des états, ce sont ces mêmes états provinciaux qui perçoivent l’impôt par leurs propres agents et l’intendant contrôle ces agents. Contrôle indirect.
L’intendant a deux autres missions. D’une part, il veille au respect du domaine royal et à ce titre il peut enquêter sur les usurpations des droits féodaux et sur les empiètements du domaine royal. D’autre part, l’intendant exerce une tutelle sur les finances des villes depuis 1682 (Colbert). L’intendant contrôle le budget des villes et leurs dettes. Cette tutelle va exister pour 3 siècles parce qu’elle sera reprise par les préfets et ne sera abolie qu’en 1982 avec la loi sur la décentralisation.
De manière plus large, l’intendant exerce une police économique sur toute la province. Les intendants servent de relais aux doctrines économiques postulées par l’Etat. Au sein de cette police économique, l’intendant mène une police rurale, il incite au défrichement et encourage le développement de nouvelles cultures.
Section 4 – Les services de l’intendance
Pour remplir ses missions, l’intendant va s’entourer d’un personnel qui va constituer une bureaucratie provinciale.
La naissance de cette administration provinciale se produit au cours du XVIIe siècle quand l’intendant prend l’habitude de se décharger d’une partie de ses missions sur des auxiliaires. Cette sous-délégation (ou subdélégation) apparaît à partir de 1635 jusqu’en 1666 où elle est soumise à une autorisation royale. L’obligation de l’autorisation royale illustre la crainte de la royauté à propos de pouvoirs trop larges qui seraient confiés à l’intendant.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle et au cours du XVIIIe siècle, ce pouvoir de subdélégation  est inscrit automatiquement dans les lettres de commission. L’intendant délivre une commission générale à des auxiliaires qui leur permet de traiter toute les affaires dans un ressort géographique précis. L’apparition de subdélégués provoque des oppositions de la part des officiers royaux qui y voient des concurrents. Leur présence devient indiscutable. La monarchie décide d’ériger ces subdélégués en officiers en 1704(par un Edit). Cet édit vient définir le statut de ces subdélégués. Finalement, de 1704 à 1789, le statut et les missions des subdélégués ne vont pas évoluer.
On rencontre deux catégories de subdélégués tout au long du XVIIIe siècle.
D’une part, l’intendant utilise des subdélégués particuliers. Ces agents administrent une circonscription déterminée : soit la subdélégation, soit le département, soit l’arrondissement. Ces subdélégués particuliers sont des agents d’information et d’exécution (ne prennent jamais de décision). Ces subdélégués particuliers sont les ancêtres des sous-préfets.
D’autre part, on trouve aux côtés de l’intendant un subdélégué général. Ce subdélégué général correspond au secrétaire général de préfecture. Il apparaît entre 1701 et 1714, pendant la Guerre de Succession d’Espagne. Les intendants des provinces frontières sont chargés de suivre les armées. En conséquence, ces intendants doivent sortir de leur circonscription. Pour pallier leur absence, l’intendant lui-même ou le roi nomme un subdélégué général chargé d’administrer l’intendance. La royauté nomme des subdélégués généraux en cas de vacance de l’intendance.
Les piliers de l’administration monarchique au XVIIIe siècle sont les intendants et les subdélégués.
A partir des années 1750, l’institution de l’intendant commence à décliner, notamment en raison de l’opposition des Parlements. Le déclin continu, et les évènements de 1785-1789 et l’assassinat de l’intendant de Paris (Bertier de Sauvigny) en juillet 1789 provoquent des démissions. Ils sont tellement indispensables à la monarchie que Louis XVI nomme de nouveaux commissaires mais sans le titre d’intendant. L’institution de l’intendant disparaît en 1792 avec la monarchie, mais l’esprit de l’action des intendants perdure. La Convention (1792-1795) utilise en province des représentants en mission et Napoléon instituera les préfets en février1800.





Conclusion - La France en pré-révolution
L’Assemblée de notables de 1787 illustre 3 ans d’échec dans les réformes de la monarchie de l’Ancien Régime. La monarchie est incapable de faire accepter une réforme qui associe un impôt égalitaire et une recomposition du corps social. Cet échec de 1787 remet en cause la légitimité de l’autorité monarchique. Cette remise en cause s’incarne dans des courants politiques opposés à la monarchie et prêts à débattre publiquement.
A ce titre, un évènement provincial sert d’exemple à cette division du corps politique : lajournée des Tuiles, le 7 juin 1788 à Grenoble. Le Parlement de Grenoble refuse d’enregistrer des édits royaux. La royauté fait alors intervenir l’armée et fait exiler les parlementaires. Les habitants de Grenoble montent sur les toits de la ville et bombardent l’armée de tuiles pour empêcher le départ des parlementaires.
L’insurrection repose sur des motifs politiques et elle est suivie par un évènement fondateur initié par deux parlementaires grenoblois, Mounier et Barnave. Le 21 juillet 1788, une assemblée, qui regroupe des prêtres, des nobles et des membres du tiers-états, se regroupe dans le Château de Vizille. Cette assemblée réclame l’approbation des impôts par les états-généraux et les membres de l’assemblée proclament qu’ils défendront toujours les droits de la nation : d’une part, la prise de pouvoir par une coalition des trois ordres, et d’autres part le dépassement des revendications particulières pour défendre l’unité nationale.
Louis XVI a une mauvaise analyse politique de ce phénomène, il croie que cette assemblée est simplement une répétition des états-généraux traditionnelle. Or, le XVIIIe siècle permet le débat public autour de la question de la nation, autour du gouvernement de cette nation. L’opinion publique du XVIIIe sièclerefuse de considérer les modes de gouvernement anciens comme légitimes parce qu’ils sont anciens.
A l’automne 1788, deux partis s’opposent en France : les parlementaires qui souhaitent un fonctionnement conforme à 1614, et le parti national (ou patriote) qui est favorable à une représentation nationale.
La crise financière de 1787 n’est qu’un élément d’une crise beaucoup plus large que Louis XVI ne veut pas voir.
1789 va mettre fin à la monarchie d’Ancien Régime et va enlever ce qui légitime la monarchie : la souveraineté absolue.

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