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mercredi 10 octobre 2018

Cours du Droit Administratif des Biens et de la Fonction Publique pdf

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Droit Administratif des Biens et de la Fonction Publique
M. Trescher








Droit Administratif des Biens et de la Fonction Publique
M. Trescher



1ère PARTIE – Les modes de cession forcée de la propriété


Les personnes publiques ont besoin de biens publics pour fonctionner, il est possible concrètement pour une PP d'acquérir des biens par 3 moyens =
l'acquisition à titre gratuit, il arrive que les PP bénéficient de donations ou de lègues, càd que des personnes physiques ou morales font des donations. Les PP bénéficient d'un régime de faveur concernant les biens en déserrance et les biens sans maitre.
→ Biens en déserrance = art 539 Cc les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l'État.
Art 713 Cc précise depuis loi 13 mai 2004 les biens qui n'ont pas de maitre appartiennent à la commune.
→ Biens sans maitre = art L 1123-1 code général de la propriété des personnes publiques défini la notion, sont des bines sans maitre des biens qui font partis d'une succession ouverte depuis plus de 30 ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté, dans ce cas propriétaire = commune. Sont également des biens sans maitre et vacants, les immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu et pour lesquels depuis plus de 3 ans les taxes foncières ont été acquittées par un tiers mais pas par le propriétaire. 2 hypothèses donc. C'est seulement dans celles-ci que la commune devient propriétaire.
Le CGPPP distingue 2 types de procédures en fonction des 2 hypothèses =
→ Succession ouverte depuis plus de 30 ans le code ne prévoit aucune formalité particulière pour la commune, elle devient propriétaire.
→ En revanche lorsque l'immeuble est sans propriétaire connu et pas de payement des taxes depuis 3 ans, le code prévoit procédure plus précise. D'abord la commune doit constater que le bien est présumé sans maitre, càd qu'elle prend un arrêté qui va indiquer que l'immeuble est réputé être présumé sans maitre. Cet arrêté est publié par affichage et il est notifié au dernier domicile de l'ancien propriétaire connu, et au représentant de l'État. Si dans les 6 mois de la publication et notification, aucun propriétaire ne s'est fait connaître, l'immeuble est présumé sans maitre et pourra être acquis par la commune. La commune a 6 mois pour prendre une délibération constatant l'acquisition du bien.

Les acquisitions à titre onéreux ordinaires, comme n'importe quelle personne morale les PP peuvent acquérir à l'amiable des biens et droits à caractère mobilier ou immobilier, et le CGPPP précise que ces acquisitions de biens s'opèrent selon les règles du droit civil. Contrat de droit privé.
Art L1111-4 CGPPP permet d'acquérir des biens par voie d'échange.
Ces acquisitions sont très fréquentes, mais supposent la bonne volonté du vendeur. Or parfois l'administration a besoin de biens malgré l'opposition du propriétaire.

L'acquisition forcée, l'administration ici au nom de l'intérêt général doit pouvoir acquérir des biens immobiliers de manière autoritaire. Plusieurs modes = l'expropriation / la nationalisation / la réquisition / le droit de préemption.


TITRE I – La notion d'expropriation


Notion ancienne, de tout temps l'État a disposé de moyens d'acquérir des biens de manière autoritaire.
Sous l'AR on distinguait un domaine éminent et un domaine utile. Le souverain est propriétaire du domaine éminent lequel est constitué de toutes les terres du royaume. Et dès lors que le monarque a besoin de récupérer des terrains il va par lettre patente exercer un droit de retrait sur le domaine utile qu'il laissait à ses sujets. En conséquence, pas d'indemnité.
C'est seulement à la fin de l'AR que les juris consult ont essayé de mettre en place indemnisation propriétaire évincé.
La révolution va tout changer car art 2 DDHC prévoit que parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'Homme figure la propriété.






Chapitre I – L'expropriation, un titre de cession forcée à titre onéreux


Section 1 – Les sources de ce pouvoir exorbitant.

§ 1 – Les sources constitutionnelles

A] Les textes

Art 17 DDHC propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque là nécessité publique légalement constatée l'exige sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Le CC a eu l'occasion d'utiliser cette disposition, décision 16 janvier 1982 sur les nationalisations. Dans cette décision le CC donne un plein effet à l'art 17 DDHC, en acceptant de contrôler une loi de nationalisation par rapport aux garanties de l'art 17.
Art 17 pas la seule disposition, alinéa 9 préambule de 46 qui prévoit que tout bien, entreprise présentant le caractère d'un SP national ou d'un monopole doit devenir propriété de la collectivité. Actuellement cet alinéa est oublié.

Que ce soit al 9 ou art 17 ce qui est important c'est qu'on statue en matière de privation de propriété et pas d'atteinte à la propriété. Càd que le CC estime que les simples atteintes à la propriété comme les servitudes n'entrainent pas privation de la propriété, ne tombe pas sous la protection de l'art 17.
Décision CC 13 décembre 1985 dites amendement Tour Eiffel, dans cette décision le CC est confronté à une loi qui prévoit des servitudes administratives pour imposer aux propriétaires d'immeubles élevés des antennes radio, question de savoir si cette loi peut être contrôlée par l'art 17. Le CC estime que les simples servitudes administratives n'entrainent pas de privation de propriété, toutefois il précise que dans certains cas l'institution de servitudes administratives peut entrainer une gêne insupportable et que la sujétion ainsi imposée peut aboutir à vider le droit de propriété de son contenu. Elles nuisent à l'usage du bien.

B] La jurisprudence du Conseil Constitutionnel

Jurisprudence traditionnelle = une décision sort du lot, décision 25 juillet 1989 TGV Nord, le CC va donner sa grille de lecture de l'art 17 en matière d'expropriation.
On peut résumer cet arrêt à 5 apports =

l'utilité publique doit être constatée
le versement de l'indemnité doit être antérieur au transfert de propriété, toutefois le CC précise qu'il peut y avoir indemnisation provisionnelle, donc partielle et provisoire, lorsqu'on est en présence de motifs impérieux d'intérêt général
l'indemnité doit couvrir l'intégralité du préjudice
le justiciable doit disposer de voies de recours
le CC reconnaît une valeur constitutionnelle à l'intervention du juge judiciaire pour fixer le montant de l'indemnité, càd que le CC avalise au niveau constitutionnel la séparation entre une phase administrative de l'expropriation et une phase judiciaire.
Le CC ne dit rien quant au transfert de propriété lui même.

Apports de QPC = l'expropriation ne posait pas de difficulté jusqu'à la QPC. Cette réforme constitutionnelle a fait apparaître un nouveau contentieux dans cette matière, car les expropriés ont pu attaquer des lois anciennes par rapport à leur constitutionnalité.

Exemples =
Décision 21 janvier 2011 M Jacques S, en cause art L 1313 Code expropriation dispos que l'indemnité doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain. La loi écarte le préjudice moral et son indemnisation. Conformité avec art 17 ?  Le CC dans la lignée de la décision de 89 rappelle qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que la collectivité soit tenue de réparer la douleur morale. Juridiquement la décision est logique, moralement elle est plus contestable car une partie du préjudice n'est pas indemnisée.

Décision Consorts T 6 avril 2012, était contestée la lecture combinée art L15-1 et L15-2 CE, le CC a conclu que la combinaison de ces articles viole le principe d'une indemnité juste et préalable car l'administration peut exproprier le bien en versant une somme qui est égale à ses propositions. Le CC censure ce mécanisme mais comme cela produirait des effets trop drastiques, il reporte dans le temps l'abrogation au 1er juillet 2013.
Décision concernant art L13-17 qui permet à l'administration et au juge d'expropriation de se prévaloir des évaluations faites des immeubles lorsqu'une mutation à titre gratuit ou onéreux est intervenu depuis moins de 5 ans.
Exemple = on hérite d'un bien qui vaut 300 000€ et on obtient du notaire qu'il accorde la succession sur 250 000€, l'administration quelque temps plus tard 3 ans après décide d'exproprié, mais on veut 300 000€. L'administration a un choix, elle peut se prévaloir du montant de l'évaluation.
Le CC est confronté à cette disposition qui permet à l'administration de e prévaloir des évaluations faites à l'occasion d'une mutation antérieure de moins de 5 ans, le CC estime que l'art est conforme à la constitution et ne viole pas l'art 17, mais réserve d'interprétation. Il ne faut pas que cet art L1317 ait pour effet de priver le contribuable exproprié du moyen d'invoquer l'évolution du marché immobilier, Ce qui renforce les droits des contribuables.

§ 2 – Les sources internationales

Plusieurs traités internationaux protègent le droit de propriété, par exemple l'art 17 DUHC reprend à la lettre l'art 17 de la DDHC.

CEDH avec art 1 protocole 1 qui stipule que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens, nul ne peut en être privé que pour cause d'utilité et dans les conditions prévues par la loi.
Question de savoir si la CEDH a un impact sur le droit français.
Dans un premier temps cet art 1 protocole 1 n'a pas été utilisé contre la France. Des jurisprudences ont fixé sont cadre d'application.

Premier apport = l'expropriation doit être justifiée par l'utilité publique mais la cour laisse une marge d'appréciation aux États. Elle ne censure que les comportements manifestement dépourvus de base raisonnable. Chaque État a sa conception de l'utilité publique, c'est un choix des États.
Deuxième apport = l'expropriation doit avoir lieu dans les conditions prévues par la loi. En fait on parle d'une exigence de prévisibilité et de lisibilité de la loi, l'exproprié doit pouvoir anticiper le droit.
Dernier apport = le déroulement de la procédure d'expropriation doit être conforme aux principes généraux du droit international, avec exigence du contradictoire.

Concernant la France, il faut attendre les années 2000.
Première alerte c'est l'arrêt GUILLEMIN / France 21 février 1997, la France se fait aligner par la CEDH pour non respect délai raisonnable art 6§1.
Attaque de l'art 1 protocole 1 arrêt LALLEMENT / France 11 avril 2002, un agriculteur se fait exproprié de 60% de son exploitation, il est indemnisé sur la base de 60% de ses terrains, mais les 40% ne lui permet pas de nourrir son cheptel, son exploitation n'est plus viable, il demande à être indemnisé de la perte des terrains mais aussi de la perte d'activité. La CEDH condamne la France en disant qu'elle n'a pas respecté l'obligation d'indemniser le préjudice intégralement.
MOTAIS DE NARBONNE / France 2 juillet 2002, ne commune avait exproprié des biens dans un objectif précis, elle avait indemnisé. La commune en fait se constitue une réserve foncière et au bout de 15 ans elle se rend compte qu'elle n'a pas les moyens de faire ce projet, elle décide de revendre ces terrains en faisant une forte plus valu. Or si l'exproprié avait vendu ses biens c'est lui qui aurait bénéficié de la plus valu, est ce que le propriétaire évincé pour un projet déterminé peut récupérer les plus valus dès lors que le projet d'utilité publique n'aura pas lieu ?
La Cour ne remet pas en cause la légitimité de l'expropriation, en revanche elle reconnaît que l'exproprié a droit à une indemnité au titre des plus valus desquelles il a été privé pendant les 15 années de sa dépossession.

En quelques années la CEDH a condamné la France sur son droit de l'expropriation, pour autant dans les affaires suivantes, la cour reste fidèle à un contrôle limité à l'erreur manifeste d'appréciation. Elle ne veut pas sauf erreur particulièrement caractérisée, se substituer aux autorités nationales ni pour l'appréciation de l'utilité publique, ni pour les conditions d'indemnisation.

§ 3 – Les sources législatives

Le Code civil est dans la droit ligne de la DDHC, art 545 Cc est quand même sur une autre logique, on parle d'utilité publique et plus de nécessité publique.
Changement avec ce passage à l'utilité publique, on ouvre l'expropriation à un usage plus fréquent, mais le Code civil ne règle pas toutes les questions. Il laisse entier la question de la procédure et de l'indemnisation de l'expropriation.
Loi 16 et 24 aout 1790 qui interdit aux juridictions judiciaires de connaître de la légalité d'actes administratifs. Si bien qu'à l'époque en 1804 le juge judiciaire se déclare incompétent au nom de cette loi, alors que le juge administratif n'existe pas encore sous son schéma actuel, théorie du ministre juge.
Vide juridique.
Le véritable changement c'est loi mars 1810, lettre que Napoléon envoie en disant qu'il faut réformer l'expropriation, le droit de l'expropriation prend forme, il distingue une phase administrative qui concerne l'utilité publique et la détermination des parcelles expropriées.
Et une phase judiciaire qui concerne le transfert de propriété et la fixation du montant de l'indemnité.

Tout le problème est de savoir non pas comment exproprier mais comment indemniser.
En 1810, c'est le judiciaire qui arrête l'ordonnance d'expropriation, et qui dans un second temps fixe l'indemnité. Solution qui n'est pas forcément favorable aux expropriations massives, sous la Restauration réforme du droit de l'expropriation. On veut à priori la facilité pour les grands projets publics, on remplace le juge d'expropriation pour l'indemnisation par un jury d'expropriation qui est constitué de simples citoyens qui ont la double casquette de contribuable et propriétaire.
Concrètement ce nouveau jury a favorisé la protection de la propriété privée avec indemnisations de plus en plus lourdes.

1935, le droit est réformé, on remplace le jury par une commission paritaire composée de 2 fonctionnaires dont 1 de l'administration fiscale, 1 notaire, 1 représentant des propriétaire et 1 magistrat judiciaire.
On estime que le droit sera favorable au propriétaire mais sans être excessif, mais la présence de l'administration fiscale dans cette commission paritaire a abouti à une chute du montant des indemnités.

Ordonnance DE GAULLE 23 octobre 1958 on retrouve le droit actuel, avec fixation du montant de l'indemnisation par le juge judiciaire.
Texte non codifié du code de l'expropriation, texte de base. Cette ordonnance avait 3 objectifs =
moderniser la fixation de l'indemnité
accélérer la procédure d'expropriation
simplification du droit, avec procédure normale, d'urgence et d'extrême urgence
Ordonnance codifiée dans le Code Expropriation par loi 28 mars 1977.








Section 2 – Définition de l'expropriation

§ 1 – L'expropriation un mode de cession forcée des biens immobiliers

Texte base L11-1 CE.
Il parle d'expropriation d'immeuble, et de droits réels immobiliers. L'expropriation ne va jamais concerner des meubles corporels ou incorporels.

A) Les immeubles susceptibles d'expropriation

Les immeubles des personnes privées

Art L11-1 permet d'exproprier tous les immeubles corporels appartenant à des personnes physiques ou morales. Peu importe qu'elle soit française ou étrangère dès lors que le bien est situé en France.

S'agissant des immeubles par destination, le principe est qu'ils peuvent être expropriés par eux mêmes parce qu'ils sont des biens immeubles par nature. Lorsque ces immeubles par destination font partis intégrante de l'immeuble ils suivent le sort de l'immeuble auquel ils sont attachés. Dans les autres hypothèses ces biens ne seront pas expropriés.

Droits réels immobiliers, donc droits incorporels comme usufruit, servitude. Question s'est posée pendant longtemps mais art. L11-1 répond de manière positive.

Les biens des personnes publiques

Savoir si on peut exproprier une propriété publique.
Ces propriétés publiques sont divisées en 2 domaines, le domaine public et le domaine privé. Le domaine public est constitué de toutes les propriétés publiques affectées soit à l'usage direct du public, soit à un service public dès lors dans ce cas il y a aménagement indispensable.
Au contraire le domaine privé des personnes publiques se défini de manière négative, à savoir ce sont des propriétés publiques qui n'ont aucune affectation publique.
Le domaine privé obéit essentiellement aux règles de droit privé. Dès lors il n'y a aucun problème à exproprier des personnes publiques sur leur domaine privé.
En revanche, les biens du domaine public bénéficient d'un régime fortement protecteur, parce qu'ils sont affectés à une utilité publique. Les routes, canaux etc.
Or notamment pour les biens affectés aux SP, s'applique le principe de la continuité du SP, il faut donc protéger cette continuité. C'est pourquoi qu'on estime que les biens du domaine public soient des biens de l'État, donc inaliénables et imprescriptibles.
Dès lors qu'ils sont inaliénables, la PP ne peut pas davantage être expropriée. Garantie fondamentale.
Arrêt de principe CE 21 novembre 1884 Conseil de fabrique de St Nicolas des Champ.

Parfois l'administration doit exproprier.
Projet aéroport près de Reims, donc exproprier des communes, hôtel de ville, un cimetière.
2 solutions =
Lorsque l'État a besoin de propriété publique relevant du domaine public d'une collectivité locale, il peut procéder de 2 manières =

Adopter une loi qui déclasse les biens de la collectivité du domaine public au domaine privé

La théorie des mutations domaniales = l'État ne va pas exproprier la collectivité locale, mais de manière autoritaire il va changer l'affectation du bien. CE 16 juillet 1909 Ville de Paris.
Le législateur dans la loi 27 février 2002, a confirmé cette théorie, l'autorité étatique peut toujours changer l'affectation d'autorité sans devenir propriétaire du bien.
ART L11-8 CE, l'arrêté de cessibilité emporte transfert de gestion des dépendances du domaine public, de la PP propriétaire autre que l'État au profit du bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique. Cet art permet à l'autorité étatique de procéder à un transfert de gestion sans transfert de propriété.
Le CGPPP issu ordonnance 21 avril 2006, va préciser les modalités de ce transfert de gestion c'est l'art L2123-4 qui vient conforter l'art L11-8 CE. La combinaison de ces 2 art constitue désormais le droit commun concernant les transferts de gestion pour un motif d'intérêt général.

Observations =
art L11-8 CE et L2123 -4 CGPPP ne concernent que l'hypothèse d'un conflit entre 2 PP entre lesquelles la tutelle n'existe pas. Ne concerne pas l'hypothèse d'un conflit entre une collectivité locale et son établissement public.
Une PP ne peut jamais ordonner un transfert de gestion des biens du domaine privé d'une autre PP, l'expropriation ici est possible pas besoin de faire jouer le transfert de gestion
Cette mutation domaniale ou transfert de gestion n'est possible pour l'État que si cela est justifié par un motif d'intérêt général. Sur le papier cette exigence est une véritable contrainte mais comme l'intérêt général est interprété de manière souple, l'État peut y recourir fréquemment.
Contrairement à la dépossession de bien, le juge judiciaire n'a aucune compétence en l'espèce, ce n'est pas davantage le juge administratif qui prononce le transfert de gestion. Ce transfert est prononcé par l'administration.
Ce transfert de gestion a lieu sans formalité préalable et pas de procédure de déclassement du bien. Concrètement l'État va informer la collectivité locale de son souhait de changer l'affectation du bien de la collectivité. La collectivité locale a 4 mois pour accepter ou refuser le transfert de gestion, elle peut très bien montrer son désaccord ce qui n'empêche pas le préfet dans les 4 mois de notifier sa décision.
Les transferts de gestion forcés ne sont pas réalisés à titre onéreux, càd qu'aucun prix n'est versé par le bénéficiaire de la procédure à la PP propriétaire.
La PP propriétaire reste propriétaire elle ne perd que la jouissance du bien. La seule chose qu'elle peut recevoir comme indemnité est une indemnité réparant le préjudice d'une autre nature que celui attaché à la perte de jouissance du bien.
La procédure des articles est apparue en 2002 et 2006, la question est de savoir si la loi de démocratie de proximité de 2002 a complété la mutation domaniale ou l'a substitué. Le CE dans un arrêt 23 juin 2004 commune de PROVILLE estime que la théorie des mutations domaniales n'a pas été abrogée par la loi de 2002, et qu'en fait même si leur objet est similaire la théorie des mutations domaniales coexiste avec le transfert de gestion prévu par le législateur.
Que se passe-t-il lorsque l'affectation décidée par l'État cesse ? La PP propriétaire du domaine récupère la jouissance du bien à l'issue de l'affectation.
Constat de JM Sauvé en 2011, il justifie cette théorie des mutations domaniales et son ersatz législatif du transfert de gestion, par le l'intérêt général.
Il reconnaît que cette théorie et ce transfert posent des principes à 2 niveaux, le principe de libre administration et le droit de propriété.

B) L'expropriation exceptionnelle de biens meubles

Le principe art L11-1 c'est que seuls des immeubles peuvent être expropriés. Par exception le législateur a prévu des hypothèses d'expropriation de meubles corporels voire incorporels. A savoir les biens culturels maritimes, les inventions brevetées ou non intéressant la défense nationale, les immeubles et objets mobiliers nécessaires à l'effort de guerre, la possibilité d'exproprier un fonds de commerce.


§ 2 – Les acteurs de l'expropriation

A) Le monopole de l'État pour décider de l'expropriation

Contrairement au droit de l'urbanisme décentralisé, le droit de l'expropriation reste largement centralisé. On part du principe que l'expropriation est une prérogative régalienne. En d'autres termes, c'est le préfet qui ouvre l'enquête préalable, qui déclare l'utilité publique et qui adopte l'arrêté de cessibilité.

Beaucoup de personnes favorables à la décentralisation conteste le fait qu'il y ait monopole de l'État, cette compétence étatique est logique et se justifie par plusieurs arguments =
prérogative régalienne car attentatoire au droit de propriété
l'État sera souvent plus objectif car plus distant
le préfet et ses services sont plus compétents juridiquement que des services de commune

Question de savoir quelle est la marge de manœuvre du préfet ? Doit-il suivre le maire ou refuser ?

Tout d'abord est ce que les actes pris par le préfet sont susceptibles d'être attaqués par une collectivité locale qui s'est vue refuser sa demande ?
Il est de jurisprudence constante que l'arrêté préfectoral qui ouvre une enquête publique préalable précédant l'expropriation, ait un simple acte préparatoire qui par conséquent n'est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir. CE 1970, Epx Neel
En revanche, le refus du préfet d'ouvrir l'enquête publique, càd sa décision de refuser la demande de la collectivité locale, n'est pas un acte préparatoire car met fin à la procédure et est donc susceptible de recours pour excès de pouvoir.

Est ce que pouvoir discrétionnaire ou compétence liée ?
L'idée c'est que le préfet semble disposer d'un pouvoir discrétionnaire et peut donc refuser un projet d'expropriation pour des considérations d'opportunité. Très sévère pour les collectivités locales mais justifié par les faits. Lorsque 2 collectivités ont des projets différents nécessitant l'expropriation de terrains similaires, il faut un arbitrage entre les 2 projets. Il peut être un arbitrage d'opportunité, on estime que le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire.
Conséquence = le refus de lancer la procédure va faire l'objet d'un contrôle restreint par le juge donc un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation. CE 79, Commune de Vestic et Candiac

B) Les expropriants

C'est la personne publique ou privée qui est à l'initiative du projet d'utilité publique nécessitant l'expropriation. Exemple = Disney.
Quelles sont les personnes susceptibles d'avoir cette initiative ?

Les collectivités territoriales

Il est évident et depuis toujours que les collectivités locales bénéficient du droit au recours à l'expropriation.
Observations =
dans une collectivité locale la décision de faire un projet d'utilité publique nécessitant une expropriation est de la compétence des organes délibérants (conseil général, régional etc) et non pas de l'exécutif
les collectivités locales voient leurs compétences limitées par le principe de spécialité. Lorsque la collectivité a une clause générale de compétence, cela ne pose pas de réel problème. Toutefois qu'est ce que cette clause inclut ?
Arrêt de 1954 commune de Thérouanne le CE avait une lecture restrictive de la compétence des communes, en l'espèce le conseil d'Etat a interdit à une commune d'exproprier un bien afin d'installer un bureau de perception, car c'est un SP national et non communal.
Le CE a évolué arrêt Dame Grignard 1977, revirement, il admet qu'une commune peut exproprier pour la réalisation d'un bureau de poste dès lors qu'elle a pour objet direct de répondre aux besoins de la population de la commune expropriante.
Les collectivités locales ont des compétences limitées géographiquement, une commune, département ou région ne peut poursuivre une expropriation en dehors de son territoire.

Les établissements publics

Ce sont des personnes publiques, pourtant pendant longtemps le juge et la doctrine ont été réservés sur la faculté de ces établissements publics à demander l'expropriation d'un bien.
Le juge administratif a admis dans des avis la faculté pour ces établissements publics de recourir à l'expropriation. Le CE au contentieux s'est pendant longtemps montré plus prudent, c'est seulement avec un arrêt de 1972 Min santé c/ Levesque que le CE a formellement consacré le fait que les établissements publics peuvent demander même sans texte l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Arrêt Dame veuve Duchemin 1959 CE avait accepté l’expropriation sollicitée par établissement public car la législation prévoyait cette possibilité. Le CE précise là que l'établissement public peut recourir à l'expropriation uniquement en vue d'un but correspondant à sa spécialité.

Les personnes privées

Une personne privée peut-elle solliciter de l'État l'expropriation d'une autre personne privée ?
Pendant longtemps le juge a été hostile à cela.
C'est le législateur qui ponctuellement a ouvert cette possibilité aux personnes privées, décret loi 1935 pour les concessionnaires de travaux publics et de mines, ou encore les propriétaires de sources thermales, ou encore les caisses de sécurité sociale.

Le CE a jusqu'en 1973 en dehors de ces textes, refusait qu'une personne privée puisse recourir à l'expropriation. C'est seulement avec arrêt 1973 Ancelle que le CE reconnaît qu'une personne privée peut demander même sans texte particulier à recourir à l'expropriation mais à la condition absolue que cette personne privée soit chargée d'une activité de SP.

C) Les bénéficiaires de l'expropriation

En général c'est l'expropriant qui a vocation à devenir propriétaire des biens expropriés. Toutefois il a été rapidement admis que l'expropriant demande l'expropriation non pas pour devenir propriétaire lui mais pour rétrocéder le bien à des tiers.
2 sortes de rétrocessions =
les rétrocessions prévues par la loi art L21-1
les rétrocessions issues de la jurisprudence

→ Rétrocessions prévues par la loi art L21 1 CE liste d'une dizaine d'hypothèses dans lesquelles l'expropriant peut rétrocéder le bien à un tiers, concerne la création de lotissement destinés à l'habitation, en matière d'installation d'assainissement ou élimination des déchets.

→ Rétrocessions issues de la jurisprudence, l'arrêt établissements Ets VEZIA CE 1935 prévoit que l'administration peut demander l'expropriation afin de faire bénéficier des biens des personnes privées d'intérêt général. Le CE après cet arrêt a confirmé son approche dans l'arrêt GISSINGER 1955.
Dans le même esprit le Ce a accepté que l'État français soit expropriant pour le compte d'une OI dont la France est partie, société ORIBUS 1957.

La personne privée qui bénéficie de l'expropriation est généralement une personne privée qui agit dans l'intérêt général, dans le cas jurisprudentiel contrairement à la loi.

§ 3 – Les notions concurrentes de l'expropriation

L'expropriation n'est pas le seul mode d'acquisition forcée de la propriété, elle est en concurrence avec 4 autres notions.
A) La réquisition

A la base la réquisition est un instrument de contrainte offert aux autorités militaires et civiles afin de faire face à des circonstances exceptionnelles particulières. Plusieurs lois ont prévu ces réquisitions, les réquisitions militaires sont issues loi 21 janvier 1935 et ne sont possibles qu'en cas de mobilisation ou lorsque les circonstances l'exigent.
Les réquisitions civiles sont prévues par une loi du 11 juillet 1938 modifiées par une ordonnance du 6 janvier 1959 et ces réquisitions civiles sont décidées pour assurer les besoins du pays.
3ème type de réquisition, c'est la réquisition de logement prévue par ordonnance 11 octobre 1945 et mise à jour par une loi 29 juillet 1998. Cette loi sur l'exclusion permet au préfet de réquisitionner pour une durée de 1 à 6 mois voire parfois 12 mois des locaux détenus par des personnes morales lorsqu'ils sont vacants depuis au moins 18 mois dans des communes où existent d'importants déséquilibres en matière de logement.

La réquisition peut concerner des immeubles et des meubles. Différence de régime, lorsqu'elle porte sur des immeubles elle n'opère pas de transfert de propriété mais simplement le propriétaire perd la jouissance de son bien de manière temporaire.
La réquisition de biens meubles, notamment de denrées, peut être définitive, càd qu'il y a transfert de propriété.

A l'exception de la loi sur l'exclusion, les réquisitions ne sont possibles que dans des circonstances particulières.

B) Le droit de préemption

Dans le droit de préemption l'administration va se substituer à un acquéreur, autrement dit un propriétaire foncier marque sa volonté de vendre son bien, trouve un acquéreur mais cet acquéreur sera remplacé par l'administration qui préempte.
Théoriquement le vendeur est libre de renoncer à la vente.
Les droits de préemption sont nombreux, issus de textes divers et variés.
Exemples = le droit de préempter pour le ministre de la culture des œuvres d'art lorsqu'il y a des ventes publiques. Les droits de préemption en matière environnemental notamment du conservatoire du littoral. Le droit de préemption en matière de remembrement rural, c'est le droit des sociétés des aménagements fonciers et d'établissement rural.
Le droit de préemption urbain, le code de l'urbanisme a doté les communes d'un droit de préemption lorsque ces communes disposent soit d'un ancien plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme. L'objet de ce droit de préemption est de permettre à la commune d'acquérir les terrains ou immeubles bâtis nécessaires à la réalisation de leurs opérations d'aménagements ou pour constituer des réserves foncières. Ce droit s'applique dans des zones clairement délimitées par le POS ou le PLU.
Déclaration d'intention d'aliéner, alerter la commune de son intention obligatoire. Sur la base de cette déclaration d'intention réceptionnée à la mairie la commune a 2 mois pour exercer ou non son droit de préemption. Le silence pendant 2 mois vaut refus de préempter.
Lorsque la commune exerce son droit de préemption le propriétaire concerne la possibilité de renoncer à la vente. Si décide de poursuivre la vente il devra soit accepter l'offre financière faite par l'administration, soit, s'il conteste le montant de cette offre, aller devant le juge de l'expropriation.

C) La confiscation

C'est une sanction càd qu'elle réprime un comportement du propriétaire. Les confiscations sont nombreuses en matière douanière par contre elles sont rares en matière immobilière.

D) Les nationalisations

Les choses sont plus simples car mécanisme exceptionnel à 4 niveaux =
les nationalisations ont un fondement constitutionnel al 9 préambule de 46
seul le législateur peut prévoir une nationalisation, compétence exclusive
les nationalisations ne sont pas périodiques, elles sont forcément toujours contingentées par des circonstances particulières
les nationalisations portent essentiellement sur des biens meubles incorporels ce sont les parts, actions des sociétés

Nette différence entre nationalisation et expropriation, ne serait ce que par la fréquence, l'objet et les biens visés.


Chapitre II – Une acquisition forcée trouvant son fondement dans l'utilité publique


Section 1 – L'utilité publique fondement de l'expropriation

Le terme d'utilité publique a une interprétation qui va varier en fonction des époques, cela se voit dans la jurisprudence et la loi.

§ 1 – L'extension législative de la notion d'utilité publique

Le constat = tout au long du XIXe, le législateur est peu intervenu pour définir la notion d'utilité publique art 545 Cc. C'est seulement au début du XXe qu'on a multiplié les lois ponctuelles permettant le recours à l'expropriation et étendant donc la notion d'utilité publique.
Exemples de lois = 15 février 1902 qui permet d'exproprier des immeubles dans un but de santé et d'hygiène publique.
Vichy va autoriser massivement l'expropriation, loi 26 mai 1941 dans un but sportif, ou encore l'expropriation dans un but agricole loi 1943 des terrains pas assez cultivés.  3ème loi de Vichy expropriation en vue de l'exécution de fouilles archéologiques.

Le législateur a vraiment prévu des hypothèses diverses et variées dans lesquelles on crée de toute pièce une utilité publique.

Exemple le plus symptomatique est l'expropriation pour risques naturels prévisibles, loi 2 février 1995, qui dispose que lorsqu'un risque prévisible de mouvement de terrain, d'avalanche, de crue etc menacent gravement des vies humaines les biens exposés à ce risque peuvent être expropriés par l'État, sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation.
Le financement de cette expropriation est garanti par un prélèvement sur les primes d'assurance.
On va protéger l'individu de manière autoritaire contre sa volonté en l'expropriant. Certains auteurs que c'est une atteinte aux libertés individuelles en plus du droit de propriété. Les personnes savent que l'endroit est dangereux mais veulent rester.
C'est d'utilité publique car cela a un volet financier, cela coûte moins cher d'exproprier.

§ 2 – L'extension jurisprudentielle de la notion d'utilité publique

Au cours du XIXe la doctrine et surtout le juge avaient une conception très restrictive de l'utilité publique. L'utilité publique au XIX e ne concernait que des grands projets d’État, les routes, canaux, chemins de fer etc, présentant des impératifs nationaux.
A la fin du XIX e et l'apparition du service public, on va avoir une période d'assimilation entre la notion d'utilité publique et service public.
L'utilité publique se définit par le fait que l'on est dans le cadre du service public.
L'utilité publique va avoir une période où elle va s'étendre car la notion de service public s'étend.
La notion de service public va exploser après la 1GM, donc va perdre de sa substance et de son homogénéité. Comme le SP est en pleine crise il n'y a plus un élément de référence de la notion d'utilité publique.
C'est à partir des années 1920 que l'utilité publique va être définie par rapport à l'intérêt général. Or l'intérêt général veut dire tout et n'importe quoi, extensible à l'excès.

Arrêt GIROS CE 1923, le CE estime qu'un projet d'intérêt général est d'utilité publique.
Arrêt CAMBIERI 1938 relatif à une colonie de vacances, conclusions de JOSS « inutile pour justifier l'expropriation d'aller jusqu'à la notion de SP, l'utilité générale suffira. » A partir de cette période le recours à l'expropriation devient de plus en plus facile car tout peut être d'utilité publique.

Section 2 – Le contrôle de l'utilité publique

Quel est le contrôle exercé par le juge ?
Comme la notion est floue c'est au juge de l'encadrer et de limiter le recours à l'expropriation aux seules hypothèses où celle ci est vraiment utile et légale.

§ 1 – Le contrôle traditionnel de l'utilité publique : un contrôle formel et théorique

Comme tout acte administratif la déclaration d'utilité publique peut faire l'objet d'un contrôle au niveau de ces mobiles et motifs.
Tout l'enjeu est de savoir quelle sera l'intensité du contrôle au niveau des motifs.

A) Un contrôle abstrait de l'utilité publique des projets

Constante, l'utilité publique est une notion floue.
L'administration en déduit qu'elle dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'une grande marge de manœuvre, ce qui impliquerait que le juge devrait se contenter d'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation. Mais si on réfléchit, l'utilité publique implique une compétence liée de l'administration, elle ne peut exproprier que s'il y a nécessité et utilité publique.
Dès lors qu'on partage ce constat, on peut estimer que le juge doit se doter d'un contrôle normal, un contrôle de proportionnalité. C'est d'autant plus nécessaire que le juge est en face d'une atteinte à un droit fondamental – le droit de propriété.
Le problème c'est que le juge ici s'est longtemps refusé à pousser son contrôle parce qu'il a peur de rentrer dans un contrôle d'opportunité.

CE 13 mai 1964 MALBY et BEDOUET, estime que l'utilité publique d'un projet doit être contrôlée dans le cadre d'un contrôle abstrait, on regarde si le projet en tant que tel est d'intérêt général sans le resituer par rapport au contexte existant.
Exemple = est ce qu'un aéroport est d'intérêt général ? Oui
Il est évident que le CE en s'intéressant à l'utilité publique directe que de manière abstraite a systématiquement validé tous les projets.

Constat = le droit à ce niveau là est décevant car il faut le comparer par rapport à la police, dans la police administrative depuis l'arrêt BENJAMIN 33 le CE opère un contrôle de l'adéquation de la nécessité et la proportionnalité de la mesure de police. En matière d'expropriation il ne fait rien.
2 explications =
le CE veut laisser sa marge de manœuvre à l'administration
le CE veut toujours faire primer l'intérêt général même abstrait sur l'intérêt privé même concret
B) Une appréciation in concreto des détournements de pouvoir

S'agissant des détournements on s'intéresse aux mobiles de l'acte, ce contrôle du détournement est le contrôle le plus difficile à faire pour le juge car on cherche l'intention réelle de l'administration, cette recherche ne peut se faire que de manière concrète en regardant la matérialité des faits.

S'agissant de cela on s'intéresse aux mobiles. Ce contrôle de détournement de pouvoir est le contrôle le plus difficile à faire pour le juge parce qu'on va chercher l'intention réelle de l'administration. La recherche de cette intention de cette finalité de ce mobile ne peut se faire que de manière concrète, en regardant la matérialité des faits. C'est ici que le JA a retrouvé un espace de raisonnement.
La jurisprudence a censuré pour détournement de pouvoir les déclarations d'utilité publique dans 3 hypothèses majeures :
Détournement de pouvoir lorsque l'expropriation est demandée pour tenir en échec une décision de justice : en ce sens CE 1955 GISSINGER.
L'expropriation ne peut pas être poursuivie dans un but purement voire principalement financier : CE 1961 « White » : une commune qui exproprie officiellement pour créer un square commet un détournement de pouvoir lorsqu'en réalité l'expropriation a une vocation purement spéculative. En matière d'expropriation en effet l'intérêt financier n'est pas de l'intérêt général. En revanche, le CE a jugé dans l'affaire « Commune de Lauterbourg » de 1983 qu'il n'y a pas détournement de pouvoir lorsque la personne publique poursuit une expropriation « afin de réaliser son objectif à moindre coût ». C'est un objectif d'utilité publique classique que l'on veut faire à moindre coût.
_  CE 1964 « Dame Veuve Borderie »: l'expropriation ne peut jamais être poursuivie dans un intérêt privé.
Pendant longtemps le contrôle de ce détournement de pouvoir a été un véritable frein en matière d'utilité publique. Puis l'édifice jurisprudentiel s'est fissuré avec l'arrêt CE « Ville de Sochaux » 1971 : Il y avait une expropriation dans le but de créer une bretelle d'autoroute afin d'aller directement dans l'usine Peugeot de Sochaux. Les tiers ne pouvaient pas l'utiliser, le bénéficiaire exclusif était une personne privée. Les requérants ont classiquement estimé qu'il y avait détournement de pouvoir car on favorisait un intérêt privé. Le CE reconnaît qu'il y a un intérêt privé qui est poursuivit, mais que le projet d'expropriation est malgré tout légal parce qu'il est conforme avec les exigences du développement d'un ensemble industriel qui joue un rôle important dans l'économie régionale et dans l'emploi. Avec cet arrêt, on reconnaît que derrière un intérêt privé, figure un intérêt public lié au développement économique d'une région, et à l'aménagement du territoire.
Cette jurisprudence n'est pas isolée, elle a été confirmée à de multiples reprises comme notamment dans un arrêt du 2 décembre 1976 « Lejeune », dans lequel le CE estime qu'on peut exproprier sans commettre un détournement de pouvoir en vue de la création d'une zone industrielle ; en l'espèce c'était une brasserie présentant des avantages économiques et sociaux pour l'ensemble de la région. Autre confirmation : arrêt de 1981 « Consorts Fontaine ».
Ce discours est habituel actuellement.

§ 2 : Le renforcement du contrôle avec la théorie du bilan
Dès lors que derrière l'intérêt privé peut figurer l'intérêt général, l'utilité publique, le contrôle du détournement de pouvoir perd de sa relative efficacité.
Cet affaiblissement du détournement de pouvoir, a rendu obligatoire un renforcement du contrôle des motifs.

A) L'émergence d'un contrôle in concreto
Dans certaines affaires des années 60, le CE avait déjà dépassé son approche abstraite du contrôle des motifs, de l'utilité publique directe.
C'est notamment le cas lorsque l'utilité publique directe, intrinsèque du projet n'est pas évidente : CE 1964 « Dame Hue » : expropriation pour des pistes de pétanques. Y a-t-il utilité publique ?
Par la suite le CE dans certaines affaires sensibles par leur ampleur, a poussé l'analyse in concreto. L'exemple le plus connu est l'affaire du CE 15 mars 68« Commune de Cassis » l'expropriation était destinée à la construction de canalisations pour l'évacuation en pleine mer des résidus chimiques. Le projet est d'utilité publique en soi, pourtant le CE dans cette affaire, mais sans le dire, va regarder les inconvénients notamment en matière économique et touristique du projet. Il s'intéresse aux circonstances de l'affaire. Le CE dans les années 70 commence a rentrer dans un contrôle plus concret, sans formaliser le contrôle.

B) Le contrôle du bilan avec la jurisprudence Ville Nouvelle Est
C'est une révolution théorique : c'est l'affaire du 28 mai 1971.
Dans cette affaire était en cause la création d'un campus universitaire pour plusieurs milliers d'étudiants, nécessitant l'expropriation d'à peine quelques centaines de personnes. Pourtant, le CE va profiter de cette affaire pourtant facile, pour opérer un profond revirement de jurisprudence. Il va utiliser la formule suivante : « une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. »
C'est la théorie du bilan = le juge va accepter de contrôler de manière concrète les avantages du projet par rapport à ses inconvénients, en les listant au nombre de 3 : financiers, coûts sociaux, et l'atteinte à la propriété privée.
En 1972 dans l'arrêt « Société Saint-Marie l'Assomption » le CE intègre au contrôle du bilan l'atteinte excessive à un autre intérêt public.

Dans l'arrêt  2010 « Alsace Nature », le CE intègre au contrôle du bilan la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement.

Tout l'enjeu est de savoir en quoi consiste cette innovation du contrôle du bilan.
Le commissaire du gouvernement Guy Braibant, dans ses premières conclusions, se contentait de créer un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation. Son raisonnement était imparable. Mais dans un second temps, après le renvoi de l'arrêt en Assemblée, il va proposer ce contrôle de proportionnalité sous la forme du contrôle du bilan.
Dans ses conclusions, Braibant suivi par le CE, propose ce nouveau contrôle que certains qualifient de contrôle maximum.
Quelles sont les conséquences d'un point de vue général de cet arrêt ?
Le contrôle du bilan ne porte que sur le projet proposé par l'administration : le juge ne peut comparer les avantages et inconvénients de l'opération par rapport à des projets alternatifs (important). En ce sens, arrêt du 1974 « Adam ». Le CE dit qu'il ne va pas fonder son contrôle en comparant l'opportunité de chaque tracé d'autoroute.
 Autre exemple : arrêt 1995 « Union juridique Rhône Méditerranée » le juge ne va pas contrôler les différents projets. Puis exemple de l'arrêt « Alsace Nature » : associations environnementales : disaient que d'autres tracés étaient plus opportuns. Plusieurs projets alternatifs. Le CE dit qu'il n'a pas à contrôler le meilleur choix, ou l'utilité publique optimale. Le JA se refuse à substituer sa propre appréciation à celle de l'expropriant. Il reste dans une logique de contrôle de légalité.
Dès l'origine Guy Braibant est quand même favorable « ce qui importe c'est que votre contrôle permet de censurer des décisions arbitraires, déraisonnables ou mal étudiées »: c'est les hypothèses d'erreurs manifestes d'appréciation. Le bilan repose sur une approche contrastée. Contrôle quand même restreint de l'erreur manifeste d'appréciation.








C) La portée effective du contrôle de l'utilité publique depuis 1971

Le contrôle de l'utilité publique en soi du projet

C'est le contrôle traditionnel : le juge va vérifier que le projet envisagé par l'administration ne caractérise pas un détournement de pouvoir et présente une utilité publique en soi, intrinsèque. C'est le contrôle abstrait qui existe toujours.

Le contrôle de la nécessité du recours à l'expropriation

Ce contrôle de la nécessité, est préalable au contrôle du bilan. Il ne s'agit pas de savoir si l'opération est d'utilité publique mais de savoir s'il est nécessaire de recourir à l'expropriation pour mener à terme cette opération. En d'autres termes, est-ce que l'administration dispose de terrains ou d'immeubles permettant de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes ?
Exemple : on manque de salle de TD, est-ce qu'on va exproprier une des propriétés en face ?
Le problème est que pendant longtemps le CE s'est refusé à faire un contrôle de cette nécessité. Dans un arrêt de 74 le CE semble le faire, mais en 1979 le CE dans l'arrêt  Leclerc  le CE refuse de contrôler la nécessité du recours à l'expropriation (c'était pour un cimetière). Cela a eu tellement de conséquences que le CE s'est rendu compte de sa bêtise et dans l'arrêt de  1979 Malardel  il opère un revirement de jurisprudence : il accepte enfin de contrôler la nécessité du recours à l'expropriation en vérifiant le fait que la commune dispose ou non « de parcelles, qui par leur situation et leur superficie, sont de nature à permettre l'exécution du projet dans des conditions équivalentes ».
Ce contrôle de nécessité est distinct et indépendant du contrôle du bilan. En d'autres termes, lorsque le juge constate que l'expropriation n'est pas nécessaire, le juge « n'est pas tenu ni même fondé à rechercher si l'utilité publique présente un bilan négatif ». En ce sens CE 16 janvier 2008« Communauté d'agglomération de Maubeuge Val de Sambre ».

Deuxième conséquence : le juge ne peut intégrer la question de la nécessité du recours à l'expropriation dans l'analyse du bilan. En ce sens, CE 19 octobre 2012 Commune de Levallois-Perret .

La pratique décevante du contrôle du bilan

Dans les premières années 72-73, le CE a eu l'occasion d'utiliser de manière très ambitieuse le contrôle du bilan, c'est à dire qu'il a poussé son contrôle au maximum, et quitte parfois à faire un véritable contrôle d'opportunité.
Deux exemples :
Affaire Grassin 1973 CE: un Maire décide de faire construire un aéroport : CE se pose la question : est-il d'utilité publique ? Il applique le contrôle du bilan, et estime que le prix est excessif « par rapport aux facultés de la collectivité ». La doctrine s'énerve, notamment JK, lorsqu'on dit qu'une collectivité n'a pas les moyens de faire tel projet, c'est un contrôle de gestion.
Affaire de 1972 Société Sainte-Marie de l'Assomption : projet de bretelle d'autoroute vers Nice qui traverse le seul hôpital psychiatrique. On fait cette bretelle et on demande au juge de trancher : qu'est-ce qui est légal ? Le juge a choisi : autoroute est légale et la bretelle illégale. Mais ce n'est pas son travail. Question où le juge a choisi, mais c'est de l'arbitrage politique, le CE est allé dans un contrôle d'opportunité.
Le juge est allé très loin dans ces deux affaires.
Ce qui est important est jusqu'où le juge peut aller dans le contrôle.

a) Les inconvénients susceptibles d'entrainer un bilan négatif

→ Un coût financier excessif. Avant même la jurisprudence Vile nouvelle Est, dans l'affaire époux Néel de 1970 le CE avait fait référence à un coût financier excessif pour contrôler une déclaration d'utilité publique. Mais le premier arrêt qui reconnaît que le coût excessif entraine la nullité de la déclaration d'utilité publique est l'arrêt GRASSIN de 1973 dans lequel le CE a estimé qu'une expropriation justifiée par une création d'un aéroport dans une petite commune est illégale car présentant un coût financier excessif par rapport aux facultés de la commune.
On apprécie le coût financier non pas de façon abstraite mais par rapport à la richesse de l'expropriant. N'est plus un contrôle de légalité mais de gestion.
Par la suite le CE a nuancé sa position et n'appréhende que le coût financier en soi, il ne tient pas compte des facultés financières de l'expropriant. C'est le cas dans l'arrêt Mlle DREXEL DALHGREN de 1979 où le CE estime qu'une expropriation pour un montant de 21 millions de Francs pour l'extension de les locaux de l'association des anciens élèves était excessif.

→ L'atteinte excessive à la propriété privée. Le CE estime qu'il y a atteinte excessive à la propriété et donc bilan négatif lorsque l'expropriation partielle entraine une gêne considérable et qu'à l'inverse elle ne produit que des avantages pas très appréciables pour la collectivité expropriante. CE 1988 dans lequel il censure l'expropriation du jardin d'une propriété privée dans une commune de moins de 300 habitants dans le but de construire des espaces verts protégés.

→ Inconvénients d'ordre social et écologique.
Le CE dans un premier temps à juger que des inconvénients d'ordre social peuvent être excessifs par rapport à l'utilité publique d'un projet, en ce sens CE 1977 Comité central d'entreprise de la BNP - on voulait exproprier une importante colonie de vacances gérée par la BNP afin de réaliser une nouvelle mairie de la commune.
Les inconvénients d'ordre écologique, on lui oppose son coût environnemental, avant même la jurisprudence de 2010 Alsace Nature le CE avait intégré dans le contrôle du bilan l'environnement.
Très souvent les requérants n'ont pas su montrer un bilan négatif sur la base d'inconvénients environnementaux excessifs. Le juge lorsqu'il est confronté à ce coût environnemental va non seulement appréhender les atteintes à l'environnement, mais aussi les moyens proposés par l'administration pour préserver l'environnement.
CE 1992 association sauvons le bois de Vincennes – dans cette affaire extension d'autoroute qui nécessitait l'expropriation de zones boisées, le CE observe qu'il existe des inconvénients « résultant nécessairement de la présence de l'ouvrage pour les quartiers traversés et les espaces verts ». Mais le CE observe aussi que ces inconvénients ont été réduits par les aménagements prévus comme des écrans de protection acoustique, des buttes de terre, et enfin par des revêtements routiers spéciaux. Ces mesures préventives entrainent une diminution des nuisances malgré l'augmentation du trafic.
Les inconvénients liés à l'environnement ne sont pas excessifs et ne permettent pas de retirer au projet son caractère d'utilité publique.
Annulation de l'utilité publique =
atteinte flagrante à un site naturel connu
lorsque les nuisances sont manifestement excessives

→ L'atteinte à d'autres intérêts publics. Au départ le contrôle du bilan n'impliquait pas que le juge contrôle l'utilité publique envisagée par rapport à d'autres intérêts publics. En théorie la balance entre les intérêts publics est une question politiques d'opportunité et le juge n'a pas à s'en mêler. Mais dans l'arrêt 1972 Société civile Sainte Marie de l'Assomption, le CE est confronté à un projet d'autoroute nécessitant l'expropriation d'une partie du seul hôpital psychiatrique départemental.
Il y a 2 utilités publiques = transport et hôpital. Le juge aurait dû refuser de trancher, mais en l'espèce le CE s'est emparé de cette question et a intégré les atteintes à des intérêts publics autres dans le contrôle du bilan. Le juge a confirmé la légalité de la DUP concernant l'autoroute mais censuré cette même DUP concernant une bretelle d'autoroute.
Le juge est sorti de la légalité, mais le CE a continué à faire ce contrôle mais avec plus de tact et mesure, CE 3 mars 1993 Commune de Saint Germain en Laye, extension d'autoroute passant très proche du château de Saint Germain. On a d'une part l'intérêt public des transport et d'autre part l'intérêt de l'environnement et de la culture. Le CE a simplement observé que le projet autoroutier prévoyait des mesures pour empêcher l'atteinte à l'environnement et au site culturel.

b) L'évaluation du contrôle du bilan

Sur le papier ce contrôle peut être très poussé, car va au delà de la nécessité. Mais cela reste un contrôle normal de proportionnalité.
Le CE a utilisé au maximum l'intensité de ce contrôle, mais rapidement à compter de l'arrêt Adam de 1974 le CE est revenu à une pratique plus modeste.
On retrouve l'inspiration de BRAIBANT, à savoir que le contrôle a pour ambition de censurer les décisions arbitraires, déraisonnables ou mal étudiées.

Il faut différencier ce bilan, s'agissant des projets modestes / locaux, le contrôle du bilan fonctionne généralement correctement, il analyse la proportionnalité de l'utilité publique.
En revanche, quand on est en présence de projets d'ampleur nationale, le contrôle du bilan est très décevant car il est rarissime que le bilan soit négatif. L'utilité publique d'un projet national étant tellement élevé qu'il est rare d'accumuler des inconvénients susceptibles d'effacer l'intérêt public.
Les grands projets d'utilité publique ont rarement voir jamais été censurés.
Exemples = les projets de TGV les DUP n'ont jamais été censurées. CE 3 décembre 1990 Ville d'Amiens et CE 17 novembre 1995 Union Juridique Rhône Méditerranée. Idem pour les installations de défense, CE 5 mars 1976 Sieur TALIER à propos de l'expropriation au grès de camps militaires du Larzac.
Construction d'autoroutes, en matière de circulation automobile presque tous les grands projets autoroutiers ou de voies expresses ont vu leur DUP attaquées notamment au regard du coût environnemental. Pendant longtemps aucun n'a été censuré par le juge dans le cadre du contrôle du bilan.
Exception est un arrêt de 1997 Association contre le projet d'autoroute transchablaisienne et autres, entre Annemasse et Thonon extension de 35 km. La Suisse renonce à son projet d'extension. Le CE rend une décision et annule la DUP en constatant que l'opération coûtait 2 milliards de Francs et il estime que le coût financier est excessif qui justifie un bilan négatif.
Est-ce un revirement ? Cet arrêt est en fait très logique et le juge pratique toujours un contrôle de l'utilité publique avec tact et mesure. En l'espèce le projet n'était plus d'ampleur internationale ni nationale.
CE 4 mai 1979 Département de la Savoie, construction réacteur nucléaire. L'expropriation présentait un coût environnemental certain car centrale expérimentale. Les opposants mettaient en avant des inconvénients environnementaux importants à l'utilité publique. Le CE « considérant que le déséquilibre entre les besoins en énergie et les ressources disponibles rend nécessaire le développement de l'énergie électrique d'origine nucléaire ».

Arrêt CE 10 juillet 2006 Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte Croix, en l'espèce l'expropriation était motivée par la construction d'une ligne électrique aérienne de 400 000 Volts afin de désenclaver le Sud Est de la France. L’intérêt de l'opération est incontestable.
Jusqu'à lors tous les projets de ce type avaient été validés au niveau du contrôle de bilan.
Pour la première fois le CE dresse un bilan négatif parce que l'opération nécessite de passer dans un site à caractère exceptionnel = les gorges du Verdon. Et qu'il n'y a aucun autre moyen de préserver le site.
« Les atteintes graves portées par ce projet à ces zones d'intérêt exceptionnel excède l'intérêt de l'opération.» Donc seul un site exceptionnel mérite d'être protégé.



TITRE II – La procédure d'expropriation

Chapitre I – La phase administrative

Celle qui a connu le plus d'évolution depuis 1958 pour 2 raisons =
tous les textes ont voulu renforcer l'information des expropriés, l'idée est un principe de participation du public
le droit de l'environnement a totalement bouleversé la donne, notamment la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature et la loi BOUCHARDOT du 12 juillet 1983 concernant la démocratisation des enquêtes publiques et la protection de l'environnement
A ces 2 lois il faut ajouter que l'UE s'est emparée du secteur environnemental

2 actes essentiels dans cette phase.

Section 1 – La déclaration d'utilité publique

Ouverture de l'enquête publique → enquête publique → DUP → enquête parcellaire → arrêté de cessibilité.
Le premier acte juridique dans le cadre d'une procédure d'expropriation est cette déclaration d'utilité publique qui présente une nature hybride.

§ 1 – L'enquête publique

Principe art L11-1 CE c'est que l'expropriation ne peut être prononcée que lorsqu'elle a été précédée d'une DUP intervenue à la suite d'une enquête publique.
Dans toute procédure il y a exigence d'enquêtes préalables qui peuvent prendre 2 formes.
3 hypothèses dans lesquelles l'enquête préalable pas nécessaire =
opérations secrètes intéressant la défense nationale
expropriation d'immeuble insalubre ou de bidonvilles en raison de l'urgence
expropriation de biens culturels ou maritimes, le propriétaire est simplement mis en demeure de présenter ses observations

A) Les 2 types d'enquête publique

La participation du public est désormais obligatoire, pour garantir ce principe il existe 2 types d'enquête =
les enquêtes régies par l'art L 123 code de l'environnement
les enquêtes régies par le code de l'expropriation art L 11-4

A l'origine en 1958, l’enquête publique était unique et régie par le seul code de l'expropriation. Les choses ont évolué avec l'essor du droit de l'environnement. La loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement met en place une nouvelle enquête publique qui tombe dans le code de l'environnement.
Il faut donc actuellement distinguer les enquêtes dites de droit commun qui concernent toutes les opérations dépourvues d'incidences sur l'environnement, art L11-4 CE.
2ème catégorie, les enquêtes entrant dans le champ de la loi de 83 donc celles qui concernent les opérations ayant un impact environnemental. Ces 2 enquêtes ont longtemps obéi à des procédures distinctes.
Mais la loi du 27 février 2002 dites démocratie de proximité a très sensiblement rapproché ces 2 enquêtes. Malheureusement ce rapprochement a pris fin avec la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. A l'issue de cette loi les enquêtes relatives aux opérations d'expropriation ayant des conséquences environnementales sont régies exclusivement par les dispositions du code de l'environnement sans renvoi au code de l'expropriation.
Les expropriations sans conséquence environnementale sont régies exclusivement par le code de l'expropriation et restent officiellement les enquêtes de droit commun.

Le code de l'environnement aux art 123 et suivants, va s'efforcer de définir les enquêtes publiques qui relèvent de son champ d'application. Et la solution est médiane, art L 123-2 code de l'environnement « font l'objet d'une enquête publique les projets de travaux d'ouvrage ou d'aménagement exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une étude d'impact ».
Le champ d'application de la procédure de l’enquête publique de cet art est alignée sur le champ d'application des études d'impact. Ce champ d'application a une origine communautaire et est défini à l'art L 122-1 code de l'environnement, « sont précédées d'une étude d'impact les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics ou privés qui par leur nature, leurs dimension ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement et la santé humaine ». Ce même article renvoie ensuite à des critères objectifs reposant sur des données issues de la directive du 27 juin 1985.

Lorsque le projet n'a pas d'incidence notable sur l'environnement et la santé on retrouve l'application pure et simple du code de l'expropriation.

B) L'ouverture de l’enquête publique

Quelque soit l’enquête publique, environnementale ou de droit commun, elle est toujours ouverte par un arrêté préfectoral.

Nature de l'arrêté préfectoral

Cet arrêté qui prescrit une enquête publique préalable est un acte préparatoire donc non susceptible de recours pour excès de pouvoir. Son éventuelle illégalité ne pourra être invoquée qu'à l'appui d'un recours contre la déclaration d'utilité publique.
En revanche, le refus du préfet d'ouvrir l’enquête préalable est une décision administrative susceptible de recours en excès de pouvoir, parce qu'elle fait grief à la collectivité expropriante et met fin à la procédure. CE 7 mars 1979 Commune de VERSTRIC et CANDIAC.
Dans le cas de ce recours, le juge se limite à un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation.

La publicité de l'arrêté préfectoral

Cet arrêté est fondamental car c'est lui qui informe les futurs expropriés de l'existence d'un projet d'utilité publique. C'est pourquoi tant le code de l'environnement que le code de l'expropriation prévoit une importante publicité à cet arrêté.
Dans un premier temps le préfet est tenu de publier dans la presse un avis au public portant à la connaissance de ce public les informations contenues dans l'arrêté. Publié dans les 8 jours pour le CE et 15 jours code de l'environnement avant le début de l’enquête.
Outre cet avis, l'arrêté doit faire l'objet d'une publication légale.

Les textes n'exigent pas une notification individuelle à l'égard des propriétaires dont les terrains sont visés par l'expropriation. Ces mesures de publicité font l'objet d'un contrôle normal par le juge administratif, càd que leur violation vicie la procédure mais le juge ne va annuler la procédure que si les personnes intéressées ont été privées de la possibilité de faire valoir leurs observations.

Les informations contenues dans l'arrêté préfectoral

Cet arrêté a un rôle central. Il doit mentionner 5 informations essentielles =
L'objet de l’enquête càd la nature du projet soumis à l'appréciation du public
Le siège de l’enquête publique, il est généralement situé dans la mairie quand exécuté sur le territoire d'une seule commune, mais quand l'opération est réalisée sur le territoire de plusieurs communes voire départements, l’enquête publique va s'ouvrir à la préfecture sur le territoire duquel la plus grande partie de l'opération doit être réalisée.
La durée de l’enquête publique = pour l’enquête de droit commun la durée minimale est de 15 jours / pour les enquêtes environnementales la durée minimale est de 30 jours.
Les lieux, jours et heures de consultation du dossier d'utilité publique. Doit aussi informer les citoyens du lieu, du jour et de l'heure où ils peuvent être reçu par le commissaire enquêteur.
Donne l'identité du commissaire enquêteur ou la composition de la commission d'enquête

C) Le dossier de l’enquête

Enquête de droit commun, l'art R 11-3 défini la composition du dossier qui doit être mis à la disposition du public. Il défini 2 dossiers d'intensité variable =
le dossier complet lorsque l'expropriation est sollicitée en vue de la réalisation d'ouvrages
le dossier allégé lorsque l'expropriation ne vise qu'à l'acquisition d'immeuble bâti ou non bâti


Le dossier complet

Obligatoire lorsqu'il y a réalisation de travaux, d'ouvrages.
Lorsque le projet d'utilité publique implique la construction d'un ouvrage ou la réalisation de travaux, le dossier soumis au public doit comporter 7 éléments majeurs permettant d'informer correctement les personnes potentiellement exposées à un risque d'expropriation.
Une notice explicative = va indiquer l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles le projet a été retenu parmi plusieurs projets envisagés notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement. Pièce centrale du dossier puisqu'on y voit la raison d'être de l'utilité publique. Lorsqu'elle ne reprend pas le projet réel il y a détournement de procédure. Toutefois ce n'est qu'une notice explicative et l'administration n'est pas tenue de mentionner plusieurs solutions ou partis pris lorsqu'elle n'a étudié qu'un projet. Ainsi lorsque l'administration n'analyse qu'un projet de trajet pour la réalisation d'une route elle n'a pas à motiver son choix de ne réaliser qu'une étude.
De même elle n'a pas à faire figurer des propositions alternatives au projet retenu lorsqu'elles proviennent de tiers.
Le plan de situation et le plan général des travaux = indications cartographiques permettant de localiser l'implantation de l'opération d'utilité publique
Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants = le juge a une conception restrictive de cette notion, ils vont opérer une distinction entre l'ouvrage lui même et les éléments accessoires de l'infra-structure. Ex les aires d'autoroutes sont des ouvrages accessoires de la chaussée.
L'absence de description de ces ouvrages accessoires dans le dossier n'entache pas la procédure d'irrégularité.
Distinction entre ouvrages les plus importants et les compléments indispensables à l'ouvrage principal, ces compléments n'ont pas à être définis dans le dossier.
En revanche, s'agissant des ouvrages les plus importants il faut impérativement que figurent leurs caractéristiques mais aussi leur localisation. CE 16 novembre 1986 époux MOLARD.
L'appréciation sommaire des dépenses = laquelle doit permettre aux intéressés de s'assurer que les travaux et ouvrages compte tenu de leurs coûts réels tels qu'ils peuvent être raisonnablement apprécié ont un caractère d'utilité publique. L'administration ne connait pas vraiment le coût des travaux fut-il approximatif. Pour éviter un contentieux trop important le juge se montre relativement souple.
Tout d'abord pour le juge il est inutile de faire figurer dans le dossier le coût de chaque ouvrage ou bien même le montant de la participation de chaque collectivité dans la construction de l'ouvrage.
Autre souplesse, aucune disposition législative ou règlementaire selon le juge n'impose que soit mentionné au dossier le mode de financement des travaux ou les capacités financières de la collectivité expropriante.
L'estimation sommaire doit être une estimation raisonnable, le juge va censurer une estimation sommaire qui serait insincère. En revanche, dès lors que l'estimation est sommaire mais sincère et relativement rationnelle le juge ne va pas la censurer.
L'étude d'impact définie = depuis loi 10 juillet 1976. L'objectif est de concilier l'expropriation avec la protection de la nature et de l'environnement, on renvoie à l'art L 122-1 CE qui rend obligatoire cette étude d'impact dès lors que le projet est susceptible par sa dimension, sa nature ou sa localisation d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine.
Le gouvernement chargé de fixer le champ d'application de cette étude n'a pas procédé par définition mais par une énumération qui figure en annexe de l'art R 122-2 Code de l'environnement. D'après ce texte sont soumis à une étude d'impact les ouvrages, aménagements, travaux qui ont une incidence sur l'environnement en fonction de critères précisés par un tableau.
Distingue 2 hypothèses de recours à cette étude, tout d'abord il y a automaticité d'étude d'impact pour les projets de grande ampleur (+ 3km de route), en revanche il y aura étude d'impact au cas par cas lorsqu'on sera en présence de projets d'ampleur limitée. Pas forcément liée à l'expropriation.
L'étude d'impact a un contenu précisé par art L122-3 code de l'environnement, doit comporter une évaluation du projet, une analyse initiale de la zone susceptible d'être affectée et de son environnement, étude des effets sur l'environnement et la santé humaine, et les mesures proportionnées envisagées pour éviter/réduire et compenser les effets négatifs notables sur l'environnement ou la santé.
L'évaluation des grands projets d'infrastructure et des grands choix technologiques intéressant les transports publics = concerne seulement les grands projets d'infrastructure de transport, les projets sont visés par un décret du 17 juillet 1984 qui défini avec précision toutes les infrastructures nécessitant une évaluation préalable.

Le dossier allégé

Quand expropriation cadre DUP qui donne lieu à acquisition d'immeuble le dossier est sensiblement allégé car l'administration n'entend pas construire des ouvrages publics.
Doit comprendre une notice explicative, un plan de situation, le périmètre délimitant les immeubles à exproprier et enfin l'estimation sommaire des dépenses.

D) L'enquête publique

Sur le fond du droit le bilan sera rarement négatif, le principal angle d'attaque contre une expropriation concerne les vices de forme et de procédure, c'est pourquoi l'enquête publiques est aussi clairement définie par les textes.

La désignation du commissaire enquêteur ou d'une commission d'enquête

Qui le désigne ?
Les 2 procédures sont différentes =
→ Dans les enquêtes relevant du code de l'environnement, art L 123-4 précise que le commissaire enquêteur ou les membres de la commission d'enquête sont désignés par le président du TA dans le ressort duquel l'opération doit être réalisée.
Le président TA est saisi par l'autorité compétente pour ouvrir l'enquête publique càd le préfet. Lorsque l'opération se déroule sur plusieurs départements, le siège de l'enquête publique est situé dans le département où l'opération a le plus d'ampleur.
Une fois saisi le président du TA a 15 jours pour choisir sur une liste d'aptitude départementale le commissaire enquêteur ou les membres de la commission d'enquête.
Le choix entre un commissaire ou une commission appartient au préfet. Mais le président du TA peut choisir la commission d'enquête malgré le vœu du préfet lorsqu'il estime que l'importance de l'opération ou les difficultés prévisibles nécessitent plusieurs membres enquêteurs.
→ Dans l'enquête de droit commun, art R 11-4 CE précise que c'est le préfet qui désigne le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête.
Raté législatif. La loi du 27 février 2002 prévoyait que c'est le président du TA qui désignait le commissaire enquêteur, mais la loi du 12 juillet 2010 sur le grenelle fait sauter la compétence du TA pour les enquêtes de droit commun. Càd que la loi de 2010 crée un vide juridique en terme de compétence, et dans ce vide juridique il en ressort que malgré l'art R 11-4 c'est le préfet qui a désormais la compétence. Et un décret du 29 décembre 2011 confirme la compétence préfectorale.
Problème de texte majeur.

Les garanties d'indépendance et d'impartialité du commissaire enquêteur

Exigence qui vaut pour les 2 enquêtes publiques, elle est toujours présumée de sorte que c'est au requérant de démontrer que le commissaire enquêteur n'est pas indépendant et est en situation de subordination par rapport à l'expropriant.
Les textes prévoient des incompatibilités, ne peut pas être commissaire enquêteur les personnes intéressées au projet à titre personnel ou à raison de leurs fonctions notamment au sein de la collectivité expropriante. L'art R 123-4 exige que chaque membre de la commission d'enquête indique au président du TA les éventuels conflits d’intérêts.
Le juge estime que cette condition d'indépendance ne doit pas être appréciée au moment de l’enquête mais au moment de la désignation du commissaire enquêteur.

S'agissant de l'impartialité, le commissaire enquêteur doit veiller à faire preuve d'une neutralité absolue dans la conduite de l’enquête et faire preuve d'une totale objectivité dans la rédaction du rapport.
La preuve de la partialité du commissaire enquêteur est très difficile à rapporter.
Pour le juge « seule une attitude délibérément favorable ou défavorable au projet débouche sur l'annulation de la procédure ». Exemple un commissaire enquêteur qui participe à une réunion organisée par le maire de la collectivité expropriante ne viole pas son obligation d'impartialité.
De même le fait que dans son rapport le commissaire enquêteur évoque des intérêts divergents susceptibles d'opposer des associations à des habitants ne suffit pas à démontrer l'absence d'impartialité.
Le juge ne sanctionne que des comportements clairement répréhensibles du commissaire d'enquêteur.

Les pouvoirs du commissaire enquêteur

Ils ne cessent de se renforcer au fur et à mesure des lois environnementales.
Il doit conduire l’enquête publique de manière à permettre au public de disposer d'une information complète. Il veille au principe de participation du public.
A cette fin il peut entendre toutes les personnes qu'il lui paraît utile de consulter, il peut visiter tous les lieux concernés sauf les locaux d'habitation. Il peut demander à l'expropriant de compléter son dossier lorsqu'il estime que les pièces sont insuffisantes pour la conduite de l’enquête publique.
Enfin il peut organiser sous sa présidence une réunion d'information et d'échange avec le public.

Le déroulement de l’enquête

→ Durée de l’enquête – dans le CE la durée est au minimum de 15 jours mais pas de maximum. Pour les enquêtes environnementales la durée minimale est de 30 jours mais pas de maximum, mais paradoxalement la loi sur le grenelle prévoit la possibilité pour le commissaire enquêteur de proroger son enquête pour une nouvelle période de 30 jours.
→ S'agissant des lieux, jours et heures de consultation du dossier le juge exige que les administrés aient un accès effectif au dossier.
Le public est invité pendant la durée de l’enquête à prendre connaissance du dossier et de faire des observations.
→ Dans les 2 enquêtes, le commissaire enquêteur pour consulter le public. Dans l’enquête de droit commun ce n'est qu'une faculté, il n'est pas tenu de le faire. En revanche, dans l’enquête environnementale il y est obligé.
→ La clôture de l’enquête, les 2 procédures sont différentes. S'agissant de l’enquête de droit commun la clôture de l’enquête est importante puisque c'est à ce moment que les registres d’enquête sont clos et signés par le préfet, le sous préfet ou le maire en fonction du lieu de l’enquête publique.
A compter de ce moment les registres d’enquête doivent être communiqués au commissaire enquêteur dans les 24h, c'est à partir de là que s'ouvre le délai dans lequel le commissaire enquêteur ou la commission doit produire son rapport et ses conclusions.

E) Rapport et conclusions du commissaire enquêteur

IL dispose d'1 mois pour fournir son rapport et un avis motivé.
→ Dans son rapport il relate le déroulement de l’enquête et relève les observations présentées par le public qu'elles soient écrites ou orales. Il n'est pas tenu dans le rapport de répondre à chaque observation, mais il doit faire une analyse précise, exhaustive et circonstanciée de ces observations.
→ Dans ses conclusions motivées, 2ème document où il forme un avis précisant s'il est favorable ou non à l'opération soumise à enquête. 3 avis possibles =
avis favorable
avis défavorable
avis favorable sous réserve – le commissaire enquêteur va démontrer que le projet est d'utilité publique mais doit être amendé sur certains points. Si les réserves ou conditions formulés sont prises en compte par l'expropriant, le commissaire va lever ces réserves et l'avis devient favorable.
Au contraire lorsqu'il ne modifie pas sa position, et ne répond pas aux réserves, l'avis devient défavorable.

En toute hypothèse l'avis du commissaire enquêteur doit être motivé, c'est son avis personnel et pas de la majorité des gens consultés. Implique que le commissaire fasse comme le juge càd apprécie les avantages et inconvénients de l'opération comme si c'était un bilan.

Jusqu'à la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité, le sens de l'avis du commissaire enquêteur avait une conséquence directe sur l'autorité compétente pour déclarer l'utilité publique. En cas d'avis défavorable l'utilité publique ne pouvait être prononcée que par décret en Conseil d’État.
La loi de 2002 abroge cette règle.
L'avis défavorable désormais du commissaire enquêteur n'impose plus que l'utilité publique soit déclarée par décret en CE. L'avis défavorable n'a plus que 2 conséquences =
lorsque l'opération projetée est exécutée sur le territoire et pour le compte que d'une seule commune, le conseil municipal doit en cas d'avis défavorable confirmer par délibération motivée son intention de ne pas renoncer à l'opération
Au terme de l'article 6 loi du 12 juillet 1983 confirmé par la loi sur le grenelle, le juge administratif des référés s'il est saisi d'un sursis à exécution, d'une DUP prise après conclusion défavorable du commissaire enquêteur est tenu de faire droit à la demande de sursis à la seule et unique condition que l'un des moyens invoqué lui paraisse propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

F) La déclaration de projet

La loi du 27 février 2002 crée art L11 1a CE lequel renvoie à une déclaration de projet issu de l'art L 126-1 code de l'environnement. Il faut une déclaration de projet concernant l'intérêt général de l'opération lorsqu'un projet public de travaux, d'aménagement ou d'ouvrages fait l'objet d'une enquête publique.
La déclaration se différencie de l'étude d'impact, cette déclaration est d'affirmer de manière solennel l'intérêt général du projet.
Ces déclarations présentent 2 utilités =
elle est susceptible d'intervenir dans des cas où il n'y a pas d'expropriation et donc pas de DUP
la DUP est un acte pris par l'autorité étatique donc par le préfet, le ministre, or la déclaration de projet est adoptée par l'autorité qui est maitre d'œuvre du projet, autrement dit souvent par la collectivité locale. Cette déclaration va compléter la DUP prise par l'autorité régalienne.

Le défaut de déclaration de projet est sanctionné. Si elle n'est pas adoptée dans le délai d'1 an à compter de la clôture de l’enquête publique l'opération nécessitant l'expropriation ne peut être réalisée sans une nouvelle enquête publique.
Par ailleurs en l'absence de déclaration de projet aucune autorisation de travaux ne pourra être délivrée.

§ 2 – L'acte déclarant l'utilité publique

Premier acte qui peut faire l'objet d'un REP.
La DUP est l'acte par lequel l'administration fait officiellement l'annonce que l'opération projetée présente un intérêt général.

A) L'autorité compétente pour déclarer l'utilité publique

L'art L 11-2 CE l'utilité publique ne peut être déclarée que par l'État. Par arrêté ministériel ou préfectoral. Tout dépendra de l'intensité du projet, ce sont les art R 11-1 et R 11-2 CE qui vont définir l'autorité compétente. Si on schématise, l'autorité de droit commun est le préfet, la compétence ne remonte au niveau central que dans des hypothèses particulières.
Ces articles précisent que l'utilité publique sera prononcée par arrêté du ou des ministres intéressés en présence d'opérations poursuivies en vue de l'installation de l'administration centrale, pour les opérations immeuble situés sur le territoire de plusieurs départements.
Concernant la compétence du 1er ministre elle ne vise que certains projets limitativement énumérés, comme la création d'aéroport internationaux, d'autoroutes, de centrales électriques etc.

Dans toutes les autres hypothèses la DUP est de la compétence du préfet.

B) La nature de la DUP

La DUP n'est pas un acte règlementaire ni individuel créateur de droits, c'est un acte mixte/hybride.
A priori la DUP ressemble aux actes règlementaires, car fait l'objet d'une publicité collective et n'a pas à être notifiée même si elle ne concerne qu'une personne.
Pourtant le CE a clairement exprimé son rejet de la qualification d'acte règlementaire, implicitement 10 mai 1968 Commune BROVES, puis explicitement 14 février 1975 époux MERLIN.
Le CE estime également que la DUP n'est pas un acte individuel car il n'a pas à être notifié. Il en a déduit que la DUP n'avait pas à être motivée, CE 11 février 1983 Commune de GUIDEL, confirmation CE 2 juin 2003 Union fédérale des consommateurs Que Choisir. Mais sa situation a évolué, la loi du 27 février 2002 introduit à l'art L11-1-1 3) CE une obligation de motivation. L'acte déclarant l'utilité publique est accompagné d'un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération. Cette obligation provient d'une directive européenne.
Malgré cela le juge n'a pas changé sa position sur le fait que ce n'est pas une mesure individuelle. Le juge estime que la DUP n'est pas non plus un acte créateur de droits. CE 22 février 1974 ADAM, et CE 29 avril 1994 Association Unimat 65. La DUP ne crée des droits ni pour l'expropriant ni pour le futur exproprié, l'idée est que la personne publique peut toujours renoncer à l'expropriation après la DUP.

Le CE estime donc qu'on est en présence d'un acte mixte, qui emprunte aux actes règlementaires et individuels.
En tant que tel on ne peut pas invoquer l'exception d'illégalité dans un recours contre un acte ultérieur au delà du délai de 2 mois.
Le CE considère que la DUP et l'arrêté de cessibilité qui s'en suit constituent une opération complexe, dès lors quelque soit le délai qui sépare la DUP et l'arrêté de cessibilité il est possible dans un REP contre l'arrêté de cessibilité d'invoquer l'illégalité de la DUP.
CE 29 juin 1951 LAVANDIER, et CE 26 juillet 1977 Dame MANROT LEGOARNIC.

C) Délai et forme de la DUP

La DUP doit intervenir au plus tard 1 an après la clôture de l’enquête publique. Ce délai est majoré de 6 mois lorsque la DUP doit être prononcée par décret en CE.
Le prononcé de la DUP n'est jamais obligatoire, car l'administration conserve par essence le libre choix de poursuivre ou non l'opération.
S'agissant du refus de prendre une DUP, la loi du 27 février 2002 précise toutefois que la décision de refuser de déclarer l'utilité publique doit être motivée et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait la justifiant. On permet à la propriété expropriante de connaître les arguments du refus pour mieux l'attaquer éventuellement.
S'agissant du formalisme posé par la DUP, le juge estime que la DUP en soi n'est soumise à aucune forme particulière, il suffit que l'intention de l'administration soit exprimée d'une façon non équivoque.
La question la plus importante est celle de la motivation, c'est uniquement depuis la loi de 2002 qu'il y a motivation. La loi démocratie de proximité crée-t-elle une réelle obligation de motivation ou une motivation annexe?  
CE décision 26 janvier 2011 Association défense contre déviation Nord de Maisse adopte une solution refusant l'assimilation à l'obligation de motivation.
L'art L 11-1-1 3) ne saurait être interprété comme imposant une motivation en la forme de la DUP qui serait une condition de légalité de cette dernière. Le CE estime que la loi démocratie de proximité ne crée pas une véritable obligation de motivation.
Affaire de 2006 le CE avait déjà jugé que la circonstance que le document explicatif n'aurait pas été affiché dans toutes les communes intéressées est sans influence sur la légalité du décret attaqué.
Le CE se montre plus souple quant à cette obligation d'annexer à la DUP une motivation.

B) Les effets de la DUP

Elle n'entraine pas en tant que telle transfert de propriété.

Les effets à l'égard des propriétaires

Il reste propriétaire, mais ne dispose plus que d'un droit de propriété amputé, à cause art L13-14 CE. Les améliorations de toute nature, constructions plantations etc, sont présumées faites dans le but d'obtenir une indemnité supplémentaire lorsqu'elles sont réalisées après la DUP.
Le texte va plus loin, cette présomption commence même avec l'ouverture de l’enquête publique. Donc le propriétaire qui va améliorer sa propriété est présumé poursuivre des intentions frauduleuses. Le problème c'est que la DUP a une durée de vie assez longue de 5 à 10 ans, il sera un peu inéquitable de laisser une telle épée de Damoclès sur un propriétaire durant une telle durée.
La présomption d'amélioration frauduleuse est en partie compensée par la pratique du droit de délaissement. En effet il faut qu'un propriétaire qui veuille améliorer sa propriété puisse le faire sans courir le risque d'être accusé de fraude.  
Le propriétaire passé le délai d'1 an après la publication de la DUP peut mettre en demeure l'expropriant d'acquérir ses biens dans le délai de 2 ans à partir de sa demande. Ce délai de 2 ans peut dans certaines hypothèses être prolongé d'1 an. Si l'administration ne répond pas à cette mise en demeure, le juge de l'expropriation va pouvoir prononcer le transfert de propriété et fixer le prix de l'indemnité d'expropriation.
L'administration si elle renonce au projet devra clairement mentionner sa renonciation au propriétaire concerné et dès lors que celui-ci est en possession d'un document l'informant de cette renonciation, il pourra opérer les travaux d'amélioration et ils ne seront pas réputés frauduleux.

DUP prononcée par décret en CE, au bout de 5 ans l'administration n'a rien fait mais veut prolonger la DUP, pendant ce temps la seule solution est de faire jouer le droit de délaissement si on veut faire des travaux d'amélioration dans l'appartement.


Les effets à l'égard de l'expropriant

La DUP est essentiellement une déclaration d'intention de l'administration, elle autorise l'administration à poursuivre le projet mais ne l'oblige pas. La raison est simple, l'administration n'est pas liée par la DUP car elle ne crée pas de droits.
Conclusion, l'administration peut renoncer à l'opération sans pour autant commettre une faute. La renonciation à l'opération d'utilité publique résulte d'un pouvoir discrétionnaire. Donc l'administration peut librement abroger une DUP pour des considérations d'opportunité avant le terme normal de sa durée de validité.
CE 15 mai 1999 Association Saône-Rhin.

Pour autant dans certaines hypothèses, les victimes seront indemnisées lorsque la renonciation au projet qu'elle soit explicite ou implicite cause un préjudice anormal et spécial. Hypothèse d'une responsabilité sans faute fondée sur l'idée de rupture d'égalité devant les charges publiques.
CE 23 décembre 1970 EDF / FARSAT.
Doivent être supportés par les intéressés, tant qu'ils n'excèdent pas un certain seuil, et tant que le besoin d'une réparation ne se fait pas sentir qu'à partir du moment où la charge imposée au propriétaire cesse d'être une simple gêne. Dresse la limite entre la responsabilité sans faute et la responsabilité pour faute.

L'abrogation de la DUP

Question de savoir est ce que l'administration est obligée ou non d'abroger une DUP irrégulière ?
Depuis l'affaire 1989 Compagnie ALITALIA l'administration a l'obligation d'abroger tout acte règlementaire illégal que cette illégalité soit ab initio ou consécutive à un changement de circonstance de droit ou de fait. Le problème c'est que les DUP ne sont pas des actes règlementaires et la jurisprudence ALITALIA ne leur est pas applicable.
Le CE dans une jurisprudence constante estime que l'administration a l'obligation d'abroger une DUP illégale en cas de changement de circonstance de fait ou de droit. L'hypothèse d'une illégalité ab initio n'est pas mentionnée.
Comme la DUP n'est pas un acte créateur de droits, elle peut être retirée à tout moment en cas d'illégalité.

La modification de la DUP

Doit-on adopter une nouvelle déclaration d'utilité publique après une nouvelle enquête publique lorsque le projet fait l'objet de modifications ?
Le CE a adopté une jurisprudence de principe CE 18 février 1998 Association pour la sauvegarde de la région de l'Anget, dans cet arrêt le CE estime qu'il est possible de modifier le projet qui a fait l'objet d'une DUP lorsque les modifications ne sont pas substantielles.
« Lorsque des modifications envisagées pour un secteur d'autoroutes qui ont un caractère divisible et peuvent faire l'objet d'un traitement distinct par rapport aux autres ouvrages prévus, et ne remettent pas en cause l'économie dans l'ensemble du projet, l'organisation d'une nouvelle enquête publique peut être limitée à la seule section d'autoroute faisant l'objet de modifications. »
Confirmée CE 3 juillet 2002 commune de Beauregard de Terrasson.
→ Lorsqu'il y a des modifications très légères pas besoin d'une nouvelle enquête publique et donc d'une nouvelle DUP
→ Lorsqu'il y a modifications substantielles indivisibles du projet dans son ensemble il faut une nouvelle enquête publique concernant tout le projet.
→ Lorsque la modification est substantielle mais divisible du projet dans son ensemble et ne remet pas en cause l'économie générale du projet, il faudra malgré tout faire une nouvelle enquête publique, et donc une nouvelle DUP, mais de manière partielle pour les seules modifications substantielles.

E)La durée de validité de la DUP

Art L11-5 2) prévoit que l'acte déclarant l'utilité publique précise le délai pendant lequel l'expropriation devra être réalisée.
Si la DUP est prononcée par arrêté, ce délai ne peut être supérieur à 5 ans.
Si au contraire la DUP est prononcée par décret ou qu'on est dans le cadre de plan d'urbanisme, le délai ne peut pas dépasser 10 ans.
Il est possible pour l'administration de demander une prorogation du délai. Observations =
→ La prorogation doit être prononcée par l'autorité qui aurait compétence à la date de prorogation pour statuer sur l'utilité publique de l'opération
→ Il n'y a qu'une prorogation possible, et celle-ci est au plus égale à la durée de la DUP initiale.
→ La prorogation ne peut être décidée que si le projet n'a pas subi de modifications substantielles et si son coût ne diffère pas notablement du montant initial.
→ La prorogation doit présenter la même forme que la DUP initiale, parallélisme des formes.

Lorsque la DUP est adoptée on ne connait pas encore les personnes qui seront expropriées.

Section 2 – L'arrêté de cessibilité

Acte moins important que la DUP.
Art L11-8 CE précise que c'est le préfet qui détermine par arrêté de cessibilité la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier. Cet arrêté de cessibilité est de la compétence exclusive du préfet même si l'opération dépasse le cadre départemental.

§ 1 – L’enquête parcellaire

Elle permet de déterminer aussi exactement que possible les véritables propriétaires des biens expropriés, et d'obtenir tous les renseignements relatifs à leur identité et à leur droit.

A) L'objet de l’enquête parcellaire

Son objet est précisé par un dossier d’enquête qui comprend 2 documents =
un plan parcellaire des terrains et bâtiments qu'on veut exproprier
la liste des propriétaires et titulaires de droits réels, elle est établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux et à l'aide de renseignements délivrés par le conservatoire des hypothèques et en Alsace par le juge au livre foncier. Les services fiscaux sont aussi mis à contribution pour fournir les renseignements.

Il arrive parfois que l'identité d'un propriétaire ou d'un titulaire de droits réels ne soit pas connu, ou que plusieurs personnes revendiquent la propriété.
Dans ce cas et pour ne pas ralentir la procédure, et pour préserver les intérêts du propriétaire on procède à l'expropriation contre inconnu. Et les documents seront affichés en mairie afin que l'éventuel propriétaire puisse se faire connaître dans les délais.

B) L'arrêté préfectoral d'ouverture de l’enquête parcellaire

Art R11-20 CE, règles applicables aux enquêtes publiques préalables. Il est possible d'opérer un jumelage entre enquête publique et enquête parcellaire lorsqu'on sait dès le lancement du dossier quelles sont les personnes et parcelles que l'on va exproprier.

C) Le déroulement de l’enquête parcellaire

§ 2 – L'arrêté de cessibilité

Une fois l’enquête parcellaire achevée, et que le commissaire enquêteur a rendu son rapport et son avis sur l'emprise des ouvrages projetés. La compétence revient exclusivement au préfet.

A) Forme et nature de l'arrêté de cessibilité

Art L 11-8 et R 11-28 CE. L'arrêté de cessibilité est pris dans la forme ordinaire des arrêtés préfectoraux, et n'a pas à être motivé.
L'arrêté fait ensuite l'objet d'une publicité par voie d'affichage et de presse mais le défaut de publicité collective n'emporte pas nullité de l'arrêté. Car parallèlement à cette publicité collective l'arrêté de cessibilité est impérativement notifié aux propriétaires intéressés, et c'est à partir de ce moment que les délais de recours vont partir.

S'agissant de la nature de l'arrêté il est clair qu'il ne s'agit pas de mesure règlementaire car pas de portée générale et impersonnelle. Ce sont donc des décisions individuelles mais pour autant les arrêtés de cessibilité ne sont pas des actes créateurs de droits. CE 22 janvier 1982 Madame BARBARY.
Cela explique que les arrêtés de cessibilité peuvent être légalement modifiés ou rapportés. CE 2 décembre 1991 Association Bernard GENTIL.

B) Contenu de l'arrêté de cessibilité

Il doit indiquer précisément les différentes parcelles à exproprier avec consistance de chacune et doit permettre au propriétaire de ces parcelles d'identifier celles-ci. L'arrêté de cessibilité doit indiquer la nature de l'immeuble, sa situation, sa contenance et surtout sa désignation cadastrale.

Est ce que le préfet peut diminuer ou augmenter l'ampleur de l'expropriation ?
Le préfet ne peut déclarer cessible que les seules parcelles qui sont prévues par DUP.
L'emprise indiquée dans l'arrêté de cessibilité doit être la conséquence directe et nécessaire de l'opération qui fait l'objet de la DUP. En ce sens, CE 10 novembre 1978  Fourel.
A contrario, cela signifie que l'arrêté de cessibilité peut concerner des parcelles qui ne sont pas expressément comprises dans la DUP mais qui sont la conséquence nécessaire, directe, et immédiate du projet qui a fait l'objet de la DUP. En ce sens, CE 17 octobre 86 époux de Khovrine .
Il faut préciser que le préfet ne peut pratiquer ici que des modifications mineures par rapport à la DUP. Dès lors que ça excède un certain seuil, la DUP sera illégale.
Il dispose aussi d'un certain pouvoir, une certaine marge de manœuvre : il peut éventuellement réduire l'étendue de l'emprise de la DUP pour des motifs de droit, voire d'opportunité. En ce sens, CE 11 février 70 Ville de Banieux.
L'arrêté de cessibilité n'a pas à être motivé par le préfet.

Les effets de l'arrêté de cessibilité

L'arrêté de cessibilité n'emporte pas transfert de propriété, car il se borne à désigner les parcelles expropriées et leurs propriétaires respectifs. Ce n'est jamais un acte créateur de droit.
Sa durée de validité est de 6 mois, passé ce délai il devient caduque. Toutefois, le préfet pourra prendre un nouvel arrêté de cessibilité, lequel ne nécessite pas une seconde enquête parcellaire lorsqu'il n'y a eu aucun changement de circonstances. En ce sens CE 11 avril 1988 « Commune de Checy ».

→ Voies de recours :
L'arrêté de cessibilité étant un acte administratif, il est susceptible de recours hiérarchique devant le ministre, mais surtout de recours pour excès de pouvoir devant le TA.
L'expropriation étant une opération complexe, on peut très bien invoquer des moyens tenants à l'illégalité de la DUP lors d'un recours contre l'arrêté de cessibilité.



Chapitre II – La phase judiciaire
Dans sa décision du 25 juillet 1989, le CC a tiré les conséquences de l'article 66 de la Constitution pour en conclure que seul le juge judiciaire est compétent pour fixer le montant de l'indemnité d'expropriation. En revanche, il n'est rien précisé quant au transfert de propriété ? une loi pourrait très bien renouveler le droit actuel.

Section 1 – Le transfert de propriété

Depuis 1810, la phase judiciaire a pour objet non seulement le transfert de propriété ? mais aussi la fixation de l'indemnité avec une constante, à savoir la compétence exclusive du juge judiciaire depuis 1810 pour ordonner le transfert de propriété.

§ 1 - Le juge de l'expropriation

La loi de 1810 prévoit que seules les juridictions judiciaires peuvent transférer la propriété par voie d'autorité : par voie d'ordonnance. Jusqu'en 1935 ce transfert de propriété prenait a forme d'un jugement du tribunal, prononcé par une formation collégiale.
A compter de 1935, le transfert de propriété s'opère par ordonnance prise par un juge spécialisé dans la connaissance du marché foncier. On veut transformer le juge de l'expropriation en expert de l'immobilier, ce qui pendant longtemps a justifié le fait que ce juge de l'expropriation ne pouvait pas recourir à des experts.
L'article L12-1 du Code de l'expropriation complété par L13-1 renvoie actuellement à ce juge unique.

Qui fixe le nombre de juges de l'expropriation dans chaque département ?
C'est le garde des sceaux qui par arrêté, fixe le nombre de juges de l'expropriation dans chaque département. La seule contrainte est qu'il y ait au moins un juge d'expropriation par département.

Qui désigne ces juges de l'expropriation ?
Les articles R13-1 et suivant prévoient que les juges de l'expropriation sont désignés au niveau local : c'est le premier président de la Cour d'appel qui va désigner pour une durée de 3 ans renouvelable, les juges d'expropriation et leurs suppléants. Ces juges n'ont pas leur siège à la CA mais dans les TGI.

Lorsque le juge d'expropriation statue en tant que juge unique pour ordonner l'expropriation, il y a une aide assistée d'aucun ministère public, ni d'aucun commissaire du gouvernement.

§ 2 - Le transfert de propriété

A) La saisine du juge d'expropriation

L'ordonnance de 1958 qui a fondé le droit moderne de l'expropriation posait une condition de fond à la saisine du juge de l'expropriation. A savoir, que le transfert de propriété ne pouvait être opéré en l'absence de tentative d'accord amiable. L'administration devait obligatoirement rechercher l'accord amiable.
L'article L12-1 issu d'une réforme d'une loi du 10 juillet 65 fait sauter cette exigence d'une recherche d'accord amiable. Pourquoi ? L'article dit que le transfert de propriété est opéré soit par accord amiable, ou par transfert de propriété par ordonnance.
En droit, le juge n'est plus obligé par cette exigence.
Mais en pratique, l'administration va pratiquement toujours s'efforcer de trouver un accord amiable. Et souvent, les propriétaires sachant que la cause est perdue, vont accepter le principe de la vente amiable.

Qui est saisi après le juge ?

Ici c'est le préfet ou à défaut un fonctionnaire agissant sous sa délégation qui est seule autorité compétente et qualifiée pour saisir le juge de l'expropriation.
Les autres autorités administratives ne sont pas compétentes, surtout celles décentralisées.

S'agissant des modes de saisine :

Les articles R12-1 et suivant ne prévoient pas de règles particulières, de forme particulière pour la saisine du juge d'expropriation, mais il y a des contraintes :
Pour saisir le juge d'expropriation l'arrêté de cessibilité transmis par le préfet au secrétariat du juge d'expropriation ne doit pas être caduque = avoir moins de 6 mois de date.
La saisine du juge d'expropriation est accompagnée de la transmission d'un dossier qui doit impérativement être complet. Le préfet a compétence liée pour refuser la transmission d'un dossier incomplet de l'expropriant.

En quoi consiste ce dossier ?
Il comprend les copies certifiées conformes de l'acte déclarant l'utilité publique, du plan parcellaire des terrains et bâtiments, de l'arrêté de cessibilité, du procès verbal consécutif à l'enquête parcellaire...et d'autres documents en fonction des circonstances particulières.

B) Les questions échappant à la compétence du juge de l'expropriation

Question de savoir pourquoi on a donné la compétence au juge judiciaire.

Le juge de l'expropriation est entre guillemets victime de la séparation entre une phase administrative et judiciaire, et de l'indépendance de ces deux phases. Ce qui signifie que des questions importantes lui échappent.
Premier point : la jurisprudence constante du CE et de la Cour de Cassation rappelle que le juge de l'expropriation n'a jamais compétence pour apprécier l'opportunité de l'opération déclarée d'utilité publique.
Le juge de l'expropriation n'a pas qualité pour apprécier la régularité, la légalité, des actes administratifs qui lui sont soumis. La loi des 16 et 24 août 1790 s'applique à fond en la matière.
Même s'il estime que la DUP ou l'arrêté de cessibilité sont illégaux de manière flagrante, il ne pourra pas les remettre en question.
Le juge d'expropriation n'a pas qualité pour vérifier la régularité des formalités de procédures. Il ne peut pas apprécier le bon déroulement de l'enquête publique ou de l'enquête parcellaire.

Les pouvoirs limités du juge de l'expropriation

Le juge de l'expropriation a une compétence qui est largement liée. Il est tenu d'après la Cour de Cassation de vérifier si toutes les formalités prescrites par la loi ont été accomplies.
En ce sens, Cour de Cassation 3 mars 1981 3ème chambre civile Dame Fricou .
Mais ce principe est vite vidé de sa substance par les articles R12-2 et suivants du Code de l'expropriation. Au terme de ces textes, le juge d'expropriation doit refuser de prononcer l'expropriation dans 3 cas :
Lorsque le dossier transmis par le préfet n'est pas complet = non conforme aux prescriptions de R12-1.
Lorsque la DUP est caduque et n'a pas été prorogée.
Lorsque l'arrêté de cessibilité a plus de 6 mois de date.
A contrario, lorsqu'on n'est pas dans l'une de ces 3 hypothèses, le juge a l'obligation de prendre l'ordonnance d'expropriation et de transférer le bien.
La question qui se pose est pourquoi a t-on un juge pour ça alors que ce sont des travaux purement administratifs ?

L'ordonnance d'expropriation

Selon l'article R12-2, le juge d'expropriation doit rendre son ordonnance dans les 15 jours de la réception à son secrétariat du dossier complet transmis par le préfet.
(Qu'est-ce qu'il se passe quand le dossier es transmis au TA ? Cela prendra bcp plus longtemps.)
Ce délai de 15 jours n'est pas soumis à des sanctions.

Si le délai n'est pas respecté, l'ordonnance doit désigner de manière explicite et précise les éléments suivants :
Le bénéficiaire de l'expropriation : la personne à qui est transférée la propriété du bien exproprié.
Les titulaires ou propriétaires de droits réels expropriés.
Le ou les immeubles à exproprier au vue des indications de l'arrêté de cessibilité : le juge n'a aucune marge de manœuvre quant à l'emprise des biens expropriés, il est lié par l'arrêté de cessibilité.

La forme et procédure de l'ordonnance :

Lorsqu'il juge en matière de transfert de propriété, la procédure est très simplifiée. Pourquoi ?
Il n'y a pas de ministère public.
L'ordonnance peut être valablement rendue en dehors de toute publicité de l'audience.
Traditionnellement il n'y a pas de monopole de plaidoirie des avocats.

L'ordonnance adoptée : elle doit être déposée au greffe de la juridiction, lequel va délivrer les grosses expéditions nécessaires. L'ordonnance d'expropriation est susceptible d'agir et de réagir sur les droits des tiers, et doit donc être portée à la connaissance des intéressés.
Cette publicité obligatoire va prendre deux formes :
Notification au propriétaire intéressée : R12-5.
Publicité hypothécaire : l'ordonnance d'expropriation est publiée gratuitement au bureau des hypothèques ou au livre foncier.
L'omission ou l'irrégularité des ces formalités entraîne la nullité de toutes les opérations ultérieures : l'ordonnance existe et est légale, mais ne reçoit aucun effet. Le CE dit que l'absence de notification régulière de l'ordonnance empêche la prise de possession.

Il y a un problème : il n'y a pas d'audience, pas de ministère public, pas d'avocat, qu'est-ce qu'on en fait ?
Pendant longtemps la question de l'absence de caractère contradictoire de la procédure n'a pas été contestée.
C'est seulement à compter des années 2000 que le problème est apparu : la Cour de Cassation dans un de ses rapports d'activités pour 2000 s'est posée la question de savoir si la procédure de transfert de propriété n'était pas contraire à l'article 6 paragraphe 1 de la CEDH du procès équitable. Le rapport était quand même très septique quand à la conventionnalité de la procédure française.
En revanche, la 3ème chambre civile a toujours refusé d'affirmer la violation de l'article 6 paragraphe 1 au niveau de l'ordonnance d'expropriation. Pour elle, l'article n'est pas violé par l'absence de contradictoire, car les personnes expropriées bénéficient de ce contradictoire non seulement dans la phase administrative, mais également au niveau de l'indemnisation.

Le Conseil Constitutionnel a été saisi d'une QPC sur cette absence de caractère contradictoire : décision du 16 mai 2012 Consorts L : il reprend quasiment à l'identique la position de la CC°, à savoir que le contradictoire est garantit à tous les autres stades de la procédure, et donc il n'y a pas violation de la Constitution que ce soit que le terrain de l'article 16 séparation des pouvoirs, ou sur le terrain de l'article 17 droit de propriété.
La décision du CC est logique a priori, mais il en ressort surtout la faiblesse extrême des pouvoirs du juge de l'expropriation.

Remarque : pourquoi est-ce qu'on utilise l'article 16 de la DDHC?
Les requérants attaquaient l'absence de contradictoire, mais ce principe n'est pas prévu par la Constitution. Le CC semble dans cette jurisprudence, utiliser abusivement l'article 16 de la DDHC pour intégrer dans son champ les notions de droit à un procès équitable, de loyauté des débats, loyauté de la preuve..etc.

E) Les effets de l'ordonnance d'expropriation

Question qui se pose :  qu'est- ce qu'il se passe lorsqu'il y a une confusion entre les 2 juges ?

→ Premier effet : le principal effet est de transférer la propriété du bien soit à l'expropriant, soit au bénéficiaire.
L'ordonnance ne fait que transférer la propriété mais n'envoie pas en possession, parce que la prise de possession est subordonnée au paiement de l'indemnité.

→ S'agissant des autres droits réels : usufruit etc. Il n'y a pas transfert de propriété, mais extinction. C'est-à-dire que tous ces droits réels sont résolus et convertis en droit de créance au profit de ceux à qui ils appartiennent.

→ S'agissant des droits personnels : des baux. L'ordonnance d'expropriation emporte de pleins droit résolution des baux et de toute convention de location. Ces droits sont éteints et les locataires de l'immeuble n'en sont plus que des occupants de fait : ils ne payent pas de loyer mais une simple redevance d'occupation.

→ S'agissant des hypothèques et privilèges : l'ordonnance d'expropriation vaut purge. Il y a extinction automatique des hypothèques et privilèges et les droits des créanciers hypothécaires ou privilégiés sont reportés à leur rang sur l'indemnité d'expropriation.

→ Effet induit qui ne jouera pas : l'ordonnance d'expropriation vaut par elle même titre d'expulsion. En conséquence lorsque l'administration aura versée l'indemnité elle n'aura pas à demander un titre d'expulsion particulier, pour obtenir le concours de la force publique pour expulser les occupants récalcitrants, résistants. En ce sens, CE 18 mai 90 Ville de Nice.

QPC du 20 septembre 2013 SCI de la Perrière Neuve et autres : les requérants concernés par un bail à construction attaquaient deux éléments :
ils estimaient que la procédure d'expropriation portait atteinte au droit au recours.
ils estimaient que la procédure portait atteinte au droit de propriété.

Ils ont attaqué les articles L12-1 et L12-2 sous ces 2 angles.
Le CC se simplifie la vie car il observe que des ..applicables à ces questions ne sont pas ces articles mais d'autres articles : il déclare les recours inopérants en se fondant sur la requête déficiente des justiciables.

F) Les recours contre l'ordonnance d'expropriation

Un pourvoi en cassation

L'ordonnance d'expropriation n'est pas susceptible d'appel mais seulement d'un pourvoi en Cassation. Seules peuvent saisir la Cour de Cassation les parties concernées. Autrement dit, l'administration expropriante et pas le préfet, ou bien le propriétaire contre lequel l'ordonnance a été prononcée.
Seuls les propriétaires ou leurs ayants droit et les titulaires de droits réels éteints peuvent se pourvoir en cassation. En revanche, les titulaires d'un bail, que ce soit un bail personnel ou avec droits réels, ne sont pas recevables en pourvoi à cassation.




Les moyens à l'appui du pourvoi

L'article L12-5 dit clairement que le pourvoi en Cassation n'est possible que si on invoque 3 moyens :
L'incompétence du juge d'expropriation, 2 hypothèses =
→ il n'était pas territorialement compétent
→ nomination ou désignation du juge était caduque ou illégale
L'hypothèse d'un vis de forme dans la procédure : certaines formalités obligatoires n'ont pas été respectées, notamment que le dossier n'était pas complet
L'excès de pouvoir : hypothèse où l'ordonnance d'expropriation a été adoptée malgré l'annulation antérieure de la DUP ou de l'arrêté de cessibilité.

L'arrêt rendu par la Cour de Cassation

En matière d'expropriation c'est la 3ème chambre civile qui est compétente. Une fois qu'elle est saisie, elle a plusieurs possibilités :
Soit le pourvoi est rejeté et l'ordonnance devient définitive
L'ordonnance attaquée est annulée et elle est réputée ne jamais être intervenu : la cassation prive rétroactivement l'expropriant de son titre de propriété. Cette décision toutefois n'a pas d'effets erga omnes mais uniquement entre les parties. Lorsqu'il y a cassation l'affaire sera renvoyée devant le juge d'expropriation d'un autre département, lequel se trouve pleinement et entièrement substitué dans les attributions du premier juge. Il n'y a pas de problème.

Les 2 phases administratives et judiciaires sont indépendantes l'une de l'autre, mais elles ne vivent pas au même rythme. Le juge d'expropriation n'a pas beaucoup le temps pour statuer, alors que le juge administratif lui, prend son temps : 1 an et plus.

Quelles sont les conséquences d'un recours au niveau de la phase administrative devant le juge administratif sur la procédure devant le juge de l'expropriation ?
Que va t-il se passer lorsque la CC est saisi d'un pourvoi contre l'ordonnance d'expropriation lorsque le juge administratif et lui aussi saisi contre un excès de pouvoir ou cessibilité ?

→  Le transfert de propriété n'est pas encore définitif car la cour de casation est saisie ou peut être saisie mais n'a pas encore statué. Dans ce cas la CC° doit prendre en compte l'annulation de la DUP ou de l'arrêté de cessibilité prononcé par le juge administratif, et devra à son tour annuler l'ordonnance d'expropriation.
Le problème c'est que le plus souvent au moment où la CC° est saisie, les juridictions administratives n'ont pas encore statuées. Dans ce cas, il est d'usage depuis 89 que la 3ème chambre civile sursoit à statuer jusqu'à la décision définitive du JA.  Cela permet dans cette hypothèse de garantir le respect des deux phases. Le but du jeu de la CC° est de patienter pour que l'ordonnance d'expropriation ne devienne pas définitive, et de statuer uniquement lorsque la phase administrative aura été validée ou invalidée.

→  Le transfert de propriété est devenu définitif, soit parce que la cour de cassation n'a pas été saisie par une des parties, soit parce qu'elle n'a pas patienté et à statué en cassation.
Ici, dans l'hypothèse on a une ordonnance d'expropriation définitive dans la phase judiciaire, mais qui potentiellement quelques mois plus tard va reposer sur une phase administrative débouchant sur la nullité de la DUP ou de l'arrêté de cessibilité.
Pendant longtemps la situation de l'exproprié devenait...: gain de cause devant le JA,  il ne peut plus contester l'ordonnance d'expropriation définitive.
Le JA ne peut plus rien faire parce qu'on est en présence d'une emprise irrégulière et il n'a pas compétence pour statuer. Au contraire, pour le juge judiciaire il n'y avait pas non plus grand chose à faire parce que l'ordonnance était devenue définitive.
La loi du 2 février 95 est venue améliorer la situation du contribuable en insérant un article L12-5 alinéa 2 : petite révolution. Au terme de cet article, en cas d'annulation de la DUP ou arrêté de cessibilité, tout exproprié pourra faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale. Peut importe que l'ordonnance soit définitive ou pas. L'article L12-5 al2 ouvre une nouvelle voie de droit permettant à l'exproprié de contester une ordonnance d'expropriation définitive mais privée de bas légale au niveau de la phase administrative.
Mais dès son adoption, toute la doctrine civiliste ou administrativiste s'est posée la question de l'efficacité de l'article au regard du principe de l'intangibilité de l'ouvrage public.

Il existe en France un adage selon lequel l'ouvrage public même mal planté ne se détruit pas. C'est plus qu'un adage, c'est un principe. Au vue de ce dernier, la jurisprudence judiciaire et administrative se refusait à enjoindre à l'administration de détruire un ouvrage public mal planté.
En d'autres termes, le juge judiciaire acceptait l'idée d'une expropriation indirecte. Cela veut dire que concrètement l'administration, sans respecter la moindre procédure, pouvait construire un ouvrage public sur un terrain privé, et une fois achevé, il ne pouvait plus être détruit sur injonction du juge judiciaire et administratif.
La Cour de Cassation en déduisait que le terrain privé avait été implicitement mais nécessairement exproprié, et indemnisait le propriétaire pour la perte de son terrain.
Mais en aucun cas la Cour de Cassation ne refusait le transfert de propriété.

La Cour de Cassation a renoncé dans un arrêt Consorts Baudon de Mony 6 janvier 94 à la théorie de l'expropriation indirecte : pour la Cour de Cassation, lorsque l'on est un présence d'une telle pratique le propriétaire du terrain reste propriétaire du terrain malgré la construction de l'ouvrage public : il n'y a plus transfert de propriété.

Le CE quant à lui, n'a pas réagit clairement à la disparition de la théorie de l'expropriation indirecte. Sa position était fragile.
La Cour de Cassation et le CE ont eu bcp de mal à justifier le principe d'intangibilité de l'ouvrage public. Pendant longtemps le juge administratif s'est refusé à enjoindre à l'administration dans toute matière.
C'est seulement avec la loi du 8 février 95 codifiée à l'article L911 du Code de justice administrative que le législateur reconnaît et oblige le JA à utiliser un pouvoir d'injonction pour garantir une bonne exécution de ces décisions de justice. L'argument essentiel du CE tombe.

Le TC a bien compris l'influence de cette révolution de 95. Il a combiné la jurisprudence de Mony et loi de 95 dans l'arrêt 6 mai 2002 Binet Contre EDF. Dans cet arrêt le TC reconnaît que le JA est compétent en matière de suppression ou de déplacement d'ouvrage public. En revanche, la CC° reste compétente lorsque l'ont est en présence d'une emprise qui n'est manifestement pas susceptible de se rattacher à un pouvoir de l'administration.
En d'autres termes, le TC reconnaît une compétence de principe au JA et une compétence résiduelle au JJ. Le TC invite le CE à renoncé à l'intangibilité.
La CC° réceptionne parfaitement la jurisprudence du TC et se reconnaît compétente lorsqu'il y a voie de fait ou emprise irrégulière sur l'indemnisation.
Le CE réceptionne aussi l'arrêt Binet mais à sa sauce, en le réinterprétant.
Le CE dans l'arrêt du 29 janvier 2003 Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes Maritimes et Commune de Clans met fin à priori au principe de l'intangibilité de l'ouvrage public. Il se reconnaît le pouvoir d'enjoindre à l'administration de détruire ou de déplacer des ouvrages publics achevés.  Mais à la fin du considérant il rappelle qu'il va contrôler si la démolition de l'ouvrage n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
Le CE dit qu'il est compétent à 2 niveaux :
ordonner la destruction d'un ouvrage public mal planté.
même si l'ouvrage public est illégal, il peut refuser sa destruction lorsque l'intérêt général l'exige.

Le CE va opérer un bilan de l'ouvrage public. Il va comparer les inconvénients liés à l'illégalité de l'ouvrage public par rapport aux avantages que présentent cet ouvrage public. Dès lors qu'il présente  un tel intérêt général, que sa démolition devient problématique, le juge va se refuser à ordonner la destruction de l'ouvrage.
Le CE a reçu l'invitation du TC à abandonner le principe d'intangibilité, mais cette renonciation n'est que partielle parce que le CE s'érige en protecteur des ouvrages publics d'intérêt général prééminent.
Dans l'arrêt Commune de Clans seuls les ouvrages d'intérêt général seront maintenus : la jurisprudence consécutive à commune de Clan montre que le CE est souvent très souples avec la notion d'intérêt général. L'arrêt Communauté de Commune de Canton de Saint Malot de la Lande dans lequel le CE estime qu'une cale d'accès à la mer présente un intérêt d'un tel que sa destruction serait excessivement dommageable. Très souvent le principe d'intangibilité bien qu'officiellement abandonné, continu à produire des effets. Le propriétaire se verra accorder des indemnités supplémentaires.
On pense que les choses ont changées, mais ce n'est pas le cas. La seule garantie est que la garantie dise qu'il y a voie de fait. Si c'est une emprise irrégulière, la CC° m'indemnisera mais il n'y a aura pas de transfert de propriété parce que le juge administratif reste incompétent.

Section 2 – La fixation de l'indemnité

§  1 – La tentative d'accord amiable

Concernant l'ordonnance d'expropriation il n'y a pas besoin de recherche d'accord amiable, au contraire concernant le fixation de l'indemnité l'art L13-2 prévoit impérativement une telle tentative de recherche d'un accord amiable. C'est une obligation.
L'expropriant doit notifier au propriétaire et usufruitier intéressé une offre d'indemnité. Si l'expropriant néglige de procéder à cette notification de son offre, tout intéressé peut à compter de l'arrêté de cessibilité mettre en demeure l'expropriant de procéder à cette offre.
Concernant uniquement la question de l'acceptation ou du refus de l'offre de l'administration, l'exproprié dispose selon art L1321 d'un délai d'1 mois à compter de la notification pour faire connaître soit son acceptation soit son refus.
Dans ce délai il peut présenter le montant détaillé de ses demandes, revendications. A défaut d'accord amiable dans le délai d'1 mois, le juge de l'expropriation pourra être saisi.

§ 2 – La procédure contentieuse

A) Les caractères de la procédure de fixation de l'indemnité

Ici le juge a un rôle central et une véritable marge de manœuvre.

La compétence du juge de l'expropriation

Le juge de l'expropriation est compétent uniquement pour trancher la question de la fixation de l'indemnité.
Lorsqu'il existent des contestations sérieuses sur le fond du droit ou sur la qualité des propriétaires, le juge de l'expropriation doit régler l'indemnité indépendamment de ces contestations et difficultés.
Il va se borner à déterminer le montant de l'indemnité et doit renvoyer les parties à se pourvoir devant la juridiction compétente pour trancher le reste du litige.


Le jugement en matière de fixation de l'indemnité doit distinguer, d'après art L1306, l 'indemnité principale et les indemnités accessoires.
De plus le juge doit préciser les bases sur lesquelles ces différentes indemnités sont versées. Il n'y aura jamais indemnisation forfaitaire.

Le juge ne peut pas statuer ultra petita, il doit donc statuer au vu des observations et des demandes des parties et du commissaire du gouvernement.
Excède ses pouvoirs le juge qui octroi une indemnité supérieure à celle que l'exproprié avait demandé ou ramène l'indemnité à un montant inférieur à celui proposé par l'expropriant. Art R1335.

Le rôle du commissaire du gouvernement

Premier constat – le commissaire du gouvernement auprès du juge de l'expropriation n'a aucune ressemblance avec l'ancien commissaire du gouvernement devant les juridictions administratives càd le rapporteur public.

Le commissaire du gouvernement est un agent des impôts, DGFIP, qui est un habitué des techniques d'évaluation et d'expertise immobilière. La finalité de ce commissaire du gouvernement est de vérifier que l'indemnité proposée par l'expropriant n'est pas excessive. Et c'est pourquoi le commissaire du gouvernement peut proposer un montant inférieur à celui proposé par l'expropriant.

A première vue , le commissaire du gouvernement est un conseil technique du juge, mais il est également partie au litige car le juge peut statuer dans les limites de ses conclusions.
Pendant longtemps la jurisprudence a estimé que le commissaire du gouvernement ne pouvait être considéré comme une partie au litige.
Toutefois la doctrine universitaire majoritaire rejetait cette approche car d'une part le juge ne statue pas ultra petita lorsqu'il suit les conclusions du commissaire du gouvernement alors même que son évaluation est inférieure à celle des parties. Et que d'autre part, le commissaire du gouvernement peut interjeter appel

Le problème est d'autant plus grave que le commissaire du gouvernement parlait en dernier lors de l'audience publique et que ni l'expropriant ni l'exproprié ne pouvaient répondre à ses observations.
→ Arrêt fondamental YVON / FRANCE 24 avril 2003 la CEDH juge que le commissaire du gouvernement par les avantages notables dont il bénéficie et par l'absence de contradictoire par rapport à ses observations, constitue une violation au principe d'égalité des armes.
La jurisprudence de la CEDH ne suscite aucune critique tant le poids du commissaire du gouvernement faussait l'équilibre des armes.
La cour de cassation 2 juillet 2003 MONZERIANT / département de la DROME a parfaitement réceptionnait la jurisprudence de la CEDH et a confirmé l'incompatibilité de la procédure française.
La mise en conformité est intervenue avec un décret du 13 mai 2005, ce décret s'efforce de rétablir l'équilibre des armes tout en laissant dans la procédure une place importante au commissaire du gouvernement.

Apports du décret =
→ art R13-7 est modifié, désormais la désignation du commissaire du gouvernement ne peut concerner des agents ayant donné un avis d'estimation préalable dans la procédure d'expropriation
→ Surtout il es prévu art R13-7 et R 13-32 que le commissaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de la contradictoire guidant le procès civil. Dès lors lorsque le commissaire notifie ses conclusions et donc son évaluation de l'immeuble, il doit le faire par lettre recommandée au moins 8 jours avant la visite des lieux par le juge. Les parties peuvent répondre à ses conclusions soit par écrit soit au jour de l'audience oralement.
→ Depuis la réforme le juge de l'expropriation peut faire appel à expert.


Question est de savoir si l'égalité des armes est vraiment garantie du fait de l'information complète dont dispose le commissaire du gouvernement en matière fiscale ?
En effet, contrairement à l'expropriant et à l'exproprié le commissaire du gouvernement parce qu'il appartient à l'administration fiscale a un accès privilégié aux fichiers immobiliers.
Or en y ayant accès est ce qu'on ne déséquilibre pas le contentieux ?
Le législateur s'est rendu compte du problème et par 2 lois du 13 juillet 2006 et 28 décembre 2011, a modifié l'art L 135 b) du LPF.
L'apport de cette réforme de l'art L 135b) est que l'administration fiscale transmet gratuitement à leur demande aux propriétaires faisant l'objet d'une procédure d'expropriation les éléments d'information qu'elle détient au sujet des valeurs foncières déclarées à l'occasion des mutations intervenues dans les 5 dernières années.
Ne prévoit pas une information spontanée, mais tout exproprié peut recevoir gratuitement les valeurs qui ont été déclarées fiscalement.

La cour de cassation dans plusieurs affaires sur L 135 b) a conclu à l'euro-compatibilité de la procédure, et de l'intervention du commissaire du gouvernement.

Restait une dernière question – est ce que l'art L135 b) est conforme à la Constitution ?
La cour de cassation était saisie d'une demande de QPC quant à la question de savoir si l'art L 135 b) était contraire ou non au principe d'égalité devant la loi et de séparation des pouvoirs.
La cour de cassation estime qu'en l'espèce il n'y aucun doute sérieux quant à la conformité à la Constitution. Et refuse de renvoyer au CC. La cour de cassation estime que dès lors que l'administration fiscale délivre sur demande et sans restriction les bases d'information nécessaires, les droits constitutionnels ne sont pas violés.

La procédure

La procédure dans un premier temps est contradictoire et écrite puis débouche sur une visite des lieux à expropriés à laquelle participe les parties et le commissaire du gouvernement.
Depuis le décret du 13 mai 2005 le juge de l'expropriation peut se faire assister d'un expert. C'est à l'issu de la visite sur les lieux que se déroule l'audience où chaque partie est entendue et fait valoir ses dernières prétentions.

C)La fixation de l'indemnité

Les principes applicables

Art L13-13 CE les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Ce préjudice doit avoir 3 caractéristiques =
Direct – question pure et simple de lien de causalité, le juge de l'expropriation ne peut indemniser un préjudice que s'il se rattache à l'expropriation par un lien étroit de causalité.
Matériel – on a vu que la Convention EDH évoque une indemnisation juste et préalable, est ce que L 13-13 est conforme à la CEDH en interdisant l'indemnisation du préjudice moral. Le CC précise qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que la collectivité expropriante soit tenue de réparer la douleur morale. DC QPC 2011, Jacques S.
La cour de cassation a adopté la même position dans une décision 16 mars 2011, Ferrara c/ Commune Saint-Martin d’Hérès, à propos de l'article 1 protocole 1. Elle estime que ce dernier n'est pas violé par la France qui ne méconnait pas le caractère juste de l'indemnisation en refusant d'indemniser le préjudice moral.
Certain – càd qu'il faut qu'on soit en présence d'un dommage qui bien que futur soit immédiatement susceptible d'évaluation. En revanche les préjudices liés au manque à gagner sont rarement indemnisés du fait de leur incertitude. Lorsque le préjudice de l'exproprié pré

Lorsque le préjudice de l'exproprié présente ces 3 caractéristiques il est intégralement indemnisé. L'art R13-6 garanti cette réparation intégrale par la division entre indemnité principale et accessoire. Le juge est tenu de distinguer ces 2 types d'indemnité.
L'indemnité principale correspond à la valeur du bien exproprié et jamais à la valeur du bien qui sera acquis en remplacement.
A coté de l'indemnité principale, on a une série d'indemnités accessoires dont une est automatiquement toujours délivrée – l'indemnité de remploi art R 13-46.
Elle couvre de manière forfaitaire les frais que le propriétaire aura a supporter à l'occasion du remploi de la somme allouée (frais de déménagement etc). Une seule hypothèse où elle n'est pas versée = lorsque le bien de l'exproprié était notoirement destiné à la vente dans les 6 mois précédents la DUP.

A coté de cette indemnité de remploi on a une série d'autres indemnités accessoires qui sont fonction des cas comme l'indemnité de clôture, indemnité pour perte de clientèle, trouble commercial etc.
Les règles techniques applicables

Pour guider le juge dans la fixation de l'indemnité principale, les articles L 13-14 à L 13-17 proposent toute une série de règles techniques concernant l'évaluation de l'immeuble exproprié.

a) La détermination de la consistance des biens expropriés

On tient compte de la consistance tant matérielle que juridique.
La consistance juridique est plus compliquée, cela revient à se poser la question de savoir si l'immeuble est libre d'occupation ou non, si le terrain est constructible ou non etc.

A quelle date on apprécie cette consistance du bien ?
Art L13-14 al 1er est très clair, la juridiction détermine la consistance du bien à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété, et non pas à la date de fixation de l'indemnité. Le fait générateur de l'indemnité c'est le transfert du bien, et c'est donc à cette date que l'on va apprécier le bien.
Art L13-14 al 2 pose toutefois une soupape de sécurité pour l'administration en cas de manœuvre frauduleuse du propriétaire, puisque toutes les améliorations, constructions et plantations faites après l'ouverture de l’enquête publique sont présumées frauduleuses.

b) Les règles d'évaluation des biens

Art L 13-15 prévoit que les biens sont estimés à la date de décision de première instance. Mais sera seul pris en compte l'usage effectif de l'immeuble 1 an avant l'ouverture de l’enquête publique.

L'ensemble des dispositions de l'art L 13-15 permettent aux autorités expropriantes de lutter contre d'éventuelles opérations spéculatives consistant pour un propriétaire à déménager et à mettre son bien en location.

c)L'existence de références subordonnant l'évaluation du juge

Art L 13-16 et L 13-17 viennent contraindre l'office du juge.

L'article L 13-16 prévoit que le juge doit tenir compte des accords réalisés à l'amiable entre l'expropriant et des propriétaires ou titulaires de droit réels situés dans le périmètre de la DUP.
Selon une jurisprudence constante, l'expression « tenir compte » ne prive pas le juge de son pouvoir d'appréciation, le juge n'est pas lié par ces accords amiables. Toutefois le même article précise que le juge doit prendre pour base ces accords lorsque conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les 2/3 au moins des superficies concernées ou à l'inverse lorsqu'ils ont été conclus avec les 2/3 au moins des propriétaires et qu'ils portent sur la moitié des superficies au moins.
Lorsque cette double majorité est atteinte, le juge doit prendre pour base les accords amiables.
Cela veut dire qu'en théorie le juge est lié par ces accords amiables, il n'a pas de marge de manœuvre. Là où le juge retrouve une marge d'appréciation c'est quant aux éléments de référence, en présence de biens comparables.
C'est le juge qui va définir quels sont les biens comparables.

Question de savoir si L 13-16 est compatible ou non avec l'art 6 § 1 CEDH dans la mesure où le juge est en partie subordonné. La cour de cassation arrêt 25 septembre 2002 consorts PETRINI estime que l'art L 13-16 ne pose aucun problème de compatibilité avec l'art 6 § 1 CEDH.

L'art L 13-17 CE dispose que le montant de l'indemnité proposé par l'administration et adopté par le juge, ne peut excéder l'estimation faite par le service des domaines ou celle résultant de la commission des opérations immobilières si une mutation à titre gratuit ou onéreux antérieure de moins de 5 ans à la date de décision portant transfert de propriété a donné lieu à une évaluation administrative rendue définitive.
Piège les contribuables qui ont sous estimé leur bien, les dissuade de tricher.
Ce texte est-il conforme à la CEDH ?
Ici le juge ne pourra pas fixer une indemnité qui contredit celle de l'administration fiscale. Dans une QPC 20 avril 2012 le CC est conscient de l'objectif de l'article L 13-17 de lutte contre la fraude fiscale, c'est pourquoi il a estimé que cet article est conforme à l'art 17 DDHC. Il va toutefois faire une réserve d'interprétation importante. L'art L 13-17 est conforme à la Constitution sous réserve de ne pas priver l'intéressé (donc le propriétaire) de la possibilité de faire la preuve que l'estimation de l'administration ne prend pas correctement en compte l'évolution du marché immobilier.
Concernant l'article 1 protocole 1 la cour de cassation a confirmé la compatibilité de l'art L 13-17 dans un arrêt 12 mars 2008 MARRO DREVON / Commune de Nice.

Tout ces dispositifs ont passé le cap de l'euro-compatibilité et de la constitutionnalité.

Section 3 – Le paiement de l'indemnité et la prise de possession

L'art 17 prévoit une indemnité juste et préalable, le caractère préalable de l'indemnité n'est pas respecté puisque l'ordonnance d'expropriation qui transfert la propriété est adoptée avant la fixation de l'indemnité. Pour sauver le dispositif il est prévu que la prise de possession du bien par l'administration n'intervient qu'après le paiement effectif de l'indemnité.

A) Le paiement de l'indemnité

L'article L 13-20 pose le principe de l'indemnisation en argent. Il y a des exceptions.

Les dérogations au principe de l'indemnisation en argent

Le code de l'expropriation prévoit dans certaines hypothèses des indemnisations en nature de l'exproprié. Cette indemnisation en nature peut résulter d'une convention amiable entre exproprié et expropriant, mais ce sera rarement le cas.
L'art L 13-20 al 2 et 3 prévoit indemnisation des commerçants, artisans et industriels en nature càd que l'administration peut faire une offre pour mettre un local à la personne exproprié. L'administration va proposer un local de remplacement à l'exproprié et assortir ce local d'une indemnité de déménagement.
Autre hypothèse, l'administration concernant les locataires peut parfois leur proposer des offres de relogement.
Dernière possibilité, s'agissant de la personne expropriée propriétaire dans le cadre de plan d'urbanisme il est possible de proposer de locaux d'habitation de même nature.

Le paiement de l'indemnité

A part ces exceptions l'indemnité est une somme d'argent. Lorsqu'une collectivité locale n'exécute pas son obligation de paiement, l'État ou son représentant le préfet, peut en application de la loi 16 juillet 1980 procéder au mandatement d'office du montant de l'indemnité.
Quand une administration ne paye pas immédiatement l'exproprié a droit au versement d’intérêts, il doit en faire la demande expresse par lettre RAR. Et les intérêts de retard ne seront dus qu'à compter du jour de la demande.
Enfin l'art L 13-28 prévoit la possibilité d'un versement d'acompte provisoire représentant 50% du montant des offres de l'expropriant.

La consignation de l'indemnité

Lorsqu'il y a un obstacle à ce que les intéressés perçoivent directement l'indemnité, l'expropriant peut prendre possession du bien et pour cela il lui suffit de consigner l'intégralité du montant de l'indemnité auprès de la caisse des baux et consignation.
L'art R13-65 prévoit toute une série de cas où ce paiement de l'indemnité peut se faire par consignation.

B) La prise de possession

Art 545 Cc et art 17 DDHC sont respectés dans leur esprit car l'administration ne peut pas prendre possession du bine avant le paiement de l'indemnité. En effet, art L 15-1 CE prévoit que l'administration prend possession dans le délai d'1 mois à compter du paiement ou de la consignation de l'indemnité.

Conséquences =
Tant que l'indemnité n'est pas versée l'ancien propriétaire est titulaire d'un droit de rétention càd qu'il peut continuer à jouir des biens expropriés tant que l'indemnité n'est pas payée
S'il est propriétaire et qu'il loue le bien, les baux cessent d'exister, donc il ne touche plus les loyers mais des redevances pour occupation.
L'expropriant engage sa responsabilité lorsqu'il prend possession du bien avant le versement de l'indemnité, en fonction des hypothèses cette prise de possession sera soit une voie de fait soit une emprise irrégulière.
A l'expiration du délai d1 mois qui suit le paiement ou la consignation le propriétaire (ou locataire) évincé pourra être expulsé des locaux.
Le CE estime que l'ordonnance d'expropriation vaut automatiquement titre d'expulsion. L'administration n'a pas a retourné devant le juge pour obtenir une ordonnance d'expulsion.

→ impression n°1


Section 4 – Les aléas de l'expropriation

A) Premier aléa – les accords amiables

D'après plusieurs auteurs dans 90% des cas le transfert de propriété donne lieu à un accord amiable. Ces accords mettent aussitôt fin à la procédure devant le juge de l'expropriation.

B) Deuxième aléa – la réquisition d'emprise totale

Art L 13-10 et L 13-11, lorsque l'expropriation ne porte que sur une portion d'immeuble bâti et que la partie restante n'est plus utilisable dans des conditions normales, l'exproprié peut demander au juge de prononcer l'emprise totale càd d'être exproprié pour la totalité de son bien.
Pour les terrains nus, l'emprise totale peut être demandée à une double condition =
la partie restante se trouve réduite au quart de la contenance initiale
la parcelle ainsi réduite soit inférieure à 10 ares

C) Troisième aléa – le droit de rétrocession article L 12-6

Exproprié en 2014 mais en 2020 rien n'est fait.
Si les immeubles expropriés n'ont pas reçu dans le délai de 5 ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de 30 ans à compter de l'ordonnance d'expropriation.
Cela signifie que l'expropriant est non seulement obligé de donner au bien dans les 5 ans l'affectation prévue par la DUP mais doit aussi maintenir cette affectation pendant 30 ans.

Observations =
seuls peuvent demander la rétrocession les anciens propriétaires ou leurs ayant droit à titre universel (locataires sont exclus)
tous les immeubles bâtis ou non sont susceptibles de rétrocession
l'article vise les biens expropriés, mais la jurisprudence observe que le droit de rétrocession peut également s'exercer sur des immeubles ayant fait l'objet d'une cession amiable consentie après une DUP
le droit de demander la rétrocession s'exerce pendant le délai de 30 ans

Le contentieux du droit de rétrocession est éclaté entre 3 juges, le contentieux ressort en principe au juge de droit commun. Mais à défaut d'accord amiable sur le prix de rétrocession c'est le juge de l'expropriation qui est compétent.
Enfin, la question de savoir si les terrains ou immeubles expropriés ont reçu la destination prévue par la DUP relève de la compétence du juge administratif. CE 16 décembre 1960 Ville de Brest.

→ Un ancien propriétaire saisi le TGI, s'il y a difficulté à identifier la destination de ce bien le TGI sursoit à statuer et renvoi au TA, et s'il y a difficulté quant au prix de rétrocession on renvoi au juge de l'expropriation.

Effets de la rétrocession =
Ce n'est pas une résolution de l'expropriation, c'est une nouvelle cession à l'ancien propriétaire du bien. Cela veut dire que la valeur du bien sera estimés par rapport à sa consistance actuelle et non suivant la destination éventuelle du bien prévue par l'ancien propriétaire. Ce n'est pas forcément une bonne affaire.

L'administration a plusieurs moyens pour faire obstacle à la rétrocession =
L'administration peut se dépêcher de construire un ouvrage public important non vu par la DUP et le juge administratif ou judiciaire va probablement refusé ensuite d'ordonner la destruction de ce bien.
L'administration peut revendre le bien à un tiers de bonne foi, dans ce cas le droit de rétrocession n'est pas possible. Dans cette hypothèse la seule chose que peut obtenir le propriétaire initial est une indemnité, des D&I.
L'administration peut s'opposer à la rétrocession en demandant une nouvelle DUP, càd que si l'exproprié constate que les biens n'ont pas reçu leur destination initiale et lance une procédure de rétrocession, l'administration pourra le contrer en faisant une nouvelle DUP prévoyant une nouvelle destination pour le bien. Le juge se montre en général favorable à ces DUP de régularisation.
Cette question a suscité une QPC décision 15 février 2013 – le CC a été saisi de la question de savoir si l'art L 12-6 n'est pas contrarie à l'art 17 DDHC dans la mesure où il permet à l'administration de s'opposer à la rétrocession par l'adoption d'une nouvelle DUP.
Le CC estime qu'il n'y a pas de violation de l'article 17 car si le droit de rétrocession existe c'est parce que la loi le prévoit et qu'elle peut en restreindre son dispositif.





















2ème PARTIE – Le domaine public


Le domaine public est au centre du droit administratif historiquement car les grands auteurs du DA ont commencé leurs œuvres par des rédactions domaniales. Le domaine public est actuellement une question centrale car l'idée est de resserrer les propriétés publiques autour d'un noyau dur.
Qu'est ce que le domaine public ?

Le domaine public existe depuis toujours dans le droit, à Rome distinction entre domaine privé et public. Cette division reposait sur l'idée d'affectation à l'utilité publique. A la chute de l'Empire romain cette idée de division entre 2 domaines a été repris par l’Église – droit canon – en disant que les biens de l’Église affectés à la subsistance des ministres du culte sont placés hors du commerce, sont inaliénables, imprescriptibles.
Au début de la monarchie moderne, les jurisconsultes français ont retrouvé cet héritage du droit canon et romain.
Le texte de base est l'ordonnance de MOULINS du 13 mai 1566 qui prévoit clairement que le domaine de la couronne ne peut être aliéné sauf 2 hypothèses = financement de la guerre et les apanages.
L'ordonnance de MOULINS de 1566 pose un problème par rapport au droit actuel, cette ordonnance est le texte qui pose en droit français le caractère inaliénable du domaine public, mais à l'époque ce domaine de la couronne n'est pas caractérisé par son affectation. On déclare le domaine de la couronne inaliénable pour éviter que les rois de France le brade. C'est pourquoi on adopte un principe – les monarques ne sont pas propriétaires du domaine de la couronne ils ont simplement un droit de garde sur le domaine.
A la Révolution tout change, on a besoin d'argent et les révolutionnaires renoncent au principe d'inaliénabilité. C'est la loi des 22 novembre et 1er décembre 1790. La seule exception que fait cette loi sont les chemins publics etc, donc les biens affectés à l'usage direct du public.
Le Code civil de 1804 article 538 reprend cette logique républicaine, révolutionnaire. A ce moment là la distinction domaine privé et domaine public n'existe pas encore, les articles parlent du domaine public et du domaine de l'État, ce qui n'apparait pas non plus c'est la notion d'affectation à l'utilité publique.


TITRE I – La définition et la consistance du domaine public

Section préliminaire – Les théories doctrinales

§ 1 – Les thèses restrictives

Dans son « Traité du domaine public » 1833 Victor PROUDHON se fonde sur le Cc pour distinguer un domaine public et un domaine privé. Pour lui, les biens du domaine public sont insusceptibles de toute propriété, et surtout de propriété privée.Il estime que les biens affectés à l'usage de tous ne peuvent être la propriété d'une personne et pas même de l'ensemble de la collectivité.
Il développe une école qui est dominante jusqu'à la fin du XIX e et qui va influer le droit positif.
Cette école proudhonienne est anti-propriétariste. L'idée d'affectation à l'utilité publique est secondaire, c'est pourquoi la critique est faite par Léon DUGUIT : il va dire que la théorie repose sur des bases fragiles car PROUDHON cherche le fondement du domaine public dans le Cc.
Le fondement n'est pas à rechercher dans la loi civile mais dans l'idée d'affectation.

§ 2 – Les thèses extensives

2 discussions qui se sont mises en parallèle, la première question est de savoir si le domaine public peut être un objet de propriété. A la fin XIXe et début du XX e, une grande partie de la doctrine estime que l'administration n'est pas propriétaire de son domaine public, et qu'elle n'a que la garde, la jouissance et la surintendance de son domaine public.
C'est Maurice HAURIOU qui va clairement affirmer que le domaine public est un objet de propriété. Il se fonde sur les écrits d'AUBRY et RAU pour démontrer sa thèse propriétariste.
La doctrine va reprendre cette idée de propriété.
Au contraire les disciples d'HAURIOU vont tout de suite reconnaître que le domaine public est un objet de propriété.

L'autre débat est de savoir comment distinguer le domaine public du domaine privé. A compter de PROUDHON tout le monde est d'accord que l'affectation doit jouer un rôle plus ou moins central. Proudhon a une vision restrictive du domaine public, c'est pourquoi pour lui le domaine public doit se limiter aux seuls biens qui sont affectés à l'usage direct et immédiat du domaine public. A contrario les biens affectés à un service public ne sont pas compris dans le domaine public.
C'est HAURIOU et DUGUIT qui vont faire sortir l'affectation publique de ce carcan, restriction.
Léon DUGUIT c'est l'école du service public, il estime que les biens affectés à un SP doivent bénéficier de la protection du domaine public. Il va dire que le degré de protection dépend du caractère du bien, il reconnaît une échelle de domanialité.
Maurice HAURIOU se veut beaucoup plus proche du droit positif. Il constate que dès la fin du XIX e certains bâtiments publics affectés à un SP sont classés dans le domaine public par intervention du législateur. Il cite le cas des Églises avant 1905.
Pour HAURIOU l'idée c'est que les biens doivent être incorporés au domaine public lorsqu'ils ont une affectation au domaine public, donc soit à l'usage du public soit l'affectation à un SP.
Cette position présente un danger, pour HAURIOU tout bien affecté à un SP serait incorporé au domaine public or certains biens ne méritent aucune protection.
La doctrine est convaincue qu'il faut intégrer au domaine public les biens affectés à un SP mais pas tous les biens, seulement les biens essentiels.

HAURIOU propose un critère réducteur à savoir l'affectation formelle. Les biens affectés à un SP sont incorporés au domaine public à condition que l'administration adopte un acte formel de classement.
Ce critère du classement formel a été rejeté par la doctrine et le juge. Cela veut dire qu'un bien peut être incorporé au domaine public sans la moindre mesure expresse de classement.

Gaston GESE, pour lui ne font partis du domaine public que les biens affectés directement et spécialement à un SP. Théorie séduisante mais source de complications pratiques c'est pourquoi le juge ne l'a pas adopté.

Roger LATOURNERIE propose un nouveau critère réducteur en disant que seuls sont incorporés au domaine public les biens qui sont l'objet même du SP. Là encore ce n'est pas praticable au contentieux.

Marcel WALLINE il va trouver le bon critère, pour lui le bien affecté à un SP doit être incorporé au domaine public lorsqu'il présente un caractère indispensable ou irremplaçable. Il est conscient que le caractère indispensable et irremplaçable est subjectif, il va dire que pour identifier ce caractère on fait appel à la notion d'aménagement spécial.  
Si on résume WALLINE le bien affecté à un SP ne sera incorporé au domaine public qu'à la condition de faire l'objet d'un aménagement spécial.

Chapitre I – La notion de domaine public

Actuellement il n'y a plus de débat quant à l'existence d'un domaine public mobilier, le juge administratif et judiciaire a reconnu dans les années 60 l'existence d'un domaine public mobilier.
Arrêt cour de cassation 2 avril 1963 Montagne / Réunion des musées de France, la cour reconnaît que des biens meubles peuvent être incorporés au domaine public parce qu'ils sont irremplaçables ou difficilement remplaçable, l'exemple sont les œuvres d'art des musées nationaux. Le législateur confirme l'existence de ce domaine public mobilier, par exemple dès 1913 le législateur a rappelé que les livres des bibliothèques publiques sont classés dans le domaine public.
Le code général de la propriété des personnes publiques de 2006 donne une énumération des biens qui sont incorporés au domaine public mobilier, art L 2212-1.

Section préliminaire – L'existence de deux définitions concurrentes dans le temps du domaine public

Une avant et une après 2006.
Art L 2111-1 CGPPP prévoit qu'entrent dans le domaine public d'une personnes publique les biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un SP pourvu que dans ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable.

Le CGPPP reprend la distinction domaine public / domaine privé et adopte une définition qui ressemble largement à l'ancienne définition jurisprudentielle. Cette nouvelle définition se veut plus restrictive que l'ancienne définition jurisprudentielle.
En effet, depuis un arrêt Société de Béton de 1956, la jurisprudence estimait qu'été incorporés au domaine public les biens affectés à un SP sous réserve de faire l'objet d'un aménagement spécial. Le législateur passe de l'aménagement spécial à l'aménagement indispensable, c'est fondamental. Décalage des définitions.
La loi fait une erreur grave, elle oublie de trancher les conflits de loi dans le temps.

Est ce qu'un bien existant en 2006 qui fait l'objet d'un aménagement spécial mais non indispensable est-il déclassé du domaine public au domaine privé ?
Les juges ont eu des réponses variables. Dans un premier temps la doctrine et de nombreuses juridictions ont estimé que le CGPPP en adoptant une définition plus restrictive avait vocation a se substituer à la jurisprudence antérieure.
CA Nancy 2009 Communauté des communes de la station des Rousses, CA Marseille 2012 société TDF.
Pour ces juridictions et la doctrine bien que le code soit silencieux sur les effets de son entrée en vigueur il doit être interprété comme entrainant déclassement des parcelles du domaine public qui ne répondent plus à la nouvelle définition.
La solution est d'autant plus logique que le but du législateur est de restreindre le domaine public.

D'autres juridictions ont adopté des solutions plus nuancées, CA Lyon 2008 société Boucherie André / Réseau ferré de France. La cour estime que le critère de l'aménagement indispensable n'a vocation qu'a s'appliquer aux situations futures.
Pour la cour l'aménagement spécial reste valable pour les biens incorporés au domaine public avant 2006.

Le Conseil d’État a répondu en deux ou trois temps.
Arrêt 2009 Société Brasserie du Théâtre, le CE s'oppose à la rétroactivité des dispositions du CGPPP à l'occasion d'un litige né avant l'entrée en vigueur du code.
Assemblée générale avis 2012, fait application du CGPPP à des biens qui antérieurement étaient déjà incorporés au domaine public. Ici les sections administratives estiment que la domanialité publique d'un bien existant déjà en 1930 doit être examiné par rapport à l'article 2111-1 CGPPP.

CE 2012, Commune de Port Vendres : pour les biens entrés dans le DP avant 2006, sous l’empire des critères jurisprudentiels, on continue à faire référence au critère de l’aménagement spécial.

Arrêt confirmé par CE, 2013, Asso ATLARL : convention de 2005 recours aux anciens critères jurisprudentiels.

2 remarques :
Au regard de la sécurité juridique, on comprend la position du CE : pas de rétroactivité de la définition pour un bien incorporé avant 2006.
La volonté de l’ordonnance était de diminuer la consistance du DP, « lutter contre l’hypertrophie pathologique du DP et notamment revenir à un noyau dur. A-t-elle vraiment gagné dans la mesure où les justiciables sont confrontés à deux définitions du DP ?

Section 1 : la notion de DP issue de la jp traditionnelle

Cf cours écrit

Arrêt commune de Douai.
CE 2013 ministre du budget des comptes publics et de la fonction publique relatif à la question de la taxe foncière concernant les biens construit par un concessionnaire. Question de savoir qui du concédant ou du concessionnaire devait acquitter la taxe foncière, étant précisé que la taxe frappe le propriétaire de l'immeuble au 1er janvier.
En l'espèce on était en présence d'un contrat conclu en 1972 càd bien avant toutes les lois qui ont créé les droits réels administratifs ou les baux emphytéotiques administratifs.
Le CE va appliquer sa jurisprudence commune de Douai par rapport à ces faits antérieurs. Il en déduit que dans la mesure où aucun texte n'autorisait la création de droits réels sur le domaine public, les biens de retour de la concession ne peuvent être que la propriété de l'autorité publique concédante.
La solution de cet arrêt dépasse le cadre fiscal car il résulte implicitement de la solution adoptée que l'arrêt commune de Douai vaut pour toutes les conventions conclues même à une époque où le législateur n'était pas encore intervenu.



C) Domaine public et copropriété

La domanialité publique est exclusive de toute appropriation privée, cela signifie que le juge dans un arrêt CE 1965 société lyonnaise des eaux et de l'éclairage précise que pour qu'il y ait domaine public il faut une propriété publique exclusive, ce qui exclu les hypothèses de démembrement de propriété mais également la mitoyenneté et l'indivision.
Le problème concerne surtout la question de la copropriété, il est clair qu'entre le droit de la copropriété et le droit domanial il y a incompatibilité. Quel droit va l'emporter ?
Traditionnellement, on estimait qu'au nom de l'intérêt général le droit domanial l'emportait sur le droit de la copropriété.
Le CE en 1994 va rendre une décision fondamentale Compagnie d'assurance réservatrice foncière, où il inverse cette philosophie, il constate l'incompatibilité entre les 2 régimes. Par exemple les murs sont mitoyens, autre exemple d'incompatibilité c'est que la copropriété dispose d'une hypothèque légale contre les copropriétaires défaillants. Ou encore dans une copropriété chaque copropriétaire ne peut pas changer librement l'affectation de ses lots, alors que l'administration dispose de ce pouvoir au nom du principe de mutabilité du service public.
→ Après avoir dressé ce constat d'incompatibilité des deux régimes, le CE estime qu'un immeuble détenu en copropriété ne peut jamais être incorporé au domaine public.
C'est une petite révolution, pour la première fois depuis des décennies, met un frein à l'extension du domaine public.
Le CE adopte cette solution dans un soucis de sécurité juridique des copropriétaires personnes privées.

Cour de cassation 25 février 2009, dans cet arrêt on était en présence d'un immeuble qui appartenait depuis longtemps au domaine public, mais qui suite à certaines cessions, aliénations consécutives à une division en volume, avait été partagé ente plusieurs propriétaires.
La cour de cassation va rendre un arrêt intéressant, elle va dire que l'adoption d'un règlement de copropriété n'a pas pour vocation/effet, de faire sortir le bien du domaine public.
Un règlement de copropriété est un acte de droit privé et ne peut l'emporter sur une disposition législative. C'est pourquoi lorsque le bien est déjà incorporé au domaine public, on ne peut pas simplement adopter un règlement de copropriété pour en obtenir le déclassement.

Les mêmes règles jurisprudentielles valent aussi pour l'indivision.

§ 2 – Les critères jurisprudentiels

L'idée est simple, pour qu'il y ait domaine public il faut affectation à une utilité publique et parfois seulement exigence du critère secondaire de l'aménagement spécial.
Arrêt CE 28 juin 1935 dit Marécar.

A) Le critère principal de l'affectation à l'utilité publique

L'utilité publique prend 2 formes, soit l'affectation à l'usage direct du public, soit l'affectation à un service public. Cette distinction n'est pas que théorique puisque l'existence d'un aménagement spécial ou maintenant indispensable ne vaut que pour les seuls biens affectés à un service public.
Intellectuellement la distinction est facile à faire, il y a usage direct lorsque l'usager veut bénéficier du bien pour lui même, sans avoir à bénéficier de prestations de services.
Mais en jurisprudence il y a parfois des hypothèses frontières =
Arrêt CE 1959 Sieur DAUPHIN – on est confronté à une promenade publique à Arles, pourtant le CE estime que cette promenade publique n'est pas affectée à l'usage du public mais à un service public culturel et touristique.
Arrêt CE MICHAUD 22 avril 1977 – le CE estime que les halles et marchés font partis du domaine public parce qu'ils sont affectés au service public de l'organisation de l'approvisionnement et de l'alimentation.
Arrêt CE dit Marécar 1935 – le CE pendant une trentaine d'années hésite quand à la question de savoir si les cimetières sont affectés à un service public ou à l'usage direct du public. C'est seulement dans cet arrêt que le CE tranche en disant que les cimetières sont affectés à l'usage direct du public.

Distinction parfois compliquée mais fondamentale.

L'affectation à l'usage direct du public

Il n'a jamais été contesté en jurisprudence depuis 1833 que les biens affectés à l'usage direct du public sont incorporés au domaine public dès lors qu'il y a propriété publique.
L’arrêt Marécar de 1935 est présenté comme l'arrêt de principe, son intérêt est double =
il tranche la question des cimetières
il y a les conclusions de Robert LATOURNERIE dans lesquelles il propose d'incorporer au domaine public les biens affectés à un service public, le CE ne suit pas ces conclusions, c'est pour cela que l'arrêt est connu.

Mais qu'est ce que cet usage direct du public ?
Première observation – l'affectation à l'usage du public doit être direct càd que les particuliers doivent utiliser sans aucun intermédiaire les édifices et terrains publics. Cela permet d'englober dans le domaine public les voies publiques, les cimetières mais aussi les édifices de culte.

Deuxième observation – il faut que ce l'affectation soit directe, arrêt 1990 Association Saint Pie V et Saint Pie X de l'Orléanais, le CE estime que la domanialité publique doit être écartée lorsque l'usage du bien par le public est la conséquence indirecte ou accessoire d'une location. En l'espèce, c'est l'association de droit privé qui est affectée et pas la commune.

Troisième observation – on estimait traditionnellement qu'il y avait usage direct quand usage commun et anonyme par les administrés, il fallait une situation collective bénéficiant à tous les administrés. La jurisprudence Marécar a nuancé les choses car s'agissant des cimetières il y a bien affectation à l'usage direct du public, mais il n'est pas collectif ni anonyme mais personnel.

Le droit pendant longtemps se voulait simple, dès lors affectation à l'usage direct du public le bien était aussitôt incorporé au domaine public, mais à compter des années 60' le CE va de plus en plus souvent rechercher l'aménagement spécial alors même que le bien est affecté à l'usage de tous et pas à un service public.
Point de départ, arrêt 1960 BERTHIER, le CE depuis les années 20 a un problème par rapport aux promenades publiques et parcs publics, faut-il ou non les intégrer au domaine public ?
Pendant une quarantaine d'années la jurisprudence est flottante. En 1959 dans l'arrêt DAUPHIN le CE triche et pour ne pas statuer crée un service public et recherche l'aménagement spécial.
Dans BERTHIER le CE va estimer que les parcs publics et les promenades publiques sont intégrés au domaine public parce qu'affectés à l'usage du public et aménagés à cette fin. Cela signifie que l'aménagement spécial qui à la base concernait les seuls biens affectés à un service public, est désormais aussi utilisé pour les biens affectés à l'usage de tous.
Autrement dit lorsqu'il y a un doute dans l'esprit du juge, celui-ci va utiliser l'aménagement spécial pour lever ce doute. C'est grâce à ce critère secondaire que le juge a reconnu que sont incorporés au domaine public les parcs de stationnement, les plages publiques en dehors du rivage ou encore les fontaines publiques etc.

L'aménagement spécial ne sert pas d'élément réducteur mais d'indice pour découvrir des parcelles domaniales.

L'affectation à un service public

Dès le début du XXe, DUGUIT et HAURIOU sont favorables à incorporer au domaine public les parcelles ou les biens publics affectés à un service public. En 1947 dans les travaux de la commission de réforme du Code civil WALLINE propose la même solution avec l'idée d'aménagement spécial comme élément réducteur.

La cour de cassation en 1953 fait référence à cet aménagement spécial mais n'en tire aucune conséquence. Le revirement se fait en 1956 CE Société Le Béton.
En l'espèce on était en présence de terrains dépendants d'un port donné en location à des entreprises privées. Il est clair que ces terrains n'étaient pas affectés à l'usage du public, mais affectés au service public portuaire. Dès lors, le CE va estimer que ces parcelles sont incorporées au domaine public parce qu'elles sont adaptées, l'aménagement spécial figure dans l'analyse du CE. En l'espèce, l'aménagement spécial est relativement léger, puisqu'il consiste en des travaux de viabilisation et de raccordement. Pourtant le CE estime qu'il y a domaine public.
A partir de ce moment là, le domaine public peut enfin prendre son essor, cet arrêt signifie que tous les bâtiments publics affectés à un service public sont incorporés au domaine public dès lors qu'ils font l'objet d'un aménagement spécial.

Dans les années 60/70 le domaine public va connaître une extension phénoménale.

Arrêt Sieur Dauphin de 1959 le CE va directement rechercher l'aménagement spécial et pas l'adaptation.

En 1966 SANVENOIR estime « que la notion d'aménagement spécial joue un rôle de plus en plus inutile elle devient de plus ne plus une notion spécieuse »
10 ans après sa reconnaissance par le juge l'aménagement spécial n'a pas joué son rôle réducteur, et toute la doctrine est d'accord sur ce point.

Comment un concept intellectuellement aussi séduisant n'ait pas réussi dans sa vocation première ?
Plusieurs explications =
→ Le juge n'a jamais défini ce qu'est l'aménagement spécial, cette absence de définition est volontaire car permet de conserver une grande latitude d'action.

Certains auteurs ont proposé de considérer l'aménagement spécial comme étant nécessairement le résultat de travaux publics ou des ouvrages publics.
Cette doctrine forte dans les années 50/60 car l'aménagement spécial serait défini par rapport à la notion d'ouvrage ou de travaux publics qui sont des notions biens cernées par la jurisprudence. Mais cette théorie d'assimilation est certes séduisante mais le CE l'a toujours rejetée : le juge ne veut pas se lier en renvoyant à des concepts précis.

La doctrine majoritaire dès 1956 estimait que l'aménagement spécial doit au moins se caractériser par des installations matérielles d'une certaine importance et ayant un lien étroit avec le service public.
Seuls des éléments physiques tangibles sont de nature à pouvoir démontrer qu'un bien public est affecté à un service public soit en raison de son adaptation à l'activité, soit en raison de son caractère irremplaçable.
L'avantage de cette exigence d'un aménagement matériel/tangible est de faciliter l'identification de l'aménagement spécial, donc dans un soucis de sécurité juridique.
Mais le CE dès l'arrêt DAUPHIN en 1959 apporte une réponse négative à cette exigence puisque la simple pose d'une chaine entre 2 plots est jugée suffisante pour caractériser l'aménagement spécial.

L'aménagement spécial est une notion qui pour WALLINE se voulait objective, alors que le juge en a fait une notion qui est subjective, qui dépend de sa volonté d'incorporer ou non.

La dénaturation de l'aménagement spécial

En 1959 dans DAUPHIN le commissaire du gouvernement estime que l'aménagement spécial exige encore un aménagement matériel même sommaire. Très rapidement le CE va s'émanciper de cette exigence d'aménagement matériel, et donc il va doublement dénaturer l'aménagement spécial = de son contenu et de son rôle.

S'agissant de la dénaturation de son contenu – arrêt CE 3 mars 1978 LECOQ, va dire « rien ne ressemble autant aux bâtiments d'une école publique que ceux d'une école privée, rien n'évoque tant un hôpital public qu'une clinique privée ». La notion d'aménagement n'implique pas une sorte de spécificité. Cela signifie que pratiquement tout aménagement sera considéré comme spécial et suffisant s'il a été réalisé dans le but de satisfaire à l'activité de service public.
Le juge va commencer à se passer de tout ce qui est tangible/matériel.
CE 5 février 1965 Société Lyonnaise des transports, il reprend arrêt Ville de Saint-Ouen le CE reconnaît l'aménagement spécial tenant à la situation exceptionnelle du bien. Le CE était saisi d'une question relative à la domanialité publique d'un garage installé sur un terrain appartenant à la SNCF. Le CE estime que le garage était à proximité immédiate de la gare et offrait ainsi des commodités particulières aux voyageurs, de ce fait il est spécialement aménagé.
Dans l'arrêt 6 mars 1961 Ville de Saint-Ouen le CE avait jugé qu'un dépôt d'autobus faisait parti du domaine public du fait de son emplacement et de ses dimensions spécialement adaptées.
Prive de tout élément matériel, la situation suffit.

Arrêt 30 mai 1975 Dame GOZZOLI, le CE estime qu'une plage ne faisant pas partie du domaine public maritime doit être incorporé au domaine public communal, dans la mesure où elle est affectée à l'usage du public et fait l'objet d'un contrat d'entretien dans des conditions telles qu'elle doit être regardée comme bénéficiant d'un aménagement spécial. Le commissaire du gouvernement disait qu'il n'y avait pas besoin de rechercher l'aménagement spécial si on part du principe qu'il y a affectation à l'usage direct du public.
Le CE reconnaît un aménagement spécial dit matériel pour justifier l'incorporation au domaine public.
Arrêt 7 décembre 1984 DE LA PIERRE le CE reprend le même raisonnement.

S'agissant de la dénaturation du rôle de l'aménagement spécial – l'aménagement spécial a été conçu comme élément réducteur pour empêcher que les biens affectés à un SP soient tous incorporés au domaine public. Le juge dans certains arrêts va se fonder essentiellement sur l'aménagement spécial pour en déduire l'affectation publique et ensuite l'incorporation au domaine public.
La doctrine constate entre l'arrêt Le Béton et le début des années 90, que presque tous les arrêts font référence à l'aménagement spécial et que souvent cet aménagement spécial sera le premier élément que le juge va rechercher avant même le critère principal de l'affectation.
Pour une partie de la doctrine qui a tort, l'aménagement spécial est devenu le critère principal. S'en est servi pour augmenter le champ de la domanialité publique.

La section du rapport et des études du CE produit un rapport fondamental sur l'orientation des propriétés publiques en 1986. Dans ce rapport il est clairement affirmé qu'il faut revenir à un noyau dur de la domanialité publique et mettre fin à son hypertrophie pathologique. Pour les auteurs du rapport il faut resserrer la notion d'aménagement spécial.
La section du contentieux après le rapport ne réagit pas et maintien une vision large de l'aménagement spécial.

Conclusion, à défaut pour le juge d'intervenir et de réformer sa jurisprudence, c'est l'ordonnance d'avril 2006 qui a remplacé l'aménagement spécial par l'aménagement indispensable dans le code général de la propriété des personnes publiques.

Peut-on modifier par ordonnance le droit applicable ?
Une ordonnance a valeur règlementaire, le pouvoir règlementaire ne peut pas modifier le droit applicable.

C) La théorie de l'accessoire

Elle constitue la principale dérogation jurisprudentielle au critère traditionnel de la domanialité publique. La théorie de l'accessoire est une ancienne théorie dont l'existence n'a jamais été contestée par la doctrine.
La théorie signifie que des biens publics non affectés, non aménagés sont incorporés au domaine public parce qu'ils sont l'accessoire indispensable de dépendances principales du domaine public.
Ne pas confondre avec l'accession.

Le problème que cette théorie c'est que le juge administratif n'emploie pas un vocabulaire unique, il évoque parfois des dépendances immédiates, des accessoires indispensables, des biens indissociables, ou encore des dépendances nécessaires.
Ce vocabulaire fluctuant pose la question de savoir comment conçoit-on l'accessoire ?
2 façons de le concevoir =
en se fondant sur un critère fonctionnel – sont incorporés au domaine public les biens annexes, accessoires qui sont utiles à l'affectation ou qui sont nécessaires à la conservation du bien
en se fondant sur un critère matériel/physique – l'accessoire permettrait d'incorporer au domaine public des biens qui sont juxtaposés ou superposés au domaine public

L'accessoire fonctionnel – une application logique de la théorie

La théorie de l'accessoire n'est pas une création récente, elle remonte déjà au XIX e. a L'origine cette théorie a permis d'incorporer au domaine public les éléments annexes des voies publiques tels que les poteaux indicateurs, panneaux de signalisation, et les arbres plantés le long des routes etc.
L'essor du contentieux s'est développé à propose des galeries souterraines et des mirs de soutènement, le CE dans un arrêt 1969 Dame FEVRIER et GATELET estime que des murs de soutènement n'appartiennent pas au domaine public lorsqu'ils sont simplement contigus à la voirie et qui ne sont pas nécessaires à la sécurité des usagers.
« La théorie de l'accessoire ne saurait jouer que lorsqu'il existe une relation minimum d'objet et d'utilité entre la dépendance domaniale et l'élément auquel il s'agit d'étendre la domanialité »
Benoit de Saint Marc - Si l'idée d'utilité, de fonctionnalité n'est pas toujours explicitée, elle est toujours sous-jacente dans les arrêts.
Le CE a étendu sa position dans un arrêt 1971 Sieur VERICEL et autres, le CE décide que des galeries souterraines situées dans le sous sol des voies publiques ne sont en rien, compte tenu de leur profondeur et de leur destination, des accessoires de ces voies publiques. Le CE confirme ici la position qu'il avait adopté dans l'arrêt 1964 Sieur CHERVET.

L'accessoire matériel

Dans les années 70 le CE a renoncé à sa vision purement fonctionnelle de l'accessoire.
Arrêt 14 juin 1972 Sieur EIDEL, le CE se fonde sur la seule proximité physique d'un bien situé dans un ensemble plus vaste pour reconnaître que sont incorporés au domaine public des ouvrages d'art divers édifiés dans des parcs et promenades publics.
Arrêt GAUTRON 28 mai 1971, le CE reconnaît que les canalisations ou conduites insérées dans le sous sol des voies publiques sont incorporées au domaine public.
Arrêt 28 janvier 1970 Consorts PHILIP BINGISSER, le CE consacre la domanialité d'une dalle servant d'assise à des immeubles privés au seul motif que cette dalle surplombe une voûte qui recouvre elle même un canal servant de collecteur d'égout. Le juge invoque comme argument l'indissociabilité architecturale de la voûte et de la dalle. Il ne tient pas compte du fait que l dalle avait été réalisée dans le seul but de permettre la réalisation d'ouvrages privés.

A entrainé de nombreuses dérives et a permis au juge de développer l'idée voire une théorie de la domanialité publique globale. Dans cette théorie, un ensemble immobilier homogène propriété publique, prioritairement affecté à l'utilité publique, fait intégralement parti du domaine public sans qu'il y ait lieu de dissocier le statu de l'élément principal par rapport aux lots ou volumes annexes.
Tendance du juge qui conduit le CE a incorporer au domaine public certains bâtiments ou ouvrages publics annexes sans faire allusion à la notion d'accessoire. C'est notamment le cas de plusieurs affaires relatives à des locaux ou à des logements de fonction situés dans des bâtiments municipaux ou 'autres collectivités locales. CE 11 mars 1987 NIVOSE.
Des locaux a usage commercial situés dans une gare qui n'était plus utilisé par la SNCF sont incorporés au domaine public parce qu'ils continuent comme le reste de la gare à constituer une dépendance du domaine public ferroviaire.
Le CE ne prend même pas la peine d'examiner le lien physique, seul l'intéresse le fait que les locaux soient situés dans la gare.
Cette vision très extensive de l'accessoire et de la domanialité publique globale pose le problème de la réduction du domaine public à un noyau dur comme le veut la sanction du rapport et des études.

Revirement arrêt 4 aout 1987 Chambre de commerce et de l'industrie de Bordeaux MM Le Sauvage et Clemenceau le CE prend le contrepied, il estime que des locaux commerciaux situés dans un immeuble partiellement occupé par des services publics n'appartiennent pas au domaine public car ils n'ont jamais été affectés à l'usage du public ou a un service public.
Le juge renonce à une approche globale de l'immeuble et examine local par local, étage par étage, volume par volume les critères de l'affectation et de l'aménagement spécial.
A partir de cet arrêt le CE semble renoncer à une vision de l'accessoire qui repose sur un critère purement matériel à savoir l'accessoire retrouve sa vocation première càd qu'un bien accessoire ne sera incorporé au domaine public que parce qu'il est utile au service public ou parce qu'il est nécessaire à la conservation, à la protection de ce domaine public.  

Arrêt BOULIER 24 janvier 1990 confirme cette approche, dès lors qu'un immeuble est divisible il faudra rechercher les critères de la domanialité publique pour chaque lot pris isolément.

Arrêt symbolique 8 aout 1990 ministre de l'urbanisme, du logement et des transports, la question était de savoir si des canalisations souterraines du réseau étaient incorporées au domaine public autoroutier alors que ces canalisations n'étaient pas dans le sous sol de la chaussée d'autoroute mais au niveau de ses accessoires.
L'idée de divisibilité est étendue à des immeubles non bâtis.

Cour de cassation 2005 reprend la même grille d'analyse que le juge administratif.
Affaire 2009 SARL Brasserie du Théâtre le CE estime qu'une brasserie située dans un théâtre municipal n'appartient pas au domaine public municipal, car on refuse de faire jouer l'accessoire purement physique.
La question concerne le tenancier du bar, bail commercial ?

Alors que le juge n'a pas bougé, évolué concernant l'aménagement spécial, il a au contraire fait évoluer sa jurisprudence pour l'accessoire et a permis un resserrement de la domanialité publique sur ce point. Le CE n'a jamais expressément renoncé à la théorie de la domanialité publique globale.

Au final, le juge laisse une impression mitigée dans sa jurisprudence, car il a maintenu jusqu'en 2006 une notion relativement large du domaine public mais sur 2 points il a opéré un resserrement =
l'accessoire
il a fait prévaloir le droit de la copropriété sur le droit domanial

Section 2 – Les évolutions législatives ponctuelles relatives à la notion et à la définition du domaine public

Certains vont dire que le rapport de 1986 est resté lettre morte. C'est en partie vrai mais le domaine public s'est largement dégonflé du fait de la transformation des grands établissements publics nationaux monopolistiques en sociétés anonymes.
Le législateur avant même le CGPPP a été obligé de déclasser des pans entiers du domaine public vers le domaine privé pour permettre ensuite la privatisation de ces sociétés.

Exemples =
loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, aux termes de cette loi la personne morale de droit public France Télécom est transformée en une entreprise nationale dont l'État détient directement plus de la moitié du capital social.
Qu'est ce qu'on fait des biens ? Plusieurs options
→ affirmer que les biens de FT nécessaires au SP appartiennent toujours au domaine public.
→ le législateur a préféré opérer un déclassement autoritaire des biens de FT du domaine public au domaine privé et placer ensuite ces biens à la société nouvellement créé.
Du fait qu'il y a déclassement dans le domaine privé il n'y a plus de risque d'accusation du principe dit d'inaliénabilité, c'est ce qu'a affirmé le CC dans sa décision du 23 juillet 1993.
Mais certains biens de FT sont toujours nécessaires au SP des télécommunications, c'est pourquoi la loi sous le contrôle du CC garanti le respect des prescriptions à valeur constitutionnelle s'attachant à l'accomplissement des missions du SP.
Les biens sont certes déclassés et transférés en pleine propriété à la nouvelle société, mais ils sont grevés d'une servitude d'affectation.
Lorsqu'un bien est nécessaire à la bonne exécution du SP par FT, l'État peut s'opposer à sa cession ou à son apport, ou peut subordonner cette cession ou apport à la condition qu'il ne porte pas préjudice à la bonne exécution des obligations de SP.

Loi 11 décembre 2001 reprend la même logique pour la poste, puisque l'article 23 prévoit que les biens immobiliers de la poste sont déclassés.

La loi du 9 aout 2004 relative à EDF et GDF, son article 24 prévoit que EDF et GF sont transformés en sociétés et que partant les biens de EDF et GDF n'appartiennent plus au domaine public. L'article 10 de la loi dispose que les ouvrages relevant du réseau public de transport d'électricité sont après déclassement transférés à la société ERDF. Il en va de même pour les ouvrages de transports à haute tension transférés à ERTE.

Loi 20 avril 2005 relative aux aéroports, l'aéroport de Paris est transformé d'établissement public en SA, les biens sont déclassés et transférés à la nouvelle société. Mais ce déclassement ici n'est que partiel car ile ne concerne pas les biens qui sont nécessaire à l'exercice par l'État de ses missions de SP en matière aéroportuaire.

Ordonnance 19 aout 2004 qui ne concerne que les biens de l'État et pas ceux des collectivités locales. Elle a pour objet unique de déclasser du domaine public de l'État vers le domaine privé tous les immeubles de l'État qui sont à usage de bureaux. L'ordonnance est motivée par le soucis de l'État de vendre ses riches ministères (hôtels particuliers).
Valorisation des propriétés publiques qui passe par leur cession.

Section 3 - Les évolutions législatives liées au CGPPP

Le CGPPP est issu d'une ordonnance du 21 avril 2006 qui va créer ce code général de la propriété des personnes publiques. L'ordonnance a été rédigée avec l'appui du CE. L'ordonnance permet un recentrage du domaine public autour d'une noyau dur.

Observations =
→ Le CGPPP n'a été ratifié que tardivement, elle entre en vigueur le 1er juillet 2006 mais sa ratification expresse n'intervient que par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit.
→ La partie règlementaire du CGPPP est encore plus tardive, c'est seulement un décret du 22 novembre 2011 qui opère codification de la partie règlementaire. Entre 2006 et 2011 certains décrets ont été ratifiés pour modifier le code du domaine de l'Etat abroger en 2006 par le CGPPP.

Pourquoi de tels retards ?
→ L'administration des domaines a connu de fortes évolutions puisqu'elle a été rebaptisée en 2006 France Domaine, mais son rattachement a été modifié. Traditionnellement elle été rapprochée à la direction générale des impôts, puis à la direction générale de la comptabilité publique puis enfin à la DGFIP. Mais surtout la mission de France Domaine a évolué puisque comme l'État vend beaucoup France Domaine doit beaucoup évaluer les biens qu'on aliène.
→ Le CGPPP bien que récent a connu de très nombreuses évolutions, il y a eu plusieurs fois renvoi de la partie règlementaire.
→ Le CGPPP se veut un texte qui régit toutes les propriétés publiques, mais très souvent il va devoir renvoyer à d'autres codes existants comme notamment le code général des collectivités territoriales.
Ce qu'on peut lui reprocher c'est que toutes les règles relatives aux propriétés publiques ne figurent pas dans le CGPPP.
Le CGPPP ne peut réunir toutes les règles applicables à l'ensemble des propriétés publiques, ce n'est qu'un point d'entrée et d'aiguillage, d'où le fait des nombreux renvois à d'autres codes.

Ce code pose aussi des conséquences en matière de propriété publique. Il vouait regrouper les règles fondamentales dans cette matière, mais très rapidement le législateur a pris l'habitude de légiférer en dehors du CGPPP.
Exemples – dans une loi du 17 février 2009 le législateur autorise les établissements publics de santé a procéder au déclassement anticipé de leurs biens domaniaux, inscrit cette possibilité non pas dans le CGPPP mais dans le code de la santé publique.
La loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat prévoit que tout projet de bail emphytéotique, présenté dans le cadre d'un contrat de partenariat, doit faire l'objet d'une évaluation préalable. Cette nouvelle procédure ne figure pas dans le CGPPP.
Si bien qu'actuellement des pans entiers du droit domanial sont codifiés ailleurs voire ne sont pas codifiés du tout.

A) La redéfinition du domaine public par l'aménagement indispensable

L'article L 2111-1 dispose que les biens affectés à un service public sont incorporés au domaine public pourvu qu'ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable.

Remarques =
→ Contrairement à l'aménagement spécial qui s'était étendu aux biens affectés à l'usage direct du public, l'aménagement indispensable ne vaut et ne vaudra que pour les seuls biens affectés à un service public. Cela signifie que la distinction entre un bien affecté à l'usage direct du public et un bien affecté à un service public, n'est plus une distinction théorique mais de droit positif et il sera parfois difficile de définir les frontières.
→ Il peut sembler paradoxal ou maladroit de procéder à une codification par voie d'ordonnance lorsque l'ordonnance en l'espèce remet en cause une jurisprudence bien établie. C'est le juge administratif qui contrôle les ordonnances tant que celles-ci ne sont pas ratifiées.
→ On ne peut que saluer de l'effort de l'ordonnance du nouveau code pour resserrer la domanialité publique. Il est clair que l'ambition des auteurs du code est de mettre fin à l'hypertrophie pathologique et à limiter le domaine public aux seuls biens qui sont nécessaires.

L'aménagement spécial – une notion plus réductrice

Depuis l'arrêt de 2012 Commune de Port Vendre le CE distingue le stock et le flux càd que le critère de l'aménagement indispensable ne va jouer que pour les biens qui sont incorporés au domaine public à compter du 1er juillet 2006.

En quoi consiste l'aménagement indispensable ?
Une grande partie de la doctrine en 2006 s'est montrée d'emblée pessimiste sur ce nouveau critère de l'aménagement indispensable, elle se rappelait ce qu'on avait fait de l'aménagement spécial, Fatome.
D'autres auteurs se montrent plus optimistes, cas de G Bachelier, il est un des rédacteurs du code. Il montre que l'aménagement indispensable est plus resserré que l'aménagement spécial et que des jurisprudences du type GOZZOLI voire même DAUPHIN (la pose d'une simple chaine) ne seront probablement pas confirmées s'agissant des biens incorporés après 2006.

On a peu de jurisprudence concernant des faits après 2006.
Dans un premier temps certaines décisions ont semblé donner un signal fort dans le sens d'un critère beaucoup plus réducteur que l'aménagement spécial.
La doctrine donne généralement comme exemple arrêt 22 octobre 2007 Tribunal des conflits Mlle DOUCEDAME, massif forestier affecté au SP de la protection de l'environnement et qui faisait l'objet d'aménagements sous la forme de panneaux d'information et de balisage de nature relativement classique.
Pour le CE ces aménagements ne sont pas suffisants pour les considérer comme spécialement adaptés. On est encore sous le critère de l'aménagement spécial mais le juge se montre plus sévère que par le passé, c'est pourquoi certains commentateurs ont estimé qu'il y avait un changement.

Les espoirs suscités par cet arrêt n'ont pas été confirmés et les juges du fond sont restés fidèles à leur vision très large de l'aménagement spécial.

En l'état actuel la jurisprudence n'est pas probante concernant les faits postérieurs au 1er juillet 2006. Donc on cherche des arguments où on peut.
Une partie de la doctrine en cherche dans l'arrêt Commune de Douai de décembre 2012, le CE définit les biens de retour et évoque les ouvrages « nécessaires au fonctionnement du service public et ainsi constitutifs d'aménagement indispensable ».
Pour le CE il est clair qu'un bien affecté à un service public est incorporé au domaine public lorsqu'il est nécessaire au fonctionnement du service public auquel il est affecté.
L'aménagement indispensable serait un critère finaliste.

Confirmé par un rapporteur public BOTTEGHI arrêt 24 février 2011 Maison de retraite de Neuilly sur Seine. Il écrit qu'il « faut opter pour une approche finaliste et déterminer les biens qui nécessitent eu égard à leur mission, la protection exorbitant du régime de la domanialité publique », « la boussole à suivre s'est d'intégrer au domaine public les seuls biens qui sont nécessaires ».

L'aménagement indispensable doit-il être prévu, en cours de réalisation ou déjà réalisé ?
Ici la doctrine et la jurisprudence semblent sur des opinions clairement divergentes.
L'expression « pourvu qu'ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable » exclu les aménagements simplement prévus.
La doctrine majoritaire estime que cette expression doit être interprétée en ce sens que l'aménagement n'est pas forcément déjà réalisé/achevé mais que sa réalisation est en cours et qu'il est certain qu'il existera.

L'ordonnance de 2006 était accompagnée d'un rapport au président de la République qui tranche la question. «C'est désormais la réalisation certaine et effective de l'aménagement qui déterminera l'application du régime de la domanialité publique »
Dans leurs commentaires du code certains précisent « la rédaction de l'article L 2111-1 ne rend pas nécessaire un achèvement des aménagements, il suffit qu'ils soient en cours ».
Cette vision a été confirmée dans l'arrêt du CE ATLALR du 8 avril 2013.

L'aménagement indispensable et la théorie de la domanialité publique virtuelle

Dans le milieu des années 80 les juridictions administratives ont étendu les principes de la domanialité publique à des immeubles du domaine privé non encore affectés et aménagés mais destinés à l'être de manière certaine.

2 arrêts illustrent la théorie de la domanialité publique virtuelle mais qu'il faudrait appeler la domanialité publique par anticipation =

→ CE arrêt 6 mai 1985 Association Eurolat Crédit Foncier de France – le CE est confronté à la pratique des baux à constructions ou emphytéotiques conclus sur le domaine privé afin de faire construire des équipements publics d'intérêt général, qui seront exploités par le preneur du bail.
Dans cet arrêt le CE profite de l'occasion pour affirmer que la constitution de droit réel est formellement interdite sur le domaine public, et même sur un domaine privé qui a vocation à être ultérieurement incorporé au domaine public.
Cet arrêt veut se situer au niveau des principes. Les termes utilisés par le CE ne laissent place à aucune alternative pour les administrations ou les collectivités locales. L'idée est que tout bien détenu par une personne publique doit être soumis au principe de la domanialité publique du moment qu'il est destiné à être affecté à une utilité publique et à faire l'objet d'aménagements spéciaux.
Une dépendance du domaine privé ne pourra plus faire l'objet d'un bail emphytéotique ou d'un bail à construction s'il résulte du contrat qu'on est en présence d'un financement privé d'un équipement qui a vocation à devenir public.

→ CE 1er février 1995 Préfet de la Meuse – Le CE juge qu'une dépendance du domaine public ne saurait être légalement déclassée, alors même qu'elle est désaffectée, dès lors qu'elle a vocation à demeurer réaffecté à une utilité publique autre et quand bien même les aménagements destinés à l'adapter à la nouvelle destination n'auraient pas encore été réalisés.

Toute la question est de savoir est ce que le CGPPP remet en cause ou non la théorie de la domanialité par anticipation. Certains auteurs ont pu dire que l'article L 2111-1 en exigeant un aménagement indispensable, qui est donc déjà en cours de réalisation, prohibe la théorie de la domanialité publique virtuelle.
Le CGPPP ne dit rien quant à la survie ou non de la théorie de la domanialité publique virtuelle. Mais le rapport remis au président de la République en même temps que l'ordonnance lui est très clair.
Il précise que c'est la réalisation certaine et effective de l'aménagement indispensable qui caractérise l'affectation. De la sorte cette définition prive d'effet la théorie de la domanialité publique virtuelle.
Une grande partie de la doctrine a estimé que cette théorie avait cessé d'exister.

Le CE a précisé sa position tardivement dans l'arrêt 8 avril 2013 ATLALR. Arrêt de principe.
Le CE donne un signal ambigu, car il va distinguer le droit entre la situation antérieure au 1er juillet 2006 et la situation postérieure.
Concernant le stock le CE adopte une conception relativement extensive de sa théorie jurisprudentielle du domaine public virtuel. Le CE estime que la théorie de la domanialité publique virtuelle vaut pour tous les biens qu'une personne publique comptait aménager avant 2006, alors même que la perspective de l'aménagement spécial a définitivement disparu.
Le simple fait d'avoir un jour prévu dans un acte administratif la réalisation de l'aménagement spécial permet de soumettre le bien affecté au service public, à la domanialité publique.
En l'espèce l'administration avait manifesté son intention d'aménagement en 2000, y avait renoncé en 2007 mais cela n'empêche pas le juge de constater que les parcelles litigieuses étaient soumises au principe de la domanialité publique.

Le second apport de l'arrêt est qu'il aborde la question de l'abandon ou non de la théorie de la domanialité publique virtuelle (DPV) suite au CGPPP. Le CE confirme clairement que la domanialité publique virtuelle continue à s'appliquer pour tous les montages juridiques, notamment contractuels, qui ont été fait avant le 1er juillet 2006. Concernant le stock, la domanialité publique virtuelle produit toujours ses effets.
Pour ce qui est des faits et des montages postérieurs au 1er juillet 2006, le CE est moins affirmatif, il est plutôt dans le non dit, dans l 'implicite. Il va dire que l'article L 2111-1, qui exige pour l'incorporation au domaine public, que « ce bien fasse déjà l'objet d'un aménagement indispensable », va dans le sens d'un renoncement à la théorie de la domanialité publique virtuelle.
Avec l'usage du mot 'déjà', le CE reconnaît indirectement que le codificateur a renoncé à condamner la DPV, parce que ce n'est que lorsque l'aménagement indispensable est réalisé que le bien entre dans le domaine public.
Les commentateurs ont dit que le CE avait souvent reconnu un rôle plus affirmatif. Il est clair que dans l'esprit des codificateurs, cette théorie devait cesser d'exister. On attend maintenant un arrêt du CE qui soit plus explicite. Arrêt du 28 novembre 2009 Florette.

B) Les précisions du Code quant à la notion d'accessoire et le silence du Code quant à la domanialité publique globale

On a déjà vu que suite au rapport de 86 sur l'orientation des propriétés publiques, le CE avait fortement infléchi sa jurisprudence sur l'accessoire et avait renoncé du moins, sur les principes, à l'idée qu'un accessoire purement physique permette l'incorporation au domaine public.
L'accessoire fonctionnel avait gagné.

De même avant le Code, le CE avait aussi fortement mis à mal la théorie de la domanialité publique globale parce qu'il avait accepté dans les affaires Bouglier d'opérer une division volume par volume, lot par lot. Dans l'esprit de la doctrine majoritaire, la domanialité publique globale ne substituait que lorsqu'on était en présence d'un ensemble immobilier indissociable.
La question est de savoir si le Code va modifier

La conception resserrée de l'accessoire depuis le CGPPP

L'article L2111-2 prévoit que font partie du DP « les biens des personnes publiques qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au DP, en constitue un accessoire indissociable. »
Plusieurs constats :
On ne peut que se féliciter que de la rédaction de l'article qui s'inscrit dans la volonté de restreindre la théorie de l'accessoire et de renoncer au critère purement matériel, purement physique
Clairement une confirmation de la philosophie concernant le bien accessoire.
Confirmation du droit positif ? Réponse négative. L'ordonnance n'est pas une codification à droit constant.
Par le passé la jurisprudence faisait référence soit au critère physique ou fonctionnel. Actuellement, il faut que les deux éléments soient réunis.

Pourquoi ?
Le critère matériel apparaît par rapport à la notion d'accessoire indissociable. Quelque chose juxtaposé qui peut être divisé. A côté de ce critère physique, le critère fonctionnel est également exigé parce que le bien accessoire doit concourir à l'utilisation. On a un cumul de critères fonctionnels et physiques. Rupture par rapport à la jurisprudence antérieure, qui n'avait pas posé cette double exigence.
Le CE a confirmé qu'il y avait rupture par rapport au passé. En ce sens CE 21 novembre 2011 Affaire Société Delmas.

Est-ce que le juge administratif va tirer toutes les conséquences de ce resserrement de la théorie de l'accessoire ?
La réponse est clairement positive. Contrairement à l'élément indispensable, s'agissant de l'accessoire, la jurisprudence récente s'oriente vers un sens plus restrictif, que ce soit pour le flux ou pour le stock.
La doctrine donne comme arrêt qui va dans ce sens l'arrêt du 11 décembre 2008 Crédit municipal de Paris et Perreau-Polier. On a clairement toutes les notions mentionnées dans L2111-2.
Principal exemple : affaire de la Brasserie du Théâtre CE 28 décembre 2009 : on voit que le CE resserre l'accessoire alors même qu'on est en présence de faits antérieurs au 1er juillet 2006.

Le maintien d'une domanialité publique globale dans le silence du CGPPP

La théorie de l'accessoire est dans le CGPPP. La théorie de la domanialité publique virtuelle figure dans le rapport au président de la république. En revanche, la théorie de la domanialité publique globale est totalement absente à la fois du rapport et du CGPPP.
Cette théorie de la domanialité publique globale est une sorte de dérive de la théorie de l'accessoire. Elle revient à considérer que les différents éléments d'un immeuble sont tous incorporés au domaine public dès lors qu'ils sont indissociables entre eux, et sont compris dans une enceinte cohérente.

La domanialité publique globale est bcp plus ambitieuse que la théorie de l'accessoire parce que dans ses effets elle conduit à incorporer au domaine public des immeubles dans leur intégralité sans avoir à rechercher le moindre critère d'affectation d'aménagement ou d'accessoire, et à se fonder sur le seul élément que ces immeubles ou parties de l'immeuble sont compris dans une enceinte commune.
La principale limite apportée à la domanialité publique globale est la notion de divisibilité adoptée dans l'arrêt du 4 novembre 87 CCI de Bordeaux contre Messieurs LESAUVAGE et CLEMENCEAU dès lors que l'immeuble est divisible volume par volume et lot par lot on peut écarter la domanialité publique globale et on va rechercher l'accessoire. Exemple

Là encore, l'arrêt Brasserie du Théâtre est typique de cette recherche d'une divisibilité au sein de l'immeuble. La Brasserie, et le théâtre. C'est seulement une fois qu'on se rend compte que les volumes sont divisibles qu'on va chercher l'accessoire.
La reconnaissance de la divisibilité avait porté un frein sérieux à la domanialité publique globale, mais que cette théorie n'avait pas été expressément abandonné lorsqu'on était en présence d'un ouvrage public indissociable.
Le problème du CGPPP est qu'il est totalement silencieux sur la théorie de la domanialité publique globale. Elle n'est abordée que dans certaines hypothèses concernant les ports fluviaux, maritimes et les emprises des aéroports.
Si on fait un raisonnement à contrario, on peut en déduire et notamment pour les gares, que le Code a renoncé à la domanialité publique globale. La doctrine était très partagée en 2006.

Le CE va donner des signaux fluctuant. Un des premiers arrêts où cette doctrine apparaît = l'arrêt Pustwo concernant une enceinte sportive. Dans cet arrêt le CE clairement fait resurgir, application de l'idée de domanialité publique globale, mais sans être expressément dans ce sens.
L'affaire symbolique est l'affaire Mercadier et Krantz du 7 mai 2012. Notaires qui ont fait un montage concernant une caserne. Responsabilité civile professionnelle engagées. En l'espèce, question de savoir est-ce que tous les locaux d'une gendarmerie sont compris ou non dans le domaine public ? Question fondamentale. Dans cet arrêt le CE ne fait pas expressément référence à la domanialité publique globale. Mais elle est omniprésente, et c'est elle qui est appliquée.
Le CE estime que parce que les logements des gendarmes se situent dans l'enceinte de la gendarmerie, ils sont incorporés au domaine public. On ne cherche pas l'accessoire fonctionnel mais on se contente du fait que ce soit indissociable de la gendarmerie.
Le CE confirme un vieil arrêt de 1975 TC arrêt Debans relatif aux logements de fonction situés dans l'enceinte des collèges et lycées.

Certains auteurs estiment que dans Mercadier et Krantz le CE vient quand même limiter la théorie de la domanialité publique globale parce qu'elle ne jouerait qu'à l'intérieur d'un même bâtiment et non plus au sein d'un périmètre, d'une enceinte.
Dans un avis du 19 juillet 2012 le CE va être clair. Confronté de la question des installations situées dans le parc de Chambord notamment installations situées au sein du mur d'enceinte du parc. Question d'un périmètre non bâti.
« Le domaine national de Chambord appartient dans sa globalité au domaine public de l'Etat ».
Ce qui est remarquable dans cet avis, dans un premier temps au point 4, le CE fait une lecture très restrictive de l'accessoire qui respecte l'esprit du CGPPP et même sa lettre. Il refuse donc l'accessoire. C'est seulement au point 5 de l'avis qu'apparait la théorie de la domanialité publique globale. Autrement dit, le CE même si on peut contester la décision sur le fond, fait bien son travail Il va bien délimiter les 2 théories de l'accessoire et la domanialité publique globale. ET parce qu'elles sont différentes, il peut en déduire que dans le silence du code, la domanialité publique globale est pérennisée.
Arrêt 28 mars 2013 Centre hospitalier de Chalons en Champagne. En l'espèce question d'un restaurant cafétéria dans l'enceinte d'un hôpital. Est-ce que l'occupant de cette cafétéria était occupant du domaine privé ou public ?
La Cour estime que toutes les dépendances comprises dans l'enceinte du centre hospitalier relèvent du domaine public de ce dernier. La Cour fait application de la domanialité publique globale.

Les commentateurs de l'arrêt disent que sur la théorie de la domanialité publique globale la Cour ne fait pas d'erreurs mais elle aurait du rechercher en amont si on est en présence de lots, volumes, divisibles entre eux. Cet arrêt pousse bcp de problèmes sur les campus, gares, etc.


Chapitre II - Entrée, sortie, et délimitation du domaine public

Section 1 - L'incorporation d'un bien dans le domaine public

Il faut distinguer deux types de dépendances =
domaine public artificiel
domaine public naturel

§ 1 - L'incorporation au domaine public naturel

A) La consistance de ce domaine public naturel

Par chance, actuellement la plupart des règles concernant le DP naturel ont été codifiées à droit constant par le CGPPP qui, pour une fois, a un peu simplifié le droit. Le DP naturel est composé de 3 éléments majeurs :
le domaine public maritime de l'État
DP fluvial (appartient État mais possibilité pour les Collectivités territoriales)
DP hertzien (appartient État)

Le DP maritime naturel

Il est actuellement définit à l'article L2111-4 du CGPPP. France domaine estime que le DP maritime naturel a une superficie d'environ 100.000 km². Ce DP public maritime naturel comporte :
Le rivage de la mer : constitué des portions de terre successivement couvertes et découvertes par les plus hautes et les plus basses eaux en dehors de circonstances météo exceptionnelles.
Les lais et relais de la mer : lais sont les terrains formés par les allusions que la mer apporte, et les relais sont les terrains que la mer laisse à découvert en se retirant et qui ne sont plus submergées par un plus grand flot.
Le sol et le sous-sol de la mer territoriale : depuis le 28 novembre 63 sont incorporés au DP le sol et le sous-sol de la mer territoriale dans la limite de 12 miles marins. En revanche les eaux territoriales relèvent de la souveraineté de l'Etat mais ne font pas parties du DP.
Les havres et rades, étangs salés en communication directe avec la mer...
les terrains réservés (terrains qui vont du rivage de la mer vers l'intérieur des terres sur une distance comprise entre 20 mètres et 50 mètres parce que ces terrains sont nécessaires à la satisfaction du besoin d'intérêt général.)

Le domaine public fluvial naturel

Les choses sont plus simples depuis qu'on a les articles L2111-7 à 9. A l'heure actuelle le DP fluvial est composé des cours d'eaux domaniaux anciennement qualifiés de rivières ou fleuves navigables ou flottables ? On estime qu'en France métropolitaine on a environ...domaniaux, et 250000 km de cours d'eau non domaniaux.
L'article L2111-7 pose un principe simple : que le DP fluvial est constitué de cours d'eaux appartenant à l'Etat ou aux collectivités territoriales et classé dans le DP fluvial. Ce n'est pas un phénomène naturel qui permet l'incorporation au DP mais un phénomène juridique, à savoir un classement.
L'article L 2111-7 est aussi important car il reconnaît que le DP fluvial appartient en principe à l'Etat mais que les collectivités locales peuvent constituer un tel DP fluvial. C'est surtout lié à une loi du 30 juillet 2003 confirmée par la grande loi du 13 aout 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Cette loi permet en effet aux départements et régions essentiellement de demander à l'Etat de transférer certaines portions de ce DP fluvial en quelle propriété à ces collectivités.

Le domaine public hertzien

Sont clairs le CGPPP à l'article L2111-17 : classe expressément les fréquences radioélectriques dans le DP de l'Etat. En revanche, il n'y a aucune disposition du CGPPP qui affirme l'existence d'un DP aérien. Tout au plus, l'article L2111-16 reconnaît un DP aéronautique affecté au besoin de la circulation aérienne, DP artificiel.

B) Les conditions d'entrée dans le domaine public naturel

La vieille doctrine, l'ancienne, estimait que l'incorporation au DP naturel ne dépendait que de phénomènes physiques naturels. Cette ancienne doctrine a été totalement démentie par les évolutions législatives récentes, notamment concernant le domaine fluvial et hertzien.

L'entrée dans le domaine public maritime naturel

En matière de DP maritime naturel, seuls comptent des phénomènes physiques mais qui ont des conséquences dramatiques pour certains propriétaires riverains.
Car lorsque la mer envahie des terrains situés en bordure du rivage et qui étaient précédemment soustrait à l'action des flots, ces terrains perdent leur caractère de propriété privée et deviennent ipso facto des dépendances du DP maritime. Tout terrain immergé par la mer en l'absence de circonstances météo exceptionnelles, devient la propriété de l'Etat et est incorporé au DP. L'ancien propriétaire n'a le droit a aucune indemnité. La seule garantie pour les propriétaires riverains du DP maritime est de pouvoir faire obstacle aux empiètements de la mer en construisant des ouvrages protecteurs.

Inversement, lorsqu'il y a retrait de la mer, terrains non submergés par les flots, ces terrains cessent automatiquement d'appartenir au DP. L'ancien propriétaire retrouve alors la propriété de son bien.
A défaut d'identifier un propriétaire, le bien passe dans le domaine privé, et les riverains auront un droit de priorité pour l'acheter.

→ Question de la délimitation du rivage :
Jusqu'à un arrêt Kreitmann du 12 octobre 1973, le droit français distinguait la délimitation des rivages du littoral atlantique et méditerranéen.
En 73 on décide d'harmoniser les règles et cet arrêt prévoit que la délimitation du DP maritime s'opère « au point jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. »
L'art L2111-5 du CGPPP et art R2111-5 reprennent la jurisprudence Kreitmann sans la modifier. Le seul point intéressant est que le CE opère un contrôle restreint sur la notion de circonstances météorologiques exceptionnelles.

L'incorporation au DP fluvial naturel

La première précision : depuis 1910 l'incorporation au DP fluvial ne dépend plus seulement d'éléments matériels mais aussi d'un élément formel. C'est-à-dire une décision de classement par un texte législatif ou réglementaire. Mais c'est surtout la loi du 16 décembre 64 qui a permis une extension du DP fluvial naturel.
Ce DP concerne non seulement les rivières navigables ou flottables, mais aussi les rivières et cours d'eaux nécessaires à l'alimentation en eau des populations de l'agriculture et de l'industrie.
L'article L2111-12 prévoit que le classement dans le DP fluvial d'un cours d'eau est prononcé pour un motif d'intérêt général relatif à la navigation ou à l'alimentation en eau, ou à la protection contre les inondations.
Ce classement s'opère notamment par arrêté préfectoral d'après l'article R2111-15 du CGPPP.

S'agissant de la délimitation transversale du domaine public fluvial : elle est fondamentale car elle a pour objet de fixer la frontière entre le DP fluvial et les propriétés privées riveraines.
Traditionnellement cette limite est arrêtés d'après la règle dite du plebicimum flumen qui figure à l'article L2111-9 du CGPPP.
Prévoit clairement la compétence de l'administration pour fixer les limites de ce plebicimum flumen.

§ 2 - L'incorporation au domaine public artificiel

A) La distinction entre affectation formelle et affectation matérielle

Affectation formelle et classement

L'affectation formelle est l'acte juridique par lequel l'administration fixe la destination d'un bien à tel usage public ou tel usage d'un service public.
Cette affectation formelle est nécessairement un acte administratif unilatéral. Mais elle doit se distinguer du classement, même si parfois elles sont synonymes. Les deux notions ne sont pas similaires.
Parfois le classement porte sur des biens qui sont déjà entrés dans le DP. Et donc ce n'est pas un acte d'affectation. Le classement sera alors l'acte par lequel l'administration déclare qu'un bien appartient à une catégorie déterminée de dépendance du DP.
Dans certains cas, l'acte de classement concerne des biens qui ne font pas encore partis du DP mais que l'administration veut y faire entrer. L'acte de classement aura ici une double vocation :
d'une part affecter le bien à l'usage public
d'autre part, classer le bien dans une catégorie précise de dépendance du DP
Exemple : routes, l'État a un choix. Affecter à la circulation, affectation formelle. Donner un régime juridique (route expresse : compétence partagée /ou autoroute : compétence exclusive de l'Etat).

Le rôle de l'affectation matérielle et de l'affectation formelle

Une décision formelle d'affectation ou une mesure de classement ne sont ni nécessaires ni suffisants pour faire incorporer un bien au DP. Seule compte l'affectation matérielle du bien.
Dès lors que le bien est matériellement affecté à l'usage du public ou l'usage d'un SP, il est incorporé au DP.
L'article L2111-3 le confirme expressément « tout acte de classement ou d'incorporation d'un bien dans le DP n'a d'autre effet que de constater l'appartenance de ce bien au DP. »
A contrario, lorsque l'administration prend une décision formelle d'affectation d'un bien qui n'est pas matériellement pas affecté, l'administration adopte un acte illégal. En ce sens, CE 56 Giraud. En l'espèce, immeuble affecté à la SNCF.

B) Les cas des changements d'affectation : les transferts domaniaux

Pendant longtemps ont faisait une distinction simple. Distinction binaire, en fonction de la personne à l'origine du changement d'affectation.

Première hypothèse : la personne publique propriétaire d'un DP peut toujours modifier la destination de l'une de ses dépendances domaniales. Même lui a droit au maintien d'une parcelle domaniale car principe de l'immutabilité. En ce sens CE 5 mai 44 Société Auxiliaire de l'entreprise.

Mais possible qu'il y ait changement d'affectation prononcé par une collectivité publique autre que la personne publique propriétaire. L’État s'est vu reconnaître le droit de modifier à son profit par voie d'autorité l'affectation d'un bien du DP d'une collectivité locale.
C'est la théorie des mutations domaniales initiées par l'arrêt 1909 Ville de Paris. En l'espèce, la ville de Paris était propriétaire de parcelles incorporées à son DP, tramway, et l'Etat a changé l'affectation de ces parcelles pour permettre le prolongement d'une ligne ferroviaire. L’État ne pouvait pas exproprier la ville de Paris, car le domaine public est inaliénable. C'est pourquoi la théorie de mutation domaniale permet à l'État de changer l'affectation du DP mais sans modifier la propriété, la ville de Paris restait propriétaire de ces parcelles.

Le CGPPP a complètement bouleversé le droit en la matière. On a inventé un nouveau concept appelé la respiration des propriétés publiques. Cette respiration des personnes publiques a pour but de permettre aux personnes publiques, non seulement d'échanger leurs propriétés publiques, mais aussi de changer leur affectation. On passe dans une distinction non plus binaire mais ternaire.
Pour schématiser il y a 3 grandes situations envisageables :
Première hypothèse : celle classique des changements d'affectation internes une personne publique propriétaire va conserver la propriété de son domaine public mais en changer les destinations. L'affecter à un nouveau SP.
Deuxième hypothèse : les changements d'affectation externes simples. Ici, on va avoir un changement de gestionnaire, mais sans changement d'affectation matérielle. Autrement dit, la destination matérielle du bien n'évolue pas, mais par contre il y a un transfert de gestion au profit d'une autre collectivité.
Troisième : les changements d'affectation complets. Dans cette hypothèse, non seulement le bien est affecté à un autre usage que l'usage initial, mais en plus de ça il sera géré par un nouveau service ou nouvelle collectivité.
3 grandes catégories.

Les changements d'affectation internes

Dans ce cas, le bien reste utilisé par les mêmes personnes publiques, mais celles-ci l'affectent à une autre activité. Autrement dit, le bien ne va pas quitter le DP, ni même le patrimoine de la personne publique, mais va simplement être réaffecté.

a) Les changements d'affectation internes des biens de l'Etat

L'ancien Code du domaine de l'Etat connaissait déjà ces possibilités de changement d'affectation. Mais il y avait toute une multitude de procédures et procédés. C'est seulement un décret du 1er décembre 2008 qui modifie le Code du domaine de l'Etat, pour fusionner toutes les procédures. Les articles R1313-1 et suivants du CGPPP reprennent le décret de 2008 et met en place une procédure dite d'attribution.
Désormais il y a une procédure unique.
Lorsqu'un service déconcentré de l'Etat a besoin d'une propriété de l'Etat pour exercer ces compétences, il va adresser une demande au préfet dans le département duquel l'immeuble est situé, afin d'obtenir les terrains ou les immeubles adéquates. Le préfet va instruire cette demande qui va aboutir à une convention d'attribution conclue entre le préfet, le représentant du service demandeur, et un représentant de France domaine. Cette convention d'attribution va préciser les conditions de mise à disposition.

b) Les changements d'affectation des biens des collectivités territoriales

Là encore, jamais il n'a été contesté qu'une collectivité locale puisse modifier à sa propre initiative l'affectation de dépendances domaniales.
Exemple affaire 1995, Préfet de la Meuse : possible en département de réaffecter avec l'accord de l'Etat un coll_ge pour en faire l'hôtel du Conseil général.
Contrairement à l'Etat, il n'existe pas au sein des collectivités locales une procédure unifiée. Pour modifier la destination d'un immeuble une simple délibération en ce sens suffit.

2) Les changements d'affectation externes

C'est beaucoup plus ambitieux.

a) le transfert domanial sans changement d'affectation matériel

C'est l'hypothèse dans laquelle seule change la personne gestionnaire du bien. Le bien quant à lui, continu à être affecté à la même destination publique.
C'est surtout l'Etat qui pratique ces transferts domaniaux.
Concrètement, l'Etat va confier l'utilisation et la gestion de ces biens à des collectivités territoriales par le biais de mises à dispositions, ou à des établissements publics par des attributions en imposant un maintien de l'affectation existante. Concrètement, le principal exemple concerne la décentralisation. La loi du 7 janvier 1983 concernant les transferts de compétences, illustrent cette pratique. Cette loi est actuellement codifiée à l'article L321-1 du Code général des collectivités territoriales «  le transfert d'une compétence entraine de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés à la date de ce transfert pour l'exercice de cette compétence ».
La collectivité succède à l'Etat dans la compétence mais ne bénéficie pas d'un transfert de propriété. Elle bénéficie seulement d'une mise à disposition à titre gratuit des biens nécessaires à l'exercice de cette compétence. Concrètement c'est très original comme mécanisme car il y a un transfert de l'ensemble des droits et obligations du propriétaire mais sans transfert de propriété.

La collectivité bénéficiaire du bien doit le gérer dans le seul but d'exercer la compétence transférée. La collectivité dispose des droits et prérogatives du propriétaire mais la finalité de cette mise à disposition va clairement enserrer les prérogatives de l'administration dans un carcan assez étroit.
C'est pourquoi souvent la mise à disposition ne sera qu'une étape d'un futur transfert de propriété. Par exemple s'agissant des lycées, collèges et écoles la loi de 1983 a opéré le transfert domanial et la loi du 13 aout 2004 opère transfert de propriété.



b)Les transferts domaniaux avec changement de destination et d'affectataire

Autrement dit un changement d'affectation complet.
Dans certain cas la bonne gestion publique implique qu'il soit nécessaire de modifier non seulement la personne gestionnaire du bien mais aussi l'affectation matérielle du bien.

Plusieurs hypothèses =
Les changements d'affectation complets des biens de l'État – concernant ces changements il n'existe qu'une seule procédure à l'heure actuelle permettant de changer non seulement la personne gestionnaire du bien mais aussi la destination dudit bien. C'est l'ancienne procédure art L 35 et suivants du code du domaine de l'État, reprise actuellement par l'art L2123-6 CGPPP.
D'après cet article les personnes publiques peuvent opérer entre elles des transferts de gestion. Il est évident que s'agissant de l'État ces transferts de gestion sont forcément volontaires. C'est lui qui spontanément va confier d'un de ses biens domanial à une autre autorité publique et le plus souvent à un de ses établissements publics. Dans le même temps l'État va ordonner le changement d'affectation matérielle du bien.
L’intérêt majeur d'un tel transfert de gestion d'un bien de l'État réside dans sa souplesse et sa simplicité, une simple décision administrative permet à l'État de transférer la gestion de son bien à une autre personne publique et d'en modifier dans le même temps l'affectation matérielle.
C'est un acte administratif unilatéral qui ne nécessite pas d’enquête publique ou de procédure particulière. La seule manière pour les usagers d'exprimer leurs désaccords est d'exercer un recours pour excès de pouvoir contre l'acte administratif unilatéral à condition d'avoir un intérêt à agir.
Quelles sont les conséquences pour le bénéficiaire du transfert ?
Il va disposer de tous les droits de jouissance de l'immeuble sans en avoir la propriété, en contrepartie il prend en charge les dépenses courantes relatives au fonctionnement de l'immeuble, il effectue tous les actes de gestion du domaine public, mais sans en être propriétaire.
La propriété appartient toujours à l'État.
Conséquences financières – ces transferts de gestion de l'État vers une autre structure sont opérés à titre gratuit, le bénéficiaire qui a la disposition du bien ne verse aucun prix, aucun loyer à l'État. En revanche il peut se rémunérer en percevant des redevances domaniales.

Les changements d'affectation complets de biens des collectivités territoriales – Les choses sont un peu plus complexes car les transferts peuvent être volontaires ou forcés. Càd que d'un point de vue volontaire les collectivité territoriales peuvent toujours modifier l'affectation matérielle de leurs biens et en même temps en confier la gestion à une autre personne publique qu'il s'agisse de l'État, d'une autre collectivité territoriale ou d'un établissement public.

S'agissant des procédures volontaires on retrouve les procédures prévues art L 2123-3 CGPPP, la procédure existante pour les collectivités locales est identiques à celle pour l'État.

Là où tout change c'est que le transfert de gestion peut parfois être autoritaire ou forcé. La particularité du secteur local est que l'État dispose de moyens pour contraindre les collectivités territoriales à transférer la gestion de leurs biens du domaine public et à en modifier l'affectation.
2 procédures existent et issues de l'ancienne théorie des mutations domaniales =

Article L 11-8 CE à savoir le transfert de gestion d'une dépendance du domaine public comprise dans le périmètre d'une déclaration d'utilité publique.
La loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité a inséré dans le CE un article L 11-8 qui permet à l'État de procéder à un transfert de gestion de manière autoritaire. Lorsqu'on est dans le périmètre d'une DUP, l'arrêté de cessibilité ne va pas déclarer cessible les parcelles du domaine public mais va emporter transfert de gestion.
Il n'y a aucune violation du principe d'inaliénabilité car le bien reste la propriété de la collectivité locale. Ce transfert de gestion est réalisé par un simple acte administratif et ne suppose pas l'intervention du juge. Bien plus ce transfert peut être appliqué dès le début d'une procédure càd qu'on n'a pas besoin d'attendre le refus de la collectivité territoriale. Permet d'aller vite dès le début d'une procédure.

Le transfert de gestion pour un motif d'intérêt général – c'est l'héritage de la théorie des mutations domaniales.
Cette théorie des mutations domaniales a vu le jour arrêt Ville de Paris 16 juillet 1909. Cette théorie ne vient qu'en dernier recours lorsque l'État est confronté à un refus permanent d'une collectivité locale. Dans ce cas l'État par acte d'autorité va changer l'affectation du bien de la collectivité locale et confier la gestion de ce bien à une autre autorité publique.
Remarques =
→ cette théorie des mutations domaniales ne s'applique qu'en cas de conflit entre personnes publiques, ce conflit doit forcément opposer l'État à une collectivité locale.
→ seules les dépendances du domaine public entrent dans le champ des mutations domaniales, s'agissant des dépendances du domaine privé l'État doit recourir à la procédure d'expropriation
→ l'application des mutations domaniales suppose que l'État justifie sa mesure autoritaire par un motif d'intérêt général, ce qui a la base était une garantie ne l'est plus actuellement car tout est d'intérêt général
→ s'agissant de l'autorité étatique compétente pour exercer le transfert de gestion autoritaire, l'article R2123-12 CGPPP ne vise que l'hypothèse d'une intervention du préfet par arrêté mais il est clair au regard de la jurisprudence antérieure que les autorités ministérielles sont également compétentes
→ ce transfert domanial a lieu sans formalité, càd sans enquête d'utilité publique et sans déclassement préalable
Conséquences de cette théorie – elles sont dramatiques pour la collectivités locales car elle ne perd pas la propriété de la dépendance domaniale mais que la jouissance de celle-ci, dès lors le principe est que ce transfert de gestion autoritaire est gratuit et le CE arrêt 13 mars 1925 Ville de Paris pousse même l'hypocrisie à justifier cette gratuité par le fait que la collectivité locale est déchargée de l'obligation d'entretien de ses parcelles.
Par exception elle pourra être indemnisée non pas de la perte de propriété mais des préjudices directs, matériels et certains qu'elle subi. La jurisprudence très faible est très sévère quant à la réalisation d'un tel préjudice indemnisable.
L'affectation du bien est modifiée pendant toute la durée du transfert de gestion sans que la personne publique propriétaire ne puisse modifier cette affectation. C'est seulement lorsque l'État met fin au jeu de la théorie de la mutation domaniale, donc au transfert de gestion, que la collectivité territoriale retrouve la plénitude de ses droits.

Cette théorie des mutations domaniales créée par le juge est contestée par le juge lui même. Le CE dans plusieurs rapports et avis estime que les mutations domaniales présentent 2 inconvénients =
→ il n'y a aucun contrôle de l'utilité publique
→ cette théorie conduit à dissocier durablement le droit de propriété et la maitrise réelle de l'immeuble, on en vient à oublier qui est le propriétaire
C'est pourquoi certains membres du CE avaient milité pour la suppression de cette théorie et la reconnaissance du droit d'exproprier le domaine public. Mais le CGPPP maintien cette théorie.
On peut espérer qu'une QPC puisse faire évoluer le droit, il est clair pour certains que la procédure des mutations domaniales porte atteinte à des exigences constitutionnelles, à savoir l'absence de contrôle du juge, et l'atteinte au principe de libre administration des collectivité territoriale.

Section 2 – La sortie du domaine public

Contrairement à l'entrée dans le domaine public, pour qu'un bien sorte du domaine public il faut 2 éléments fondamentaux =
une désaffectation matérielle
un déclassement exprès

A) L'élément matériel de la sortie – la désaffectation

Ici il faut bien voir que la désaffectation n'est pas formelle mais matérielle même si elle a donné lieu à une décision formelle.
La principale question est de savoir qui va prendre la décision formelle et matérielle de désaffecter un bien tant juridiquement que dans les faits.
Le principe est que c'est la personne publique propriétaire des parcelles qui est compétente pour prendre l'acte juridique de désaffectation et ensuite qui est compétente pour procéder aux opérations matérielles de désaffectation.
Parfois, le propriétaire n'est pas compétent ou n'est pas seul compétent, 2 exemples =
s'agissant des édifices du culte construit avant 1905 ils appartiennent aux communes mais ces édifices seront désaffectés par une décision de l'État qui constate qu'il n'y a plus de ministre du culte
s'agissant des voies ferrées elles sont la propriété de Réseau Ferré de France mais c'est le ministre des transports qui a la compétence pour décider de la fermeture d'une voie.

Dans d'autres hypothèses, il y a compétence partagée entre le propriétaire du bien et le gestionnaire du service public. C'est surtout le cas des locaux scolaires, par exemple la désaffectation des écoles primaires est certes décidée par la commune mais après avis obligatoire et conforme du représentant de l'État (recteur) en tant que responsable du service public de l'éducation nationale. CE 1994 Commune de Pulversheim.
Idem s'agissant des collèges et lycées la désaffectation requiert une décision conjointe de l'État et de la région ou du département. CE 1994 Département de la Seine Saint Denis.

La désaffectation doit être matérielle – l'équipement n'est plus utilisé par le SP ou ne peut plus être utilisé par les usagers. Ainsi s'agissant des voies de circulation la désaffectation doit se traduire dans les faits, càd que soit la voie n'est plus praticable, soit elle a été clôturée physiquement par l'administration.

B) L'élément forme de la sortie – le déclassement

Le déclassement est un acte formel, exprès qui fait sortir le bien du domaine public.

Qui est compétent pour déclasser ?
C'est toujours le propriétaire public qui est compétent pour prendre les actes de déclassement même s'il n'est pas le gestionnaire du SP.
S'agissant des biens de l'État l'autorité compétente sera le préfet ou le ministre.
S'agissant des biens des collectivités territoriales, ce n'est pas l'exécutif qui est compétent mais l'organe délibérant. Le juge veille au respect de cette compétence en exigeant que les membres de cet organe disposent de pièces et de documents nécessaires à leur information sur le projet de déclassement.

Quelle est la marge de manœuvre de l'administration ?
Le pouvoir de déclasser un bien est le plus souvent discrétionnaire ce qui explique le contrôle restreint du juge administratif. Même si un bien n'est plus affecté à l'usage de tous ou au SP le propriétaire domanial n'est jamais tenu de déclasser ce bien.  CA Paris 26 janvier 2012 Sociétés KJM et KFC.
En revanche l'administration ne peut jamais déclasser un bien qui reste matériellement affecté à un usage public.
Lorsque l'administration déclasse le bien elle doit toujours motiver sa décision par un motif d'intérêt général.

Remarques =
→ l'acte de déclassement est un acte administratif ni individuel ni règlementaire donc il est mixte
→ cet acte doit être exprès, il n'y a pas de décision implicite en la matière, faute de déclassement exprès le bien reste toujours dans le domaine public. Par exception il peut y avoir déclassement implicite lorsqu'on est en présence d'un acte juridique dont les effets et dont l'objet présuppose nécessairement une décision préalable de déclassement.
S'agissant du domaine public routier la désaffectation est généralement suffisante pour faire sortir le bien du domaine public, car en général il y a une enquête publique préalable

C) La désaffectation et le déclassement – 2 conditions cumulatives


Le bien doit être matériellement et formellement déclassé. Une décision de déclassement portant sur un bien qui n'est pas matériellement désaffecté est une décision illégale, détournement de pouvoir et de procédure.
Le CGPPP permet aux personnes publiques de déclasser des dépendances du DP pour les échanger avec d'autres biens permettant d'améliorer les conditions d'exercice du SP . Opération d'échange sans désaffectation mais justifiée du fait que les biens acquis vont permettre l’amélioration du SP et seront incorporés au DP.
Le législateur prévoit une série de déclassements législatifs exprès alors que les biens continuent d'être affectés.

Le code prévoit la procédure de déclassement anticipée L’État peut procéder au déclassement d'un bien alors qu'il continue d'être affecté au SP ou à l'usage du public.
Première précision, art L2141-1 CGPPP permet aux personnes publiques de déclasser les dépendances du domaine public dans le but de les échanger avec d'autres biens permettant d'améliorer les conditions d'exercice du SP. C'est une opération d'échange sans désaffectation mais qui est justifiée par le fait que les biens acquis lors de l'échange vont permettre l'amélioration du SP et seront incorporés au domaine public.

Deuxième précision le législateur a prévu toute une série d'hypothèses de déclassement législatif exprès alors que les biens continuent à être affectés. On a déjà vu exemple du patrimoine de la poste qui était expressément déclassé par la loi MURCEF du 11 décembre 2001, ce sont les immeubles aussi à usage de bureaux expressément déclassé sans désaffectation par l'ordonnance du 19 aout 2004. Et enfin la loi du finance pour 2006 qui a procédé au déclassement législatif sans désaffectation des biens transmise à pôle emploi.


Art L 2141-2 CGPPP procédure de déclassement anticipée, il permet à l'État de procéder au déclassement d'un bien alors qu'il continue à être affecté à un SP ou à  l'usage du public. Toutefois lors de ce déclassement anticipé il est prévu que le bien sera effectivement désaffecté dans un délai qui peut être au maximum de 3 ans.
Pose plusieurs questions –
→ Permet-il de vendre un bien déclassé dès lors qu'il est affecté ?
Oui du moment que le bien est déclassé et a vocation à être matériellement désaffecté dans les 3 ans, il n'appartient plus au domaine public mais au domaine privé, le bien est donc parfaitement aliénable mais sous la condition absolue que l'affectation reste garantie.
Le mécanisme permet à l'État de vendre immédiatement des biens pour financer des constructions qui devront être réalisées dans les 3 ans, pour remplacer le bien vendu.
Quel est l'avantage pour l'acquéreur ? Il peut sembler défavoriser il achète un bien qui pendant 3 ans sera affecté, il n'en aura pas l'usage, mais il a intérêt à acheter le bien immédiatement car se prémunit contre l'éventuel hausse des courts de l'immobilier.
→ Le champ d'application -
Le CGPPP concerne les biens de l'État, l'article L 2141-2 a été doublé par une loi du 17 février 2009 par un article L 6148-6 code de la santé publique qui offre la possibilité de déclassement anticipé aux établissements publics de santé.
Mais à ce jour les collectivités locales sont exclues du dispositif. Des parlementaires ont tenté d'obtenir une modification, comme les notaires de France mais le gouvernement s'y oppose.

2 raisons que l'on peut avancer =
l'État s'arrogerait un dispositif de faveur pour vendre plus facilement ses biens et ne pas être concurrencé sur le marché immobilier avec les collectivités locales
l'État en tant que garant du droit n'a pas confiance dans les élus locaux et craint des abus en matière de déclassement anticipé
Que se passerait-il si une personne publique vend un bien déclassé en s'engageant à le désaffecter dans les 3 ans et assortir la vente condition suspensive ou résolutoire de désaffectation effective dans les 3 ans. Que se passe-t-il si le bien n'est pas désaffecté ?
Dès lors qu'il ne l'est pas le déclassement est illégal et le bien continue à appartenir au domaine public. La réalisation de la condition ou la non réalisation de la condition fait que le contrat de vente cesse d'exister, mais il a à un moment été conclu sur une parcelle qui reste dans le domaine public, au moment de sa conclusion le contrat était illégal, dès lors D&I à l'acquéreur de bonne foi.
C'est pourquoi la partie règlementaire du CGPPP prévoit une condition résolutoire légale qui semble améliorer le sort de l'acquéreur de bonne foi.

Section 3 – La délimitation du domaine public

Ici quelques précisions, contrairement aux propriétés privées il n'y a pas de procédure de bornage. La délimitation du DP ne peut résulter que d'un acte administratif unilatéral. C'est donc une prérogative exclusive de l'administration.
1ère caractéristique – le caractère impérativement unilatéral de la délimitation.
L'administration est seule compétente pour délimiter les dépendances du domaine public car c'est la conséquence de son privilège d'action d'office. Pour faire cette délimitation elle peut procéder par n'importe quel acte administratif unilatéral – décret, arrêté etc.
En conséquence l'administration ne peut jamais procéder à l'amiable ou par voie contractuelle pour délimiter le domaine public.
Autre conséquence du caractère unilatéral, l'administration ne peut jamais demander au juge de procéder à la délimitation, c'est à elle de prendre ses responsabilités.

2ème caractéristique – le caractère obligatoire de la délimitation. Ce caractère obligatoire se manifeste par le droit des riverains à exiger une délimitation unilatérale. Autrement dit quand le riverain de l'administration demande un arrêté d'alignement, de délimitation, l'administration doit faire droit à cette demande. Le juge va contrôler l'abstention ou le refus de l'administration, CE 5 janvier 1955 DECLOITRE et CE 20 juin 1975 LEVERRIER
Implique que l'administration doit prendre la mesure, et c'est ensuite au riverain qui n'est pas d'accord de faire un recours pour excès de pouvoir. Toutefois l'administration n'a aucune obligation de faire droit à la demande du riverain, lorsqu'une première mesure de délimitation avait été prise et qu'il n'y a aucune modification dans les circonstances de fait. CE 16 novembre 1977 TRONCHON.

La garantie pour les propriétaires riverains se situe dans le recours au juge. Le juge administratif peut être saisi dans 3 hypothèses =
D'une action dirigée contre le refus de l'administration de procéder à la délimitation du domaine public. Auquel cas le juge pourra enjoindre à l'administration de procéder à cette délimitation.
Sur renvoi d'une question préjudicielle par les juridictions judiciaires à propos d'un problème de délimitation du domaine public. Seul le judiciaire est compétent pour dire qui est propriétaire, en revanche c'est l'administratif qui est seul compétent en cas de difficulté pour apprécier la délimitation du domaine public opérée par l'administration.
Par le propriétaire riverain qui conteste l'arrêté de délimitation.

Dépend en général de phénomènes naturels ou de mesures physiques, c'est pourquoi le moyen de preuve admis sont des preuves photographiques ou cartographiques.
Le juge administratif opère une appréciation souveraine des faits, en revanche dès lors qu'il y a une difficulté sérieuse sur l'interprétation des titres de propriété, le juge administratif doit renvoyer une question préjudicielle au juge judiciaire.



TITRE II – La protection du domaine public

Cette protection prend 2 formes =
l'indisponibilité du domaine public
sa protection pénale par les contraventions de grandes voiries et les contraventions de voies routières

Section 1 – L'indisponibilité du domaine public

C'est probablement à ce niveau que le domaine public se démarque le plus franchement des propriétés privées.
L'indisponibilité du domaine public est présentée de deux manières =
certains auteurs estiment qu'elle comprend l'insaisissabilité, l'inaliénabilité, imprescriptibilité et interdiction droits réels
d'autres auteurs mettent à part le caractère insaisissable

Tous les biens publics qu'ils soient du DP ou du domaine privé sont insaisissables. Pourquoi ? Provient du fait qu'on en peut jamais contraindre la puissance publique, l'État a le monopole de la puissance publique et on ne peut pas exercer de contrainte contre lui.
C'est pourquoi une partie de la doctrine estime que l'insaisissabilité n'est pas un élément consubstantiel de l'indisponibilité du domaine public.
Le caractère insaisissable des biens publics concerne les biens de toutes les personnes publiques (État, collectivités locales et leurs établissements publics).

§ 1 – L'inaliénabilité du domaine public

C'est le sacrosaint principe du domaine public. Dans la vie de tous les jours il ne pose pas de problèmes.

A) L'affirmation du principe

C'est surement un des principes les plus connus et des plus anciens du droit public français, il existait en droit romain et en droit canon.
Pour ce qui est la France on fait remonter ce principe à l'ordonnance de MOULINS du 13 mai 1566, confirmée par l'édit de COLBERT de 1667.
Cette ordonnance de MOULINS affirme l'interdiction des aliénations du domaine de la couronne sauf pour cause de guerre ou constituer des apanages (le fils ainé hérite de la couronne et les autres enfants recevaient des terres en compensation).
Il n'y pas de filiation directe entre notre inaliénabilité actuelle et l'ordonnance de MOULINS. A 3 niveaux =
Premier point de divergence – l'ordonnance de 1566 a pour but de protéger le patrimoine royal comme source de revenus, on veut éviter que le monarque cède des biens rentables pour les finances publiques, autrement dit l'idée d'affectation à l'usage de tous pour un service public n'apparait pas dans l'ordonnance de MOULINS.
Deuxième différence – dans l'ordonnance le principe d'inaliénabilité s'applique à l'ensemble des biens compris dans le domaine de la couronne. Pas de distinction entre domaine public et domaine privé.
Troisième différence – l'ordonnance de MOULINS a été abrogée à la révolution française par loi des 22 novembre et 1er décembre 1790. Cette loi prévoit que les domaines nationaux peuvent être vendus et aliénés en vertu d'un décret. On accepte que les biens nationaux puissent être vendus, la seule exception concerne certains biens qui demeurent inaliénable à savoir les voies de circulation, et le domaine maritime.

L'inaliénabilité du domaine public n'a plus de fondement législatif à la révolution, et la jurisprudence va faire survivre ce principe. Le législateur va s'en désintéresser jusqu'en 1957, il faut attendre art L 52 du code du domaine de l'État en 1957 pour que le législateur dise à nouveau que les biens du domaine public sont inaliénables et imprescriptible. Pour les collectivités locales art 13 loi 5 janvier 1988.

Pendant toute la période de la révolution jusqu'en 1957 le principe d'inaliénabilité a continué d'être utilisé par le juge et personne ne l'a contesté.
Cette survie du principe dans le silence du législateur pose le problème de la valeur du principe d'inaliénabilité. Il est clair que pour le juge le caractère inaliénable du domaine public s'applique même sans texte. Certains y ont vu un principe général du droit domanial.
Il restait à justifier ce principe, certains l'ont fondé sur la propriété publique à tort, mais en général la jurisprudence a fondé ce principe sur la protection de l'affectation publique. CE 19 décembre 2007 Commune de MERCY LE BAS.

B) La valeur du principe d'inaliénabilité

Pendant un temps la doctrine s'est interrogé si caractère valeur constitutionnelle ou non.
Depuis les décisions du CC du 18 septembre 1986 TF1 et juillet 1994 sur les droits administratifs, le principe d'inaliénabilité n'a pas valeur constitutionnelle. Il a simplement valeur législative et trouve son fondement législatif dans 3 textes =
Art L 3111-1 CGPPP
Art L1311-1 code général des collectivités territoriales
Art L6148-1 code de la santé publique

Le CC a eu à plusieurs occasions la possibilité de consacrer la valeur constitutionnelle de l'inaliénabilité du domaine public. Il a toujours refusé de le faire.
La principale raison c'est que pour faire d'un principe législatif un principe à valeur constitutionnelle il faut passer par la notion de principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Or si on veut trouver un fondement textuel au principe d'inaliénabilité dans les lois des I ère, II e et III e République on a des problèmes.
Car le seul texte que l'on peut utiliser est la loi des 22 novembre et 1er décembre 1790. Mais cette loi supprime l'ordonnance de 1566. Notre seule référence textuelle est un texte contraire au principe d'inaliénabilité.
Donc le CC aurait beaucoup de mal à justifier la valeur constitutionnelle du principe d'inaliénabilité sachant qu'il n'y a pas de loi de la République susceptible de fonder un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Le CC aurait pu faire comme la continuité du SP càd créer un principe sans base textuelle. Il ne veut pas le faire car ce qu'il faut protéger ce n'est pas le caractère inaliénable ou non du domaine public, mais l'affectation du bien à un SP ou à l'usage de tous et pour ce faire il suffit de grever un bien privé d'une servitude d'affectation. C'est le cas de France Telecom.
C'est pourquoi le CC n'a jamais saisi l'occasion qui lui était donné de consacrer ce principe au niveau constitutionnel.

C) Les conséquences de l'inaliénabilité

Les ventes au profit de tiers

Les personnes privées ne peuvent pas acquérir à titre onéreux des dépendances du domaine public tant que celles-ci n'ont pas été désaffectées et déclassées, sous réserve art L2141-2 déclassement anticipé.
De telles ventes portant sur des biens inaliénables emportent la nullité.

Le CE a très rapidement posé des principes et les conséquences de l'inaliénabilité, la conséquence pour le CE d'une cession du domaine public est la nullité de l'aliénation. Le CE n'est pas le seul juge a intervenir.
S'agissant du CE dans un arrêt CAZEAUX de 1967 il admet que toute personne qui a un intérêt peut demander l'annulation des cessions des biens du domaine public, toute personne intéressée peut faire un recours pour excès de pouvoir contre l'acte administratif unilatéral qui autorise la cession. Le recours va entrainer la nullité de l'acte erga omnes.

La cour de cassation a eu un peu plus de mal, car ce n'est pas le juge naturel du domaine public. Arrêt 1986 SARL Notre Dame des Fleurs s'est montrée très hostile à une large recevabilité des actions en annulation contre les contrats portant cession des biens du domaine public.
Elle estimait traditionnellement que l'inaliénabilité protège les intérêts de la collectivité publique propriétaire, mais ce n'est pas vrai, et qu'en conséquence seules les parties au contrat pouvaient intenter un recours contre le contrat. Bien sûr la cour de cassation a été fortement critiquée par la doctrine et a opéré un revirement dans l'arrêt du 3 mai 1988 Demoiselle RENAULT/ EDF « toute personne est fondée à invoquer la règle de l'inaliénabilité du domaine public lorsque cette règle est nécessaire à la défense de ses droits ». On ouvre le contentieux à des tiers. Les particuliers peuvent donc exciper de l'inaliénabilité devant le juge judiciaire mais les effets seront variables.
Devant le juge judiciaire, lorsque l'action contre le contrat est intentée par une des parties au contrat, la conséquence du recours sera la nullité du contrat. En revanche quand l'action contre le contrat est invoquée par un tiers la cession sera simplement inopposable au tiers intéressé et le titulaire du droit de propriété ne pourra pas exercer ses prérogatives.
En revanche devant le juge administratif ce n'est pas le contrat qui est attaqué mais l'acte administratif unilatéral qui autorise ce contrat. Dès lors que c'est de l'excès de pouvoir l'annulation produira des effets erga omnes et entraine la nullité de la vente.

L'expropriation du domaine public

Le CE dans un arrêt 21 novembre 1984 Conseil de fabrique de l’Église Saint Nicolas des Champs a clairement affirmé qu'il était impossible d'exproprier des parcelles du domaine public. L'explication est simple, le DP étant inaliénable, cette inaliénabilité concerne les cessions amiables et forcées.
La cour de cassation arrêt 29 octobre 1900 Chemins de Fer du Nord, a confirme l'impossibilité d'exproprier le domaine public.

Pour pallier cette impossibilité le juge administratif a inventé la théorie des mutations domaniales qui permet un transfert d'affectation et de gestion par voie d'autorité au profit de l'État sans qu'il n'y ait privation de propriété et donc sans méconnaissance du principe d'inaliénabilité.

Cette théorie de mutation domaniale a été confirmée par l'art L11-8 CE et par le CGPPP.

D) Les apports du code au principe d'inaliénabilité

Une réaffirmation sans surprise du principe

Art L 3111-1 CGPPP prévoit que les biens qui relèvent du DP sont inaliénables.
Le principe en 2006 est confirmé dans sa plénitude alors que de très nombreux auteurs estimaient qu'il était peut être temps de le supprimer ou de l'aménager fortement.
Ces auteurs se fondaient sur des exemples de France Telecom ou La Poste car dans ces mécanismes on avait reconnu l'existence de biens privés grevés d'une servitude d'affectation et le CC avait estimé que de tels montages n'étaient pas contraire à la Constitution dès lors que le principe de continuité du SP était garanti.
Ces mêmes auteurs contestaient le maintien du principe au regard de la théorie des mutations domaniales. Ils estimaient que cette théorie était contraire au principe de libre administration des collectivités locales.
Une grande partie de la doctrine disait qu'il fallait renoncer à ce principe, pourtant l'ordonnance maintien avec force ce principe.
Immédiatement après l'ordonnance va permettre une certaine respiration des propriétés publiques en aménageant l'inaliénabilité.

Les multiplications des aménagements à l'inaliénabilité

Le constat – avant 2006 et l'entrée en vigueur du code la position des personnes publiques propriétaires d'un domaine public et qui souhaitaient vendre des parcelles à d'autres personnes publiques était confuse.
Soit la collectivité classait le bien sans désaffecter et commettait alors un détournement de procédure.
Soit la collectivité vendait le bien sans déclasser et la vente était frappée de nullité. Or dans certains cas la vente de biens domaniaux à d'autres personnes publiques était utile et indispensable au SP.
Dès lors les collectivités étaient démunies pour transférer la propriété de leurs biens.
C'est pourquoi les praticiens ont commencé à se poser des questions sur l'avenir.
C'est pourquoi les art 3112-1 et suivants ont cherché des solutions pour améliorer les possibilités de cessions entre personnes publiques voire avec des personnes privées.

a) Les cessions de propriété entre personnes publiques sans déclassement préalable

Depuis le 1er juillet 2006 et entrée en vigueur du code, l'État, les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent procéder entre eux à des cessions amiables sans déclassement préalable.
La cession doit permettre l'exercice des compétences de la personne publique qui acquiert les biens. Ces biens acquis vont toujours relever de son domaine public.

Première observation - on ne parle que de cessions amiables, autrement dit il est toujours interdit d'exproprier le domaine public, véritable incohérence
ART L 3112-1 ne vise que les cessions amiables.
Quelles sont les cessions amiables possibles =
les parties au contrat de vente sont des personnes publiques visées à l'art L 1du CGPPP
le bien cédé doit relever du domaine public
le bien cédé doit être destiné à l'exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et doit relever de son domaine public

C'est clairement un aménagement au principe d'inaliénabilité avec la garantie que le bien continuera d'appartenir au domaine public.
Permet de résoudre les difficultés pratiques entre personnes publiques.

3 observations qui sont les conséquences =
les personnes publiques ne sont jamais obligées de vendre à l'autre personne publique, c'est un caractère spontané et amiable
on parle de cession, de vente, donc ne peuvent intervenir qu'en pleine propriété
c'est une cession entre personnes publiques ce qui signifie qu'elles ne poursuivent pas en principe des fins d’intérêts privés, le bien acquis est nécessaire à l'exercice des compétences de l'acquéreur et il est maintenu dans le domaine public
C'est pourquoi le CC et le CE admettent que cette aliénation entre personnes publiques peut être réalisée à titre onéreux au prix du marché, voire à titre gratuit lorsque l'intérêt général le justifie.

b) Les échanges et cessions de biens après déclassement

Là encore le CGPPP va aménager le principe d'inaliénabilité pour permettre à des personnes publiques de céder voire d'échanger des biens après déclassement, en vue d'améliorer les conditions d'exercice de leurs SP.

Les échanges peuvent se faire entre personnes publiques ou entre personne publique et personne privée. Deux cas =
l'échange du bien de l'article L 3112-2 – échange sans déclassement portant sur 2 biens appartenant et restant appartenir au domaine public entre deux personnes publiques. Ici 2 personnes publiques s'échangent des parcelles de leur domaine public respectif afin toujours d'améliorer l'exercice de leurs SP.
Art L 3112-3 relatif à un échange avec déclassement – autorise le déclassement d'un bien affecté au SP en vue d'en permettre un échange avec une personne privée. Par l'effet de l'échange l'auteur du déclassement va acquérir un immeuble régi par le droit privé, il va ensuite affecter cet immeuble au SP et l'utiliser et donc l'incorporer à son propre domaine public. Mais en même temps la personne publique va transférer la propriété de son immeuble lors du déclassement. Càd que l'acte d'échange va devoir garantir l'existence et la continuité du SP.

Les cessions de biens sans déclassement préalable

Procédure de l'article L 2141-2 qui permet de déclasser de manière anticipée les biens sous réserve qu'ils soient désaffectés matériellement dans les 3 ans.

§ 2 – L'imprescriptibilité du domaine public

La doctrine s'accorde pour dire que l'imprescriptibilité complète l'inaliénabilité parce qu’elle a vocation à lutter contre la négligence de l'administration. Parfois l'administration oublie qu'elle est propriétaire de biens domaniaux et permet à des tiers d'en prendre possession. C'est ici que le caractère imprescriptible permet de lutter contre cette faille.
Certains en déduisent que l'imprescriptibilité découle de l'inaliénabilité. C'est une erreur c'est complémentaire mais ce n'est pas une conséquence juridique du caractère inaliénable.

A) Usucapion et domaine public

Dans le Code civil il existe des dispositions qui prévoient l'existence d'une part d'une prescription extinctive et d'autre part l'existence d'une prescription acquisitive (usucapion) qui est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession dès lors possession paisible et d'une durée de 10 ou de 30 ans.
La jurisprudence civile et administrative a toujours estimé que le domaine public étant imprescriptible, l'usucapion ne fonctionnait pas et ne permettait pas à un possesseur de bonne foi de revendiquer la propriété des biens qu'il possède.
En ce sens arrêt CE 1967 CAZEAUX.

On estime concrètement qu'il y a 3 conséquences de cette interdiction de l'usucapion trentenaire =
Le fait qu'une personne publique ait autorisée des personnes privées à occuper des dépendances du domaine public sans revendiquer la domanialité desdites dépendances, n'a pas pour effet de faire naitre un droit de propriété aux occupants.
Le principe d'imprescriptibilité permet à la personne publique propriétaire de revendiquer le bien à n'importe quel moment.
L'imprescriptibilité du domaine public s'applique non seulement à la propriété elle même mais aussi à l'ensemble des droits réels immobiliers dont la propriété peut être l'objet ( les servitudes).
CE 22 décembre 1965 Commune de THYL.
S'agissant domaine public mobilier l'imprescriptibilité tient en échec l'adage selon lequel - en fait de meuble possession vaut titre. CE 9 novembre 2011 MURAT DE CHASSELOUP LAUBAT.

B) L'imprescriptibilité de l'action domaniale

L'action domaniale est la voie de droit juridictionnelle destinée à obtenir la remise en état, la réparation d'une dépendance du domaine public.
Cette action domaniale est imprescriptible, l'idée est qu'il faut permettre à l'administration de corriger à tout moment les erreurs dues à sa passivité car le domaine public doit pouvoir à toute époque être rétabli dans son intégrité.
Ce qui est pratique en matière de pollution du domaine public maritime.

L'action domaniale n'est qu'une action en réparation, et ce n'est pas une action répressive, lesquelles actions répressives se prescrivent par 1 an.

C) L'interdiction des actions possessoires

La doctrine universitaire pendant longtemps a fondé l'exclusion des actions possessoires contre les personnes publiques propriétaires du domaine public sur le principe d'imprescriptibilité. En effet, la règle de l'imprescriptibilité implique l'impossibilité d'une possession purement privée du domaine public. Donc comme il n'y a pas de possession privée, les particuliers ne sont pas recevables à exercer une action possessoire contre l'administration propriétaire de ce domaine.
TC 22 juin 1889 DE ROLLAND / FAUBAT
TC 24 février 1992 COUACH – ici le tribunal des conflits conforte la doctrine et fonde expressément l'interdiction des actions possessoires sur le principe d'imprescriptibilité. Mais il nuance cette interdiction.
Il y a 3 actions possessoires majeures =
la complainte – demander au juge de faire cesser atteinte à la possession
la réintégrande
la dénonciation de nouvel œuvre – demander au juge de faire cesser atteinte à la construction de l'ouvrage et à sa possession paisible

La complainte et la dénonciation de nouvel œuvre sont clairement prohibées à l'encontre d'une personne publique gérant un domaine public.
La seule action possessoire qui est permise est la réintégrande  - action qui permet au possesseur de bonne foi de recouvrer la jouissance des biens qu'il a perdu lorsqu'il a été dépouillé de cette possession à la suite d'une voie de fait. Il faut une dépossession violente.
Le TC dit qu'en cas de dépossession violente l'action possessoire est recevable contre le domaine public. La recevabilité d'une telle action se fonde sur la recherche de la paix publique procédant du principe que nul ne saurait se faire justice à soi même.

§ 3 – L'interdiction de la formation de droits réels sur le domaine public
A) Le principe de l'interdiction

Selon la doctrine classique, DUFAU, la règle de l'inaliénabilité interdit les démembrements de la propriété du domaine public, càd la constitution de droits réels sur ce domaine.
La doctrine majoritaire et ancienne estime que la création de droits réels quels qu'ils soient, constitue une aliénation partielle du bien. Elle assimile clairement tous les droits réels comme étant interdits que ce soit les servitudes, les démembrements nu propriété /usufruit, les droits réels servant de garanties (hypothèque, fiducie), ou les droits réels issus bail à construction ou bail emphytéotique.

Un droit réel est un droit qui porte sur une chose et opposable erga omnes, instrument de sécurité juridique pour le titulaire de ces droits réels.

Il existe une doctrine plus moderne qui conteste cette liaison entre inaliénabilité et interdiction de droits réels.
Selon GODEMET et YOLKA, la doctrine classique a une vision trop extensive du principe de l'inaliénabilité qui vise non seulement l'aliénation stricto sensu de biens mais aussi les démembrements de propriété. Or, en droit civil la jurisprudence de la cour de cassation n'interdit pas systématiquement que des biens inaliénables soient grever de servitudes.
Mais surtout décision du CC 21 juillet 1994 – le CC dit « la constitution de droits réels n'a pas pour objet de permettre ou d'organiser l'aliénation de biens du domaine public ». Autrement dit le CC lui même nous dit que lorsqu'on crée des droits réels sur le domaine public il n'y a pas aliénation.
Le CE 1997 Société SAGIFA reconnaît que l'occupant du domaine public peut être propriétaire des ouvrages qu'il construit dessus. Propriété certes précaire et temporaire mais quand même une propriété, et c'est une question fondamentale.
Si a fortiori le CE reconnaît la propriété des biens construit par l'occupant, il ne peut pas cependant fonder cette reconnaissance s'il appliquait un principe extensif de l'inaliénabilité comme la doctrine classique.

Quelque soit la doctrine le juge a toujours été très classique dans son refus de créer des droits réels sur le domaine public. L’arrêt qui illustre cette interdiction –1985 Association EUROLAT / Crédit Foncier de France où le CE affirme avec force que la constitution de droits réels est incompatible avec les principes de la domanialité publique.
Confirmé par CE 1991 PALANQUE.

La jurisprudence du CE est confirmée par les sections administratives, dans un avis 22 juin 1993 le CE précise que la règle de l'inaliénabilité fait obstacle à la réalisation sur le domaine public de construction, selon la technique du bail emphytéotique ou à construction, car ces baux comportent des droits réels.

S'agissant du législateur il n'a jamais adopté un texte général prohibant les droits réels sur le domaine public, en revanche série de mesures ponctuelles comme l'article L 318-3 du code de l'urbanisme.

B) Le sort des servitudes

C'est à propos des servitudes que le droit administratif pose le plus de problèmes.
La question des servitudes sur le domaine public est ancienne et s'est posée à propos des rapports de voisinage entre propriétés contiguës. Mais la jurisprudence pas très fournie car pas trop de contentieux.
Le problème est arrivé lorsque s'est développé l'urbanisme vertical. Quand on construit des ouvrages complexes en hauteur, il y a souvent plusieurs propriétaires publics et privés distincts.
Or pour gérer un ouvrage complexes il y a 2 méthodes =
la copropriété – on s'insère dans la loi de 1965 du 10 juillet et prévoir des parties privatives et communes, depuis 1994 avec l'arrêt du CE il n'y a plus de domanialité publique dans la copropriété
la superposition de volumes ou la division en volumes – il n'y aura pas de parties communes entre les différents propriétaires.

Or pour superposer les volumes et organiser les relations entre propriétaires il faut un réseau de servitudes, dès lors comment organiser ce réseau lorsque certains volumes et lots sont une propriété publique dépendant du domaine public ?
Les notaires ont un problème concret de mettre en place les servitudes alors que ce sont des droits réels interdit sur le domaine public.

L'état du droit avant le GCPPP

Le problème était que les 2 juges interviennent, le juge judiciaire est le juge du droit commun pour connaître les litiges concernant des servitudes de droit privé. Le juge administratif est compétent pour toute question concernant la compatibilité de la servitude avec l'affectation domaniale.
2 hypothèses =

a) Le sort des servitudes conventionnelles avant le CGPPP

Ici le droit était rendu complexe par la position du CE. Le CE subordonnait sa solution à la question de savoir qui préexistait entre la servitude et le domaine public ?
S'agissant des servitudes postérieures à l'incorporation dans le domaine public, le CE avait une solution absolutiste – la constitution de telles servitudes était toujours prohibée. CE 1954 Commune de CHAMPIGNY sur YONNE. Confirmé 1980 TC SCI résidence des PERRIERS
S'agissant des servitudes antérieures à l'incorporation dans le domaine public, ces servitudes conventionnelles pouvaient subsister à condition qu'elles soient compatibles avec l'affectation domaniale.

Pour la cour de cassation la situation est plus simple, elle estime qu'une servitude peut être constituée sur le domaine public ou peut être maintenue sur le domaine public dès lors qu'elle est compatible avec l'affectation.

Qui a raison ? La cour de cassation car ce qu'on veut protéger c'est l'affectation, or ce que le CE protège c'est la propriété.
Mais en pratique le CE l'a emporté car c'est lui qui au final va décider si la servitude est compatible ou non avec l'affectation. Or la jurisprudence du CE fait apparaître qu'il a pratiquement toujours refusé de reconnaître la compatibilité.
Seul contre-exemple SIEUR GUE 1965 CE.
Le juge administratif a contré la jurisprudence judiciaire grâce à ce contrôle.

b) Le sort des servitudes conventionnelles depuis l'entrée en vigueur du CGPPP

Article qui vient simplifier la situation des occupants puisque art L 822-4 permet désormais de prévoir des servitudes conventionnelles dans la mesure où celles ci sont compatibles avec l'affectation. Clairement le CGPPP s'inscrit dans la logique de la jurisprudence judiciaire et non administrative.
La question est de savoir comment il est réceptionné par la jurisprudence administrative, c'est la question en suspend.
On impose au juge administratif une position qu'il rejetait mais on le laisse toujours libre aussi que l'administration de déterminer si la servitude conventionnelle est compatible ou non. Certains auteurs ont estimé qu'il y avait un danger réel que le juge administratif ne modifie pas sa jurisprudence et reste fidèle à un refus quasi systématique de reconnaître la compatibilité. Les premières juridictions du fond qui ont statué donne un sentiment positif  Cour administrative de Lyon 2011 Syndicalistes des Transports en commun de l'agglomération grenobloise la cour estime qu'il y a compatibilité.
CE 2011 BOUYEURE il semble faire preuve d'une certaine souplesse.

Les servitudes légales sur le domaine public

Depuis le XIX e la jurisprudence judiciaire et administrative rejette systématiquement sauf texte contraire la création de servitudes légales sur le domaine public. Cela vaut pour toutes les servitudes légales classique – écoulement des eaux, de passage, de vue et de jour, et la mitoyenneté.

Dès lors ces servitudes légales si elles existaient avant l'incorporation des biens au domaine public disparaissent en entrant dans le domaine public. Il ne serait exister des servitudes grevant le domaine public CE 11 juillet 1955 Compagnie des Salines du Midi, TC 28 avril 1980 résidence des PERRIER.

S'agissant de ces servitudes légales le CGPPP n'a pas modifié la jurisprudence antérieure. C'est logique =
lorsqu'on est en face d'une servitude légale elle résulte de phénomènes, de faits, d'actes totalement indépendants de la volonté de l'administration domaniale. Donc l'administration ne pourra jamais contrôler la compatibilité
si les servitudes légales peuvent être constituées il est toujours possible de recourir aux servitudes conventionnelles et à l'occasion de la conclusion de l'accord l'administration domaniale pourra contrôler la compatibilité de la servitude conventionnelle avec l'affectation.

La servitude légale est généralement gratuite ou peu chère, l'administration lorsqu'elle sera confronté à une demande de servitude conventionnelle va la monnayer. C'est un moyen pour l'administration de valoriser à peu de frais son domaine public.

Section 2 – L'obligation d'entretien du domaine public

Les administrations domaniales ont l'obligation d'entretenir leur domaine public respectif. CE 3 mai 1963 Commune de Saint Brévins les Pins.
Dans cet arrêt le CE affirme l'obligation de l'administration d'assurer la conservation de son domaine alors même qu'aucun texte ne donne compétence à cet effet.
Garantir sa conservation et son affectation.

La jurisprudence est très affirmative sur cette obligation et est relayée par des textes ponctuels.
Il n'y a pas de texte général prévoyant une obligation générale d'entretenir le domaine public, si on cherche dans les textes en dehors du domaine public local où il y a des textes, le CGPPP ne prévoit pas expressément une disposition pour cette obligation d'entretien.
Cette absence de texte n'est pas problématique car la jurisprudence a pris le relai bien en amont.
S'agissant des textes spécifiques il y a une multitude de dispositions du code générale des collectivités territoriales qui prévoient parfois expressément parfois implicitement l'obligation d'entretien.
→ art L 2224-17 CGCT prévoit une obligation générale d'entretien à laquelle sont soumis les propriétaires et affectataires du domaine public
→ obligation pour les communes d'entretenir leur hôtel de ville

Dans d'autres hypothèses le CGCT va faire implicitement obligation à la collectivité locale d'entretenir le domaine public.
→ Art L 2124-11 CGPPP auquel renvoi le CGCT prévoit que les autorités domaniales doivent garantir le curage des cours d'eaux domaniaux.

Conséquences de cette obligation d'entretien =
→ Concernant les collectivités locales, l'obligation d'entretien constitue une dépense obligatoire inscrite au budget de la collectivité, càd que si la collectivité locale oublie d'inscrire au budget des dépenses afférentes à l'entretien de son domaine public, le préfet ou n'importe quel citoyen peut demander à la chambre régionale des comptes de constater l'absence d'inscription au budget, la chambre régionale des comptes va le constater et cela va permettre au préfet de mettre en demeure la collectivité voire de le faire d'office.
→ Lorsque le domaine public n'est pas entretenu, le défaut d'entretien entraine la responsabilité de la personne publique.
# Si le domaine public est constitué par un ouvrage public, on applique la responsabilité du fait des travaux publics.
# En revanche il peut arriver que les dommages causés par le domaine public ne soient pas liés à un ouvrage public. Ici les choses sont plus compliquées. Lorsque la dépendance domaniale ne constitue pas un ouvrage public la responsabilité pour défaut d'entretien ne peut être recherchée dans le régime des travaux publics. La victime, qu'elle soit tiers ou usager du domaine public, va donc devoir faire appel au principe traditionnel de la responsabilité administrative, donc devra démontrer une faute de la part de la personne publique.

Section 4 – La protection pénale du domaine public (pas à l'examen)

Actuellement 2 types de protection =
celle des contraventions de grande voirie
celle des contraventions des voiries routières

Le domaine de protection des contraventions de grandes voiries ne concerne pas les voiries, sont protégés par ces contraventions le domaine public maritime, le domaine public fluvial, le domaine public ferroviaire, le domaine public aéronautique, le domaine public militaire, les parcs nationaux.
Ce qui échappe à la protection ici sont les bâtiments publics ordinaires.
Ces domaines publics bénéficient d'une protection pénale particulière, les contraventions de grande voiries constituent un régime hybride entre droit pénal et droit administratif
ce n'est pas le juge pénal qui est compétent mais le juge administratif, c'est lui qui les prononce, et c'est la seule hypothèse où le juge administratif est un juge répressif
en matière de contraventions de grandes voiries l'administration et le juge n'ont pas l'opportunité des poursuites, lorsqu'une personne porte atteinte à un domaine public protégé, l'administration domaniale doit demander au préfet de poursuivre le contrevenant. Le juge doit le condamner sans que celui-ci puisse invoquer un élément atténuant
les contraventions de grandes voiries répriment des comportements objectifs, donc une atteinte à l'intégrité physique du domaine public, ou une affectation et ce peu importe la bonne foi du contrevenant. La personne poursuivie sera celle propriétaire du bien qui a causé une atteinte au domaine public.
En raison de ce régime objectif les circonstances atténuantes n'existent pas, les seules causes exonératoires sont – la force majeure ou un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure.
Ces contraventions obéissent à certains principes du droit pénal, la prescription est d'1 an, ensuite l'action répressive peut être amnistiée. Enfin il faut un texte qui crée la sanction.
Les contraventions sont d'un montant relativement modestes car ne dépassent pas le montant des contraventions de 5ème classe.

Les contraventions de voiries routières sont la compétence du juge judiciaire. ON a estimé que le contentieux de la route doit faire l'objet d'un bloc de compétence au profit du juge judiciaire.
Répression pénale plus classique qui trouve son fondement non pas dans le CGPPP mais dans le Code de la Voirie routière.
On retrouve le droit pénal classique càd qu'il y a opportunité des poursuites de la part du parquet, seul bémol – l'administration doit se porter partie civile.


TITRE III – Les utilisations du domaine public

2 façons de l'utiliser – utilisations collectives et utilisations privatives. (cimetières mis à part)

L'usage collectif du domaine public présente 3 caractéristiques essentielles =
emploi anonyme et impersonnel, l'administration n'a pas à rechercher l'identité des usagers
usage épisodique ou intermittent, personne n'a vocation à résider de façon continue sur le domaine public
usage normal càd conforme à la destination du domaine public, pour définir le caractère normal ou anormal de l'usage on prend en considération l'objet de l'activité exercée par l'usager
Exemple – il y a usage normal des voies publiques lorsque l'usager exerce sa liberté d'aller et de venir. Pour les taxis il faut une autorisation car c'est un acte commercial.
- Le fait d'organiser des élections sur la chaussée est un usage anormal en ce sens CE 3 mai 1974 Mutuelle Nationale des Étudiants de France.

L'utilisation privative – lorsqu'il y a usage anormal du domaine public. Lorsqu'il y a utilisation privative il y a 3 caractéristiques essentielles =
l'utilisation privative donne lieu à une situation juridique individualisée par un titre/une autorisation contractuelle ou unilatérale
lorsqu'il y a utilisation privative consécutive à une autorisation, celle-ci confère à son titulaire un droit exclusif. L'usager privatif sera le seul à pouvoir utiliser l'emplacement qui lui a été attribué, sorte de privilège/d'exclusivité
l'usage privatif revêt généralement un caractère permanent même si l'autorisation est délivrée à titre précaire et pour une durée déterminée.

Généralement les utilisations privatives sont anormales donc non conformes à la destination du domaine public, mais simplement compatible – la cafétéria de la fac.
Mais dans certains cas on sera en présence d'utilisations privatives normales – les marchés d'intérêt national (le marché gare).


Chapitre I – Les utilisations communes du domaine public

La doctrine identifie 3 principes cardinaux en matière d'utilisation collective ou commune du domaine public =

§ 1 – La liberté d'utilisation du domaine public

Par sa nature même l'utilisation collective du domaine public est conforme à sa destination. Càd que l'utilisation du bien par le public directement ou indirectement par le biais d'un service public constitue la raison même du domaine public parce qu'il ne pourrait y avoir affectation sans cet usage commun. C'est pourquoi cet usage commun doit forcément être libre.
C'est d'autant plus vrai lorsque le domaine public est le vecteur de libertés fondamentales comme celle d'aller et de venir.

Remarques =
Pour bénéficier de la liberté d'utilisation l'usage doit être conforme à l'affectation domaniale. Est ce qu'un mendiant faite usage conforme ou non du domaine public ? Si oui on ne peut pas l'interdire, sinon on peut.
Dès lors qu'il y a utilisation conforme à l'affectation, cet usage collectif ne peut faire l'objet d'interdiction d'ordre général et absolu. Même règles qu'en matière de police.
La volonté de garantir cette liberté d'utilisation collective a amené le juge à adopter une jurisprudence très restrictive par rapport à tout régime d'autorisation ou de déclaration préalable.
La liberté d'utilisation peut comporter des limitations, l'administration domaniale peut toujours limiter l'usage du domaine public en vue d'assurer la conservation de ce domaine public ou d'assurer la protection de l'ordre public. Le juge a toujours admis de telles limitations à condition qu'elles soient justifiées et strictement proportionnées.

CE 1972 Ville de Dièppe mettait en cause une réglementation qui limitait la circulation des véhicules afin de créer des zones piétonnières, le CE estime que cette mesure peut avoir pour but la commodité et la sécurité de la circulation, et dès lors qu'elle est proportionnée elle est légale.
Le véritable enjeu concerne le stationnement sur les voies publiques. Initialement la jurisprudence surtout judiciaire estimait que le stationnement des véhicules sur la voie publique était un usage anormal et incompatible avec l'affectation.

Dans les années 30 la jurisprudence du CE a évolué et on a reconnu que le droit de stationner est le corollaire du droit de circuler, donc c'est une liberté, donc pas d'interdiction générale et absolue.
Avec l'essor de la circulation le juge a dû nuancer, c'est toujours un droit mais il ne doit être ni abusif ni anormal et il incombe au pouvoir de police à partir de quand le stationnement devient abusif.
Dès lors le CE a autorisé les maires à instaurer des stationnements payants, des zones d'interdiction, des limitations de stationnement etc.
CE 26 février 1969 Fédération Nationale des Automobiles clubs de France.

Ce stationnement payant qui est une atteinte à la liberté ne peut officiellement être fondé sur des considérations financières de la collectivité.
Donc d'après la jurisprudence un stationnement payant n'est légal qu'à 3 conditions =
il doit être justifié par les nécessités de la circulation
il ne doit pas porter atteinte au droit d'accès et aux désertes des riverains
il doit revêtir un caractère subsidiaire, autrement dit il ne doit intervenir que lorsque d'autres mesures règlementaires se sont révélées insuffisantes pour limiter le stationnement abusif

§ 2 – Le principe d'égalité

Ce n'est pas un principe d'égalité parfaite puisque c'est surtout un principe de non discrimination. Doivent être traité de la même manière les personnes qui sont dans la même situation de droit et de fait.
CE 2004 Département de la Vendée.

Conséquences =
→ Le juge s'oppose à toute forme d'arbitraire dans l'accès des bâtiments publics CE 1949 CARLIER
→ Le principe d'égalité ne peut être invoqué par l'usager qu'à la condition qu'ils soient dans la même situation de droit et de fait par rapport aux autres usagers, CE 1974 DENOYEZ & CHORQUES / CE 20 février 1961 LAGOUTTE & ROBIN ici le CE estime que les entreprises de transports de poids lourds ne sont pas dans la même situation qu'une entreprise qui utilise des véhicules utilitaires

§ 3 – Le principe de gratuité

Dans les lois de ROLLAND sur le service public la gratuité n'est pas reconnue comme un principe systématiquement, notamment à cause des SPIC.
S'agissant du domaine public, le principe de gratuité apparait un peu plus fort, le principe de gratuité est la contrepartie nécessaire, directe de l'usage collectif. Il ne peut y avoir usage collectif libre sans gratuité. C'est pourquoi la jurisprudence se montre attentive/vigilante au respect de ce principe de gratuité lorsqu'on est en présence d'usagers qui font un usage collectif anonyme du domaine public.

Ce qui amène la question de savoir la valeur de ce principe de gratuité.
La jurisprudence constitutionnelle n'a jamais affirmé la valeur constitutionnelle de ce principe de gratuité, CC 12 juillet 1979 sur les ponts à péage.
Le CC dans cette décision « si la liberté d'aller et venir est un principe à valeur constitutionnelle, celle-ci ne saurait faire obstacle à ce que l'utilisation de certains ouvrages donne lieu au versement d'une redevance ». Le CC refuse de consacrer au niveau constitutionnel cette gratuité.
En l'espèce on était en présence d'un contentieux sur le point de l'ile d'Oléron, le CE avait censuré les tarifs de l'ile le 16 février 1979.
Le législateur vient contrer cette jurisprudence et autorise un péage, ce qui a donné lieu à la loi du 12 juillet 1979 à la même date que la décision du CC. Cela permet au législateur de prévoir des hypothèses de péages.

Le principe de gratuité a été en partie vidé de sa substance par la multiplication de lois qui prévoient la perception de redevances, de péages, de droits à l'occasion de l'utilisation de certains ouvrages publics du domaine public.
Cela vise les péages autoroutiers depuis une loi du 18 avril 1955, et le CE précise à ce sujet dans l'arrêt MERLIN 14 février 1975 que les péages autoroutiers étaient des redevances pour service rendu et non pas des redevances domaniales.
Cela vise les ponts à péages et tunnels routiers avec loi de 1980 confortée par la loi du 12 juillet 1979.
C'est aussi le cas du stationnement payant avec l'article L 2113-6 DU CGCT.

En dehors de ces exceptions législatives, le principe reste celui de la gratuité.


Chapitre II – Les utilisations privatives

Comment l'administration domaniale met en valeur le domaine public ? Il est clair que le domaine public est une richesse publique et dans l'état actuel des finances publiques l'objectif des pouvoirs publics est de valoriser cette richesse.

Dans un premier temps le domaine public n'était pas considéré comme objet de propriété mais comme un objet de police, donc l'administration domaniale en tant que simple autorité de police ne pouvait pas rechercher des intérêts financiers, économiques.

C'est seulement dans un 2nd temps qu'on est passé de la police à des pouvoirs de gestion. Ce passage s'est fait en 3 étapes =
entre les 2 guerres mondiales – on se rend compte à l'époque que le domaine public est un droit de propriété, et surtout que c'est une richesse collective à exploiter. CE Société des Autobus Antibois 1932 le CE accepte qu'un maire ne fonde pas ses décisions seulement sur l'ordre public ou la préservation du domaine public, mais également sur l'intérêt du concessionnaire du service public.
On permet aux maires de prendre des mesures de police qui intègrent des préoccupations de service public.
L’arrêt du CE 5 mai 1944 Compagnie Maritime de l'Afrique Orientale – le CE utilise le droit domanial en permettant aux gestionnaires du domaine public de créer des obligations de service public qui incombent à l'occupant du domaine public.
L’arrêt CE 20 décembre 1957 Société Nationale d'édition Cinématographique – le CE « il incombe à l'autorité chargée de la gestion du domaine public de fixer, tant dans l'intérêt dudit domaine et de son affectation que dans l'intérêt général, les conditions dans lesquelles elle entend subordonner les permissions d'occupation ».
La notion d'intérêt général ici va être interprétée de manière très souple car tout l'enjeu est l'intérêt financier. Le juge a eu du mal à passer au niveau financier.
Dans les années 30 affaire TAILLANDIER le CE est confronté à une question où l'intérêt financier de la collectivité aurait pu être invoqué, le CE dit simplement que l'autorité de police gérant le domaine public peut se fonder sur des considération d'intérêt général.
C'est seulement après la 2GM que le CE officialise sa jurisprudence =
→ affaire LAFOND 1960 et affaire CELLIER 1963 le CE autorise l'administration à ne pas renouveler un contrat d'occupation du domaine public en raison du refus de l'occupant d'accepter un relèvement de la redevance qu'il payait.
→ arrêt Société d'affichage GIRAUDY 1969 le CE dit clairement que l'autorité administrative peut légalement concéder des emplacements à une société d'affichage en se fondant sur les motifs d'ordre esthétique ou financier.
On reconnaît que l'intérêt financier est une partie prenante de l'intérêt général.
L'administration étant propriétaire utilise outre ses pouvoirs de police ses pouvoirs de gestion comme un propriétaire privé.
→ Arrêt 1986 Muséum d'histoire naturelle - le CE accepte que l'administration résilie un contrat d'occupation pour imposer des meilleures conditions financières dans le cadre d'un renouvellement.

Section 1 – Les conditions d'octroi des autorisations d'occupation privative

§ 1 – La délivrance de l'autorisation d'occupation

A) L'exigence systématique d'une autorisation préalable

Art L 2122-1 rappel une jurisprudence constante et sans exception, il ne peut y avoir utilisation privative du domaine public sans autorisation préalable.
Cet article ne fait que confirmer la jurisprudence constante qui est parfaitement logique, l'exigence d'une autorisation préalable a pour but de permettre à l'administration de contrôler que l'utilisation envisagée est compatible avec l'affectation. C'est pour formaliser ce contrôle de la compatibilité que le juge et le législateur exigent une mesure d'autorisation préalable.
Cette autorisation prend plusieurs formes, le juge et le législateur ont tiré toutes les conséquences de la reconnaissance d'un droit de propriété.
Au début du XX e lorsque le domaine public était un droit de police, la seule façon d'être autorisé à occuper le domaine public était d'obtenir un acte administratif unilatéral que ce soit un permis de stationnement ou une permission de voirie.

C'est seulement avec la reconnaissance d'un droit de propriété que le législateur a reconnu la possibilité de créer des contrats portant occupation du domaine public. Décret loi du 17 juin 1938. Contrats qui sont du ressort du juge administratif.
L'autorisation préalable qu’elle soit unilatérale ou contractuelle est généralement le symbole d'un pouvoir discrétionnaire. Toutefois par exception l'administration a compétence liée pour rejeter toute demande d'occupation lorsque l'activité envisagée est incompatible soit avec la conservation du domaine public, soit avec l'affectation.
Dès lors qu'il y a incompatibilité l'administration est tenue de refuser l'autorisation.
CE Saint Brévin les Pins.

Le défaut de l'autorisation de l'occupant entraine des conséquences nettes pour l'administration et l'occupant sans titre =
lorsqu'il y a occupation sans titre d'un domaine protégé par le droit des contraventions de grandes voiries l'administration doit poursuivre l'occupant au titre des contraventions de grandes voiries.
l'administration peut demander l'expulsion de l'occupant sans titre. Pendant longtemps compétence indifférenciée des 2 juges, arrêt CE 1961 Compagnie Fermière du Casino municipal de Constantine le CE reconnaît que tant le juge administratif que judiciaire peut être saisi par l'administration pour ordonner l'expulsion de l'occupant sans titre.
Arrêt TC 2001 Société BE Diffusion estime que seul le juge administratif est désormais compétent pour ordonner l'expulsion. Une exception où le judiciaire conserve sa compétence exclusive – les occupations sans titre du domaine public routier.
L'administration peut également dans certains cas procéder elle même à l'expulsion des occupants sans titre, cette expulsion d'office sans passer par le juge est subordonnée à de très nombreuses conditions =
→ urgence / et qu'il n'est pas contesté sérieusement que l'occupant soit sans titre

B) L'octroi d'autorisation à un pouvoir de gestion

Un pouvoir discrétionnaire

Sauf exception d'origine législative nul n'a droit à l'obtention d'une autorisation d'utilisation privative qu'elle soit conforme ou compatible.
La délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire est un privilège, une simple tolérance, donc il n'y a aucun droit acquis à obtenir une telle tolérance.
Plusieurs raisons expliquent l'absence de droit =
Question de bon sens, les surfaces soumises à la domanialité publique ne sont pas infinies/extensibles, c'est pourquoi tous les candidats/utilisateurs potentiels ne pourront bénéficier d'un droit d'usage exclusif
Les utilisations privatives sont le plus souvent des utilisations anormales, donc l'administration doit toujours garder la maitrise de cet usage anormal
L'administration est propriétaire de son domaine, donc elle a les mêmes prérogatives qu'un propriétaire ordinaire

Ce pouvoir discrétionnaire se situe à 2 niveaux =
→ le 1er – l'administration est libre ou non de délivrer l'autorisation d'utilité temporaire
→ le 2ème – l'administration pourra généralement librement choisir l'occupant temporaire de son choix

Ces 2 libertés doivent être exercées dans le respect de l'intérêt général.
Le juge se limite à un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation.

L'absence d'obligation de mise en concurrence

S'agissant de la commande publique on applique 2 grands principes issus de la jurisprudence européenne notamment l'arrêt 2000 TELOSTRIA (?) les contrats à la demande publique doivent obéir à des principes à savoir la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité d'accès et enfin la transparence. Ces principes aboutissent à ce que tout contrat de la commande publique fasse l'objet d'une publicité préalable et ensuite une mise en concurrence.

La question fondamentale en matière domaniale est de savoir si l'administration doit respecter ses obligations de publicité préalable et de mise en concurrence.
Lorsque l'administration est confrontée à une demande d'un candidat à une occupation privative, on n'est pas dans la commande publique puisque l'initiative n'appartient pas à l'administration.
La doctrine et la jurisprudence traditionnelle se montraient hostiles à l'obligation de mise en concurrence. En ce sens jurisprudence CAA Bordeaux SARL Aux Pois de Senteurs 1990, et CE 1993 Association Liberté dans les Gares, le juge administratif estime qu'il n'y a pas d'obligation de faire précéder la délivrance d'une autorisation d'utilisation temporaire par une publicité et une mise en concurrence.

Lorsque le CGPPP a été adopté une partie doctrine a regretté son silence sur la question d'une éventuelle publicité préalable ou mise en concurrence avant l'octroi d'une AOT.
Le silence s'explique car c'est un code qui s'intéresse uniquement au droit de la propriété publique et qui laisse de coté tout ce qui est commande publique.
Doctrine estime que dans de très nombreuses hypothèses une mise en concurrence préalable s'impose pour respecter certains principes européens voire français. Cette doctrine a raison, elle estime que le respect du droit de la concurrence dans certains cas implique obligatoirement une mise en concurrence.
D'autres auteurs estiment qu'il y a un fondement européen à savoir la directive Service qui prévoit que lorsqu'il y a facilité essentielle ou lorsqu'il y a un système d'autorisation préalable mis en place portant sur des ressources rares, il faut que les garanties d'impartialité et de transparence soient respectées.

Certains juges du fond ont commencé à aller dans ce sens, TA Nîmes 2008 Société trains touristiques EISENREICH, ici pour la première fois on exige une mise en concurrence préalable pour la délivrance d'une AOT.
Autre jugement TA Versailles 2010 Commune de Verrières-le-Buisson.

Restait au CE à statuer, il a rendu un premier jugement le 10 juin 2009 Port autonome de Marseille, il statue ultra petita pour rappeler que la passation des conventions d'occupation du domaine public n'est soumise à aucune procédure particulière.
Autre affaire, la plus importante, 3 décembre 2010 Ville de Paris / Association Paris Jean BOUIN, la ville de Paris conclu un contrat d'occupation temporaire avec le team LAGARDERE a charge de reconstruire le stade, de rénover etc, le contrat est conclu librement sans procédure de publicité ou de mise en concurrence. Or montage qui dépasse 35 millions d'Euros.  Affaire très politique  
Est ce une DSP ou un contrat d'occupation du domaine public pure et simple ? Le CE écarte la DSP alors que c'était assez évident, mais le CE a estimé qu'il n'y a pas d'obligation de mise en concurrence et de publicité préalable lorsqu'on est en présence d'un contrat comportant occupation du domaine public.

Quand l'AOT se double d'un contrat de partenariat ou d'une DSP le droit de la commande publique reprend toute son importance et il faut une publicité préalable.

L'obligation de motivation

La loi du 11 juillet 1979 prévoit l'obligation de motiver toute mesure de police ou toute mesure qui refuse un droit.
Or la délivrance d'une AOT n'est pas un droit mais une simple tolérance càd qu'elle n'a pas à être motivée sur le fondement de la loi de 1979.
Mais cette loi de 1979 a été complétée par loi du 17 janvier 1986 qui prévoit l'obligation de motiver toute décision administrative individuelle refusant une autorisation.
C'est donc à compter de 1986 qu'il y a obligation de motiver un acte refusant une AOT.




§ 2 – La diversité des supports d'autorisation d'occupation privative

A) Les autorisations unilatérales

Art R 2122-1 prévoit que l'autorisation peut être consentie par voie de décision unilatérale ou conventionnelle. A l'origine l'administration étant seulement en possession de pouvoirs de police, elle ne pouvait recourir qu'aux actes unilatéraux.

Les actes unilatéraux - La permission de voirie et permis de stationnement.

Juridiquement toutes les autorisations unilatérales d'occupation du domaine public prennent soit la forme d'une permission de voirie, soit celle d'un permis de stationnement.
Cette distinction, prévue par certains textes comme article L 113-2 code voirie routière, est importante car subordonne l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation et subordonne la personne bénéficiaire des redevances.

Cette distinction repose sur un critère physique – le critère de l'emprise.
→ Il y a permis de stationnement lorsque l'occupation envisagée ne comporte aucune emprise dans le sol, donc aucune modification profonde et durable du sol.
→ Il y a permission de voirie lorsqu'il y a emprise dans le sol càd que l'occupation nécessite des modifications de l'assiette du domaine.

Ce critère est ancien et on le retrouve dans la vieille loi municipale de 1884. Jamais démenti par le législateur ou le CGPPP.

Intérêt de la distinction =
Elle subordonne l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation.
Ce n'est pas anodin si elle remonte à 1884, l'idée est que le maire est seul compétent pour délivrer des permis de stationnement dans sa commune lorsqu'elle porte sur des voies publiques, car c'est lui qui est autorité de police générale dans la commune. Donc c'est au maire en tant qu'autorité de police de délivrer les permis de stationnement sur les voies publiques quelque soit le propriétaire de la voie (nationale, régionale, communale).
Au contraire, lorsqu'il y a permission de voirie, il y a atteinte à l'intégrité physique du domaine public. C'est logiquement l'autorité propriétaire gestionnaire du domaine public qui sera compétente pour délivrer la permission de voirie.

2ème intérêt, les redevances domaniales vont profiter à l'autorité qui a délivré l'autorisation sauf texte contraire. Lorsqu'il y a occupation sans emprise des voies routières dans une commune, la redevance pour occupation va profiter à la commune quelque soit le propriétaire du bien domanial.

Une distinction sans enjeu dans les motifs de la délivrance

En théorie si on part du principe qu'un permis de stationnement est une mesure de police, elle ne peut être délivrée ou refusée que pour des motifs de police de l'ordre public ou de police de la conservation.

Dans les arrêts 18 novembre 1966 Sieur FROMENT et Veuve Clément, le CE admet qu'une autorité de police délivrant un permis de stationnement peut se fonder non seulement sur des motifs de police mais aussi sur tout motif d'intérêt général et notamment la meilleure exploitation possible du domaine public.
La police se monnaye en matière domaniale, exception au principe.
Confirmé CE 18 décembre 1995 Legendre.

Ces arrêtés fondamentaux montrent que l'autorité de police domaniale peut rechercher un intérêt financier.

B) Les contrats comportant occupation du domaine public

Le décret loi du 17 juin 1938 a prévu que les contrats comportant occupation du domaine public sont des contrats administratifs par détermination de la loi quelque soit leur contenu.

Dans un premier temps la cour de cassation a voulu pratiquer une interprétation réductrice de ce décret loi mais la CE et le TC ont réussi à imposer aux juridictions judiciaires une vision très large de ce qu'est un contrat comportant occupation du domaine public.

Le seul intérêt est de savoir ici ce qu'on fait des sous-locations, autrement dit lorsqu'un occupant temporaire sous loue le domaine public le contrat de sous location est il de droit privé ou de droit public ?
En général ces sous locations sont illégales, car l'autorisation est délivrée intuitu personae. Mais dans certains cas ils sont tolérés.
Est ce que le décret loi de 1938 s'applique ?
Le premier arrêt est un du TC 10 juillet 1956 Société des STEEPLE-CHASE de France, le TC estime que de manière générale les contrats de sous locations du domaine public entre 2 personnes privées sont des contrats de droit privé et ne sont pas régis par le décret loi de 1938.
Mais le TC réserve une hypothèse dans laquelle l'occupant du domaine public est un concessionnaire de SP. Dans ce cas le contrat passé entre le concessionnaire de SP et son sous occupant entre dans le champ d'application du décret loi de 1938.

Complété par un arrêt du 16 octobre 2006 EURL Pharmacie de la Gare Saint Charles TC, l'occupant domanial n'était pas un concessionnaire d'un SP donc à priori le contrat entre lui et le sous occupant est un contrat de droit privé. Mais le TC abouti à la solution inverse et conclue que le contrat est administratif car l'occupant agissait pour le compte de l'administration domaniale même s'il n'est pas concessionnaire.

Lorsque de manière implicite ou expresse l'occupant agit pour le compte du maitre du domaine, les contrats avec les sous occupants seront des contrats administratifs par détermination de la loi.

CE 11 juillet 2011 Gilles et TC 4 mai 2012 Gilles.

§ 2 – L'autorisation d'occupation privative, un privilège monnayé

Dès 1881 et alors même qu'on était encore en présence de pouvoir de police, le législateur a reconnu la possibilité pour l'administration de mettre en place des redevances domaniales.
Figure désormais aux articles L 2231 / 3332 et 4331 du CGCT et aux articles L 2125-1 et suivants du CGPPP.

A) La nature de la redevance

Savoir nature fiscale ou non fiscale des redevances domaniales, la nature fiscale va conditionner la compétence du juge.
Si les redevances domaniales sont assimilées à des mesures fiscales la compétence ressortie au juge judiciaire. AU contraire si on nie cette qualification fiscale la compétence de principe revient au juge administratif.
Le CE a longtemps hésité et n'a pas pris position sur la nature des redevances domaniales, il se contente de déclarer qu'il est compétent mais sans préciser pourquoi.
CE arrêt 1989 CCI du Var conclusions de FOUQUET sont importantes, il s'interroge sur la nature des redevances et notamment se pose la question de savoir si ces redevances domaniales ne sont pas des redevances pour service rendu, sa réponse est négative. Car il n'y a pas de contrepartie directe et immédiate entre l'avantage procuré et la redevance. La notion de contrepartie directe et immédiate signifierait que le montant de la redevance est proportionné au coût de revient de l'utilisation de l'ouvrage, or elle n'est pas proportionnée mais supérieure.
Il écarte aussi plus implicitement la notion de redevance de nature fiscale, car la redevance n'est due qu'aux personnes qui utilisent le domaine public et non pas par tous les contribuables.
Les redevances domaniales sont des prélèvements sui generis.
Le CE dans l'arrêt du 5 mai 1993 Commune de Mont Rouge / SOCAL se montre encore plus affirmatif, il estime que les redevances ne sauraient être assimilées à des contributions indirectes mais se rattachent à des actes et opérations de la puissance publique relevant à ce titre de la compétence de la juridiction administrative.

Ce en sont pas des redevances domaniales, ni des contributions indirectes, compétence juge administratif, mais on ne les qualifie pas.

Comment le juge administratif est compétent face à une redevance qui n'est pas qualifiée ?
Explication arrêt TC 10 juillet 1956 Société Bourgogne Bois, il estime que le juge administratif est compétent pour connaître des prélèvements, redevances des péages lorsque ces prélèvements ne peuvent être qualifiées de contributions indirectes ou d’impôts et que dès lors le juge administratif doit être compétent puisque le contentieux général des actes de la puissance publique lui appartient.

Depuis 93 et 89 le contentieux des redevances appartient au juge administratif et à lui seul, sauf dans le cas particulier des droits de place dans les halles, foires et marchés. Car texte spécifique qui prévoit la compétence judiciaire au titre des contributions indirectes.

CE 29 novembre 2002 Commune de BARACARES / M. ATTAL, le CE rappel que les redevances domaniales ne sont pas des redevances pour service rendu et n'ont pas davantage le caractère d'une imposition. Le CE en déduit qu'il n'y a pas double imposition lorsque l'occupant temporaire doit payer d'une part la redevance domaniale et d'autre part paye la taxe foncière.

B) Le régime de la redevance

La perception d'une redevance en contrepartie de l'avantage procuré

Le CE dès les arrêts Sieur PEYSSON, MOLLARET et BORRY de 1923 a précisé que le tarif de la redevance devait tenir compte du mode d'usage et de la situation des emplacements occupés ainsi que de la nature des commerces exercés.

On voit apparaître une double assiette pour la redevance =
première partie constituée par la valeur locative du bien occupé
deuxième partie qui prend en compte les avantages procurés à l'occupant privatif

Cette logique de double assiette a été repris par l'ancien article R 56 code du domaine de l'État, et a surtout été formalisé par un arrêt du CE 10 février 1978 SCUDIER. Pour le CE la redevance imposée à un occupant du domaine public doit être calculée en fonction, non seulement de la valeur locative d'une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public pour laquelle l'autorisation est délivrée, mais aussi en fonction de l'avantage spécifique que constitue le fait d'être autorisé à jouir d'une façon privative d'une partie du domaine public.
Cette double assiette donne à l'administration un très large pouvoir d'appréciation, la valeur locative du bien occupé sera bien encadrée.

En revanche, l'administration retrouve une grande latitude pour déterminer les avantages procurés à l'occupant. Cette liberté explique que souvent le montant des redevances est très variable entre 2 occupants qui utilisent des biens similaires.
(Librairie Kléber et Boutique Lancel)


La faculté de révision des tarifs de la redevance

Dès 1923 arrêt Sieur PEYSSON le CE a reconnu la légalité de retrait d'autorisation consécutif au refus de l'occupant d'accepter le nouveau tarif adopté par l'administration.
Le législateur dans plusieurs réformes notamment un décret loi de 1934 a reconnu que l'administration pouvait unilatéralement modifier le tarif de la redevance. Mais le texte le plus important est l'article L 33 code du domaine de l'État de 1957 qui prévoit que le service des domaines peut réviser les conditions financières des autorisations ou concessions nonobstant le cas échéant toutes dispositions contraires de l'acte d'autorisation ou de concession.

Les modalités de cette révision sont simples, la décision de révision du tarif initial est de la même nature que la décision initiale de fixation de tarif.
La seule garantie dans cette redevance est le contrôle du juge.
Pendant longtemps le juge s'est contenté d'un contrôle très léger, un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation de ces révisions. Pour le juge la redevance révisée doit tenir compte de la valeur locative du bien occupé mais aussi des avantages de toute nature procuré au concessionnaire ou au permissionnaire.
Le seul contrôle effectif porte sur le déclenchement de la révision, arrêt CE VISCONTI 1994. Ici, le CE précise que l'autorité gestionnaire du domaine public peut à tout moment modifier les conditions pécuniaires auxquelles la délivrance de l'AOT est subordonnée, mais elle ne peut exercer cette prérogative qu'en raison de faits survenus ou portés à sa connaissance, postérieurement à la délivrance de l'AOT.
Pour modifier le tarif il faut un changement de circonstances de droit ou de fait.
C'est une contrainte malgré qu'elle ne soit pas très forte.

Les modifications apportées par le CGPPP concernant les redevances

Le Code de 2006 reprend largement la jurisprudence mais simplifie le droit.
→ Dans l'article L 2125-1 le code affirme le caractère général et impératif des redevances domaniales. La gratuité est exclue sauf dans 3 hypothèses =
lorsque l'occupation privative est la condition naturelle et forcée de l'exécution de travaux ou de la présence d'un ouvrage intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous
lorsque l'occupant contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui même
Visent l'hypothèse où l'occupant est un délégataire de SP ou un concessionnaire de travaux.
lorsque l'autorisation d'occupation ou d'utilisation est délivrée à une association à but non lucratif qui concourt à la satisfaction d'un intérêt général
→ L'article L 2125-3 précise que la redevance due tient compte des avantages de toutes natures procurés au titulaire de l'autorisation. Càd qu'à priori il n'y a plus de référence à la valeur locative mais il est évident qu'on maintient cette idée dualiste d'après laquelle la redevance est calculée en fonction toujours de la valeur locative du bien occupé, et ensuite des avantages procurés donc concrètement le chiffre d'affaire.

→ Simplification concernant le paiement. Auparavant les redevances étaient payées dans le cadre de versements mensuels, ou bien par avances triennales. Dorénavant la redevance est payable d'avance et annuellement.

→ Art R 2125-5 prévoit qu'en cas de retrait de l'autorisation le titulaire évincé pourra obtenir la restitution de la partie de la redevance qui reste à courir.

→ La partie législative du CGPPP ne comporte aucune disposition concernant la révision unilatérale du tarif de la redevance. L'art L 33 du code du domaine de l'État n'a pas été repris.
Il est apparu que cet oubli était involontaire.
C'est pourquoi la possibilité de réviser le tarif de la redevance est réapparue dans la partie règlementaire du CGPPP, article R 2125-3.

Section 2 – Le régime de l'occupation privative

2 caractères essentiels = la précarité et les titres d'occupation hors du commerce.

§ 1 – Une régime des utilisations privatives d'une excessive précarité

La délivrance d'une autorisation unilatérale ou d'un contrat domanial octroi à son titulaire le droit d'utiliser la dépendance du domaine public. C'est une occupation paisible des locaux, il peut se prémunir contre les agissements des tiers.
Mais cette occupation privative doit toujours présenter un caractère temporaire, précaire, révocable. Car l'administration doit pouvoir mettre fin à tout moment à l'occupation dans l'intérêt général. Consécration du principe de précarité.

A) La consécration du principe de précarité

Il s'applique à toute occupation privative du domaine public
Le législateur a très rarement affirmé pourtant ce principe de précarité. Ni le CGPPP ni le CGCT dans leurs parties législatives ne consacre un principe général de précarité des occupations du domaine public. Le seule texte d'envergure est une loi du 22 juin 1989 relative au code de la voirie routière avec article L 113-2 qui affirme expressément que les permis de stationnement et les permissions de voiries sont délivrées à titre précaire et révocable.
S'agissant du CGPPP le principe de précarité figure seulement dans la partie réglementaire.
L'article L 2122-6 prévoit que les AOT sont délivrées pour une durée précise, toutefois le CE dans un arrêt du 5 février 2009 SCA rappel que le silence du titre d'autorisation quant à la durée d'autorisation n'est pas une cause de nullité lorsque l'occupation est délivrée à titre précaire et temporaire.

B) Les concrétisations du principe de précarité - une instabilité excessive

Ce principe de précarité a été affirmé en 1885 et ses conséquences sont très nombreuses et parfois même catastrophiques =

L'absence de tout droit au renouvellement

Le CE estime qu'aucun occupant temporaire n'a droit au renouvellement de son autorisation qu'elle soit unilatérale ou contractuelle.
Lorsque l'administration est confrontée à une demande de renouvellement de l'autorisation initiale elle retrouve son pouvoir discrétionnaire de délivrer ou non une nouvelle autorisation. Bien plus, le juge estime généralement que les procédés de renouvellement par tacite reconduction sont illégaux s’ils ne permettent pas à l'administration de vérifier à chaque renouvellement la compatibilité de l'usage projeté avec l'affectation.
Le refus de renouveler une autorisation d'occupation temporaire ne peut jamais être considéré comme une mesure de sanction, càd que lorsque l'administration refuse de renouveler une autorisation elle n'a pas à respecter une procédure contradictoire.

La multiplication des motifs de retrait des autorisations

Les motifs de retrait ou de résiliation étaient limités et prévisibles par les occupants temporaires, on acceptait que le retrait été motivé soit à titre de sanction soit à titre de police. Il n'a jamais été contesté que l'administration puisse retirer une permission unilatérale à titre de sanction.
Toutefois le comportement fautif de l'occupant temporaire a sans cesse été appréhendé de manière plus large. Principales fautes – non utilisation du domaine public pendant 1 an, la violation du caractère personnel de l'autorisation en accordant une sous location, un usage non prévu de la parcelle domaniale.

Lorsque l'administration retire l'autorisation à titre de sanction aucune indemnisation sera versée à l'occupant évincé. Mais dès lors qu'on est en présence d'une sanction càd une mesure prise sur la base du comportement de l'occupant, celui-ci a droit à être entendu dans le cadre d'un débat contradictoire, et a droit à la motivation de la mesure.

Le retrait mesure de police – là encore il n'a jamais été contesté que l'administration puisse retirer une AOT en se fondant sur des impératifs de police. Que ce soit la police générale d'ordre public ou de la police spéciale de la conservation du domaine et de la préservation de l'affectation.
Ici l'administration a toujours accepté ce retrait.

Mais à partir des années 30 le juge admet que l'administration peut retirer une autorisation dans l'intérêt général, là comme la notion d'intérêt général est floue l'occupant temporaire est confronté à une nouvelle instabilité.
C'est à partir de là que la précarité des AOT est devenue un problème réel pour les occupants privatifs. L’arrêt de principe CE 6 mai 1932 TAILLANDIER, et le retrait dans l'intérêt esthétique CE 1951 SA La Nouvelle Jetée Promenade de Nice, et les arrêts 1923 PEYSSON MOLLARET et BORY l'administration peut retirer une AOT dans son intérêt financier.
Lorsque l'administration modifie le tarif de la redevance et que l'occupant refuse cette modification l'administration pourra lui retirer son titre. Ce qui s'est passé CE 23 juin 1986 Muséum national d'histoire naturelle.

L'administration est en situation de force car elle va pouvoir combiner son pouvoir de modification unilatérale du tarif des redevances avec son pouvoir de retrait et faire pression sur les occupants temporaires pour accepter l'augmentation du tarif.
L'administration ne s'est pas gênée pour utiliser cette combinaison.
A l'heure actuelle le principe de précarité pose moins de problèmes concrets car d'un point de vue économique ce sont les occupants temporaires qui sont en situation de force par rapport aux administrations domaniales. Dès lors qu'il y a crise économique les collectivités locales sont incitées à favoriser des investissements privés créateurs d'emplois sur leur domaine public.
Les redevances domaniales sont moins chères que les baux commerciaux.
Précarité juridique mais pas pratique.

(encore des pressions dans les gares avec l'occupation des tabacs, librairies etc)

C) Les conséquences du retrait

Le sort des installations de l'occupant temporaire

A la fin de l'occupation du domaine public qu'elle arrive à son échéance ou anticipée, l'occupant temporaire a l'obligation de remettre les lieux dans leur état initial. Non seulement il doit quitter les lieux, mais en outre il doit détruire ses installations et remettre le site dans son état initial.
A défaut de procéder à ces opérations, l'administration pourra soit le poursuivre au titre des contraventions de grandes voiries ou voiries routières, soit s'il y a urgence faire procéder elle même à la remise des lieux dans leur état initial aux frais de l'occupant.
Toutefois l'administration dispose d'une marge de manœuvre, lorsque les installations de l'occupant l'intéressent elle peut lever une option en faveur du transfert de ces locaux dans sa propriété. Depuis arrêt CE FABRE 20 mai 1927 l'administration peut décider d'acquérir les locaux de l'occupant temporaire gratuitement et en pleine propriété.
Généralement l'administration doit en cas de retrait de l'autorisation informer l'occupant évincé de son choix de détruire ou conserver les installations dans un délai raisonnable. Arrêt CE 21 novembre 1969 KOEBERLIN.

Les indemnités possibles

Il y a quelques années il valait mieux être occupant contractuel qu'unilatéral donc concessionnaire. Le droit a évolué dans un sens différent du fait combinaison Code et jurisprudence 31 juillet 2009 JONATHAN LOISIRS ;
→ S'agissant du refus du renouvellement il ne donne jamais lieu à indemnisation, CE 1968 Ville de Bordeaux / Société Menneret, le non renouvellement ne porte jamais atteinte à une situation juridiquement protégée.

→ En cas de retrait on faisait la distinction entre retrait d'une autorisation unilatérale et résiliation d'une concession domaniale. Dans le droit jurisprudentiel classique, le retrait d'un acte administratif unilatéral d'AOT qu'il soit motivé par la faute de l'occupant ou par l'intérêt général n'était jamais indemnisé. CE 1932 TAILLANDIER et CE 1965 Association T, pour le CE le retrait d'une autorisation unilatérale ne peut créer en faveur du permissionnaire un droit à indemnité. Ici l'occupant temporaire sait qu'il est en situation précaire, temporaire et révocable et a accepté ce risque.

→ S'agissant des concessionnaires domaniaux on appliquait le droit des contrats administratifs, càd qu'on a le principe de l'équilibre financier du contrat. Lorsque l'administration résilie ou modifie unilatéralement le contrat dans l'intérêt général le cocontractant est indemnisé. CE 27 novembre 1946 Société Chaux et Ciments hydrauliques d'Algérie et CE 1958 HAMIOT.
Mais l'arrêt Jonathan Loisirs est fondamental, il commence à affirmer que l'administration peut résilier un contrat domanial dans l'intérêt général et qu'en l'absence de faute de l'occupant celui-ci a droit d'obtenir réparation du préjudice résultant de la résiliation unilatérale. Le CE accepte l'idée qu'un contrat d'occupation domaniale contienne une clause qui exclue toute indemnisation en cas de résiliation du contrat dans l'intérêt général. L'administration est incitée à insérer dans ses contrats domaniaux de telles clauses.
Dans le sens inverse l'article R2125-5 apporte une bonne nouvelle aux permissionnaires, il est prévu que le permissionnaire ait droit à une indemnité en cas de retrait de son titre d'occupation. Ici on parle de retrait, donc la doctrine estime qu'il ne vise que le retrait au sens juridique donc portant sur une mesure unilatérale et non pas contractuelle, donc pas d'impact sur Jonathan Loisirs.
Rupture avec TAILLANDIER et Association T car indemnité pour retrait dans l'intérêt général d'une permission de voirie ou permis de stationnement.

Mais un article règlementaire postérieure et contraire à la jurisprudence antérieure est-ce légal ? Car normalement ce n'est pas du ressort du pouvoir règlementaire.

L'indemnisation en cas de déplacement des installations de l'occupant

Actuellement il est peu fréquent que l'administration retire ou résilie des autorisations d'occupation temporaire et que le contentieux prenne naissance.
En revanche plus fréquent que l'administration domaniale demande à ses occupants temporaires de déplacer leurs installations dans le but de faire des travaux publics.

Le principe est que lorsque l'administration domaniale demande à l'occupant temporaire de déplacer ses installations, l'occupant temporaire doit faire droit à cette demande et n'est pas indemnisé du coût de ces déplacements.
Tous les occupants de la voirie doivent modifier leurs installations gratuitement lorsque le gestionnaire de la voirie entend refaire/entretenir cette voirie.
Toutefois il y a 3 hypothèses dans lesquelles l'occupant temporaire sera indemnisé du fait du déplacement de ces installations =
lorsque les travaux publics effectués par le maitre du domaine ont été conduit de façon anormale
lorsque l'administration domaniale met en place un nouvel ouvrage sur la parcelle occupée qui fonctionne de manière anormale.
Il faut que l'opération qui nécessite le déplacement des installations de l'occupant temporaire ne soit pas conforme à la destination du domaine public
Le CE pendant très longtemps avait un critère simple, une opération d'aménagement n'était pas conforme à la destination du domaine occupé lorsqu'elle aboutissait à la création d'un ouvrage nouveau. Idée est simple car l'occupant temporaire doit prévoir toutes les opérations d'entretien, d'aménagement des parcelles qu'il occupe et accepte le risque de déplacer ces installations. En revanche il ne peut pas raisonnablement prévoir la construction d'un nouvel ouvrage, il n'a pas accepté ce risque. C'est pourquoi le CE acceptait d'indemniser l'occupant lorsque création d'un ouvrage nouveau nécessitant le déplacement des installations de l'occupant.
Dans les arrêts 1981 et 1985 le CE renonce au critère de l'ouvrage nouveau, préfère se référer à un faisceau d'indices pour voir si ouvrage conforme ou non à la destination du domaine occupé.
Les occupants du domaine public ont trouvé une parade et ont demandé d'insérer dans les contrats domaniaux une clause prévoyant que le déplacement d'installations sera indemniser par l'administration domaniale. CAA Bordeaux 2009 estime que de telles clauses sont parfaitement légales.

D) La précarité et le droit de propriété des occupants temporaires

La question est de savoir qui est propriétaire des installations réalisées par l'occupant temporaire.
La jurisprudence ancienne des années 50/60 admettait que l'occupant temporaire qu'il soit permissionnaire ou concessionnaire est propriétaire des installations qu'il réalise sur le domaine public. Seule exception concernait les biens de retours des délégataires de SP.

Le droit a connu une alerte en 1994 car dans les travaux parlementaires sur la loi du 25 juillet 1994, le CE précise que les biens des occupants temporaires sont la propriété immédiate de l'administration domaniale.
Ce rapport dit exactement le contraire de la jurisprudence antérieure.

Arrêt 1995 M TORRE le CE de manière implicite mais certaine réaffirme la possibilité pour l'occupant temporaire d'être propriétaire des installations qu'il construit sur le domaine public.
C'est surtout l'arrêt CE 1997 SAGIFA qui est important et vient clarifier de façon définitive le droit, ici le CE estime « l'appropriation privative d'installations superficielles édifiées par le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public n'est pas incompatible avec l'inaliénabilité de celui-ci lorsque l'autorisation de l'occuper et d'édifier des constructions n'a pas été accordé en vue de répondre au besoin du service public auquel le domaine est affecté. »
Dès lors que l'occupant temporaire réalise des ouvrages purement privés, économique, industriel, commerciaux, ils sont sa seule propriété privée.
A contrario et même s'il n'y a pas délégation de service public, lorsque l'occupant temporaire construit des ouvrages à vocation publique càd des ouvrages qui sont soit affectés, soit utile au SP, ces ouvrages sont insusceptibles de propriété privée et sont tenus pour incorporés au domaine public dès leur achèvement. On étend la théorie des biens de retour à des ouvrages qui ne sont pas compris dans le champ des DSP, leur seule vocation publique suffit à priver leur construction (l'occupant donc) de la propriété.

Cette jurisprudence a été confirmée après le CGPPP en 2010 CE MONTRAVERS.
Le CE confirme que les biens à vocation purement privée de l'occupant sont sa propriété pendant toute la durée de l'occupation.
Le titre d'occupation temporaire crée un droit de superficie qui permet à l'occupant de construire et d'être propriétaire pendant toute la durée du titre.
A l'échéance du titre d'occupation le droit de superficie disparaît et la théorie de l'accession reprend ses effets normaux.

Est ce que c'est une propriété classique ou limitée ?
C'est une quasi propriété/propriété limitée car cette propriété sur les ouvrages présente les mêmes caractéristiques que le titre d'occupation lui même. C'est donc assez étonnant -  propriété privée précaire, temporaire, révocable.
Juridiquement cette propriété privée peut être hypothéquée pour garantir un emprunt, mais le banquier sera audacieux s'il l'accorde.
Cette propriété privée présente certains intérêts mais qui ne permet pas de faciliter le financement de la construction des installations.

§ 2 – Les titres d'occupation hors du commerce

Il est de jurisprudence constante que l'autorisation d'occupation temporaire unilatérale présente un caractère strictement personnel.
Elle est délivrée intuitu personae.
Dès lors la principale question – est ce que cette AOT a une valeur patrimoniale ou non ?
La réponse est négative.
Le principe est simple, comme ces AOT sont délivrées à titre personnel il s'ensuit 2 séries de conséquences =
l'autorisation ne peut être sous-louée ou prêtée
dès lors que l'autorisation présente un caractère personnel et délivrée intuitu personae elle est intransmissible et incessible, cette autorisation n'a pas de valeur juridique ni patrimoniale, elle est hors du commerce

Dès lors cette intransmissibilité pose des problématiques aux occupants temporaires, la doctrine estime qu'il faut reconnaître une valeur patrimoniale à ces autorisations car elles ont une valeur économique réelle, et le reconnaître serait simplement un alignement sur la vie économique. Le problème c'est que la doctrine traditionnelle estime qu'il n'est pas possible de reconnaître une valeur patrimoniale à ces autorisations surtout quand on est en présence de permis de stationnement, car c'est une mesure de police or la police ne se monnaye pas.

S'agissant des textes les législations applicables au domaine public s'inscrivent dans cette logique traditionnelle, loi du 20 janvier 1995 sur la réglementation des professions de taxi.
Dans cette loi on maintient la fiction de l'absence de valeur vénale de l'autorisation, puisqu'un exploitant de taxi ne peut pas vendre stricto sensu sa licence/autorisation, mais va vendre le droit de présenter à titre onéreux un successeur.
Maintenir l'alibi de l'intransmissibilité.

La jurisprudence va dans ce sens, CE 1989 MUNOZ, ne vaut que pour les autorisations unilatérales à priori, le CE se montre clair et affirmatif et estime que l'administration ne peut pas autoriser la cession, la transmission d'autorisation en raison du caractère strictement personnel.

Quels sont les moyens de transmettre l'AOT ? A un repreneur du fond de commerce ou à ses héritiers ?
Certains ont inventé un système à savoir on crée une société ad hoc et ce sera la société qui sera titulaire de l'autorisation, dès lors lorsqu'on veut céder l'autorisation on cède en fait les parts de la société.
Cette solution a été accepté par le CE 4 avril 1997 Société LE DOYEN concernant les SARL et SA (société de capitaux).
CAA Nantes 23 décembre 2008 HUMEAU concernant une société de personne. Ici elle dit que le changement d'associé n'entraine aucune cession de l'AOT.

La jurisprudence MUNOZ pose donc des problèmes concrets et lorsqu'on met ensemble la jurisprudence MUNOZ sur le caractère purement personnel, EUROLAT sur le droit réel plus les questions de précarité on se rend compte que fin 1980' le droit domanial ne donnait pas de signaux favorables aux entreprises qui voulaient d'implanter sur le domaine public.
D'autant plus paradoxal que le CE dans l'avis de 1986 voulait inciter au contraire les entreprises à investir sur les propriétés publiques.
C'est dans ce mouvement que le législateur a pris le relais en créant les droits réels administratifs.

Chapitre III – Les droits réels administratifs


Ces droits réels administratifs sont une création ancienne puisqu'ils ont été évoqué par Maurice HAURIOU dès 1892 il faudra attendre la réforme du 5 janvier 1988 et celle 25 juillet 1994 pour que ces droits entrent dans le droit positif.
Le législateur au lieu de faire un régime unique pour tous les biens domaniaux a multiplié les régimes à base de droits administratifs.
Il y a 2 philosophies différentes =
le premier modèle est consacré par la loi du 25 juillet 1994 qui concerne le domaine public artificiel de l'État et de ses établissements publics et qui a pour but de favoriser le financement privé d'équipements privés. Inciter une entreprise à aller sur le domaine public et à y exercer son économie.

Tous les autres dispositifs comme les baux emphytéotiques administratifs ont une finalité différente – à savoir favoriser le financement privé d'équipements publics ou qui ont vocation à devenir des équipements publics.

Quelque soit la finalité cela repose sur la notion de droits réels administratifs. Une création très intelligente.
On reconnaît à l'occupant temporaire une autorisation qui comporte des droits réels. Comme cette autorisation constitue des droits réels elle n'est plus strictement personnelle et est donc transmissible/cessible car elle a une valeur vénale, elle est patrimonialisée, elle est dans le commerce.
Un droit réel porte sur une chose et est opposable erga omnes.
L'autre intérêt comme c'est un droit réel il ne fait plus aucun doute que l'occupant temporaire bénéficie d'un véritable droit de superficie et qu'il sera propriétaire de ces installations.

C'est un droit réel qualifié d'administratif, car la compétence appartient au juge administratif. Dès lors le juge administratif a déduit s'agissant des baux emphytéotiques que c'était des contrats de droit public, donc administratifs, qui doivent obéir au droit des contrats administratifs.
On peut résilier ces contrats soit pour faute soit dans l'intérêt général.
Le droit réel administratif est opposable à l'égard de tous sauf à l'administration qui au nom de la précarité pourra toujours retirer une autorisation constitutive de droit administratif ou pourra toujours résilier un bail emphytéotique administratif.

La nouveauté c'est que l'administration peut certes mettre fin aux droits réels administratifs, mais quand elle le fait dans l'intérêt général il y aura forcément indemnisation de l'occupant temporaire.
C'est pourquoi la jurisprudence du CC n'a jamais censuré le principe même des droits réels administratifs car ce caractère administratif permet de garantir la précarité et la continuité du SP.

Mais le législateur n'a jamais pensé à une réforme d'ensemble, même dans le CGPPP. Il y a actuellement une multitude de modèle, de schéma de droits réels administratifs car les lois correspondent à des besoins ponctuels de l'administration.
A l'origine la loi du 5 janvier 1988 qui crée le bail emphytéotique administratif a un champ d'application clairement défini. Elle permet aux collectivités locales de conclure des baux emphytéotiques sur leur domaine public et privé en vue de satisfaire des besoins liés au SP ou d'intérêt général. A la base BEA que pour les collectivités locales, le législateur va l'utilise ensuite pour d'autres besoins que ceux des collectivités locales.
→ Loi 2002 permet de conclure des BEA pour réalisation de palais de justice, gendarmerie, commissariat, prison.
→ BEA pour les établissements publics hospitaliers ordonnance 2003.
→ Création d'un BEA pour le service départemental d'incendie et de secours.
→ BEA cultuel.
→ BEA sportif.

Le BEA a été approprié aussi par l'État, il s'est doté du pouvoir de conclure des BEA. 2 lois, une sur les logements sociaux, une autre du 23 juillet 2010 création des BEA pour la valorisation.
La dernière évolution du BEA provient de cette loi de 2010 qui permet à l'État de conclure des BEA pour la mise en valeur de leur propriété. Cette loi concernait l'État et seulement lui, elle a été complétée par la loi du 14 mars 2011 qui étend ce BEA de valorisation aux collectivités locales et leurs établissements publics mais pas les établissements publics nationaux.

Ces BEA fonctionnent bien, et sont réellement utilisés. Mais leur succès fait que le droit français n'a cessé d'être modifié récemment ce qui amène un manque total de cohérence.




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