COURS du droit commerce international
I-
Notions
du droit du commerce international :
S’il est un domaine dans lequel
la mondialisation s’est déployée dans toute sa puissance, c’est bien celui de
l’économie et particulièrement dans sa dimension commerciale. Certes, depuis
l’antiquité le commerce ne connaissait point de frontières, les producteurs de
toutes sortes cherchaient des débouchés à leurs produits partout où il était
possible, néanmoins à la fin du moyen âge et avec l’apparition des Etats
Nations un processus inverse s’est enclenché. Les Etats Nations se sont
affirmés et ont mis en avant des législations nationales qui prévalent dans le
cadre de leurs frontières. Et si le droit international subsistait, il était
d’abord conçu comme un outil de coordination entre les droits nationaux.
Aujourd’hui, dans le sillage de
la mondialisation avançant résolument dans le sens du dépassement des Etats
Nations, le droit du commerce international prend une nouvelle fois son envol.
Mais avant d’aller plus loin, il convient de définir le droit du commerce
international et de mettre en exergue son caractère à la fois composite et
fonctionnel.
1-1 Définition du droit du commerce international
Le droit du commerce
international peut être défini comme le droit des rapports commerciaux
internationaux. Mais le terme de commerce n’est pas entendu, n’a pas la même
acceptation que celle qui prévaut en droit interne. Son champ d’action n’est
pas limité, comme c’est le cas pour le droit commercial interne, à la matière
commerciale au sens étroit, à savoir les notions d’actes de commerce et de
commerçants. Au niveau du droit du commerce international, le commerce signifie
activité économique et englobe donc aussi les activités économiques de l’Etat
et des personnes publiques.
En outre, contrairement au droit
commercial interne, le droit du commerce international dispose et utilise des
règles qui lui sont propres. Les mêmes opérations commerciales n’ont pas le
même régime juridique en droit interne et en droit international.
S’agissant de l’internationalité,
une opération de commerce est considérée comme internationale quand elle
renferme un élément d’extranéité ou lorsqu’elle met en jeu des intérêts du
commerce international et implique l’économie de plus d’un pays.
1-2 le droit du commerce international : une matière composite et
fonctionnelle
Cette matière peut être considérée
comme composite parce qu’elle met en branle des éléments différents voire même
parfois opposés : des sources internes comme des sources
internationales ; des sources publiques comme des sources privées ;
des règles de conflit ou des règles matérielles ; un juge ou un
arbitre ; des opérateurs personnes privées ou publiques.
En cela, c’est une discipline
fondamentalement fonctionnelle orientée vers la satisfaction des besoins et des
intérêts du commerce international. Toute l’énergie qui est déployée vise la
réunion des principes et règles de différents horizons au profit de la
promotion desdits intérêts.
Cependant, certains auteurs
critiques considèrent que la notion « besoins du commerce
international » est sans consistance[1].
Néanmoins, ces besoins peuvent s’exprimer par le biais de deux notions
fondamentales, la liberté et la sécurité :
-
la liberté : cette
notion ou condition est considérée comme primordiale dans le domaine du
commerce international. On pourra, à cet égard, remarquer que c’est là un domaine
où le mouvement de libéralisation et de déréglementation a pris un véritable
essor. L’OMC est l’outil international de promotion d’un tel mouvement
considéré commerce ferment de paix et de prospérité.
-
La sécurité : c’est un
besoin évident et il l’est d’autant plus en matière de commerce international.
Pour satisfaire un tel besoin les opérateurs procèdent eux-mêmes par le recours
aux contrats ou par le biais de ce mode de règlement des conflits qu’est
l’arbitrage. La pratique, devenue à ce niveau une véritable source du droit, a
développé des mécanismes ad’hoc. Les Etats, pour leurs parts, recourent à
l’adoption de conventions multilatérales de protection des investissements. A
cet égard, les Etats africains ont mis en place une organisation pour l’harmonisation
en Afrique du droit des affaires ( OHADA) dont l’objectif est de garantir la
sécurité juridique des affaires par le biais de l’adoption de règles communes,
simples et modernes. En somme un mouvement d’uniformisation du droit des
affaires est en cours à ce niveau.
Cependant, cet utilitarisme en
matière de droit du commerce international est très critiqué par une partie de
la doctrine qui estime que le droit n’a pas pour seule fonction de répondre aux
seules finalités du commerce international. Ces auteurs mettent en avant des
valeurs supérieures relevant de l’éthique et de l’intérêt public. Ils saluent
les prémisses d’un nouvel ordre public accompagnant un droit économique
mondialisé. Un tel effort est entrepris dans le cadre d’un certain nombre d’institutions
mondiales.
1-3 Le droit du commerce international et la dimension institutionnelle :
Ces institutions, œuvrant dans le
domaine du commerce international sont principalement :
-
Le FMI : le fonds
monétaire international est pour sa part un organisme prêteur dont la fonction
est certes de financer les économies des Etats membres selon certaines
conditions mais il joue aussi un rôle de prescripteur dans la mesure où il
édicte à l’attention des Etats des
règles de « bonne gouvernance ».
-
L’OMC : l’organisation
mondiale du commerce (héritière de l’ancien GATT, General Agreement on tarifs
and trade), née à Marrakech en 1994, a pour objectif de lever les obstacles qui
enfreignent les échanges commerciaux internationaux et promouvoir la libéralisation
du commerce international.
-
La CNUDCI : La
Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce International, travaille
à l’uniformisation des normes commerciales à l’échelle internationale. A cet
égard, elle a élaboré un certain nombre de conventions de loi-types et de
contrats-types. Ces textes sont mis à la disposition des Etats qui peuvent les
adopter ou s’en inspirer lors de l’élaboration de leur propre législation.
-
UNIDROIT : c’est un
institut international dont l’objectif est l’unification du droit privé. A son
crédit l’établissement d’un document très important intitulé « principes
relatifs au contrat du commerce international ».
-
La CCI : la chambre de
commerce internationale est l’organisme privé représentatif du monde de
l’entreprise au niveau international.
-
L’OCDE :
l’organisation de coopération et de développement économique est également une
organisation chargée d’observer les politiques économiques des Etats membres et
de proposer des améliorations.
Après présentation des notions
générales relatives au droit du commerce international et avant de passer au
droit applicable en la matière, nous allons présenter des notions générales du
contrat du commerce international.
II-
Notions
relatives au contrat du commerce international
Dans le cursus suivi jusqu’à
présent, les règles relatives aux contrats ont fait l’objet de cours :
-
De droits des obligations
et contrats : théorie générale des obligations en S2, la responsabilité
civile en S3) ;
-
De droits des contrats
spéciaux,
Notions fondamentales qu’il
s’agit d’avoir toujours à l’esprit car constitutives du droit commun des
contrats et parce qu’il faudra s’y référer constamment dans le cadre de l’objet
de ce cours.
Dans le cadre du présent cours,
nous allons nous intéresser à celles qui
permettent la qualification du contrat commercial international (2.1),
président lors de sa formation (2.2) et en déterminent le contenu (2.3).
2-1 Qualification du contrat
commercial international
En droit, la qualification n’est
pas une opération anodine. Elle conditionne presque tout le temps la manière
d’envisager son objet, désigne son régime juridique et par conséquent détermine
le droit qui lui est applicable. Autant dire qu’elle est fondamentale.
S’agissant du contrat, sa
qualification en tant qu’interne ou international va avoir une incidence sur la
loi qui lui sera applicable de même que la liberté des parties prenantes au
contrat ne sera pas la même dans un cas ou dans l’autre. En effet, les règles
matérielles internationales ou les principes de la lex Mercatoria ne sont
applicables qu’au contrat international.
Cependant, une telle position
est à tempérer car vu les dispositions de l’art 327-18 du CPC prévoyant la
possibilité pour l’arbitre de se référer aux usages professionnels, on peut
penser qu’il y a là une brèche à travers laquelle la Lex Mercatoria trouvera
son chemin pour l’application aux contrats internes également.
Alors quels sont les critères qui permettent de qualifier le contrat
en tant que contrat international ?
Dans ce cadre, il faut préciser que la volonté des parties n’est pas
prise en considération mais il existe des critères objectifs qui priment lors
de la qualification ; les auteurs s’accordent pour définir deux
critères : un critère juridique et un autre économique.
Mais à côté de ces deux critères, il existe un troisième dont la
particularité est d’utiliser les éléments d’appréciation de ces deux critères
pour aboutir à une qualification. On peut parler à son propos d’un critère
combiné.
·
Le critère
juridique :
Il désigne comme contrat international tout contrat rattaché à des
normes juridiques émanant de plusieurs systèmes juridiques, en d’autres termes
les lois de deux ou plusieurs Etats.
Le contrat international est donc un contrat comportant un ou
plusieurs éléments d’extranéité. Parmi ceux-ci il convient de prendre en compte
des éléments, tels que le lieu d’exécution du contrat, le domicile des parties,
…
Ce critère est mis en œuvre par la convention de Rome du 19 juin 1980
relative à la loi applicable aux obligations contractuelles et repris par le
règlement dit « Rome 1 ».
·
Le critère
économique :
Le contrat commercial international est celui qui a pour effet de
réaliser, au-delà de la frontière, un flux de marchandise et un reflux de la
valeur. Le critère retenu ici, reflète un échange au-delà des frontières :
cette définition est assez restrictive car elle parle uniquement, de
marchandise.
Selon le professeur Jaquet Martin Godel : « le critère
économique, pour sa part, focalise son attention sur la substance économique du
contrat et, par conséquent, considère que ce sont les flux, de marchandises ou
de services, d’une part et de valeurs, d’autres part, à travers les frontières
qui déterminent la qualité international du contrat ».
Selon la célèbre définition de M. Paul Matter un contrat est
international lorsqu’il « met en jeu les intérêts du commerce
international » cette définition représente un élargissement de la notion
du commerce international. Ce critère, plus libéral que le critère juridique,
fait référence à l’objet du contrat. Un contrat international est celui qui
intéresse l’économie de plusieurs pays. C’est le cas lorsque le contrat opère
un transfert transfrontière de biens et de valeurs.
Par exemple : deux individus de nationalité B et C concluent un
contrat en pays A ayant leur domicile en pays A.
Comment qualifier le contrat qui les lie ?
Le critère juridique pousse à considérer ce contrat comme
« international » vu que la nationalité des parties est un élément
d’extranéité.
Le critère économique, quant à lui incite à qualifier le contrat comme
« interne », car n’impliquant pas de mouvement de biens et services
ou de paiement à travers les frontières.
Mais, il existe, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, un critère
qui a tendance à combiner les deux précédents.
·
Le critère
combiné « mixte » :
Une telle tendance doit beaucoup à la jurisprudence prompte à déceler
tous les faisceaux d’indices susceptibles de révéler le caractère international
du contrat. Ce critère ne s’embarrasse pas pour conforter l’internationalité
d’un contrat à mêler des éléments utilisés par les deux critères.
2-2 Conditions
présidant lors de la formation d’un contrat commercial international
Comme pour le contrat interne, à la base du contrat international, il
y a une offre et une acceptation couronnant toute une phase de négociation dans
laquelle des pourparlers entre les parties ont lieu.
Ces pourparlers sont d’autant plus longs qu’ils portent sur des
opérations économiques complexes et aux enjeux importants. Néanmoins, les
pourparlers sont libres et cette liberté de négociation est érigée comme
critère par les principes UNIDROIT relatifs au contrat du commerce
international. Ainsi, il est dit à l’article 2.1.15.1 que « les parties
sont libres de négocier et ne peuvent être tenues pour responsables si elles ne
parviennent pas à un accord ».
En conséquence, qu’il s’agisse de la tenue de négociation, de leur
conclusion voire même de leur rupture, la liberté est garantie.
Néanmoins la mauvaise foi, dans le déroulement et la rupture des
négociations, est là aussi également reprouvée et sanctionnée. Les principes
UNIDROIT stipulent dans la suite de l’article susvisé, aux paragraphes 2 et 3,
que « toutefois, la partie qui,
dans la conduite ou la rupture des négociations, agit de mauvaise foi est
responsable du préjudice qu’elle cause à l’autre partie ».
L’article poursuit précisant le sens de la mauvaise foi, « est
notamment, de mauvaise foi la partie qui entame ou poursuit des négociations
sachant qu’elle n’a pas l’intention de parvenir à un accord ».
Sont visées comme attitudes portant atteinte au principe de bonne foi,
le fait de susciter de faux espoirs, la dissimulation d’informations
essentielles pour le partenaire ou encore la divulgation d’informations
confidentielles.
Cependant il convient de noter que la pratique tend à encadrer
contractuellement les pourparlers par le biais d’un certain nombre
d’instruments à même de sécuriser les parties. Les plus usités sont :
-
Les gentelmen’s agreements ;
-
Les déclarations d’intention ;
-
Les accords de principe
-
Ou encore les MEMORANDUM of Understanding
Ces différents accords de négociation font naitre l’obligation de
négocier de bonne foi.
Ces accords comportent à titre d’exemple des clauses telles que :
·
La clause de confidentialité interdisant aux parties de divulguer les
éléments entrant dans le cadre de leur négociation :
·
La clause d’interdiction de négociations parallèles.
2-3 le contenu
du contrat commercial international
Le propos, à ce niveau, est de présenter quelques caractéristiques du contenu des
contrats commerciaux internationaux. Ces caractéristiques découlent de
l’inéluctable tendance à la standardisation des contrats commerciaux
internationaux.
Certes, sous réserve de respecter l’ordre public, les parties
demeurent toujours libres de prévoir les clauses qu’elles souhaitent figurer
dans le contrat amené à les lier. Néanmoins, le souci de sécuriser les
opérations, chaque jour plus complexe, a conduit la pratique à développer un
savoir-faire devenu véritable ingénierie, dans la rédaction des contrats.
Pratique devenue, d’ailleurs, presque une source du droit à part entière.
Exemples de quelques clauses devenues habituelles dans les contrats
CI :
Préambule :
Bien que n’étant pas une véritable clause, le préambule est cité ici
vu son importance pratique. En effet, avant de rentrer dans le vif du sujet,
les parties vont y faire figurer un certain nombre d’indications relatives à
leur relation ainsi qu’aux objectifs poursuivis par eux dans le cadre de ce
contrat. Ce préambule peut se révéler comme un précieux outil quant à
l’interprétation de la volonté des parties. En principe on n’y fait figurer
aucun élément substantiel du contrat.
2.3.1 Clause de
confidentialité :
Cette clause est très importante pour la préservation des intérêts des
parties au cours de la négociation et même pendant l’exécution du contrat. Elle
est destinée à protéger les données communiquées de la divulgation et même
parfois contre leur utilisation.
Pour en assurer l’efficacité, encore faut-il préciser, notamment les
informations à protéger et les personnes qui y sont tenues.
2.3.2 Clause
relative à la responsabilité :
Il s’agit de clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité.
De telles clauses permettent aux parties de répartir la charge des risques dans
le cadre de l’opération envisagée.
Certaines clauses appartenant à cette catégorie sont utilisées dans
des domaines particuliers comme les contrats internationaux de distribution ou
de construction, dites de best efforts, reasonnable care ou due diligence,
visent à définir l’intensité des obligations. Leur existence pousse le juge ou
le cas échéant l’arbitre à analyser plus finement les engagements du débiteur
comme des obligations de moyens.
2.3.3 Clause de
Hardship :
C’est une stipulation « aux termes de laquelle les parties
pourront demander un réaménagement du contrat qui les lie si un changement
intervenu dans les données initiales au regard desquelles elles s’étaient
engagées vient à modifier l’équilibre de ce contrat au point de faire subir à
l’une d’elles une rigueur (hardship) injuste »[2].
Si un tel événement survient, la clause oblige les parties à
renégocier leur contrat afin de l’adapter aux changements de circonstances. Exemple de cette
clause : « en cas d’évolutions techniques, commerciales et/ou
règlementaires rendant l’exécution du
présent contrat ruineuse pour l’une des parties, celles-ci conviennent
expressément de négocier de bonne foi une révision du contrat qui prendra la
forme d’un avenant »[3].
La clause peut permettre également à défaut d’accord des parties,
l’intervention de l’arbitre, pour qu’il fixe les nouvelles conditions du
contrat. Cette clause assure aux parties un mécanisme d’adaptation en vue
d’assurer la survie et la pérennité de la relation contractuelle. Les solutions
sont moins certaines en l’absence de clause. A ce propos, voir les articles
6.2.1 à 6.2.3 des principes d’UNIDROIT qui consacre le principe de
réadaptation.
2.3.4 Clause de
force majeure :
Les contrats internationaux de longue durée s’exposent au risque de
connaître un événement empêchant leur exécution. De nombreux systèmes
juridiques étatiques reconnaissent la force majeure qui aboutit à une
exonération totale ou partielle de responsabilité. Mais la pratique ressent
souvent le besoin de rédiger une clause (les principes d’UNIDROIT à l’article
7.1.7 consacrent le principe).
2.3.5 Clauses
relatives au prix :
Les parties ont la possibilité de déterminer les modalités de fixation
ou du paiement du prix par des clauses appropriées. En la matière chaque clause
correspond aux particularités du contrat. Les contrats de longue durée
prévoient souvent des clauses d’indexation afin de faire évoluer le montant du
prix sur la base d’un indice.
Par ailleurs, il convient de signaler l’existence de clauses qui survivent
au contrat. Il existe des clauses qui ne s’éteignent pas en même temps que le
contrat. La fin du contrat n’est pas nécessairement synonyme de cessation des
obligations contractuelles. On mentionnera les clauses de non concurrence, les
clauses de confidentialité (citée ci-dessus) ou bien encore les clauses
d’arbitrage.
2.3.6 Clause de
non concurrence
Prévue à l’article 109 du DOC, elle stipule :
Al.1. : Est nulle et rend nulle l’obligation qui en dépend, toute
condition ayant pour effet de restreindre ou d’interdire l’exercice des droits
et facultés appartenant à toute personne humaine, telles que celles de se
marier, d’exercer ses droits civils.
Al.2 : cette disposition ne s’applique pas au cas où une partie
s’interdirait d’exercer une certaine industrie, pendant un temps ou dans un
rayon déterminé.
Il en ressort que la clause de non concurrence est valable dans la
mesure ou elle serait limitée dans le temps et dans l’espace.
2.3.7 La
convention d’arbitrage :
Elle est l’acte fondateur de tout arbitrage, car c’est, d’abord et
avant tout, la volonté autonome des parties qui lui donne naissance, par une
démarche contractuelle, à laquelle l’état moderne donne désormais son appui par
voie législative. Ainsi la nouvelle loi 08-05 la définit, dans son article 307,
comme l’engagement des parties à recourir à l’arbitrage pour régler un litige
né ou susceptible de naître concernant un rapport de droit déterminé.
2.3.8 La clause
du droit applicable
La clause du droit applicable ou clause d’election juris est celle par
laquelle les parties choisissent le droit applicable à leur contrat.
La détermination par les parties d’une loi étatique ou autres normes
leur garantie une certaine prévisibilité du droit mis en œuvre en cas de
litige. Cette liberté permet aux parties de choisir une ou plusieurs lois, ou
même des usages ou principes généraux, dont la teneur convient à leur affaire.
La liste des clauses présentées n’est pas limitative car la pratique
en matière de commerce international est d’une grande créativité pour essayer
de trouver des instruments toujours plus novateurs pour concilier fluidité
commerciale et sécurité juridique.
III- le Droit
applicable
Dans le droit fil de son caractère composite, le droit du
commerce international puise à des multiples sources dont certaines sont
publiques et d’autres privées.
Les opérateurs économiques, dans leurs rapports
internationaux, appliquent le plus souvent des règles qui ne sont ni nationales
ni internationales. C’est là un constat sur lequel tant la doctrine que la pratique se sont accordées.
La lex mercatoria a été, initialement, un système juridique
utilisé par les marchands dans l’Europe médiévale. Il n’était édicté par aucune
autorité mais respecté par les marchands eux même et servait à encadrer leurs
relations contractuelles. Elle consistait en usages et coutumes communes aux
marchands avec des différences locales.
Dès les années 60, le professeur Goldman fervent défenseur
de la lex mercatoria, constate la formation d’un droit et d’un corps de règles
issu de la pratique du commerce international. En effet, les acteurs du
commerce international n’appliquent pas seulement les règles étatiques et non
étatiques mais des règles issues de la pratique. Ces règles transnationales
sont des règles spontanément nées de la pratique des marchands et répondent à
leurs besoins. A leur sujet, on utilise parfois l’expression de droit
transnational.
Certes les conventions internationales ont pour objet de
jouer le rôle d’unification de la règle. Cependant, si on s’en tient à la
méthode des conflits des lois on ne sait pas quelle règle sera appliquée mais
si on conclut des conventions internationales et que celles-ci sont ratifiées,
cela devrait conférer cette sécurité juridique à laquelle les acteurs aspirent.
Mais ces conventions n’existent pas dans tous les domaines et leur domaine est
souvent très étroit. D’où le recours à la lex mercatoria.
On se contentera d’aborder à son sujet deux points : sa
nature juridique (1) et son caractère des règles issues de la pratique (2).
3.1. Nature
juridique de la lex mercatoria
C’est une question fondamentale qui a longtemps mobilisé les
auteurs et suscité beaucoup de controverses. Elle implique un questionnement
quant à sa juridicité ainsi que sa valeur par rapport à la loi. Toujours est-il
que pour le Professeur Goldman, la lex mercatoria devrait être considérée un
ordre juridique autonome, anational et donc, en d’autres termes sans attache à
un système juridique quelconque. Cette position, jugée excessive, signifie que
les Etats abandonnent leur souveraineté en matière de commerce international.
Pour parler à son propos de norme juridique, on doit
s’interroger sur certaines caractéristiques qui distinguent les règles de
droit. Ainsi, est-elle générale ? Obligatoire ? Et coercitive ?
Est-elle générale ??
Dire qu’elle est générale voudrait dire que les juges et les
arbitres ont la possibilité de l’appliquer dans un contexte interne et
international.
L’article 327-18 du CPCM, dans son 3ème alinéa,
prévoit le fait que l’arbitre « doit prendre en considération les clauses
du contrat objet du litige, les usages et coutumes commerciaux et ce qui est
habituellement d’usage entre les parties… ». Cet article se trouvant dans
la section réservée à l’arbitrage interne laisse supposer que la possibilité
existe même sur le plan interne.
Aussi, en matière d’arbitrage interne, peut-on dire, à
présent, que la lex mercatoria ne peut être appliquée pour la résolution d’un
litige que sous la demande expresse des parties au contrat ??
Toutefois, la lex mercatoria représente un complément
juridique au droit interne qui n’est pas complètement évincé.
Une règle est obligatoire quand elle permet la préservation
de l’équilibre social et économique d’un Etat. Or, la dimension transnationale
de la lex mercatoria n’est pas là pour régir des relations internes. On peut
même avancer que la lex mercatoria n’est pas obligatoire car elle n’émane pas
d’une autorité publique, elle est juste l’œuvre d’une volonté privée, mais permet
la préservation des intérêts du commerce international.
Est-elle coercitive ?
Une règle de droit est obligatoirement munie d’un aspect
coercitif. Dans le cas de la lex mercatoria, on peut constater deux cas :
a)
Si la lex mercatoria n’a
pas été appliquée en premier lieu : la lex mercatoria n’ayant pas un
caractère obligatoire, il est impossible que le juge puisse procéder à la
sanction de quiconque sous prétexte d’omission de son application. Une règle de
droit est obligatoirement munie d’un aspect coercitif. Dans le cas de la lex
mercatoria, on peut constater deux cas :
b)
Si elle n’a pas été
respectée ou exécutée par les parties alors qu’elle est prévue dans la
convention d’arbitrage / droit applicable.
c)
Au cas où les parties ont
prévus dans leur contrat le recours à la lex mercatoria, l’arbitre est tenu de
s’y soumettre. Sa sentence, après exequatur, aura une force exécutoire.
d)
Donc, toute sentence qui ne
respecterait pas le choix de parties pour l’application de la lex mercatoria
encourrait la nullité.
Cependant, la jurisprudence semble avoir pris une position
consacrant la juridicité des règles de la lex mercatoria et ce par le biais de
la position prise dans le cadre de l’affaire dite Valanciana 1991 ;
3.2 la lex mercatoria : un droit issu de la pratique
On constate la mise en œuvre de divers corps de règles qui
vont être appliquées directement par les acteurs du commerce international. Ces
règles ont parfois été codifiées.
Exemples :
-
association internationale
des banques qui a élaboré une sorte de codification privée que mettent en œuvre
les banques dans les relations internationales.
-
Textes de la CNUDCI comme
le règlement d’arbitrage et de conciliation qui est proposé aux acteurs du
commerce international qui souhaitent voir leur litige réglé par voie
d’arbitrage.
-
Les principes relatifs au
contrat du commerce international par UNIDROIT.
Cela permet aux parties de s’extraire de tout ordre
juridique étatique en stipulant une clause compromissoire prévoyant l’amiable
composition ou, en plus, une clause de droit applicable.
Le rôle de l’arbitre se trouve encore accentué si les
parties n’ont pas déterminé le droit applicable. En matière d’arbitrage,
l’arbitre doit statuer selon les règles qu’il estome appropriées (droit
marocain 327-18). Il peut se fonder sur le droit étatique ou sur les usages du
commerce.
C’est également un droit prétorien dans lequel les arbitres
privés et les juges étatiques jouent un rôle important d’élaboration de règles.
L’arbitre :
Même quand il statue en équité, l’arbitre applique des
principes de la lex mercatoria. Les arbitres sont à la fois des interprètes (en
présence de règles d’origine privée, ils sont amenés à les interpréter) et des
révélateurs (parfois un usage est inconnu et l’arbitre en l’appliquant lui
donne une force obligatoire) de la lex mercatoria
On a pu parler de droit spontané car son élaboration n’est
pas faite par un organe législatif et parce que l’application est spontanée et
non obligatoire par les parties.
Il s’agit de références à des normes qui sont parfois
d’origine privée ou publique mais qui n’ont aucune valeur obligatoire
sauf :
-
Quand l’arbitre doit
prendre en considération les clauses du contrat objet du litige, les usages et
coutumes commerciaux et ce qui est habituellement d’usage entre les parties.
-
Si les parties,
investissent l’arbitre en tant qu’amiable compositeur et que celui-ci décide de
ne pas appliquer les règles de droit mais statue plutôt selon les règles de
justice et d’équité (article 327-18 du CPCM).
Parfois on constate que l’arbitre combine la lex mercatoria
et le droit étatique. Il peut ainsi par exemple faire subir à ses deux
ensembles de normes un traitement égalitaire, c'est-à-dire qu’il fera prévaloir
l’un ou l’autre sans à priori de préférence, uniquement en fonction de la volonté
des parties.
Le juge étatique
Contrairement à ce qu’on peut penser, le juge étatique, en
matière de commerce international n’est pas hostile à la lex mercatoria. Quand
on examine les décisions des juridictions en la matière, on remarque que ces
usages bénéficient d’une faveur qui ne s’est jamais démentie.
Comment le juge participe-t-il à l’élaboration de ces
usages ?
Il y participe en favorisant le développement de
l’arbitrage. En effet, en allégeant son contrôle sur les sentences arbitrales,
le juge participe indirectement à l’émergence de la lex mercatoria puisque dans
la pratique, la seule vraie cause d’annulation est celle qui touche à la
question de l’ordre public (article 327-36 de la loi 08-05 du CPCM) : il
suffit que la sentence ne soit pas contraire à l’ordre public international du
lieu d’exécution de la sentence et c’est le juge qui apprécie cela.
Exemple : affaire Hilmarton 1994, sentence arbitrale
rendue en Suisse mais par la suite annulée par les juridictions suisses en
raison d’une violation de l’ordre public international. Cette sentence devait
s’exécuter en France et la partie qui avait obtenu gain de cause demanda
l’exécution de cette sentence. La cour de cassation indique que la nullité de
la sentence prononcée en Suisse n’interdit pas l’exécution en France dès lors
que l’ordre public international français n’est
pas contrarié.
Enfin, il y a une faveur du législateur lui-même à ce
développement de la lex mercatoria. L’article 327-18 du CPCM stipule que dans
tous les cas, l’arbitre : « doit prendre en considération…., les
usages et coutumes commerciaux et ce qui est habituellement d’usage entre les
parties… ».
[1] Vincent.
Heuzé considère que « l’expression besoins du commerce international n’est
rien d’autre qu’un slogan qui traduit la désapprobation que les solutions du
droit positif inspirent à ceux qui l’emploient ».
[2]B.OPPETIT « l’adaptation des contrats
internationaux aux changements de circonstances ; la clause de
hardship » journal du droit international (JDI) 1974. P 794 et svts, spéc.
P 797.
[3] Jean
Baptiste RACINE. Cité par O.Azziman dans « le contrat commercial
international » séminaire 2° C.E.S, Droit des affaires,1997, Université
Mohamed V, Rabat.
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