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lundi 24 septembre 2018

Commentaire comparé des arrêts « Baby Loup et CPAM »

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Commentaire comparé des arrêts « Baby Loup et CPAM »






Top Anaïs                                                                                                                                       Groupe 1
Commentaire comparé des arrêts « Baby Loup et CPAM »
Par les arrêts Baby Loup et CPAM tout deux rendus le 19 mars 2013, la chambre sociale de la cour de cassation a l’occasion de statuer à propos du port du voile islamique d’une employée sur son lieu de travail en rappelant les notions de neutralité et de laïcité. Dans ces deux affaires, deux employées se font licencier du fait qu’elles n’avaient pas enlevé leur voile sur leur lieu de travail alors que le règlement intérieur l’interdisait. L’une étant éducatrice de jeunes enfants auprès d’une crèche, l’autre technicienne prestations maladie au sein d’une caisse primaire d’assurance maladie. Les salariées, s’estimant victimes d’une discrimination ont alors, au regard de leurs convictions religieuses, saisi la juridiction prud’homale en nullité de leur licenciement. Dans l’affaire Baby Loup, la Cour d'appel a débouté la salariée de sa demande, en se fondant sur les articles L.1121-1 et L.1132-1 du code du travail et en considérant que les restrictions à la liberté religieuse prévue dans le règlement intérieur étaient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché dès lors que la crèche avait notamment pour but« de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d’œuvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes (…) sans distinction d’opinion politique et confessionnelle ».La salariée a alors formé un pourvoi en cassation. Dans l’affaire de la CPAM, la cour d’appel a également débouté l’employée de sa demande en retenant les principes de neutralité et de laïcité du service public et en considérant que le licenciement était justifié dès lors que la salariée n’avait pas respecté le règlement en portant le voile islamique pendant ses heures de travail. La salariée a alors formé un pourvoi en cassation en se fondant sur l’article 1er de la Constitution, 10 de la DDHC, 9 de la CEDH et sur les articles L1132-1, L1121-1 et L1321-3 du Code du Travail. Elle a alors considéré« que les principes de laïcité et de neutralité n’ont vocation à s’appliquer qu’à l’Etat, aux collectivités publiques, aux personnes morales de droit public et à leurs agents »et que l’atteinte n’était pas proportionnée du fait qu’elle ne portait qu’un « foulard en bonnet ». Dans les deux affaires, la Cour de Cassation devait s’interroger sur la question suivante : un employeur peut-il se fonder sur le principe de laïcité du service public pour exiger la neutralité vestimentaire de ses salariés et donc, interdire ainsi le port du voile islamique ? Si dans l’affaire Baby Loup, la Cour de cassation a estimé que le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’était pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public, elle a conclu que les restrictions tolérées sont celles justifiées par la nature de la tâche à accomplir conformément à l’article L.1321-3 du Code du Travail. A l’inverse, dans l’affaire de la CPAM, la cour de cassation a répondu positivement à la question en se fondant sur les principes de neutralité et de laïcité en considérant que ces principes étaient applicables à l’ensemble des services publics et donc, la salariée exerçant ses fonctions dans un service public en raison de la nature de l’activité exercée par la caisse, la cour a considéré que le licenciement était fondé du fait que l’employée participait à une mission de service public.Ainsi, par les deux arrêts du 19 mars 2013, la Cour de cassation encadre le champ d’application du principe de laïcité au travail en montrant qu’il est un principe absolu dans le domaine public et limité dans les entreprises privées non chargées d’une mission de service public. 



I. Le champ d’application du principe de laïcité au travail

Si la jurisprudence est incertaine quant au rapport entre la liberté religieuse du salarié et le principe de laïcité au travail, ce qui reste sûr c’est le critère de mission de service public qui est déterminant pour l’application du principe de laïcité. 

A. La liberté religieuse du salarié et le principe de laïcité au travail : une jurisprudence incertaine

Dès 1989, le Conseil d'Etat affirmait que la laïcité s’imposait aux services publics, il jugeait par la suite notamment dans le domaine scolaire, que les professeurs et élèves devaient s’abstenir, au nom de ce principe, de porter des signes ou tenues par lesquels ils manifestent leur appartenance à une religion (loi du 15 mars 2004) 
A propos des salariés, la chambre sociale jugé d’abord au cas par cas et en 2003 a estimé que la liberté de se vêtir, indépendamment de toute référence à la religion n’était pas une liberté fondamentale au sens de l’article L.132-1 du code du travail de sorte que l’employeur pouvait y apporter des limites du moment qu’elles soient légitimes. Toutefois, selon la cour européenne des droits de l’homme, lorsqu’une compagnie d’aviation interdit le port d’une croix chrétienne  ses agents d’escale, elle porte atteinte à la liberté de la religion. En revanche, le recteur qui interdit aux étudiantes voilées  l’accès à l’université ne porte pas atteinte à cette liberté
Ainsi, de toute évidence, la jurisprudence est très fluctuante et il n’est pas possible de dégager des principes généraux en la matière.

B. La mission de service public : un critère déterminant pour l’application du principe de laïcité dans le domaine du travail 
En effet, l’application du principe de laïcité diffère selon le cas où nous sommes en présence d’une mission de service public ou non. Cette mission est donc un critère déterminant pour l’application du principe. 

Dans l’arrêt Baby Loup : la Cour de cassation va considérer que le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution ne sera pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. 
Cela limite le principe de laïcité aux salariés de droit public et ceux dont les employeurs de droit privé gèrent un service public. Ainsi, si la crèche n’entre pas dans ces catégories, il lui sera impossible d’exiger la neutralité vestimentaire des salariés et donc d’interdire le port du voile islamique sur le lieu de travail au nom de la laïcité. 

Dans l’arrêt de la CPAM : à l’inverse, le principe de laïcité est étendu à tous les services publics, également à ceux gérés par des personnes privées : « que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé ».
Ainsi, la salariée qui exerçait ses fonctions devait se plier au respect du principe de laïcité et retirer son voile sur son lieu de travail comme le prévoyait le règlement. 

II. La laïcité : un principe absolu dans les services publics et limité dans les services privés non chargés d’une mission de service public
Il ressort de ces deux arrêts que le principe de laïcité ne s’applique pas de la même façon selon les cas où le salarié est employé par une personne privée gérant un service public ou non. Alors que pour le service public, le principe de laïcité est absolu et ne connait pas d’exception. Toutefois, ces décisions restent très conversées, notamment au niveau politique. 
A. Entre l’autorisation des restrictions à la liberté religieuse au sein des services publics et la prise en compte de la nature de la tâche à accomplir dans entreprises privées

Dans l’arrêt de la CPAM : la cour précise que les salariés « sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires » et qu’il importe peu que la salariée soit en contact ou non avec le public. Elle a simplement déduit que la restriction était nécessaire à la mise en œuvre du principe de laïcité de nature à assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public.
Le principe de laïcité semble donc absolu puisqu’il ne connait aucune exception. La cour de cassation procède à une généralisation des prohibitions de port, de signes religieux, pour le personnel gérant un service public. 

Dans l’arrêt Baby Loup : le principe de laïcité apparait ici comme une exception à celui de la liberté religieuse puisque la cour de cassation rappelle que le principe de laïcité ne s’applique que si les restrictions à la liberté religieuse sont « justifiées par la nature de la tâche à accomplir » « qu’elles répondent à « une exigence professionnelle essentiellement déterminante et proportionnée au but recherché. »
La Cour de cassation en a alors déduit que l’obligation générale et imprécise de neutralité vestimentaire imposée par le règlement intérieur de la crèche n’était pas valable puisqu’elle ne répondait pas aux exigences de l’article L.1321-3 du code du travail et que le licenciement prononcé pour le port d’un voile islamique était discriminatoire. 

B. Des solutions très conversées

Les arrêts Baby loup et CPAM du 19 mars 2013 ont été très conversés et ont provoqué de vives réactions de la part des représentants de la vie politique française avec notamment des projets de loi qui avaient été déposées avant même l’arrêt de la Cour de cassation. Depuis la proposition de loi « relative au respect de la neutralité religieuse dans les entreprises et les associations » qui a été rejetée, aucune loi n’a été adoptée par le Parlement. La jurisprudence Baby Loup reflète donc l’état du droit positif applicable aux salariés de droit privé.
Par la suite, cet arrêt a été rejugé par la cour d’appel de Paris, les juges du fonds ont alors confirmé le licenciement pour faute grave de la salariée voilée en qualifiant la crèche d’entreprise de conviction. Puis l’assemblée plénière a mis terme au conflit qui opposait la crèche à l’employée en validant le licenciement pour faute grave de la salariée tout en refusant de qualifier la crèche d’entreprise de conviction. 


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