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lundi 24 septembre 2018

COMMENTAIRE D’ARRET PENAL TD

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COMMENTAIRE D’ARRET PENAL TD 







Commentaire d’arrêt : cass crim 11 octobre 2011 n°10-87212

« La censure que [la Cour] prononce est la négation de toute présomption, le renoncement à toute réécriture de l'article 121-2 du code pénal, qui serait abusivement destinée à en rendre les dispositions plus répressives, et les applications plus faciles. Par la cassation opérée, l'identification des personnes physiques, en tant que relais de la responsabilité pénale de la personne morale, n'est plus à regarder comme une dénaturation du droit, mais comme une simple question de preuve ». Telle est l’observation formulée par Yves Mayaud sous un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation rendu le 11 octobre 2011 et qui a fait grand bruit. Il portait sur les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales et plus précisément sur l’exigence de la qualité de représentant de la personne physique auteur de l’infraction. Elle resserre dans cet arrêt publié au bulletin et largement commenté l’acception de cette qualité qu’elle avait auparavant un peu largement étendu.
En l’espèce, pour effectuer des opérations de maintenance sur ses installations, la société EDF avait fait appel à une entreprise extérieure. Au cours de l’opération, la longe du salarié de l’entreprise était rentrée en contact avec les conducteurs du réseau placés sous tension : il a reçu une décharge électrique qui lui a fait lâcher prise et lui a fait faire une chute mortelle de plus de huit mètres. La société EDF et les deux agents chargés de préparer l’intervention de la société pour la maintenance ont été poursuivis pour homicide involontaire sur le fondement des articles 221-6 du Code Pénal et L230-2 ancien du Code du travail pour « défaut d’évaluation des risques ». En première instance, le tribunal a retenu la culpabilité des trois prévenus. Seule EDF a interjeté appel. La Cour d’Appel a confirmé la décision de première instance en relevant un manquement aux obligations de sécurité et constate que ce manquement devait être imputé à la société EDF, l’infraction ne pouvant avoir été commise que par ses organes ou représentants et les agents même s’ils ne faisaient pas l’objet d’une délégation de pouvoirs formelle avait la qualité de représentants en raison de leurs attributions et de leur statut. EDF s’est pourvue en cassation en mettant en exergue son premier moyen tenant au lien insuffisamment caractérisé entre la qualité de ses agents et celle requise des représentants de société en vertu de l’article 121-2 du Code Pénal.
L’opposition entre ces deux visions de la responsabilité pénale des personnes morales invite à s’interroger : en l'absence de délégation de pouvoirs formelle, un salarié peut-il être qualifié de représentant de la personne morale au sens de l'article 121-2 du Code pénal et engager par conséquence la responsabilité pénale de son employeur personne morale ?
A cette question la chambre criminelle répond de manière surprenante par la négative. Elle casse et annule l’arrêt pour insuffisance de motifs, aux motifs que la Cour d’Appel n’avait pas suffisamment caractérisé l’existence effective d’une délégation de pouvoirs et n’avait pas expliqué en quoi le statut et les attributions des agents d’EDF en faisaient des représentants de la société. Cet arrêt en apparence ne fait que rappeler les conditions d’engagement de la responsabilité de la personne morale, conditions qui avaient été élargies petit à petit par la jurisprudence (I) mais si on s’intéresse de plus près à l’arrêt, on aperçoit qu’il amorce un revirement de jurisprudence à la portée importante (II).  

I-            Un rappel des conditions d’engagement de la responsabilité de la personne morale : un arrêt didactique

L’arrêt du 11 octobre 2011 rappelle les exigences posées par l’article 121-2 du Code Pénal pour l’engagement de la responsabilité des personnes morales : l’auteur de l’infraction doit être un représentant de la personne morale qui a agi pour le compte de celle-ci (A). Il ne remet pas en cause non plus l’extension de cette qualification de représentant aux personnes faisant l’objet d’une délégation de pouvoirs (B).

A.  La qualité d’organe ou de représentant de la personne morale : une qualité essentielle de l’auteur de l’infraction

Commentaire et explication de l’article 121-2 du Code Pénal : conditions pour l’engagement de la responsabilité de la personne morale.
-          Personnes morales qui sont susceptibles d’être responsables. Préciser qu’EDF rentre dans cette catégorie, pas de problème pour la première condition.
-          En revanche le deuxième type de conditions concerne l’infraction commise.
®    Conditions sont relatives à l’auteur des faits personne physique.
·         Culpabilité. Pas de problème ici, doit avoir commis les éléments constitutifs de l’infraction à apprécier en la personne de son organe ou représentant. Personne morale : pas besoin de faute délibérée ou caractérisée.
·         Ce qui pose problème : sa qualité. L’auteur de l’infraction doit être un organe ou un représentant personne physique de la personne morale. Organes ou représentants : psnes physiques ayant le pw de direction de la personne morale, que leur compétence soit individuelle ou collégiale, ou que leur représentation soit statutaire ou de pur fait. Est prise en compte toute situation permettant de considérer les personnes en cause comme incarnant l'autorité, avec ce que cela permet de solutions adaptées aux différents groupements, et surtout aux hypothèses très variées auxquelles se prête leur gestion.Le ministère public doit le prouver pour condamner la personne morale. L’infraction commise par la personne morale ne peut pas matériellement l’être par elle, on est dans l’imputation indirecte des faits. http://cdns2.freepik.com/photos-libre/_318-59301.jpgResponsable pénalement en cas d’infraction commise par un associé, un salarié ou un préposé (même resp civilement en qualité de commettant).  Rien ne dit ici que ce sont des représentants, la CA pour le dire se base sur une présomption sans étayer  l’idée de la délégation de pw.
®    Deuxièmement d’autres conditions concernent le titre auquel a agi l’auteur des faits : il doit avoir agi pour le compte de la personne morale ou du moins ne pas avoir agi dans son strict intérêt personnel.  Si on ne sait pas qui c’est ou que ce n’est pas un représentant il ne pouvait pas agir au nom de la personne morale puisqu’il n’avait pas le pouvoir d’engager la personne morale.





B.  L’extension jurisprudentielle de la qualité de représentant : le cas de la délégation de pouvoirs

Solution acquise d’exonération du représentant par la délégation de pouvoirs. Un salarié peut engager la responsabilité pénale d’une société si en vertu d’une délégation de pouvoirs il aurait eu des pouvoirs du chef d’entreprise. (Cass. crim., 1er déc. 1998). Marche aussi pour la subdélégation (Cass. crim., 26 juin 2001) quel que soit le domaine des pouvoirs délégués.

Pour admettre la délégation de pouvoirs il existe certaines conditions : Elle doit concerner, tout d’abord, une entreprise d’une importance suffisante qui empêche le dirigeant d’en assurer lui-même la surveillance effective. Le délégué doit être, de plus, une personne dotée de la compétence et de l’autorité nécessaire, ce qui implique des aptitudes techniques et une certaine autonomie et exclut, au contraire, les délégations générales. Enfin, et c’est plus une interdiction qu’une condition, ne saurait être considérée comme une délégation de pouvoirs exonérant un individu, un acte conférant à une personne des pouvoirs identiques à ceux du premier.
La décision étudiée ne dit pas qu’un salarié ne peut plus être qualifié de représentant en cas de délégation de pouvoirs, au contraire elle confirme implicitement, d’une part, que la responsabilité d’une personne morale peut être retenue en présence d’une infraction commise par le bénéficiaire d’une délégation de pouvoirs émanant du dirigeant, mais aussi, d’autre part, que cette même délégation n’est envisageable que sous certaines conditions (elle exige sur ce point que les juges du fond s’expliquent « sur l’existence effective d’une délégation de pouvoirs » pour pouvoir la retenir).

L’arrêt  de la Cour d’Appel dit que les salariés d’EDF étaient des représentants en raison de « leur statut et leurs attributions clairement définis » (faisant  implicitement référenceà une décision de la CCass de 2006 qui mène une présomption on le verra). Il prévoit même une éventuelle censure en précisant que l’absence de délégation formelle de pouvoir ne fait pas obstacle à cette qualification.  Ils ont raison : il est acquis depuis longtemps que l'écrit n'est érigé ni en condition de validité de la délégation de pouvoirs ni même en condition de preuve crim 27 février 1979.
Elément contredit par le pourvoi d’EDF qui rappelle une autre formule utilisée précédemment par la Cour de cassation selon laquelle la qualité de représentant suppose l’existence de pouvoir diriger et engager la personne morale à l’égard des tiers.
Explicitement la Cour de cassation ne dit pas que les agents de maîtrise ne pouvaient pas être qualifiés de représentants car ils n’avaient pas ces pouvoirs mais censure la décision de la Cour d’Appel pour défaut de base légale, l’arrêt n’ayant pas suffisamment justifié sa qualification. Elle s’appuie sur son exigence rappelée dans le pourvoi pour le salarié de posséder l’autorité la compétence et les moyens nécessaires pour veiller à l’application de la réglementation.
Elle ne dit pas que pas de délégation de pouvoirs formalisée = pas de responsabilité de la personne morale. Les juges du fond doivent seulement prouver l’existence d’une délégation de pouvoirs formalisée ou un faisceau d’indices factuels qui justifient une sorte de délégation de pouvoirs tacite.

Implicitement la Cour revient sur ces décisions qualifiées d’anthropomorphistes par certains auteurs qui condamnaient la personne morale en supposant qu’elle avait commis elle-même les éléments constitutifs de l’infraction  ou en autorisant la non-identification des auteurs physiques de l’infraction. Oblige à identifier et qualifier les auteurs physiques de l’infraction.





II-         La fin d’une violation de l’article 121-2 du Code Pénal ou le « retour à l’orthodoxie » (N. Rias) : un arrêt novateur

L’arrêt de la chambre criminelle du 11 octobre 2011 est novateur car il abandonne une présomption d’imputabilité à la personne morale qu’elle avait elle-même élaborée précédemment et qui allait à l’encontre de la loi (A). Par ce rétrécissement de l’acception du représentant et ce retour à l’interprétation stricte de la loi pénale, la Cour de cassation rend un arrêt de principe à la portée considérable (B).

A.  De la présomption d’imputabilité à la nécessaire preuve de la délégation : un rétrécissement de l’acception de la notion de représentant

Un sentiment diffus se répand à l'examen de la mise en œuvre jurisprudentielle de la responsabilité pénale des personnes morales : des impératifs d'opportunité répressive ne prendraient-ils pas l'avantage sur l'application rigoureuse de certains principes juridiques qui gouvernent normalement le droit pénal ? Citation de Nicolas Rias relative à l’ancienne jurisprudence de la chambre criminelle qui dénaturait le texte de la loi pénale.
Originellement dans une lecture d’interprétation stricte comme cela est la règle de l’article 121-2 du Code Pénal, l’engagement de la responsabilité pénale d’une personne morale suppose que celle-ci ait agi par le biais d’une personne physique.
Etant donné que la condamnation de la personne physique auteur n’est pas une condition de l’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale, on pouvait se demander si  cette dernière responsabilité pouvait être engagée même si la personne physique qui avait commis l’infraction n’avait pas été identifiée.
Circulaire du 14 février 2006 cela est possible uniquement « en cas d'infraction non intentionnelle, mais également en cas d'infraction de nature technique pour laquelle l'intention coupable peut résulter conformément à la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation de la simple inobservation, en connaissance de cause d'une réglementation particulière, les poursuites contre la seule personne morale devront être privilégiées, et la mise en cause de la personne physique ne devra intervenir que si une faute personnelle est suffisamment établie à son encontre pour justifier d'une condamnation pénale ».
Nécessité de rechercher chez l’organe ou le représentant les éléments constitutifs de l’infraction et notamment l’élément moral (Cass. crim., 2 déc. 1997).
Suppose l’identification de l'organe ou du représentant, conformé par crim, 18 janv. 2000.

MAIS changement de JP sous influence des juges du fond en droit pénal du travail : la CCass retenait que la personne morale pouvait être déclarée pénalement responsable alors qu'aucune personne physique n'avait été désignée comme auteur matériel du délit, « dès lors que cette infraction n'a pu être commise, pour le compte de la société, que par ses organes ou représentants » (Cass. crim., 20 juin 2006).
Valeur de cette affirmation : présomption d'imputation des infractions aux organes ou représentants. S’explique pour les accidents du travail. Besoin d’une faute qui peut être une infraction matérielle aux dispositions du Code du travail. Imputable selon l'article L. 4741-1 du Code du travail à « l'employeur ou son délégataire » à savoir, selon la jurisprudence constante en la matière, au représentant légal de la personne morale ou à son délégataire. Manquements à l’origine des accidents imputables aux délégataires.Donc pas besoin d’identifier la personne physique.
Ex : responsabilité de la société Air France, à l'occasion d'un accident du travail d'un salarié, sans déterminer la personne physique auteur matériel du manquement réglementaire à l'origine de l'accident en précisant que la société « était tenue, par ses organes ou ses représentants, de faire respecter les prescriptions réglementaires en matière de sécurité » (Crim, 30 sept. 2011).

PB : imputation aux organes ou représentants clairement érigée en condition de la responsabilité pénale des personnes morales 121-2. Or la présomption a pour conséquence de la neutraliser purement et simplement. Présomption simple compatible avec la présomption d’innocence mais irréfragable dans sa formulation. Il est manifestement impossible d'établir que l'infraction n'a pas été commise par les organes ou représentants de la personne morale lorsque la présomption énonce justement que cette infraction n'a pu être commise que par eux.
+ Critiquable car l’article 121-3 alinéa 3 impose une appréciation in concreto de la faute, (suppose l’identification de la personne physique auteur de l’infraction).  Encore pire quand il s’agissait d’apprécier un comportement imprudent et maladroit.
Etendue aux infractions intentionnelles « dans le cadre de la politique commerciale des sociétés en cause et ne peuvent, dès lors, avoir été commises, pour le compte des sociétés, que par leurs organes ou représentants » (crim, 25 juin 2008).
La cour savait que cette position était critiquable : Refus de renvoi de la QPC le 11 juin 2010 car pas de caractère sérieux ! Et irrecevable car concernait son interprétation (large !) du CP.






Suite à ces décisions les juges du fond pensaient que l’identification des organes ou représentants auteurs matériels des faits ou leur qualification n’était plus une condition pour retenir la responsabilité de la personne morale.  Donc logiquement la Cour d’Appel a retenu la responsabilité d’EDF dans l’affaire. On est bien dans un manquement à l'obligation de sécurité et de prudence issue de l'article L. 230-2 du Code du travail. ≠ Air France
Contrariété avec l’arrêt Cass. crim., 20 juin 2006 : tempérament à la présomption d'imputation des infractions non intentionnelles aux organes et représentants des personnes morales.
Changement de JP bien accueilli « L'ancienne jurisprudence pouvait laisser le sentiment que le juge faisait peu de cas d'une exigence légale de condamnation. La présente décision dissipe cette apparence et suggère heureusement une relation harmonieuse entre le juge qui applique et le législateur qui décide. »Jean-François Cesaro

B.  Une véritable Révolution jurisprudentielle à la portée considérable

Selon ancienne JP CCass motivation CA surabondante et aurait constaté que de toutes façons, la faute des subalternes, délégués ou non, révélait un défaut de surveillance, et donc une imprudence, commise par leurs supérieurs hiérarchiques, organes ou représentant de la société EDF.Or, c'est précisément ce qu'elle ne fait pas et c'est en cela que l'arrêt rapporté a pour « contenu implicite l'éviction de la présomption d'imputation » (N. Rias).
Resp des personnes morales sur un fondement plus conforme à la lettre de l'article 121-2 : la faute imputée à ces entités doit être recherchée dans le comportement des agents qui exercent, en son sein, un pouvoir supérieur d'organisation et d'administration et qui expriment l'équivalent de ce qui est, chez les personnes physiques, la conscience et la volonté.

Chambre n’utilise pas la violation de la loi pour base de sa cassation mais l’article 593 du Code de procédure pénale sur le défaut de motivation : se réserve la possibilité de revenir sur cette décision.
Article 221-6 CP distingue deux sortes de fautes d'imprudence :
-          celles qui consistent en une « maladresse, imprudence, inattention, négligence » d'autre part
-          celles que constitue un « manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ».
Distinction très importante droit travail car seconde uniquement imputable à l’employeur ou ses délégués, l’autre à toute personne physique. crim., 23 janv. 1975 
En l’espèce : imprudence qui ne résulte pas de la violation d'un règlement.
Extension de l’arrêt aux homicides ou blessures involontaires provoqués une violation ?
Les employeurs et leurs délégués, continueront, en vertu de l'article L. 4741-1 du Code du travail, d'en être déclarés responsables. Délégués = représentantsdonc les personnes morales seront, dans tous les cas, condamnées du chef de telles infractions qui n'auront pu être commises que par un de leur organe ou représentant.

Etendre le revirement de JP pour les infractions intentionnelles. Si une présomption d'imputation survit, il ne pourra s'agir que d'une « présomption de l'homme » dont l'article 1353 du Code civil (indices factuels nombreux, concordants et concrètement appréciés par le juge du fond avant qu'il ne puisse en déduire que, tous comptes faits, seul un représentant de la personne morale, doué d'un pouvoir important, a pu commettre l'infraction).

Solution confirmée par crim., 8 nov. 2011, n° 11-81.422 confirmant un arrêt de la cour d'appel de Reims ayant retenu la responsabilité d'une personne morale en prenant soin de relever que l'absence de plan de prévention à l'origine de l'accident mortel d'un salarié d'une entreprise extérieure constituait une faute « de la part du directeur de l'usine, titulaire d'une délégation de pouvoirs régulière ».
N’a cessé d’être réitérée ensuite (Cass crim 1 avril 2014 n°12-86501 qui énonce « qu’encourt la censure l'arrêt ayant déclaré une personne morale coupable sans rechercher par quel organe ou représentant le délit lui étant reproché a été commis pour son compte », et 6 mai 2014 n°13-81406).



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