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lundi 24 septembre 2018

Commentaire de l’arrêt cass, civ 1ère, 27 janvier 1993

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Commentaire de l’arrêt cass, civ 1ère, 27 janvier 1993





Ø  Commentaire de l’arrêt cass, civ 1ère, 27 janvier 1993

« Eviter que l’auteur malheureux d’un acte de dévouement ne fasse à lui tout seul les frais de l’opération ». Voilà comment A. Sériaux définit le rôle de la création prétorienne de convention d’assistance bénévole. Ce contrat formé uniquement au fil de la jurisprudence désigne les situations de fait où une personne rend un service à une autre à titre gratuit et en dehors de toute volonté contractuelle. C’est en cas de dommage de l’assistant où il a fallu déterminer quelle responsabilité délictuelle ou contractuelle était en jeu, la jurisprudence ayant opté pour la responsabilité contractuelle sans réel fondement juridique. C’est sur cette question de la convention d’assistance bénévole que la 1ère chambre civile de la cour de cassation a eu à nouveau à se prononcer le 27 janvier 1993.




En l’espèce, un homme aide son frère à abattre un arbre dans sa propriété mais elle est blessée par une tronçonneuse électrique qu’il utilisait. La caisse de sécurité sociale lui verse alors des prestations mais exerce un recours contre l’assureur du frère sur le fondement de la garde de l’appareil. Cette assurance s’oppose à la demande car la police souscrite par son assuré ne couvre pas les risques de sa responsabilité contractuelle. L’assurance de la victime engage alors une instance en justice. Après un jugement de première instance, un appel a été interjeté. La cour d’appel condamne l’assurance de l’assisté à réparer solidairement avec lui le préjudice de la victime aux motifs que même s’il existait entre les deux frères une convention de bienfaisance unilatérale, mais que l’assureur ne précisant pas  le manquement contractuel qui pouvait être reproché à l’assisté il fallait appliquer la responsabilité quasi-délictuelle sur le fondement de la responsabilité du fait des choses dont on a la garde. Deux thèses s’opposent alors et amènent à s’interroger : en cas de convention d’assistance bénévole, la personne assistée engage-t-elle sa responsabilité contractuelle pour les dommages causés à l’assistant ?
A cette question la cour de cassation répond par l’affirmative, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel aux motifs que les textes sur la responsabilité délictuelle sont inapplicables à la réparation d’un dommage se rattachant à l’exécution d’un engagement contractuel et qu’une convention d’assistance emporte nécessairement l’obligation pour l’assisté l’obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel.Cet arrêt est donc une illustration de la création prétorienne de la convention d’assistance bénévole et en précise le régime (I) mais le raisonnement que la cour tient pour qualifier l’aide de contrat est critiquable à plusieurs égards (II).

I-                  La convention d’assistance bénévole, la consécration juridique du « coup de main »

La convention d’assistance bénévole a été élaborée dès 1959 avec des arrêts postérieurs qui ont précisé son régime juridique (A). L’arrêt du 27 janvier 1993 participe aussi de cette logique en fixant les contours de l’obligation de sécurité de l’assisté dans ce type de contrats (B).

A.   La confirmation d’une jurisprudence déjà ancienne

La convention d’assistance bénévole est une création du juge judiciaire qui désigne un contrat synallagmatique (obligation d’aide d’une part et d’indemnisation d’autre part), à titre gratuit, innomé et consensuel et régit les situations où une personne vient en aide à une autre sans contrepartie. La création purement prétorienne de ce type de convention s’explique par l’insuffisance de la responsabilité délictuelle lorsque la victime ne peut établir ni faute ni fait de la chose de celui à qui elle est venue en aide.
Ce contrat a été créé par la 1ère chambre civile de la cour de cassation le 27 mai 1959 sans être nommé de la sorte. Dans cet arrêt, la cour a éliminé des qualifications qui étaient impropres à régler le litige en présence pour opter pour l’existence d’un contrat entre la personne aidée et son assistant. Elle retient l’existence d’une convention de bienfaisance unilatérale. Il faut préciser que la convention ainsi qualifiée dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond qui ne la retiennent pas en cas de transport bénévole mais la retiennent en cas d’exécution de prestations de service gratuit. Une question demeure : peut-on rattacher le dommage subi par l’assistant à l’inexécution d’une obligation ne de ce contrat à laquelle l’assisté eût manqué ? Cet arrêt posait en outre des difficultés quant au caractère synallagmatique du contrat innommé mais reconnu comme existant entre une personne assistée et son assistant.
L’arrêt du 1er décembre 1969 qui crée sous ce nom la convention d’assistance bénévole règle ce problème : l’acceptation de l’assisté importe peu, en particulier en cas de sauvetage, puisque dans ce contrat l’élément important est l’intérêt de l’assisté. La cour précise également cette fois que la responsabilité contractuelle doit toujours s’appliquer en cas de convention d’assistance, même s’il n’existe ni manquement ni faute. Enfin, l’arrêt énonce  déjà les grandes lignes du principe développé dans l’arrêt du 27 mai 1993 en retenant que la convention d’assistance source de responsabilité contractuelle fait naître à l’égard de l’assisté « l’obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel », restreignant le champ de réparation d’un arrêt de 1963 qui acceptait tout type de dommage. A cet égard, l’arrêt de 1993 crée les contours d’une nouvelle obligation de cette convention : une obligation de sécurité.





B.     Une innovation : la création d’une obligation de sécurité

En énonçant « une convention d’assistance emporte nécessairement pour l’assisté l’obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel », la cour de cassation a entendu créer une obligation de sécurité pour l’assisté comme il en existe dans des contrats conclus avec des professionnels.  Les juges dès 1969 pour établir cette obligation implicitement se basait de manière contestable sur l’équité. Mais l’obligation de sécurité ne se justifie normalement dans le cadre d’une convention d’assistance bénévole que si l’exécution du contrat expose le créancier à des risques de dommages qu’il paraît opportun de faire réparer au débiteur des prestations. La cour apporte dans l’arrêt de 1993 une règle de portée générale afin d’éviter une jurisprudence casuistique qui accepterait les cas de sauvetage et exclurait les cas comme celui de l’espèce, se basant sur les dangers encourus par l’assistant. L’obligation de réparer les dommages corporels se différencie cependant de l’obligation traditionnelle de sécurité. C’est en effet une obligation de sécurité  de résultat qui s’applique ici afin de pallier les insuffisances de la responsabilité délictuelle en l’absence de faute. L’équité enfin ne rend pas seulement l’obligation de réparation opportune mais justifie que la victime soit dispensée de prouver la faute de l’assisté
Mais les conséquences de la création de cette obligation uniquement jurisprudentielle peuvent être lourdes pour l’assisté qui ne serait pas assuré, c’est pourquoi certains auteurs comme G. Durry envisagent de recourir à des fonds publics pour réparer le préjudice subi par l’assisté, idée cependant difficile à envisager dans un contexte de crise économique.

Ainsi, notamment à cause de la qualification de contrat de la convention d’assistance bénévole et par la généralité de l’obligation de sécurité l’arrêt de 1993 est au cœur des critiques des auteurs de doctrine.


II-              La convention d’assistance bénévole, une création prétorienne contestable

L’arrêt du 27 janvier 1993 et la convention d’assistance bénévole en général ont été critiquées à cause de la qualification contractuelle qui est purement artificielle et ne se base pas sur des fondements juridiques solides (A), mais malgré ces limites, la théorie de la convention d’assistance bénévole est toujours utilisée et a été précisée postérieurement à cet arrêt (B).

A.   Une qualification contractuelle artificielle

En 1959, la cour de cassation a émis des hésitations à admettre l’existence d’une convention d’assistance pour donner un fondement contractuel à la réparation. Alors que cette assimilation de la convention d’assistance bénévole a été jugée bienvenue pour certains auteurs comme C. Roy-Loustaunau, elle a été critiquée par d’autres comme R. Bout qui aurait préféré une qualification de services gratuits en particulier pour l’arrêt du 27 janvier 1993. Afin de comprendre le raisonnement de la cour de cassation et évoluer la portée de cet arrêt il convient de vérifier les uns après les autres les critères qui permettent la qualification contractuelle. La  première question concerne l’existence d’un contrat et se subdivise : existe-t-il un accord de volontés entre les parties ? En l’espèce, sans aucun doute car le frère de l’assisté avait proposé de l’aider et l’assisté y avait alors consenti. Le droit donne-t-il à cet accord de volontés la qualification de contrat ? C’est là où se situe la difficulté principale car rien dans les articles 1101 et suivants du code civil régissant les contrats ne semblent établir une catégorie de contrat régissant les rapports entre particuliers simplement soucieux de se rendre un service. Si l’on admet que la cour a retenu à raison cette réponse, les autres questions (le fait générateur du dommage s’est-il produit à un moment où le contrat a été déjà formé, le contrat est-il valable, le contrat a-t-il été passé entre l’auteur et la victime) ne posent pas de problème à l’exception de la dernière qui vise à se demander si le dommage se rattache à une obligation inexécutée du contrat.
En effet, la convention d’assistance bénévole contient-t-elle obligatoirement une obligation de sécurité corporelle ? Pas forcément comme le souligne G. Viney, F. Chabas et M. Fabre-Magnan. L’obligation de sécurité en effet est toujours rattachée à une obligation principale comme obligation accessoire, mais en l’espèce il n’existe pas d’obligation principale pour l’assisté à laquelle elle puisse être rattachée. De plus, le « forçage » du contrat, c’est-à-dire la qualification de contrat par la juridiction en dehors de toute disposition textuelle n’est acceptable que si elle est justifiée par la condition de répondre à un besoin impérieux de justice, et en l’espèce nombre d’auteurs ont considéré que cet impératif était absent. En effet, l’analyse contractuelle n’est pas indispensable à la réalisation de l’objectif de protection des auteurs des actes bénévoles : la gestion d’affaires des articles 1372 et suivants du code civil aurait pu être utilisée comme le souligne G. Bout, ainsi que la responsabilité délictuelle.
Enfin, dans le cas d’espèce, la volonté des assureurs de ne pas couvrir la responsabilité contractuelle de l’assuré ne peut s’analyser qu’en la volonté de ne pas couvrir les risques économiques, ce qui n’est absolument pas le cas dans la convention d’assistance bénévole. Ainsi la qualification et le régime juridique de la convention d’assistance bénévole sont largement contestables mais la jurisprudence continue d’utiliser cette création prétorienne et d’en définir plus précisément le régime juridique.


B.   Un exemple d’une jurisprudence toujours d’actualité

Malgré les critiques doctrinales concernant l’arrêt du 27 janvier 1993, il n’a pas fait l’objet d’un revirement de jurisprudence mais au contraire la jurisprudence postérieure n’a fait que préciser le régime juridique de la convention d’assistance bénévole. Le premier arrêt significatif à cet égard est celui du 16 décembre 1997 qui étend la responsabilité de l’assisté aux dommages causés par l’assistant à autrui, que cet autrui soit ou non un autre assistant.
D’autres arrêts confirment très récemment cette position et notamment celui de la cour d’appel de Lyon du 4 mars 2014 qui limite la qualification de convention d’assistance bénévole au cas où l’aide est apportée dans l’intérêt exclusif de l’assisté. En l’espèce, la qualification de convention ne peut être retenue, car les travaux de transformation effectués dans la maison étaient destinés à la création d’un appartement que la victime devait par la suite occuper.
Toutefois, à la suite de l’arrêt de la deuxième chambre civile de la cour de cassation du 3 octobre 2013, des professeurs de droit comme Matthieu Robineau professeur à Orléans arrivent à la conclusion que la responsabilité contractuelle est souvent bien moins protectrice que la responsabilité délictuelle pour les victimes ; et que la cour de cassation commençait s’en rendre compte (à propos non pas d’une convention d’assistance bénévole mais d’une entraide agricole, Cass. 2ème civ., 17 nov. 2005). Ils qualifient la convention d’assistance bénévole « d’ultime fondement pour la victime qui ne trouve ni dans la responsabilité du fait personnel, ni dans la responsabilité du fait des choses, ni dans la responsabilité du fait d’autrui une source de réparation. ». Ainsi si l’on suit ces conseils, la convention d’assistance bénévole ne devrait devenir qu’un fondement subsidiaire de réparation d’un préjudice.




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