Droit de la famille La formation du Mariage Les conditions du fond
Droit de la famille La formation du Mariage1 - Les conditions du fond
I. Introduction :
Classiquement le mariage s’entend d’une union de deux personnes fondée sur une
communauté de vie. Cependant, il n’existe pas dans le Code civil de définition juridique du
mariage. Ce sont donc les auteurs qui ont précisé la notion. Ainsi PORTALIS, dans son Discours
préliminaire au projet de Code civil a défini le mariage comme « la société de l’homme et de
la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels et
porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée ». Cette définition vise
avant tout certaines finalités du mariage et peut être sujette à discussion, au regard
notamment des évolutions sociétales.
Dans notre système juridique, la vision du mariage a fortement évolué. D’une vision
purement sacrée sous l’Ancien Régime avec le poids de la religion, le mariage a été sécularisé
– c’est-à-dire, laïcisé – à la Révolution. Le Code civil de 1804 a tout d’abord réaffirmé le
caractère laïc du mariage et a autorisé, sous certaines conditions strictes, le divorce. Depuis
lors, le caractère civil et laïc du mariage restera inchangé et petit à petit, la puissance
maritale – c’est-à-dire du mari – est supprimée et le droit au divorce largement développé.
Nature juridique : Dès le début du XXème siècle la nature juridique du mariage a longtemps
été débattue. Tout l’enjeu était de savoir si le mariage devait être considéré comme une
institution ou comme un contrat. Aujourd’hui, le débat est dépassé et la doctrine majoritaire
considère que le mariage est à la fois une institution (statut particulier qui en découle) et un
contrat (large place au consentement des époux).
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En faveur de l’institution, les éléments suivants se dégagent :
- Validité du mariage conférée par l’autorité publique
- Simple adhésion des époux à un statut légal
- Législation du mariage impérative
- Divorce uniquement prononcé par une décision judiciaire
En faveur du contrat, les éléments suivants se dégagent :
- Formation du mariage implique une volonté libre et éclairée
- Capacité obligatoire des parties
- Le mariage entraîne des droits et des obligations
- Admission du divorce par consentement mutuel
⇨ Le mariage est un contrat spécial, créateur de l’institution familiale. Afin de
répondre à cette double spécificité, la formation du mariage répond à des
conditions particulières, ce sont les conditions de formation du mariage.
La formation du mariage obéit à des conditions de fond (Fiche 1/1) et des conditions de
forme (Fiche 2/2). Leur non-respect entraîne des sanctions (Fiche 2/2).
II. Les conditions de fond de formation du
mariage
1. Les conditions tenant aux futurs époux
a. les conditions physiques
Mariage et altérité sexuelle :
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Depuis la loi du 17 mai 2013, l’altérité sexuelle n’est plus une condition de formation du
mariage. Cette loi a notamment modifié les articles 75 et 144 du Code civil qui faisaient
référence de façon implicite à la différence de sexe.
L’article 75 mentionnait : « [...] Il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration
qu'elles veulent se prendre pour mari et femme [...] ».
L’article 144 mentionnait : « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-
huit ans révolus ».
⇨ Désormais, deux personnes de même sexe peuvent se marier.
Mariage et âge
Ce sont les articles 144 et 145 du Code civil qui régissent cette condition. Par principe, le
mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus.
NB : Avant la loi du 4 avril 2006, le Code civil distinguait l’âge minimum pour contracter le
mariage selon le sexe (15 ans pour la future épouse et 18 ans pour le futur époux).
Par exception, le procureur de la République peut autorisé le mariage avant l’âge légal en cas
de « motifs graves », par exemple, la grossesse de la future épouse. Les parents devront
autoriser ce mariage (art. 148 du Code civil).
Mariage et état de santé
Jusqu’à la loi du 20 décembre 2007, les époux devaient remettre à l’officier d’état civil un
examen médical datant d’au moins deux mois avant la célébration du mariage. Le résultat
n’était pas communiqué au futur conjoint, mais uniquement à l’intéressé afin qu’il prenne la
responsabilité d’évoquer un éventuel problème.
Cette formalité du certificat prénuptial a été définitivement supprimée.
De même, le délai de viduité a été supprimé par la loi du 26 mai 2004. Ce délai prévoyait que
la future épouse ne pouvait se remarier qu’après un délai de trois cents jours révolus depuis
la dissolution du mariage précédent, afin d’éviter des conflits de paternité.
⇨ Il n’y a, à l’heure actuelle, plus vraiment de condition tenant à l’état de santé
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b. le consentement
C’est l’article 146 du Code civil qui pose le principe en la matière : « Il n’y a pas de mariage
lorsqu’il n’y a point de consentement ». Le consentement au mariage est primordial.
i. existence du consentement
Expression du consentement
Le consentement doit être exprimé par l’époux lui-même, même pour les mineurs et les
majeurs représentés (cf. c) la capacité). On ne peut donc être représenté pour son mariage.
C’est au moment de la cérémonie que l’officier d’état civil requiert le consentement. C’est le
fameux « oui » énoncé devant les témoins et l’officier d’état civil.
NB : En cas d’altération des facultés corporelles (ex : si l’un des époux ne peut pas parler), il
convient de relever les signes par lesquels il a entendu affirmer sa volonté.
Civ.1ère, 31 janvier 2006, n° 02-19398
« [...] Mais attendu que les juges du fond, appréciant souverainement la valeur et la portée
des témoignages versés aux débats ont, sans les dénaturer, relevé que l'ensemble des
témoins directs du mariage avait interprété le râle émis par Christophe X... au moment où
l'officier d'état civil lui avait posé la question du consentement au mariage comme une
volonté d'épouser Mme Y..., conformément au souhait qu'il avait déjà exprimé à plusieurs
reprises devant le personnel soignant lors de sa sortie de l'hôpital, et estimé que Bernard X...
ne rapportait pas la preuve d'une absence de consentement ; que le moyen ne peut être
accueilli [...] ».
Consentement et altération des facultés mentales
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L’existence d’un trouble mental est assimilée, pour le mariage, à une absence de
consentement. Cette qualification n’est pas anodine, puisque l’absence de consentement
entraîne une nullité absolue et non relative.
Ce qui invalide le consentement, c’est l’inaptitude du futur époux de comprendre la portée
de son acte (ex : maladies mentales, ivresse, hypnose...).
C’est au demandeur à l’action en nullité de prouver l’existence d’un trouble mental, au
moment de la célébration, puisque la lucidité est présumée.
Consentement et mariage fictif ou simulé
Le droit contemporain lutte contre les unions matrimoniales où les époux ne se marient que
dans le but d’accéder à un avantage lié au mariage (ex : avantages fiscaux, nationalité
française, héritage...). Le mariage est donc nul dans de telles hypothèses.
Civ. 1ère, 28 octobre 2003
« Vu l'article 146 du Code civil ;
Attendu que le mariage est nul lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en
vue d'atteindre un but étranger à l'union matrimoniale [...] ».
Reprise de la jurisprudence classique Appietto, Civ. 1ère, 20 novembre 1963 : le mariage est
nul sur le fondement de l’article 146 du Code civil.
Il incombe au demandeur à l’action de prouver l’absence d’intention réelle. La jurisprudence
parle à cet égard d’absence de véritable intention matrimoniale. La preuve peut se faire par
tout moyen, mais est assez délicate à rapporter.
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NB pour les mariages en vue de l’acquisition de la nationalité française :
* Depuis la loi du 7 mai 1984, le législateur a tenté de trouver une parade contre les mariages fictifs, à
savoir, l’exigence d’une communauté de vie entre les époux comme condition préalable de la
déclaration d’acquisition de nationalité ou de demande de carte de résident. Depuis, le délai de
communauté de vie n’a cessé de croître (jusqu’à 4 ou 5 ans depuis la loi du 24 juillet 2006). Cette
communauté de vie doit en outre se poursuivre suffisamment longtemps après la déclaration pour
éviter des soupçons de fraude (art. 26-4 in fine du Code civil).
* Il existe en outre des sanctions pénales : alinéa 1er de l’article L 623-1 du Code de l’entrée et du
séjour des étrangers et du droit d’asile : « Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un
enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection
contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est
puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Ces peines sont également
encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint ».
i. vices du consentement
Chacun est libre de se marier. Dès lors, le consentement au mariage doit être libre et non
vicié.
En matière de mariage, sont évoqués les vices suivants : la violence et l’erreur (art. 180 du
Code civil). Le dol n’est pas retenu au titre de vice du consentement, car il serait trop délicat
de le distinguer d’une manœuvre de séduction (LOISEL disait : « En mariage, il trompe qui
peut »).
L’erreur
L’erreur doit être déterminante du consentement. Deux types d’erreur sont prévus par
l’article 180 du Code civil :
- l’erreur sur la personne : erreur sur l’identité physique ou civile (par exemple, une
erreur sur la filiation, le nom, la nationalité, l’âge).
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- l’erreur sur les qualités essentielles de la personne : ce sont les qualités qui sont
regardées, d’un point de vue sociologique, comme liées à la conception du
mariage (par exemple, erreur sur l’intégrité mentale de la personne, sur l’aptitude
à avoir des relations sexuelles normales, l’ignorance de la séropositivité de
l’épouse).
L’action en nullité pour erreur est une action en nullité relative qui ne peut donc être exercée
que par l’époux victime lui-même. L’action devra être exercée dans un délai de cinq ans à
compter du mariage.
La violence
Un consentement donné sous l’empire de la violence n’est pas libre (article 180 du Code
civil). Pendant longtemps, la violence n’était pas reconnue, car elle ressortait le plus souvent
d’une contrainte émanant des parents (crainte révérencielle). Or cette crainte révérencielle
était regardée comme une violence légitime et n’était pas interdite.
Depuis la loi du 4 avril 2006, la crainte révérencielle est condamnée afin de lutter contre les
mariages forcés. Depuis lors, le ministère public peut, en plus de l’époux concerné, exercer
une action en nullité fondée sur la violence. L’action se prescrit par cinq ans à compter du
mariage.
c. la capacité
Pour se marier, il convient d’être capable juridiquement. Cette question pose le problème du
mariage des mineurs ou des majeurs protégés. En tant qu’incapables, ils ne peuvent
consentir directement à se marier. Le consentement sera donc donné par une autre
personne.
i. mariage des mineurs
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Depuis la loi du 4 avril 2006, le Procureur peut autoriser un mineur à se marier dans des
circonstances exceptionnelles comme nous l’avons vu (I/ A- a, âge). Cependant, cette
dispense du Procureur est insuffisante : le mineur doit aussi obtenir l’autorisation de ses
parents, ceci afin de protéger ce dernier. Plusieurs hypothèses doivent être distinguées :
- En cas de discorde entre le père et la mère : l’article 148 du Code civil prévoit que
le partage emporte consentement.
- Si l’un des parents est mort ou hors d’état de manifester sa volonté, le
consentement de l’autre suffit comme en dispose l’article 149 du Code civil.
- Si les deux parents sont morts ou dans l’impossibilité de manifester leur volonté,
le consentement d’un seul des ascendants suffit selon l’article 150. À défaut, le
consentement doit être donné par le conseil de famille ou un juge.
L’autorisation donnée doit préciser l’identité du conjoint que le mineur est autorisé à
épouser. Cette autorisation discrétionnaire peut être donnée lors de la cérémonie ou en
amont par acte authentique.
ii. mariage des majeurs protégés
La loi distingue deux situations :
- le majeur sous curatelle : il faut l’autorisation du curateur. Si ce dernier refuse, le
juge des tutelles peut autoriser le mariage.
- le majeur sous tutelle : l’autorisation est donnée par le juge ou le conseil de
famille, après audition des futurs époux et le recueil éventuel de l’avis des
parents et de l’entourage. Il faut aussi que le majeur soit en état de donner un
consentement personnel. Le futur conjoint deviendra de facto le nouveau tuteur.
B LES CONDITIONS SOCIETALES ET MORALES
Les conditions sociétales et morales visent à empêcher tout mariage incestueux (a) ou
polygame (b).
d. la prohibition du mariage incestueux
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Le mariage entre proches parents est interdit pour des raisons à la fois biologiques et
morales. La prohibition est prévue par les articles 161 et suivants du Code civil.
Il existe deux types d’empêchements : l’inceste absolu où le mariage ne pourra jamais être
célébré et l’inceste relatif où le mariage peut-être autorisé par autorisation du Président de
la République en cas de causes graves. Empêchement ABSOLU
(aucune dispense)
Empêchement RELATIF
(art. 164 CCiv.)
Ligne directe
(= lien unissant les personnes
par le sang lorsque les
personnes descendent les une
des autres)
Entre ascendants et
descendants, quel que soit le
degré
Ligne collatérale
Entre frère et sœur
Entre frères
Entre sœurs
Entre oncle/tante et neveu ou
nièce
Entre frère et sœur d’adoption
Alliance
Entre beaux-parents, gendre,
bru
Entre beaux-enfants
Entre les mêmes si la personne
créant l’alliance est décédée.
Adoption plénière
Même empêchement que
pour la ligne directe
+ art. 356 Cive. : interdiction
maintenue avec son ancienne
famille par le sang
Adoption simple
Entre l’adoptant et l’adopté et
Entre ses descendants
frères et sœurs
d’adoption
Entre l’adopté et le conjoint Entre les mêmes si la personne
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NB : Le mariage est libre entre cousins, même germains.
Discussion
* La Cour européenne des droits de l’homme a condamné le Royaume-Uni en raison de
l’empêchement au mariage prévu par le droit anglais entre les alliés en cas de divorce en ligne
directe sur le fondement de la liberté du mariage (art. 12 CEDH) : CEDH, 13 septembre 2005, B.
et L. C/ Royaume-Uni : mariage entre un beau-père et sa belle-fille, divorcée de son fils.
* Pour une discussion doctrinale, voir l’arrêt 1ère Civ., 14 décembre 2013, n°12-26066 : La Cour
de cassation a décidé que le prononcé de la nullité du mariage d’un beau-père avec sa belle-
fille (divorcée d’avec son fils) est une ingérence injustifiée dans l’exercice du droit au respect
de la vie privée et familiale de la belle-fille, dès lors que l’union avait été célébrée sans
opposition et avait duré plus de vingt ans.
e. la prohibition de la polygamie
L’article 147 du Code civil énonce le principe de la monogamie : On ne peut contracter un
deuxième mariage avant la dissolution du premier. La condition de monogamie s’apprécie au
jour de la célébration du mariage.
La polygamie est un délit pénal (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, article
433-20 du Code pénal). Sur le plan civil, la bigamie emporte la nullité du deuxième mariage.
Afin de lutter contre la polygamie, l’article 70 du Code civil impose la remise d’une copie
intégrale de l’acte de naissance par chacun des futurs époux datant de moins de trois mois
(ou six mois en cas de délivrance par un consulat).
de l’adoptant et entre
l’adoptant et le conjoint de
l’adopté