COURS DE DROIT LES FORMES DE L’ETAT
LES FORMES DE L’ETAT (2E PARTIE)
I. LE PHENOMÈNE PARTICULIER DE L’ETAT
REGIONAL
- Définition de l’Etat régional : L’Etat régional désigne un Etat unitaire, dont l’autonomie
accordée aux entités infra-étatiques est telle que son organisation préfigure celle d’un Etat
fédéral.
- Il est important de comprendre qu’il s’agit donc des Etats unitaires qui reconnaissent une
véritable autonomie politique à des régions ou communautés autonomes, dotées d’un
pouvoir normatif autonome (elles ne se contentent pas d’appliquer la loi nationale).
- L’organisation reste celle d’un Etat unitaire, en ce que l’Etat central exerce sur ces entités
un contrôle sur leurs actes. Les entités, bien qu’autonomes, ne disposent pas d’un pouvoir
constituant.
- Pour prendre conscience de la réalité des Etats régionaux, autrement dit leurs similarités et
leurs différences, on est obligé de passer par des exemples concrets :
Ex 1 : La constitution italienne
- art. 5 : on commence par déclarer l’unité et l’indivisibilité de la République italienne,
mais en consacrant, dans le même article, les autonomies locales
- Art. 114 : Les entités infra-étatiques sont autonomes, ont un statut, des pouvoirs et
des fonctions propres : donc pouvoirs et fonctions propres
- Art. 117 : Le pouvoir législatif est partagé entre l’Etat et les Régions : on a donc bien
une compétence législative.
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Ex 2 : La Constitution de l’Espagne :
- Art. 2 : on pose le principe de l’unité de l’Etat, mais on reconnait néanmoins un
« droit à l’autonomie » des régions.
- Art. 143 : Les provinces limitrophes, les territoires insulaires et les entités régionales
historiques pourront accéder à l’autogouvernement et se constituer en communautés
autonomes.
- Art. 147 : les communautés autonomes se dotent elles-mêmes d’un statut qui
prévoit, notamment leurs compétences, dans les limites prévues par la Constitution :
art. 148 : organisation de leurs institutions d’autogouvernement, limites communales,
compétences des administrations de l’Etat sur leur territoire, aménagement du
territoire, urbanisme, habitat, ...
- Comme pour l’Etat fédéral, la clé de répartition de compétence s’effectue selon la
Constitution :
Ex 1 : Dans la constitution italienne :
- Art. 117 : compétences réservées à l’Etat ; liste des législations concurrentes (on
remarque qu’on trouve les RI avec les Régions étrangères, le commerce extérieur, ...
des domaines qui sont classiquement de la compétence exclusive des Etats). Mais
surtout : « Dans toutes les matières qui ne sont pas expressément réservées à la
législation de l’Etat, le pouvoir législatif échoit aux Régions ». Idem pour le pouvoir
réglementaire (al. Suivant). On retrouve donc la même logique que dans la
Constitution allemande, qui est pourtant celle d’un Etat fédéral.
- Art. 119 : l’autonomie et le statut des collectivités sont garantis par une autonomie
financière des ressources et des dépenses (elles établissent et appliquent des impôts
et des recettes propres).
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Ex 2 : Dans la constitution espagnole :
- La Constitution garantit la compétence exclusive de l’Etat dans certains domaines
réservés : art. 149 : droits et devoirs constitutionnels des Espagnols, nationalité,
immigration, RI, défense et force armées, justice, ...
- Art. 150 : l’Etat pourra éventuellement reconnaître la possibilité, pour les
communautés autonomes d’adopter, bien que dans des domaines restreints, des lois
(dans le cadre des lois fixées par l’Etat).
- Généralement, ces entités se découpent en fonction de proximités linguistiques,
culturelles, géographique (art. 143 de la Constitution espagnole : critère géographique).
- Parfois, la création d’une entité autonome est délicate et risque de menacer l’unité du
territoire national et de l’Etat ; les cours constitutionnelles veillent à ce que l’accès à
l’autonomie n’ébranle pas les fondements de l’Etat unitaire lui-même :
ex : Tribunal constitutionnel espagnol, dans sa sentence du 28 juin 2010, le tribunal valide le
statut d’autonomie de la Catalogne, mais censure certaines dispositions : celles relatives à
une Nation catalane, à l’obligation de parler catalan dans les établissements publics, ...
- L’Etat régional tend à atténuer la frontière entre Etat unitaire et Etat fédéral (on voit,
notamment, au regard des règles de compétences des similarités entre les Constitutions
allemande, espagnole et italienne).
II. LE CAS DE L’UNION EUROPÉENNE : UN ETAT
FÉDÉRAL EN GESTATION ?
- L’Union européenne représente une organisation tout à fait particulière, et elle pose la
question de savoir à quelle forme elle appartient.
- Victor Hugo a déclaré « un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les Etats-
Unis d’Amérique, les Etats-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main
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par-dessus les mers ». La question se pose de savoir si cette « prophétie » d’un fédéralisme
européen est-elle en voie de réalisation ?
→ On dépasse le stade de la confédération :
- Règle de la majorité et non de l’unanimité pour l’adoption des décisions
- Primauté du droit de l’Union, à l’instar des fédérations
- Création d’un marché unique, puis d’une monnaie unique
- Création d’une citoyenneté par le traité de Maastricht
- La devise européenne (l’Union dans la diversité), s’inspire de la devise américaine
(Unis dans la diversité)
- Le projet de Traité pour une constitution européenne ;
o Volonté de doter l’Union européenne d’un « traité-constitution »
o Elaboré selon la méthode de la Convention, comme aux USA
o L’exercice des compétences était fixé par le Traité, comme une Constitution
fixe celui des compétences fédérales/fédérées.
- Malgré l’échec du TECE, la Cour de Justice de l’Union européenne parle de « charte
constitutionnelle de base » à propos des traités
→ Certains éléments permettent de penser à un rapprochement entre l’UE et une structure
fédérale, au regard des principes :
- principe de superposition : l’ordre juridique de l’Union est à la fois distinct de l’ordre
des Etats membres, et intégré à celui-ci. Adopté dans le cadre des compétences qui
lui sont expressément attribuées, le droit de l’Union s’impose aux Etats membres.
Parallèle à faire avec la loi fondamentale allemande.
- principe de participation : les Etats membres consentent les transferts de
compétences à l’Union (principe des compétences d’attribution) ; participent dans le
cadre du Conseil de l’UE.
- principe d’autonomie : partage de compétences : compétences exclusives ou
partagées ; principe de subsidiarité.
→ Il demeure néanmoins des remparts à la reconnaissance d’une fédération :
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- D’une part, cela tient à l’impossibilité de reconnaître un Etat européen ; d’autre part, au
non aboutissement d’une démarche fédéraliste
- L’absence d’Etat européen :
o L’Union européenne n’est pas une organisation internationale classique : ses
institutions sont indépendantes des Etat membre, le droit européen est
directement intégré à l’ordre juridique interne, l’unanimité n’est pas la règle...
o C’est une organisation dite sui generis, mais ca reste une instance de droit
international, ce n’est pas un Etat :
▪ Pas de souveraineté étatique : elle ne détermine pas la compétence de
sa compétence, qui reste définie par les Etat membre ; elle n’a pas de
compétence générale ; elle ne dispose pas des moyens d’assurer sa
potentielle souveraineté (pas de monopole de la force et de la
contrainte)
- Non aboutissement d’une démarche fédéraliste :
o Les Etats membres, contrairement aux Etats fédérés, ont une compétence
externe.
o L’origine et les règles de fonctionnement de l’Union se trouvent dans un traité
et non dans une Constitution
o Alors que l’organisation fédérale est protégée par la Constitution, ou plus
généralement par l’acte constitutif de la fédération, les Etats membres de
l’Union peuvent décider, sans violer les traités fondateurs ni y mettre fin, de
quitter l’UE.