Principaux concepts en psychologie criminelle
Principaux concepts en psychologie criminelle
Principaux concepts en psychologie
criminelle
En tant que discipline autonome, la psychologie criminelle
s’efforce de dégager les principes et les méthodes d’approche de la
personnalité du criminel, notamment
à l’aide de questionnaires, de tests d’intelligence et de caractère
ainsi que de tests projectifs tels le TAT et le Rorschach.
Elle se concentre sur l’étude des délinquants qui ne
relèvent pas de la nosographie psychiatrique mais dont les troubles de la
personnalité, en relation avec une situation donnée particulièrement stressante
peuvent les mener à un passage à l’acte criminel.
La psychologie moderne définit la personnalité selon deux
critères essentiels : l’unité et l’identité du moi, ainsi que par
les sentiments personnels.
C’est grâce à la personnalité que s’établit un lien entre
l’organisme et le milieu, que les sentiments collectifs, les croyances, les
idées morales sur la conduite sont confrontés avec les tendances instinctives
et affectives du sujet en fonction de ses possibilités intellectuelles.
Autrement dit, la personnalité règle la fonction morale.
Elle soumet l’idée d’un acte possible à un examen moral, elle diffère la
satisfaction immédiate d’une tendance instinctivo-affective en la comparant aux
évaluations socioculturelles généralement acceptées.
(sentiments de honte ou de culpabilité)
Ces données montrent l’importance du concept de personnalité
en criminologie tout en gardant à l’esprit le complexe personnalité-situation
qui constitue la base même du passage à l’acte. Ne pas méconnaître cependant
que la personnalité présente plusieurs facettes, c’est un kaléidoscope avec ses
aspects changeants et ses évolutions.
Aborder des traits de personnalité, n’est pas réduire le
sujet à ce seul profil.
En criminologie, il conviendra aussi de s’interroger sur le
concept d’état dangereux.
A la base de tout acte criminel, il y a une tension
psychologique engendrée par la situation spécifique rencontrée par le
sujet. Cette tension provoque une rupture de son équilibre psychique. Au
cas où ce rétablissement n’a pas lieu (procédés de défense du moi inefficaces),
les frustrations devenues intolérables favorisent le passage à
l’acte pour rétablir l’équilibre menacé.
La construction de la personnalité
Elle s’effectue au cours de différentes étapes en relation
avec le milieu familial dont l’influence est importante au regard de l’éducation
et des principes moraux inculqués à l’enfant.
Les psychologues et les criminologues ont attiré l’attention
sur la qualité de la petite enfance (nourrissage, rôle maternant,
crèches, placement en institution, abandon) qui détermine les relations futures
étant adulte (attachement pathologique, deuil impossible, troubles des
identifications et des repères par exemple)
Des expériences scientifiques (H.Harlow en 1959) ont montré
la primauté de la présence maternelle chaleureuse sur la nourriture.
En 1964, le psychologue américain René Spitz a mis en
évidence les méfaits des carences affectives précoces menant de la
dépression au dépérissement et à la mort.
On pourrait encore citer Bowlby, M. Malher, Winnicot (la mère suffisamment
bonne), Mélanie Klein (la bonne et la mauvaise mère), Françoise Dolto et toutes
les recherches actuelles (Maurice Berger) sur l’importance des premières années
de vie.
Des études
américaines récentes ont montré une corrélation entre les troubles du maternage
(mère ambivalente, anxieuse, instable) et la psychopathie de l’enfant devenu
adulte.
La famille joue un rôle fondamental en ce qui concerne les
processus d’imitation et de répétition des modèles de comportement. Certaines
familles sont considérées comme pathogènes (familles incestueuses par
exemple)
Les identifications aux personnes importantes de
l’enfance (père, mère, fratrie) imprègnent la personnalité toute entière et
peuvent être criminogènes.
Il y a lieu de noter l’importance des apprentissages en
particulier les acquisitions scolaires.
Le bas niveau d’acquis scolaires et culturels est un facteur
de criminalité en particulier quand il est lié à un déficit intellectuel ne
permettant pas d’apprécier la gravité des actes de délinquance et les risques
de sanction encourus.
L’adaptation sociale passe habituellement à l’adolescence
par le rattachement à un groupe ou à une bande ( groupe d’amis, de
quartier, d’école, de sport, de culture, lien internet) d’où l’importance
que peuvent exercer sur des esprits faibles et influençables des meneurs délinquants. Le conditionnement
des comportements délinquants s’acquiert souvent dans les bandes organisées
(vols, racket, chapardages, destruction de véhicules).
Parmi l’ensemble des traits qui constituent une
personnalité, on regroupe sous le terme de caractère les éléments les
plus importants du comportement.
Ont ainsi été mis en évidence des typologies
caractérologiques (nerveux, passionné, colérique, sanguin, apragmatique,
apathique) basés sur l’émotivité, l’activité et le degré de réactivité aux
événements.
Les troubles du caractère se manifestent dans une
conduite inadaptée aux exigences sociales mais compatibles avec une lucidité
suffisante pour en assumer la responsabilité.
Deux théories s’opposent sur l’origine des troubles du
caractère : celle qui admet l’importance de l’éducation et celle
qui y voit des dispositions constitutionnelles.
On distingue, parmi les troubles du caractère, les individus
imaginatifs et fantaisistes, jaloux, vindicatifs, colériques, cyclothymiques,
excitables ou déprimés, indolents, hyperémotifs, mythomanes, obsédés,
impulsifs.
Les troubles légers du caractère ne doivent pas être retenus
comme facteurs de délinquance. Seuls doivent compter les troubles graves
compromettant l’adaptation familiale, professionnelle et sociale.
Le complexe d’infériorité de Adler ,non basé sur
l’hérédité mais sur un sentiment de frustration intense, lié à une infériorité
corporelle (petite taille), sociale (milieu
pauvre), économique (chômage)ou culturelle (ethnie), vécue comme une
injustice manifeste face à des aspirations légitimes, se retrouve assez souvent
dans des actes d’opposition, de destruction, de compensation, de vengeance.
DIVERSES INTERPRETATIONS DU CONCEPT DE PERSONNALITE
La notion de personnalité reste un concept fondamental de la
psychologie criminelle mais sa définition a donné lieu à des orientations
différentes.
Deux grandes tendances s’opposent. Pour la première, la
personnalité est la somme des qualités de la personne et elle se définit
comme la synthèse globale de celle-ci. (conception statique et descriptive).
Les membres d’une même société aurait en commun des éléments semblables de
personnalité formant une « personnalité de base »
Pour la seconde, la personnalité est la faculté de se
comporter de telle ou telle manière, de choisir telle ou telle conduite
dans les situations les plus diverses dans lesquelles un individu se trouve
placé. C’est une conception dynamique de la personnalité qui s’adapte
beaucoup mieux que la précédente à l’objet de la criminologie.
Les personnalités
pathologiques
Il ne s’agit pas de personnalités relevant de la psychiatrie
mais accusant des troubles de la personnalité au long cours.
Ces types de personnalité (traits de caractère) étant les
plus fragiles face aux situations de stress réagissent de façon inadaptée
dans la confrontation avec des situations inattendues :
On peut citer :
1 la personnalité histrionique ou hystérique comporte
un certain nombre de traits de caractère qui vont conditionner des
comportements.
Il s’agit d’immaturité affective avec labilité
émotionnelle. Cette personnalité souhaite vivre dans un monde infantile et
désexualisé. Conduites de dépendance, de passivité, de suggestibilité pouvant
alterner avec des périodes dépressives en liaison avec l’intolérance à la
frustration. La mythomanie permet une falsification du réel qui devient moins
angoissant.
2 la personnalité phobique a pour caractéristique
l’inhibition dans les différents domaines de l’existence (relationnel,
professionnel, social) .L’état permanent d’alerte est une autre
caractéristique avec recherche d’évitement des conflits et parti pris de
fuite pour éviter l’angoisse qui surgit même dans des situations
anodines.
3 la personnalité obsessionnelle est dominée par le
doute, la rigidité, l’obstination, la froideur, l’agressivité. Les
mécanismes de défense du moi les plus utilisés sont l’isolation et l’annulation
pour isoler l’affect de la représentation déplaisante.
4 la personnalité anxieuse est marquée
par un sentiment d’insécurité, d’incertitude, d’indécision. Lorsque
s’ajoutent les troubles de l’identité,
on évoque les états limites entre névrose et psychose.
5 la personnalité paranoïaque, très
répandue, est marquée par l’orgueil, la méfiance, la rigidité,
l’insociabilité, l’autoritarisme, avec tendance à se sentir dédaigné et
trompé. Apparence de froideur et d’impassibilité.
6 la personnalité narcissique croit
toujours avoir droit, a un sentiment grandiose de soi, une recherche
excessive d’admiration, des fantasmes liés au pouvoir, à l’argent, à la
réussite sociale.
7 la personnalité antisociale et en
déséquilibre psychique se comporte avec dépendance à des comportements
stéréotypés, chroniques où se retrouvent l’impulsivité, l’incapacité à
s’adapter aux règles, l’instabilité affective et sociale, l’intolérance à la
frustration, l’incapacité à éviter les mêmes erreurs.
Les premiers troubles apparaissent dès l’enfance (école
buissonnière, fugues, vols, bagarres, dégradations, refus d’autorité)
8 La personnalité état-limite ou border line qui se
situe à la charnière de la névrose et de la psychose. C’est un mode général d’instabilité
de l’image de soi et des affects avec une impulsivité marquée.
Les troubles affectent l’identité et provoquent des
sentiments de vide, d’abandon, de dysphorie épisodique, d’anxiété diffuse,
d’irritabilité. Alternance entre des positions extrêmes d’idéalisation
excessive et de dévalorisation.
Attitudes suicidaires fréquentes, troubles relationnels
importants, conduites à risque, alcoolisme, toxicomanie. En cas de stress, des
moments de dépersonnalisation ou des comportements délirants peuvent survenir.
La psychologie criminelle détermine à partir de ces
comportements ceux qui pourront plus spécifiquement déterminer la
personnalité criminelle
Le concept de personnalité criminelle ne renvoie pas
à une variante anthropologique et
fixiste (comme le type criminel de Lombroso). D’une part, il admet qu’il n’y a
pas de différence de nature mais de
degré entre délinquant et non délinquant ( Kinberg) ;
D’autre part, il tient compte du fait que la
personnalité est dynamique et, que dans certaines limites, elle est
évolutive (De Greef).
Définition de l’état dangereux
C’est la très grande probabilité qu’un individu commette un
délit
Eléments constitutifs de l’état dangereux
Pour le criminologue Garofalo, la très grande probabilité
qu’un individu commette un délit est fonction de deux facteurs, sa capacité
criminelle et son degré d’adaptabilité.
D’après Pinatel, certains traits de personnalité se
retrouvent dans toutes les recherches des criminologues et constituent le noyau
central de la personnalité criminelle qui gouverne le passage à l’acte
Ce sont : l’agressivité, l’impulsivité,
l’égocentrisme et l’indifférence affective.
Ces quatre éléments conjugués dans des proportions
différentes selon les individus constituent la capacité criminelle du
sujet.
L’autre caractéristique de la personnalité criminelle est
son degré d’adaptabilité ou encore sa capacité d’adaptation à la vie
sociale, l’intériorisation des interdits, le respect des normes sociales
établies. La réaction non adaptée en cas de frustration ou de stress se
manifeste par des symptômes exagérés par rapport à une réaction normale et
prévisible et surtout par un état d’angoisse pouvant paralyser les
réponses intellectuelles et affectives attendues et provoquant un passage à
l’acte exutoire ou encore à valeur cathartique.
A partir des formules individuelles de la capacité
criminelle et de l’inadaptabilité, il est possible de formuler le diagnostic d’état
dangereux qui se présente comme un diagnostic clinique et un diagnostic
étiologique.
Finalement, quatre combinaisons se trouvent possibles
1 Capacité criminelle
très forte et adaptabilité élevée réalisent la forme la plus grave de
l’état dangereux. C’est le cas des grands criminels dénués de moralité et
paraissant bien adaptés aux normes sociales (scandales policico-financiers)
2 Capacité criminelle très élevée et adaptabilité faible se
manifestent chez les gangsters et professionnels du crime qui sont incapables
de se plier aux exigences de la société par un travail régulier et un statut
conformiste. Ils sont, en conséquence assez aisément repérés.
3 L’état dangereux peu grave mais favorisant un sentiment
d’insécurité dans la population, existe lorsque la capacité criminelle et
l’adaptabilité sont peu élevées. Il
s’agit dans ce cas de marginaux, d’inadaptés sociaux et psychiques qui peuplent
les prisons, sont exposés à la délinquance chronique et sont très souvent
récidivistes. On y place les individus psychopathes.
4 L’état dangereux le moins grave (état habituel de la
population) existe lorsque la capacité criminelle est peu élevée et
l’adaptabilité très élevée. On rencontre dans cette hypothèse des occasionnels
et des passionnels qui auront parfois commis un crime important dans une
situation exceptionnelle mais qui ne récidiveront jamais.
A la lumière de ces observations, on comprend que l’état
dangereux est la clef de voûte de la psychologie criminelle qui cible en
particulier la capacité criminelle et l’adaptabilité.
Les formes de l’état dangereux
O n peut distinguer deus formes d’état dangereux :
l’état dangereux chronique ou permanent et l’état dangereux de crise.
a) L’état dangereux chronique ou permanent a été
défini comme une modalité psychologique et morale d’un individu dont le
caractère est d’être antisocial. Le terme « état » exprime ici
quelque chose de stable, de permanent.
Il existe un certain nombre de délinquants dont la
personnalité est telle qu’ils présentent un état dangereux de cette sorte. Mais
au sein même de cette catégorie , il faut faire des sous-distinctions
d’après :
- l’intensité de l’état dangereux entre délinquants professionnels et
récidivistes ordinaires
- l’orientation de l’état dangereux entre les spécialistes
qui commettent toujours le même type
d’infractions et les mixtes qui commettent des infractions de nature diverse
- le moment de l’apparition de l’état dangereux entre les
délinquants précoces et les autres.
b) L’état dangereux de crise qui caractérise la plupart des délinquants est celui où le
sujet passe par une crise avant de perpétrer l’acte criminel. On sait que De
Greef a particulièrement bien analysé
cette crise en distinguant entre
trois phases successives :
- la phase de l’acquiescement mitigé,
- la phase de l’assentiment formulé
- et la phase de la crise proprement dite.
Quelques remarques pour clarifier la relation entre la
Psychiatrie et la Criminologie Clinique :
-L’acte criminel ne signe pas obligatoirement un état de
« folie »
-Un certain nombre de délinquants présente des signes de
maladie mentale avérée évaluée par les psychiatres (environ 3%) mais leur
proportion est variable selon les époques.
-La considération du délinquant est en fonction de l’état de
la Société, de sa tolérance, de la législation répressive en vigueur, des
conceptions psychiatriques du moment (ex pour l’avortement et l’homosexualité).
-Le plus grand nombre de délinquants ne présente pas de
troubles mentaux selon la nosographie psychiatrique mais présente des
perturbations de la personnalité, ce qui relève du champ des psychologues, des
travailleurs sociaux, des policiers, des magistrats et bien sûr des criminologues.