Cours des relations internationales
Introduction :
I. Eléments de définition
L’expression relations internationales désigne à la fois l’objet de l’étude et la discipline qui les étudie. L’objet d’étude ce sont les relations entre nations. La discipline est la science universitaire qui porte sur cet objet d’étude.
Quand on parle des relations internationales, on ne peut pas s’en tenir aux relations entre Etats.' Il peut exister des nations sans Etats ; d’autres forces (organisations non gouvernementales, forces religieuses) interviennent, si l’on veut rendre compte autant que possible de la réalité afin de comprendre le monde contemporain et de pouvoir agir sur lui, il faut prendre en compte ces différents paramètres.
La nécessité d’approcher les relations internationales de manière ouverte conduit à donner la définition suivante, dont on va développer les différents éléments : les relations internationales sont des relations entre des corps politiques, qui relèvent du droit international et ne se limitent pas aux relations diplomatiques.
Des relations entre corps politiques. Les relations internationales ne sont pas des relations entre individus. Les relations entre deux particuliers dépondant de deux structures différentes ne sont pas des relations internationales. Elles ne dépondent pas du droit international, mais du droit privé interne (même la discipline qui les étudie s’appelle le « Droit international privé ». Les relations internationales ne sont plus des relations entre un individu et un Etat. De telles relations dépendent exclusivement de l’Etat, même si l’individu n’est ressortissant de l’Etat.
Les relations internationales sont des relations entre corps politiques, c'est-à- dire des relations entre structures collectives n’ayant pas une finalité individuelle : les nations. Une fois cela énoncé, on se trouve confronté au caractère polysémique du mot nation. Selon l’approche d’Ernest Renan :
« La nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses, qui à vrai dire n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».
Selon une approche pragmatique, on considère comme une nation tout corps ayant une vocation politique et qui se définit lui-même comme nation.
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Les relations internationales relèvent du droit international.
Les relations internationales sont des relations relevant du droit international et non du droit interne. C’est le critère essentiel sur lequel l’auteur du néologisme international, Jeremy Bentham insistait
Le caractère ce principe a produit des conséquences concrètes lors de la décolonisation des années 1950-1970 : les partisans de la décolonisation ce sont efforcés d’internationaliser les rapports entre colonisés et puissances coloniales renforçant ainsi la légitimité de la revendication d'indépendance. L’enjeu de la reconnaissance comme mouvement de libération nationale était central : en reconnaissant qu’un groupe constituait un mouvement de libération nationale, la communauté internationale considérait que ses rapports avec la puissance coloniale devaient relever non du droit interne mais du droit international, et donc que, juridiquement et politiquement, l’indépendance devait suivre.
Les relations internationales sont plus que les relations diplomatiques.
Les relations diplomatiques sont des relations officielles que les Etats ont entre eux, par le biais d’agents diplomatiques (corps diplomatique ; chefs d’Etat et de gouvernement ; ministres des Affaires étrangères). Limiter les relations internationales aux relations diplomatiques donnerait une image déformée de la réalité. Les relations diplomatiques sont une forme codifiée des rapports entre Etats : la réalité des rapports internationaux contemporains est le dépassement des formes diplomatiques, notamment par la multiplication des rapports directs entre dirigeants. La forme diplomatique n’a plus qu’un poids marginal. Par ailleurs, les relations diplomatiques sont par nature avant tout bilatérales. Elles n’excluent pas le multilatéralisme, mais ne le favorise pas. Or, le multilatéralisme est devenu le cadre des relations internationales.
II. Histoire des relations internationales :
1) Un monde sans relations internationales : de l’époque romaine à la rupture de l’unité chrétienne.
Pas d’idée de relations internationales sous l’empire romain, les romains ne connaissent pas l’idée de relations internationales. Certes ils sont confrontés à des structures ne dépendent pas d’eux, à d’autres unités politiques.
2) La naissance des relations internationales modernes (XVIème – XVIIIème Siècles) :
Les rapports de forces changent : disparition de Byzance en 1453 ; reconquête de l'Espagne et découverte de l'Amérique en 1492. Par ailleurs, le sentiment national est une réalité depuis quelque temps déjà et se renforce. Au début du XVIème siècle, la Réforme protestante met un terme à l'unité religieuse en Occident. Le panorama a changé.
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Les Etats souverains. Désormais, les acteurs internationaux sont des Etats souverains. Ce sont déjà des Etats, c'est-à-dire des corps politiques dissociés de la personne du prince qui est à leur tête. Cette dissociation a lieu partout en Europe. Ils sont souverains car ils ne se reconnaissent aucun supérieur. On est dans un contexte très différent de celui du Moyen Âge, marqué par la multiplication des liens de vassalité et de soumission (théoriques ou réels). Cette situation se traduit par les traités de Westphalie qui réorganisent l'Europe après la guerre de Trente Ans (1648).
En théorie, la souveraineté de chaque prince est reconnue par les autres, qui n'agissent plus dans son ordre intérieur. Le principe Cujus Régie Ejus Religio en est le meilleur exemple : chaque prince détermine seul, sans interférence extérieure, la religion de l'Etat. Au principe de souveraineté des Etats est lié, comme une conséquence logique, celui d'égalité souveraine des Etats. Ce principe correspond à une réalité concrète, du moins pour les grandes puissances européennes (Angleterre, France, Habsbourg d’Autriche et d’Espagne ; pays Bas). Aucune n’est assez forte pour détruire complètement l’autre.
La première colonisation européenne. L'Europe colonise le monde. Le monde nouveau (les Amériques), celui qu’Espagnols, Portugais, Anglais, Hollandais, Français se partagent. Mais aussi l’Extrême-Orient, où les mêmes établissent des comptoirs ou des colonies.
La formation du droit international. C’est à cette époque que se forme l'essentiel du droit international, en particulier le droit diplomatique. C’est l'époque des premières légations que les grandes puissances établissent et de la fixation des usages diplomatiques.
3) Les relations internationales en XIXème siècle :
Prédominance de l'Europe.
La fin du XVIIIème siècle et le XIXème siècle ont vu l'apparition de quelques nouveaux Etats issus de la décolonisation : Etats-Unis d'Amérique au lendemain de la guerre d'indépendance et (1766-1783), anciennes colonies de l'Espagne en Amérique latine (indépendantes à partir des années 1820). Mais la société internationale demeure sous la prédominance européenne.
L’Europe du XIXème siècle :
La conséquence des guerres de la Révolution. Avec la déclaration de guerre de 1792 (contre le roi de Bohème et de Hongrie et pas contre l’Empereur), s'ouvre une période qui change fondamentalement la physionomie de l’Europe. Aux termes de la guerre quasi ininterrompue qui dure jusqu’en 1815, la carte de l'Europe est profondément renouvelée. D’abord les minuscules principautés allemandes disparaissent, au profit des plus grandes
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d'entre elles (les grands gagnants : la Bavière, l'Autriche, la Prusse). Au lendemain des guerres, les puissances européennes du congrès de Vienne s'efforcent de contenir la France.
La sainte-Alliance.
C’est le traité conclu entre la Prusse, l’Autriche et la Russie, ce traité signé le 26 septembre 1815 à un caractère quasi mystique. Les Princes y affirment leur solidarité et leur fraternité, en affirmant, qu’ils tiennent leurs Etats entant que " Délégués de la providence ".
La Quadruple Alliance.
La quadruple Alliance réunit les signataires de la sainte-Alliance auxquels se joint le Royaume-Uni. Le traité est signé en novembre 1815. L'un de ses objets est d’empêcher le retour au-pouvoir de Napoléon ou d'un membre de sa famille ainsi que le retour à un régime républicain en France : dans ces hypothèses les puissances entreraient en guerre.
Le concert européen.
On parle de concert européen pour désigner la coopération entre Etats européens dans un cadre informel, au cours de conférences internationales que l'on réunit pour régler un problème: conférence de Paris de 1856 pour mettre un terme à la guerre de Crimée; conférence de Berlin de 1885 pour régler le statut du Congo et des territoires africains etc., On réunit aussi des conférences pour élaborer des règles applicables en cas de conflit ou pour le règlement des différends (conférences de La Haye de 1899 et 1907).
4) Le XXème siècle (1914-1989) : émergence, consolidation et déclin d'un clivage bi populaire :
Pesanteur multinationale en 1914, on présente souvent le conflit mondial comme inéluctable, la Triple-Entente (France, Russie, Angleterre) s'opposant à la Triplace (Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie), la militarisation de l'Europe et le jeu des alliances ne pouvant que conduire, par suite de l'enchaînement des uns par les autres, à l'explosion générale, cette explosion générale étant d'autant plus probable que les nationalismes brimés (Polonais, Slaves du Sud) sont très vifs.
Une telle vision néglige l'existence d'autres forces qui vont dans le sens de la paix. C'est le cas de l'Internationale socialiste : Les liens noués au sein de celle- ci, qui proclame son pacifisme, sont très forts. À la veille de la guerre, la participation des socialistes à un conflit européen semble impossible. Une autre pesanteur, dans le sens de la paix, est l'ensemble formé par les alliances dynastiques : en 1914 ; toute l'Europe est dirigée par des monarchies.
1914-1945 : Le Déclin des puissances européennes :
Les revendications nationalistes. La guerre de 1914 oppose les Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie et Turquie) aux Britanniques, Français et Russes. En 1917, les Etats-Unis entrent en guerre aux côtés des Français et des Britanniques, tandis que la Russie soviétique sort de la guerre. Pendant la guerre, sur fond de discours nationaliste, la France revendique l'Alsace-Moselle, l'Italie revendique le Tyrol, Trieste, etc. Ces revendications
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nationalistes sont exacerbées par le discours de janvier i918 du président Wilson. Ses 14 points définissent les buts de guerre des États-Unis, parmi lesquels on trouve : le retour de l’Alsace-Moselle à la France (point 8) ; faire droit aux prétentions italiennes à un redécoupage des frontières (point 9).
Les quatorze points du président Wilson, message au congrès, 8 Janvier 1918
Notre programme consiste à établir la paix du monde. Et ce programme, le seul possible selon nous, est le suivant :
1) Des conventions de paix, au grand jour, préparées au grand jour [...]
2) Liberté absolue de la navigation sur mer, en dehors des eaux territoriales [...]
3) Suppression, autant que possible, de toutes les barrières commerciales et établissement de conditions égales pour toutes tes nations [...]
4) Etablir des garanties en vue de la réduction des armements de chaque pays au minimum compatible avec sa sécurité.
5) Règlement après discussion de toutes les revendications coloniales, basé sur la stricte observation du principe que [...] les intérêts des populations en jeu seront pris en compte autant que les revendications équitables [des puissances coloniales].
6) Évacuation du territoire russe tout entier et règlement de toutes questions concernant la Russie [...] afin de laisser à la Russie toute liberté pour décider sans obstacle, en pleine indépendance, de son propre développement politique et de son organisation nationale
7) Il faut que la Belgique soit évacuée et restaurée […]
8) Le territoire fiançais tout entier devra être libéré et les régions envahies devront être restaurées ; le tort causé à [a France* par ta Prusse en 1871 en ce qui concerne l'Alsace-Lorraine, préjudice qui a troublé la paix du monde pendant près de cinquante ans, devra être réparé afin que ta paix puisse de nouveau être assurée dans l’intérêt de tous
9) Une rectification des frontières italiennes devra être opérée, conformément aux données clairement perceptibles du principe des nationalités.
10) Aux peuples d'Autriche-Hongrie, dont nous désirons voir sauvegarder, et assurer la place parmi les nations, devra être accordé au plus tôt la possibilité d'un développement autonome.
11) La Roumanie, la Serbie et le Monténégro devront être évacués ; les territoires occupés devront être restitués ; à la Serbie devra être assuré un libre et sûr accès à la mer.
12) Aux régions turques de l’Empire ottoman actuel devront être garanties la souveraineté et la sécurité ; mais aux nations qui sont maintenant sous ta domination turque on garantira une sécurité absolue d'existence et la pleine possibilité de se développer d'une façon autonome ; quant aux Dardanelles, elles devront rester ouvertes [...]
13) Un Etat polonais indépendant devra être créé, qui comprendra les territoires habités par des populations indiscutablement polonaises, auxquelles on devra assurer un libre accès à la mer.
14) Il faut qu'une société générale des nations soit constituée, qui aura pour but d'offrir des garanties mutuelles d'indépendance politique et d'intégralité territoriale aux petits comme aux grands Etats.
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Le Déclin de l'Europe
Au lendemain de la guerre, l'Europe est ruinée. La France est particulièrement touchée. C'est un drame démographique : 1,4 million de morts, soit 14% de la population masculine de 14-10 ans. Quant à l'Allemagne, en 1919 elle est touchée par une crise sociale sans précédent. Les communistes pensent prendre le pouvoir à Berlin. Les Etats-Unis sont plus forts que jamais. Leur puissance est avant tout économique et financière : ils ont prospéré pendant que l'Europe se détruisait. Et 1919, l'équilibre des puissances européennes est détruit : il n'y a plus aucune puissance continentale. Les Britanniques commencent à se tourner de manière structurelle vers les Etats-Unis.
La tentative d’assurer la paix par la coopération.
Le traité de Versailles crée la Société des Nations, qui se veut un organe permanent de discussion. Dans le système international postérieure à 1919, deux principes prennent une place particulière: le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (qui est une condamnation du colonialisme, en pratique largement tempérée par le système des mandats, qui placent les anciennes colonies allemandes et les territoires orientaux de l'ancien Empire ottoman sous le contrôle certains vainqueurs); le principe du règlement pacifique des différends (le pacte Briand- Kellogg de 1928 interdit la guerre).
La, Société des Nations est d’abord porteuse d'un espoir de paix, que renforce l'entrée de l'Allemagne et de la Russie ; mais son action est entravée par l'absence des Etats-Unis, déjà ta première puissance économique, puis par la sonie de l'Allemagne. Son échec est patent dès l'affaire de l’Éthiopie en 1935, et la guerre d'Espagne en 1936.
Deux superpuissances : 1945-1989
Etat du monde en 1945.
Au lendemain de la seconde Guerre mondiale, le monde est profondément changé. L’Europe entière a souffert de la guerre. L’Italie est profondément touchée, du fait notamment de la guerre longue et difficile sur son sol (en particulier des destructions américaines). La France est très atteinte par quatre années d'occupation et une campagne de France qui a donné lieu à d'importantes destructions. L'Angleterre a souffert sur son sol de cinq années de bombardements. Quant à l'union soviétique, son sort n'est pas meilleur, mais sa force militaire est indéniable. L'Europe centrale et orientale s’apprête à connaître l'occupation russe pendant quarante-cinq ans. Les Américains sont plus forts que jamais. Ils se sont vraiment engagés dans la guerre : 30% du PIB ont été consacrés aux dépenses militaires, mais leur sol n’a pas été touché.
Les deux blocs.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, il apparaît assez rapidement que l'Europe est séparée en deux. Dès 1946, Churchill prononce son discours de Fulton, dans lequel il parle de «rideau de fer». La séparation apparaît comme consommée lors du coup d’Etat communiste de Prague en février 1948.
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La conséquence est la prise de conscience de l'ouest de la nécessité d’assurer sa sécurité. Le 4 mars 1947, un traité franco-britannique de défense commune est signé. Le 17 mars 1948, 11 est élargi à la Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg. Là est la base de ce qui donnera naissance à l'union de l'Europe occidentale. Suit de peu le pacte Atlantique (duquel est issue l'organisation du traité de l'Atlantique Nord, créée par le traité de 1949, qui prévoit une obligation
D’engagement militaire en cas d’agression d’un Etat, ce dont les Français ne veulent pas pour l'Allemagne).a l'Est également, il paraît nécessaire de s’organiser. C’est d’abord le cas économiquement : en réplique au plan Marshall, l'union soviétique conclut avec les démocraties populaires un traité instituant un conseil d'assistance économique mutuelle signé le 21 janvier 1949. La coopération est initialement limitée au secteur du commerce. Elle s'exprime dans des accords bilatéraux. Plus tard, elle s'élargit à la coordination des planifications économiques.
5) Depuis la chute du mur de Berlin :
1989-1991.
En décembre 1988, le président Gorbatchev annonce la liberté de choix pour les Etats de rester ou non membres du pacte de Varsovie. 1989 est l'année de la libération : en Pologne, c'est la constitution d'un gouvernement dirigé par Solidarité et, en Tchécoslovaquie, « la de Révolution de velours », en novembre a lieu la chute du mur de Berlin et en décembre la révolution en Roumanie En janvier 1991, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Pologne annoncent leur retrait du pacte pour le 1 juillet. La Bulgarie se retire en février lorsqu'il apparaît que le pacte est mort. L'Union soviétique reconnaît l'état de fait et le Pacte est dissous officiellement lors d'une réunion à Prague le 1er juillet 1991.
Les échecs des Etats Unis.
Une vingtaine d’années après, les échecs de l’unilatéralisme américains sont patents. Même lorsqu’ils interviennent directement, ils sont incapables d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. L’opération militaire en Somalie, en 1992, se termine par le retrait des américains, suivi de 15 ans de guerre. Le 11/09/2001 montre que les américains peuvent être atteints au coeur même des Etats Unis par des moyens inimaginables. Ils ne sont pas tout puissants, ou plutôt leur puissance militaire est incapable leur volonté, ce que rendent manifeste les échecs de la deuxième guerre d’Irak (2003).
Un monde multipolaire.
Multiplicité des acteurs. Il apparaît désormais clairement que les Etats-Unis ne sont plus la seule grande puissance. Ils ont perdu partiellement ce qui a fait leur force (pendant peu de temps) : la crédibilité lorsqu'ils invoquent les droits de l'Homme et la démocratie. La politique extérieure de Barack Obama, malgré ses réussites, ne suffit pas à la leur redonner.
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La Russie réapparaît sur sa scène internationale. Sa puissance militaire est encore grande, ainsi que sa sphère d'influence. Ses intérêts divergent de ceux des Etats-Unis, au Moyen-Orient (les affaires de Syrie et de Libye en 2011 l’on montré) et dans les Balkans. Le poids géopolitique de la Chine paraît également notable. Sa puissance économique est désormais évidente, sa puissance militaire également. Sa diplomatie la conduit à se trouver potentiellement en opposition avec les Américains.
Reste à savoir si l’Union européenne une quatrième puissance ? Forte de 500 millions d’habitants, elle est la première puissance économique, mais sa diplomatie commune reste embryonnaire et l’intégration militaire limitée.
Des modalités d'intervention différentes. Les relations internationales sont caractérisées par des traits nouveaux. D’abord l’éparpillement et l’éloignement des champs territoriaux d’intervention : Les Etats interviennent loin de leur territoire national Ensuite, les enjeux internationaux paraissent avoir une immédiateté malgré l’éloignement territorial : les conflits sont loin territorialement mais immédiats politiquement. La situation au Moyen-Orient est à cet égard révélatrice. Enfin, se sont multiplié les champs d’intervention non lies au territoire : la lutte internationale contre le terrorisme en est l'exemple.
III. Quelques théories des relations internationales :
1) jusqu’à la Première Guerre mondiale :
a) Les précurseurs :
Grotius (1583-1641).Il a rédigé un traité sut Le Droit de la guerre et de la paix. Pour lui « homme possède en lui-même un penchant dominant vers la vie sociale. ». Cela le conduit à ressentir « le besoin de se réunir, c’est-à-dire de vivre avec les êtres de son espèce, non pas dans une communauté banale, mais dans un état de société paisible, organisée suivant les données de son intelligence ». Grotius considère que l’Homme est naturellement porté à rechercher une vie paisible en collectivité. Il ne nie pas ce qu’il appelle la « débauché de guerre », mais selon lui, au-delà de la force, certaines lois existent et régissent les relations entre les puissances : « Certaines lois ont pu naître entre les Etats en vertu de leur consentement tendant à l’utilité, non de chaque association d’homme en particulier, mais du vaste assemblage de toutes ces associations. Td est le droit qu'on appelle le droit des gens. »
Thomas Hobbes (1588-1678). Il présente une doctrine des relations internationales dans le Léviathan. Hobbes estime que la nature a fait les hommes « égaux quant aux facultés du corps et de l’esprit », ce qui implique
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que chacun ait « une égalité dans l’espoir d'atteindre les mêmes fins ». L'état de nature est donc une lutte permanente de chacun contre tous, ce qui fait dire à Hobbes que l'homme est un loup pour l'homme. Parce qu'ils prennent conscience de ce danger permanent, les hommes cherchent à établir entre eux un contrat Social.
Passant ainsi à l'état politique, ils abandonnent leur droit de se battre les uns contre les autres, en échange de l'obligation de l'Etat de leur assurer la sécurité. En revanche, entre Etats il n’y a pas de contrat social. Les Etats sont comme les hommes à 1 état de nature. Hobbes écrit : « De même que parmi les hommes sans maître régné une guerre perpétuelle de chacun contre son voisin et n‘existe aucune sécurité, mais seulement une liberté pleine et absolue de chaque particulier, de même chaque République possède la liberté absolue de faire ce qu’elle juge le plus favorable à son intérêt ».
John Locke (1632-1704). Dans le traité du gouvernement civil, il défend une approche assez semblable à celle de Grotius. Pour lui, l'Homme à l'état de nature est en parfaite liberté, mais cette liberté est « un état de paix », de bienveillance d’assistance, et de conservation mutuelle ». Pour Locke, les Etats sont à l’Etat de nature. Mais, cet état de nature n’implique pas la guerre perpétuelle.
Jean Jacques Rousseau (1712-1778). Pour Jean Jacques Rousseau, à l’Etat de nature 1 Homme est naturellement bon. Dans le Discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité parmi les hommes (1755), il décrit l’homme à l'état de nature comme un bon sauvage, n’ayant guère de contact avec autrui, vivant seul, f se rassasiant sous un chêne, se désaltérant au premier ruisseau, trouvant son lit au pied du même arbre qui lui a fourni son repas, et voilà sa besoins satisfaits ». En revanche, lorsqu'il se trouve en contact avec autrui et décide d’établir une autorité commune, l'Homme perd sa bonté naturelle et se pervertit. Pour Rousseau, les Etats sont comme les hommes à l'état de nature, en ce sens au-dessus d'eux aucune autorité qui s'imposerait à eux. Toutefois, à la différence des hommes à l'état de nature, leurs relations les font se trouver en permanence en situation de conflit.
b) Les réalistes :
Traits généraux. La pensée des réalistes repose sur un certain nombre d’idées qui leur sont communes. Pour eux, les relations internationales sont dans un état d’anarchie. II y a état de guerre en permanence faute d'autorité centrale ayant pour finalité et pour mission d’arrêter la guerre. Les. Acteurs principaux des relations internationales sont les groupes de conflit. Depuis que les Etats-nations existent, ce sont eux, organisés sur une base territoire, qui sont les principaux groupes de conflit. Ces acteurs principaux dans les relations internationales sont des acteurs rationnels, car l'Etat s’incarne dans des chefs d’État qui déterminent leur politique étrangère. Les organisations interétatiques et les entités non étatiques ne sont pas des acteurs autonomes.
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La politique extérieure d'un État vise à satisfaire l’intérêt national et lui seul C’est la recherche de cet intérêt national qui fonde et justifie cette politique.' Lorsque I intérêt national ne peut pas être atteint par des moyens pacifiques.
Le recours à la guerre est un moyen légitime. Ce type d'analyse exclut que l’on juge la politique d'un Etat sur la base des règles éthiques applicables aux comportements individuels.
L'existence et l'effectivité du droit international et des institutions de coopération sont fonction de leur conformité aux intérêts des Etats les plus puissants
L’'équilibre des puissances est le seul mode de régulation susceptible d'assurer une stabilité internationale. Stabilité internationale ne veut pas dire paix, mais ordre précaire.
Kenneth Waltz (né en 1924). Les réalistes américains sont nombreux. Il n'est possible d'en mentionner que quelques-uns. Parmi ceux-ci, on compte Kenneth Waltz, qui se distingue de Morgenthau en ce qu'il attribue l'état de guerre permanent non à la nature humaine, mais à la structure anarchique du système international et/ou à la souveraineté de l'Etat comprise comme un absolu : « la guerre existe parce que rien ne l'empêche ».
Robert Gilpin(1930). Il intègre la dimension économique dans la théorie des relations internationales. Il la prend en compte en tant que telle, comme un élément pouvant expliquer les changements dans les capacités respectives des États. L'approche de Gilpin est très différente de celle de Morgenthau, pour qui l'économie n’était qu'un facteur utile du point de vue militaire, mais non une clef de lecture des relations internationales. Autre spécificité de Gilpin : pour lui, la stabilité internationale dépend d'un équilibre unipolaire, c'est-à-dire que c'est la présence d’une puissance hémogénique qui fonde la stabilité. Il prend comme exemple la pax Romana.
De manière générale Les réalistes débattent entre eux de l'intérêt national et du fait de savoir si tel ou tel élément de politique étrangère correspond à celui- ci. Les réalistes s'opposent ainsi au sujet de la politique américaine à l'égard d’Israël. L’idée dominante est que tout ce qui est de l'intérêt d'Israël correspond à l’intérêt national américain. Ceux qui veulent faire changer la politique américaine au Moyen-Orient essaient de montrer le contraire. Tel est le cas John J. Mearsheimer et Stephen W. Wait (Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, Là Découverte, 2007), qui défendent l’idée que le soutien à Israël est contraire à l'intérêt national américain. D'abord il coûte cher (Plus de 3 milliards de dollars par an).
Ensuite il n'est pas conforme aux intérêts américains dans la région :
1) Le premier intérêt américain est de protéger les sources d’approvisionnement en pétrole. Or, le soutien à Israël met les Américains en opposition avec tous les peuples de la région. Ce qui ne contribue pas à stabiliser ces sources d’approvisionnement ;
2) Le deuxième élément essentiel est d'empêcher la prolifération d'armes de destruction massive. Or, les Etats Unis laissent Israël se surarmer. Ce qui produit une réaction de peur du monde arabe et le pousse à l'armement. Donc c'est contreproductif.
3) Enfin, ils doivent combattre le terrorisme anti-américain. Or, le soutien à Israël donne un prétexte aux groupes terroristes qui, à tort ou, à raison, assimilent leur lutte à celle
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des palestiniens. Puisque, pour ces auteurs, le soutien à Israël est contraire à l'intérêt national américain, ils en déduisent qu'il faut changer de politique.
Raymond Aron (1905-1983). Très influencé par Clausewirz, Raymond Aron est avant tout un sociologue des relations internationales. Bien qu’il soit un réaliste, il se distingue des Américains en ce qu’il refuse de voir dans le concept d'intérêt national le concept unique sur lequel une théorie des relations internationales serait fondée.
Aron est particulièrement intéressant lorsqu'il affirme (ce que les réalistes américains ne peuvent guère comprendre que « la conduite extérieure des Etats n’est pas commandée par le seul rapport des forces ». Pour Aron, « idées et sentiments influent sur les décisions des acteurs ». Il n'est pas possible de faire abstraction du « régime intérieur, des aspirations propres aux différentes classes, de l'idéat politique de la cité ». Les valeurs portées par une société peuvent (et doivent) être prises en compte pour expliquer la politique étrangère d’un Etat.
c) Les libéraux :
Parmi les auteurs libéraux, on peut citer Alfred Zimmem, qui est l'auteur en 1936 de l'ouvrage The ligue of Nations and the Rule of Law. L’approche de Zimmem est résolument pacifiste et défend l’idée de1 Rule of Law, (l'Etat de droit), non seulement dans les Etats, mais dans les rapports entre Etats. Après l'échec de la Société des Nations, la Seconde Guerre mondiale et le déclenchement de la guerre froide, les doctrines libérales sont difficiles à défendre. C'est contre elles que Morgenthau réagit lorsqu'il insiste sur le concept de puissance. Néanmoins, quelques auteurs continuent de se situer dans cette lignée, notamment Hedley Bull, dans The Anarchical Society (1977).
Traits dominants. Les libéraux pensent que la guerre n'est pas dans la nature de 1 Homme. Elle est seulement la conséquence d'un programme politique :
« Elle n’est pas davantage un élément de la nature humaine que ne l'est l'adoption de 1 impôt sur le revenu », écrit Gilben Murray dans The Ordeal of This Génération, en 1929.
La coopération entre les est possible et nécessaire car les Etats ont des intérêts et des valeurs communs. Il faut coopérer et non lutter les uns contre les autres dans des vues impérialistes. Alfred Zimmem affirme ainsi l'existence d'un « corps politique mondial » dont tous les Etats sont membres. Hedley Bull, dans The Anarchtical Society, en 1977, considère que la société internationale est certes une société anarchique, mais que les Etats
« Sont conscient de certains intérêts et valeurs communs, sont liés par un ensemble de règles communes dans leur relations réciproques au bon fonctionnement d’institutions communes ».
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d) Les approches transnationales :
Des liens transnationaux. Un certain nombre d'auteurs partent de l'idée que les liens transnationaux sont des réalités qui ne concernent pas seulement les Etats, mais aussi les particuliers. Ces liens se renforcent d'eux-mêmes, notamment du fait du développement des réseaux de communication et il en découle une intégration. Dès 1916, Leonard Woolf écrivait dans International Gouvernement
« Le monde est si intimement uni et nous sommes si étroitement liés à nos voisins par les câbles dorés et argentés de la finance et du commerce, sans oublia les câbles téléphoniques et les rails da chanins de fer (...) que l'inadéquation du la conception de l'Etat indépendant et isolé est évidente». Les internationalistes, dans cette lignée, insistent sur le caractère réducteur d'une approche exclusivement stato-centrée.
Un auteur particulièrement important est James Rosenau. On parle parfois pour désigner son travail de « modèle de la turbulence » ou de « politique post- internationale ». Son ouvrage principal est Turbulence in World Poli tics, publié en 1989.
e) Samuel P. Huntington et le Choc des civilisations :
Pour Samuel Huntington, la donnée de base de la politique internationale, ce sont désormais les conflits entre groupes issus de civilisations différentes.
Ce critère a remplacé le critère idéologique qui prédominait pendant la guerre froide. Par ailleurs, même si les Etats-nations restent des acteurs majeurs, ils ne le sont qu'entend qu’ils appartiennent à une civilisation.
Quelles sont ces civilisations. ?
C’est là que l’analyse est la plus contestable. Pour Samuel Huntington, «une civilisation est une culture au sens large ». Ii n'y a pas de frontières précises, ni de début et de fin précis. Samuel Huntington donne une liste :
1) Civilisation chinoise.
2) Civilisation japonaise.
3) Civilisation hindoue.
4) Civilisation musulmane.
5) Civilisation occidentale (Europe, Etats- Unis).
6) Amérique latine.
7) Civilisation africaine
8) Civilisation orthodoxe.
La multiplication des conflits entre civilisations. Les conflits entre civilisations se multiplient, notamment parce que l’Occident prétend à l'universalité, et qu'il entre ainsi en conflit avec d'autres civilisations. Dans les zones frontalières, il y a une résurgence de conflits susceptibles de dégénérer par le soutien des États importants. C'est notamment le cas des. Conflits entre musulmans et non-musulmans (Samuel Huntington est obsédé par la guerre de Bosnie).
L'intérêt des Etats dominants est d'agir, non pour accentuer la violence, mais pour tenter d'arrêter ces guerres.
Amorce de solution. Pour Samuel Huntington, il existe une amorce de solution. Les occidentaux doivent comprendre que leur civilisation n'est pas universelle : on évitera une guerre globale si les dirigeants admettent que le monde est multi-civilisationnel et s’ils s’efforcent de coopérer en vue de maintenir cet état de fait. Samuel Huntington n'aspire pas à la guerre. Il tente de l'éviter et pense que cela est possible si l'on essaie de maintenir l’équilibre. Il s'agirait, en quelque sorte, d'un équilibre multipolaire, après l’équilibre bipolaire de la guerre froide