Cours de DROIT DU FAMILLE MAROCAIN.
Introduction général au Droit de la
Famille
Définitions :
On peut définir le droit de la famille comme suit :
l’ensemble des règles législatives, réglementaires et jurisprudentielles régissant :
la personnalité, le mariage, la fin de la vie maritale … bref, tout ce qui se
rapporte à la vie privée de la famille et les relations entre ses membres.
Le code de la famille est donc le corpus regroupant
l’ensemble des textes ayant trait à la vie privée en familiale des personnes.
La Moudawana est un terme d’origine arabophone repris dans
le langage juridique francophone pour désigner le code où sont rassemblées les
règles du droit de la famille.
Domaine du droit de la famille :
Le droit de la famille régit les matières suivantes :
·
La
personnalité du citoyen : l’identité, la capacité, l’émancipation,
l’incapacité et la tutelle ;
·
Le
mariage ;
·
Les
effets du mariage et les relations générées par celui-ci ainsi que les
relations parentales ;
·
La
filiation, l’adoption et leurs effets ;
·
La
dissolution du mariage : répudiation, divorce et décès ;
·
La
gestion des biens de la famille ;
·
La
succession ou le devenir des biens après le décès.
N.B. : au départ (avant les
nouvelles réformes), l’attitude judiciaire à propos de certaines affaires
touchant le domaine familiale était très perplexe. C’est le cas par exemple,
d’un arrêt de la cour suprême de 1977 qui excluait la Nafaqa du domaine du
statut personnel.
De
quel texte est formé le droit de la famille ?
Avant le protectorat, presque tous les domaines étaient
régis par les règles tracées par le rite Malékite sont évidemment le domaine de
la famille.
Avec le protectorat, de nouvelles règles ont vu le jour,
mais ce concernaient au début que les étrangers ce n’est que progressivement
que ces lois ont pu être appliquées au marocains excepté bien sûr le domaine de
la famille ; c’était la Moudawana ou coude du statut personnel (1957 -58).
N.B. : l’arsenal juridique dont
disposait le Maroc après l’indépendance était fort complexe :
·
D’un
côté, il y avait les codes hérités du protectorat : code civil,
commerciale, foncier, pénal, … ;
·
D’un
autre côté, il y avait l’unique code qui puisait ses règles directement dans le
droit musulman.
La
nouvelle Moudawana de 2004.
Après la codification de 1957-58, on a procédé à une
réforme en 1993 sous le règne de feu Hassan II et dont le mérite a été de
désacraliser la Moudawana.
Le mieux que l’on peut dire sur le nouveau code de la
famille élaboré sous le patronage de Mohamed VI, c’est qu’il a apporté plus de
clarté juridique que de véritables refontes et ceci tout en préservant et
parfois même en ressuscitant les préceptes originaux du droit musulman.
Les
matières formant le nouveau corpus
·
Chapitre
préliminaire : des dispositions
générales ;
·
Livre
I : le mariage ;
·
Livre
II : la dissolution du Mariage et ses
effets ;
·
Livre
III : la Procréation et ses
effets ;
·
Livre
IV : la Capacité et la Représentation
Légale ;
·
Livre
V : le Testament ;
·
Livre
VI : les Successions ;
·
Livre
VII : des Dispositions transitoires
et Finales.
Les
compléments en cas d’absence de
solutions dans la Moudawana
·
La
principale source est donc l’opinion dominante ou majoritaire
et/ou la jurisprudence constante dans le rite Malékite (art.400). il est
à noter que dans l’actuelle Moudawana et contrairement à l’ancienne, on fait
référence à l’Ijtihad contemporain.
·
Parmi
les sources complémentaires, on citera aussi les textes spécifiques
(comme le dahir de la nationalité).
·
Le
dahir de la Condition Civile des Etrangers (CCE) de 1913 étendu à
l’ensemble du Maroc par la loi d’unification de 1965.
·
L’usage
établi : on s’y réfère pour certains
cas : la dot de parité, la détermination des éléments constituant la
Nafaqa, l’empêchement au mariage pour cause d’allaitement, l’évaluation du vice
rédhibitoire …
·
Le
code de la Procédure Civile (C.P.C) : toutes les fois où la
Moudawana ne contient pas de réponses précises sur un problème procédural, on a
recours au C.P.C.
·
Le
Code des Obligations et des contrats (C.O.C) : quand les sources
susmentionnées font défaut, ce sont les règles du C.O.C qui doivent recevoir
application, mais avec circonspection, car le droit de la famille marocain
repose sur le principe de la prépondérance de l’ordre public.
·
Le
Guide : il est à signaler que le
législateur de la nouvelle Moudawana n’a pas prévu de code procédural
spécifique à son application. Cependant on a procédé à l’élaboration d’un guide
dans le but d’assister le juge de la famille dans son travail en rapprochant la
pratique judiciaire de la volonté du législateur.
La
juridiction chargée d’appliquer le droit de la famille (D.F) :
Sous l’ancienne Moudawana :
·
Le
tribunal du juge notaire (cadi taouthiq) : sont rôle était de contrôler
les actes adoulaires ; l’autorisation des demandes de répudiation ;
l’estimation des droits dus en cas de répudiation ; le contrôle des biens
des mineurs et incapables.
·
Les
chambres du statut personnel insérées dans les tribunaux de première instance
et qui connaissaient des actions portant sur la Nafaqa, la filiation, le
divorce judiciaire, les litiges conjugaux
Avec la nouvelle
Moudawana :
·
Seule
la juridiction familiale est compétente en matière de la famille. Il s’agit
plus précisément de chambres greffées aux tribunaux de première instance et
d’autres greffées aux cours d’appel et à la cour suprême.
Les
particularités inhérentes à l’application du D.F
En général, les lois sont appliquées selon le principe de
la territorialité qui veut que la loi d’un pays soit appliquée sur l’ensemble
du territoire national.
Ce principe a un double effet :
·
L’étendue
des textes ne dépasse pas les frontières nationales ;
·
Les
lois locales s’appliquent, sur pied d’égalité, aux autochtones et aux
étrangers. En d’autres termes, la personne est soumise aux lois de leur domicile,
de leur résidence, de leur lieu de passage…
I – Le conflit des lois :
Quand il s’agit de mariage conclu entre deux personnes de
nationalités identiques, le problème ne se pose même pas. Cependant, quand le
mariage est multiculturel ou mixte, le problème du conflit des lois se pose et
ce selon différentes manières : d’un côté, il y a les textes
multinationaux, d’un autre côté, le problème peut se poser entre les textes
tous nationaux.
A / Entre codes
nationaux :
Au Maroc, une importante congrégation juive a toujours
coexisté avec une large communauté musulmane majoritaire. C’est ce qui explique
la diversification des lois relevant du droit de la famille.
Depuis l’indépendance et jusqu’à la veille du nouveau code,
l’application du droit de la famille se faisait à la base du dahir de la
nationalité selon la manière suivante :
·
Pour
les marocains musulmans, c’est la Moudawana qui trouve application ;
·
Pour
les marocains juifs, on se référait aux coutumes hébraïques extraites de :
la Bible ; les Evangiles ; la Mishna ; le Talmud ; le
Minhag ; le Taqanot, sans oublier les juridictions israélites qui furent
mises en place au sein même des tribunaux ordinaires ;
·
Pour
les marocains non musulmans et non juifs (chrétiens, agnostiques …) :
durant le protectorat, on leur appliqué
le droit français, après l’indépendance, on s’est référé au dahir de al
nationalité (1958) et on a fait prévaloir la Moudawana en excluant les règles
relatives à la polygamie, la répudiation et celles relatives à la prohibition
pour case d’allaitement.
B / Entre codes
internes et externes :
Le principe de territorialité qui s’applique aux
différentes branches du droit est incompatible avec le droit de la famille à
qui on applique le principe de la personnalité qui veut que les règles du D F suivent
les ressortissants là où ils sont. Et par réciprocité, le D F national ne
s’appliques pas aux étrangers (allochtones).
Ce principe en vigueur depuis la promulgation du dahir de
1958 relatif à la nationalité s’est heurté à bien des difficultés :
·
Les
difficultés relatives à la puissance des pays ;
·
Les
difficultés dues aux conflits entre systèmes confessionnels ;
·
Les
difficultés d’ordre pratique dues au fait que les juridictions d’accueil ne
pourront jamais assimiler les détails des différents codes de familles des
allochtones ;
·
Les
difficultés dues à l’attachement psychique du juge à son droit national ;
Finalement, le droit international privé, longtemps
partisan du principe de la nationalité, a opté pour le principe du domicile
puis pour celui de la résidence, en matière des conflits des lois dans
l’espace.
C / En cas de
mariage mixte :
Ce genre de mariage a provoqué beaucoup de problème et a
compliqué le principe de la personnalité du droit. Parmi ces problèmes, on
retrouve ceux posés par l’exequatur des verdicts.
Avec la prolifération des mariages mixtes, le Maroc s’est
trouvé dans l’obligation de signer différentes conventions bilatérales
(conventions cadre, protocoles spécifiques) se rapportant au droit de la
famille.
D / En cas de
nationalité équivoque ou multiple :
Si le justiciable possède deux nationalités étrangères, il
est fait référence au principe de l’effectivité (la loi de al nationalité
effective).
Les
apatrides : sous l’ancienne
Moudawana, ils étaient soumis aux règles du dahir relatif à la condition civile
des étrangers (CCE) et qui donnait application au droit français.
Vu que
cette règle était incompatible avec la souveraineté de l’Etat, on a opté pour
le droit marocain.
Les
réfugiés : la ratification de la
convention de Genève en 1951 par le Maroc a fait qu’elle y soit appliquée. Par
ce fait, le réfugié est soumis au droit du domicile ; si, le cas échéant,
il n’a pas de domicile, c’est la loi de résidence, sinon, c’est la loi
marocaine (loi du juge) qui trouve application.
NB : le domicile stable (al
maoutine) est le lieu d’habitation habituelle et/ou le centre des activités,
des affaires et des intérêts de la personne physique. Par contre la résidence
est le lieu où réside de fait et de façon provisoire.
Observation : finalement, l’on peut dire que le droit
international privé a foncièrement changé de position et opte désormais pour la
territorialité du droit (la loi du juge).
E/ Choix de la
nouvelle Moudawana :
Influencée par la position du droit privé international
(loi du juge) et conformément au principe de la réciprocité, l’actuelle
Moudawana définit, dans son article 2, les différentes catégories auxquelles
s’appliquent les nouvelles dispositions :
·
Tout
marocain même portant une autre nationalité ;
·
Les
réfugiés et apatrides conformément à la convention de Genève ;
·
Les
couples dont l’un des époux est marocain ;
·
La
relation entre deux marocains dont un est musulman :
NB : la religion et la nationalité
sont, tous deux, les principaux facteurs qui déterminent les cas où la Moudawana
reçoit application.
Les cas où les relations familiales seront soumis à la
Moudawana :
·
Les
parties sont tous marocaines et musulmanes ;
·
Les
parties sont marocaines, une seule est musulmane ;
·
L’une
des parties est marocaine de confession musulmane, l’autre est étrangère de
confession musulmane ;
·
L’une
des parties est marocaine musulmane, l’autre est étrangère non musulmane ;
·
Les
parties sont étrangères, une au moins est musulmane ;
·
Les
étrangers se trouvant sur le territoire national en tant que : domiciliés,
résidents, réfugiés, apatrides, multinationaux …
II – Le mariage des marocains résidents à l’étranger M.R.E :
La nouvelle Moudawana, consciente de l’âpreté et de
l’impuissance des précédentes en platière de mariages des MRE conclus à
l’étranger, s’est contentée d’exhorter les ressortissants marocains de célébrer
leurs mariages devant les institutions marocaines se trouvant dans les pays
d’accueil, quitte à le faire en deuxième rang.
L’article 14 permet aux MRE de conclure leurs mariages
selon les procédures locales des pays d’accueil tout en respectant les
conditions suivantes :
·
L’échange
du consentement ;
·
L’aptitude
et la présence du tuteur matrimonial le cas échéant ;
·
L’absence
d’empêchements légaux ou d’annulation de la dot ;
·
La
présence de deux témoins musulmans ;
·
La
nécessité de prendre en compte les dispositions relatives au mariage du dément.
L’article 15 précise que les marocains ayant conclu un
mariage civil sont tenus, dans un délai de trois mois, d’en déposer la copie
auprès des services consulaires marocains du ressort desquels relève la
circonscription où a été conclu l’acte nuptial. Dans le cas où in n’y a pas de
consulat, la copie est envoyée, dans les mêmes délais, au département chargés
des affaires étrangères.
Une fois la copie déposée, les services concernés
transmettent ces données à l’officier de l’état civil et à la juridiction de la
famille du lieu de naissance des époux.
Si l’un des époux ou les deux ne sont pas nés au Maroc, la
copie est transmise au procureur du ROI du tribunal de première instance de
Rabat et à la juridiction de la famille de rabat.
III – L’exequatur :
Selon l’article 128 alinéas 2, les décisions rendues à
l’étranger, qu’elles soient judiciaires ou administratives, établies par des
agents de la fonction publique compétents, portant sur la divorce, la
répudiation, le khôl’e ou l’annulation peuvent trouver application sur le sol
marocain.
Cependant, l’exequatur est soumis aux conditions
suivantes :
·
Les
décisions doivent être prises par un tribunal compétent en la matière ;
·
Elles
prévues par la Moudawana en matière de dissolution matrimoniale ;
·
Elles
doivent être soumises aux procédures légales requises par le code de la
procédure civile (CPC) ;
·
Et
doivent être dotées de la mention officielle les rendant exécutoires
conformément aux dispositions du CPC.
En
somme, on peut dire que l’actuelle Moudawana rejoint le droit international
privé dans l’idée de la suprématie de la loi du juge.