quelle est la différence entre la responsabilité civile et pénale.
Les secouristes sont généralement assez peu familliarisés avec les notions élémentaires du droit. Pourtant le secourisme, comme toute activité humaine, peut entraîner d’une manière ou d’une autre la responsabilité de ceux qui la pratiquent, dans l’hypothèse où les opérations menées se passent mal. Bien que cela soit très rare, il n’est pas exclu, même pour un bénévole dans une association, de se voir un jour mis en cause du fait de son action. Aussi il est important de connaître les conséquences de ses actes, en termes de responsabilité.
Il existe deux types de responsabilité bien distincts : la responsabilité civile, qui vise à réparer un dommage subi par autrui, et la responsabilité pénale, dans les cas où il y a infraction aux dispositions pénales même en dehors de tout préjudice subi par un tiers.
La responsabilité civile
La responsabilité civile est l’obligation de répondre des dommages que l’on cause à autrui. Elle est de deux sortes :
- contractuelle : c’est l’obligation de la partie à un contrat de réparer le dommage qu’elle cause à l’autre partie,
- délictuelle : c’est l’obligation de réparer le dommage que l’on cause à un tiers.
Les buts de la responsabilité civile
La réparation du préjudice
La responsabilité civile vise plus à assurer la réparation du dommage au profit de la personne qui en a été la victime qu’à sanctionner celui qui a causé ce dommage.
Une large application
La responsabilité civile a une application plus large que la responsabilité pénale :
- elle s’applique dès qu’un préjudice est établi, en présence ou en l’absence de faute,
- elle n’est pas répressive (à la différence de la responsabilité pénale) mais réparatrice.
Possibilité d’une assurance
Le rôle des assurances est important en matière de responsabilité civile. Le recours aux assurances permet en effet une meilleure indemnisation des victimes et préserve le patrimoine personnel de la personne condamnée.
Les trois critères d’engagement de la responsabilité civile (préjudice, fait et lien de causalité)
Le préjudice
Le préjudice ou dommage peut être de trois types :
- matériel : il est causé aux biens ou au patrimoine de la victime,
- corporel : il est relatif à l’intégrité physique de la personne et comprend la douleur physique, le préjudice esthétique et la privation des plaisirs de la vie,
- moral : il découle d’une atteinte à l’honneur ou à la vie privée et peut aussi consister en la peine causée par le décès ou la déchéance d’un être cher.
Par ailleurs, le préjudice doit être certain, personnel et direct.
Il doit concerner un intérêt légitime juridiquement protégé : les demandes contraires à la loi, à l’ordre public ou aux bonnes moeurs sont rejetées par les tribunaux.
Le fait
On distingue trois types de faits générateurs du dommage :
- le fait personnel,
- le fait des choses (et des animaux) dont on a la garde,
- le fait d’autrui.
La responsabilité du fait personnel : le fait personnel est un acte, volontaire ou involontaire. Il peut s’agir d’une action ou d’une omission. Il doit consister en la violation d’un devoir imposé par le droit. Il suppose enfin la faculté de discernement.
La responsabilité du fait des choses (et des animaux) : le gardien de la chose est responsable si la chose a joué un rôle actif dans la réalisation du dommage, si elle en a été la cause génératrice. Est considéré comme gardien celui qui a les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction de cette chose.
Le gardien de la chose peut donc être différent de son propriétaire : la garde, qui en principe est exercée par une seule personne, peut en effet être transférée à une autre personne.
La responsabilité du fait d’autrui. Il existe plusieurs cas d’une telle responsabilité :
- le commettant est responsable des dommages causés par ses préposés dans les fonctions qu’il leur a confiées. Le commettant est celui qui exerce le pouvoir de direction, de surveillance et de contrôle. Pour que sa responsabilité soit engagée, il faut en premier lieu un lien de préposition, c’est-à-dire de subordination, avec le préposé. En second lieu, le préposé, qui est celui qui agit, qui remplit une fonction pour le compte du commettant, doit avoir commis un acte préjudiciable. Enfin, il faut un lien entre l’acte du préposé et l’exercice de ses fonctions ;
- les père et mère, en tant qu’ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables des dommages causés par leurs enfants mineurs ;
- l’Etat est responsable pour ses agents.
Le lien de causalité entre le fait et le préjudice
Un lien de causalité doit obligatoirement exister entre le fait générateur et le préjudice.
La responsabilité pénale
La responsabilité pénale est l’obligation de répondre des infractions personnelles à la loi.
Les buts de la responsabilité pénale
La sanction de l’atteinte portée à l’ordre public
La responsabilité pénale vise la sanction de comportements considérés comme des atteintes à l’ordre public. Elle ne vise pas la réparation du dommage causé à la victime.
Une application restrictive
La responsabilité pénale est d’application plus restrictive que la responsabilité civile du fait de son caractère répressif débouchant sur des peines privatives de liberté (emprisonnement...)
En conséquence, par application du principe de légalité des peines, la responsabilité pénale ne peut être engagée en dehors d’un texte légal érigeant en infraction le comportement qui fait l’objet de poursuites.
L’impossibilité d’une assurance
Les assurances ne peuvent pas intervenir en matière de responsabilité pénale à la différence de la responsabilité civile, puisqu’il n’est pas possible de se garantir contre ses propres infractions à la loi.
Les différentes catégories d’infractions pénales
Les contraventions
Ces sont les infractions les moins graves. Elles sont passibles d’amendes ou d’autres peines, comme la suspension du permis de conduire. Elles sont jugées par le tribunal de police.
Les délits
Ce sont les infractions intermédiaires. Les délits sont passibles d’emprisonnement jusqu’à 10 ans et d’autres peines, comme le travail d’intérêt général ou le sursis avec mise à l’épreuve. Ils sont jugés par le tribunal correctionnel.
Les crimes
Ce sont les infractions les plus graves. Les crimes sont passibles de réclusion jusqu’à perpétuité. Ils sont jugés par la cour d’assises.
Application au secourisme
La responsabilité civile
Le principe : la responsabilité de l’autorité d’emploi en tant que personne morale
En ce qui concerne la responsabilité de l’autorité d’emploi de son fait personnel : en cas de dommage causé par une structure de l’autorité d’emploi, c’est elle en tant que personne morale qui est responsable. Le fait générateur doit pour cela permettre d’établir un manquement certain de l’association ou de l’organisme concerné (carence grave d’organisation ou de fonctionnement par exemple).
En ce qui concerne la responsabilité de l’autorité d’emploi du fait d’autrui : en cas de faute d’un de ses bénévoles ou salariés, la responsabilité de l’autorité d’emploi sera engagée en sa qualité de commettant, le salarié et le bénévole étant considérés comme les préposés de l’association ou de l’organisme concerné, sauf en cas de faute personnelle du préposé.
L’assurance de l’autorité d’emploi interviendra pour couvrir la réparation du préjudice.
En ce qui concerne la responsabilité de l’autorité d’emploi du fait des choses : l’autorité d’emploi est présumée, sauf preuve contraire, avoir la garde des choses dont elle est propriétaire ou tout du moins gardien et donc la prise de responsabilité qui en découle.
L’exception : la responsabilité personnelle
En cas de faute grave de gestion ou d’agissements en dehors du cadre statutaire, la responsabilité personnelle d’un membre de l’autorité d’emploi, et notamment de ses dirigeants, peut être directement engagée.
Elle peut exonérer partiellement, voire totalement, la responsabilité de l’autorité d’emploi en tant que personne morale et par voie de conséquence les assureurs de l’association ou de l’organisme concerné.
Exonération
Il existe deux cas d’exonération de responsabilité : la force majeure (fait imprévisible, irrésistible et extérieur à l’auteur) et la faute de la victime elle-même.
La responsabilité pénale
L’importance de son caractère personnel
Contrairement à la responsabilité civile, en cas d’infraction commise par un membre de l’autorité d’emploi, c’est en principe la responsabilité pénale de celui-ci qui est engagée et non la responsabilité pénale de l’association ou de l’organisme concerné. La notion de commettant et préposé évoquée en matière de responsabilité civile ne joue pas.
Cela peut concerner « l’abus de confiance », c’est à dire le détournement de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque par rapport à l’usage qui devait en être fait, le non respect des règles d’hygiène et de sécurité ou encore la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou un règlement.
Cependant, depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, la responsabilité pénale de l’autorité d’emploi peut également être engagée, en cas d’infraction à la loi par l’association ou l’organisme concerné : dans ce cas, ce sera la responsabilité personnelle de la personne morale et/ou de son président ou directeur, en qualité de représentant légal, qui sera recherchée.
Notion de complicité
Engagent tout autant leur responsabilité pénale les « complices » d’une infraction, c’est-à-dire les personnes qui, sans réaliser elles-mêmes l’infraction, y contribuent pour une part déterminante, sans laquelle l’infraction n’aurait pas eu lieu. Ils peuvent y avoir contribué, soit en ayant exercé une autorité sur les auteurs de l’infraction, soit en ayant facilité leur action par une aide volontaire ou une assistance.
Quelques exemples
Exemple 1
Une association de sécurité civile s’est engagée auprès d’un organisateur de manifestation à tenir un dispositif préventif de secours pendant toute la durée la manifestation. Le moment venu, le chef d’équipe constate l’absence de l’un des équipiers prévu pour la mission, lequel est retenu chez lui du fait d’une maladie. Malgré tous ses efforts, il ne peut trouver un remplaçant avant le début de la manifestation. L’association de sécurité civile ne peut donc pas assurer le dispositif préventif de secours pour lequel elle s’était engagé. L’organisateur se voit contraint d’annuler sa manifestation et subit de fait un dommage important : défaut de recettes, dépenses préparatoires de la manifestation non couvertes, image de marque ternie, etc.
L’organisateur a subit un préjudice du fait de l’association et peut donc mettre en jeu sa responsabilité civile. Celle-ci sera couverte par son assurance. Il n’y a pas de responsabilité pénale, aucune infraction n’ayant eu lieu.
Exemple 2
En suivant une course cycliste, l’ambulance d’une association de sécurité civile franchit un feu rouge et renverse un piéton, lequel décèdera. Le chauffeur a alors le réflexe de freiner brutalement et les équipiers qui se trouvent à l’intérieur de l’ambulance, projetés en avant, sont légèrement blessés.
Le non respect d’une prescription du Code de la route est constitutif d’une faute pénale. Le chauffeur sera donc personnellement poursuivi et sanctionné. Le fait d’être à ce moment en mission pour une association de sécurité civile ne l’exonère en rien, et il n’aura pas la possibilité de faire appel à une assurance pour payer l’éventuelle amende à laquelle il sera condamné.
Par ailleurs, l’épouse et les enfants du piéton tué peuvent mettre en cause la responsabilité civile de l’association et celle du chauffeur. L’un et l’autre pourront appeler en garantie leur assureur.
Les secouristes blessés peuvent mettre en jeu, eux aussi, la responsabilité civile de l’association pour être remboursés des frais qu’ils auront eu pour se faire soigner et obtenir réparation d’éventuels dommages connexes. Ils pourraient également agir contre le chauffeur.
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